يا زَكيَ الدّينِ – Ô Zakî Al-Dîn (Poème)

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Les vers que nous présentons ici sont régulièrement chantés par les membres de la Tarîqah Mohammediyyah Châdhiliyyah en mémoire du très regretté Cheikh Mohammed Zakî Al-Dîn. Ils constituent à la fois un dhikr du disparu – qu’Allah lui accorde sa miséricorde – et une demande d’intercession.

Précisons que ces vers sont en réalité des extraits, remaniés pour l’occasion, d’un poème de ce dernier 1 dédié au connaissant (‘ârif), le « Poète du tawhîd » 2 le Seyyid ‘Abd Allah Chams al-Dîn « Abû-l-ahwâl » 3 auquel il était lié par un amour réciproque depuis sa jeunesse, en raison de leur rattachement mutuel à la Tarîqah Châdhiliyyah 4 .

M.L.B.

Jumadâ ath-Thânî 1435

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يا زَكيَ الدّينِ غمرت الدّينِ

بِنورِ مِنْ عِنْدِ اللهِ

Ô Zakî Al-Dîn tu as inondé le Dîn

d’une lumière venant 5 d’Allah

وَ ذَكَرْتَ وَ ذَكَّرْتَ الأَكْوانَ

و لَيْسَ الذاكِرُ كالاّهِ

Tu t’es souvenu (dhakarta) [d’Allah],  tu as fait se souvenir (dhakkarta) les êtres

et celui qui se souvient (dhâkir) n’est pas comme celui qui est distrait

فاذْكُرْني في جَنَّاتِ الخُلْدِ

فَإِنِّي مُنْقَطِعُ الجَاهِ

Souviens-toi donc (fadhkurnî) de moi dans les jardins de l’Éternité

car en vérité je suis déchu 6 de mon rang (jâh7

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Chanté par Sidî Mohammed Salah

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Autre version chantée par les fuqarâ de la Achîrah Mohammediyyah d’Alexandrie 8 comportant plusieurs couplets entre lesquels les vers traduits s’intercalent, comme un refrain,  avec une petite variante finale :

فاذكرنا عند رسول الله

فانكم انتم جاهي

Souviens-toi donc (fadhkurnî) de nous auprès de l’Envoyé d’Allah [ﷺ ]

car en vérité vous êtes, vous-même, mon honneur (jâhî9

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  1. Cette « reprise », dont il existe d’ailleurs plusieurs versions, suit une tradition bien établie du taçawwuf et de la littérature poétique arabo-islamique en général, témoignant de la vivacité de cet art jusqu’à nos jours et constituant, pour ceux qui en reconnaissent l’origine première, la marque d’un héritage poétique et/ou spirituel revendiqué consciemment. Sur l’usage de la poésie dans le taçawwuf, nous renvoyons aux remarques que nous avons faites autour de l’éloge au Prophète ﷺ .  []
  2. Connu principalement pour son poème Allah Akbar popularisé au moment de la nationalisation du canal de Suez et adopté ensuite comme hymne national de la Lybie par Khaddafî jusqu’à la chute de ce dernier en 2011, date à laquelle l’ancien hymne fut rétabli . On notera cependant que ce rétablissement n’est que partiel et, en même temps, symptomatique des tendances qui ont menée cette révolution dans la mesure où il omet le couplet en hommage au Roi de Libye Idriss Ier . En effet au delà de son titre royal, celui-ci fût aussi (et de manière beaucoup plus durable) le Cheikh de la Tarîqah Senoussiyyah succédant en droite lignée à son fondateur et cumulant de ce fait, le temps de son règne,  l’autorité spirituelle et pouvoir temporel. Pour finir, on notera en passant que le Roi Idriss 1er fut en contact direct avec la Achirah Mohammediyyah ainsi qu’en témoignent certains compte-rendus de visites parus dans la revue al-Moslem.) []
  3. Litt. : « Celui qui est doté d’états spirituels » : il s’agit du surnom (kunyâ) que lui a attribué le Cheikh Zakî al-Dîn lui-même. []
  4. Cf. Diwân Al-Baqâyâ’ du Cheikh Zakî Al-Dîn qui fournit par ailleurs de nombreux exemples de ce que nous évoquions dans la première note. []
  5. Litt. : « qui est auprès ». []
  6. Litt : coupé, retranché []
  7. Nous rendons ici très imparfaitement les derniers mots du vers dont le sens nous parait être le suivant : le poète demande ici l’intercession du disparu afin de rétablir le lien qui est intérieurement rompu avec les états supérieurs de son être, en d’autres termes il s’agit de la recherche d’une aide « d’en haut » en vue de la réalisation spirituelle effective en laquelle réside la dignité (jâh) ultime de l’homme, w’Allahu a’lam ! []
  8. Nous invitons nos lecteurs à écouter l’ensemble des enregistrements de leur compte You Tube Mâdih an-Nûr qui sont très qualitatifs et vivifiants wa-l-hamduli-Llah ! []
  9. Ou « ma dignité » ; on pourrait peut-être traduire plus librement : « mon être même », « mon esprit » ou encore « ma réalité spirituelle » ce qui constitue effectivement la plus haute conception qu’on peut avoir dans l’ordre initiatique du Prophète ﷺ et par conséquent du Cheikh réalisé ( ici en l’occurrence du Cheikh Zakî Al-Dîn). Cf. à ce propos la parole de Sidî ‘Alî Wafâ :  « Si tu trouves ton Instructeur réalisé (Ustâdhu-ka el-muhaqqiq), alors tu as trouvé ta Vérité (ou « ta Réalité essentielle »). Si tu as trouvé ta Vérité, tu as trouvé Allah auprès d’elle. Et si tu as trouvé Allah, tu as tout trouvé ! Le but consiste à trouver cet Instructeur. (Lawâqîh de l’Imam Cha’rânî (trad. M.A.S.) – Adab 109) » []

par le 24 avril 2014, mis à jour le 10 juin 2014