Biographie du Cheikh Ibrâhîm Al-Khâlîl Ibn Alî Al-Châdhilî

والحمد لله والصلاة والسلام على سيدنا محمد رسول الله وآله وصحبه ومن والاه

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A l’occasion du dhikr du rappel à Allah du Cheikh Seyyidnâ Ibrâhîm el-Khâlîl – qu’Allah soit satisfait de lui, le père et le Maître spirituel du Cheikh Mohammed Zakî al-Dîn, nous entamons la publication d’une traduction illustrée de sa biographie, d’après la présentation proposée sur le site de la revue Al-Moslem, que nous compléterons progressivement par quelques citations issues des ouvrages du Cheikh Mohammed Zakî al-Dîn (Al-Bayt el-Mohammedî, Al-Bidâyah … ), in châ Allah !

Maurice Le Baot

Deuxième dimanche de Jumadâ’ al-Awwal 1434

 V3 – 11 mars 2014

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Biographie du Cheikh Ibrâhîm Al-Khâlîl Ibn Alî Al-Châdhilî – Qu’Allah soit satisfait de lui

تعريف بسيدي الشيخ إبراهيم الخليل بن علي الشاذلي رضي الله تعالى عنه

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Description

« [Le Cheikh Ibrâhîm el-Khâlîl] correspondait de manière parfaite (tamâman) à la description [du Cheikh] Abû-l-Hassan al-Châdhilî : il était de grande taille, de bonne constitution, le teint ni clair ni foncé (mutawassit1, il portait le costume austère et rêche des gens de science (ahlu-l-‘ilm) d’al-Azhar, était majestueux et doué d’un grand charisme,  dissimulant ses nombreux actes d’adoration (‘ibâdât) ainsi que la multiplicité de ses prodiges (karâmât), il partageait, avec l’élite de ses disciples (khawwâçi-hi),  des secrets (asrâr) et des subtilités (nafahât) et les secrets n’ont pas de limites (lâ had lahâ). Personne ne connaissait sa réalité essentielle (haqîqati-hi) à l’exception de ceux qui sont restés dans sa compagnie durablement, ont patiemment reçu son éducation et ont perçu son ipséité cachée (mastûr huwiyyatihi) ». 2

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Portait du Cheikh Ibrâhîm Al-Khalîl paru en hommage dans la revue Al-Muslim (1951).

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نسـبه:

هو مولانا القطب العالم العارف المجاهد سيدي الشيخ إبراهيم الخليل بن علي الشاذلي، وهو صهر سيدي أبي عليان وزوج صغرى كريماته، التي بلغت درجة الولاية الكبرى مع صحـة الكـشف واستـجابــة الدعـــوة، وهي ( الزهراء فاطمة النبوية رضي الله عنها)، وهي دفينة ضريح المشايخ . ويتصل نسبه بالإمام الحسين من الأب، وهو من الأم صديقي بكري[…] .

Généalogie :

Il s’agit de Notre Maître, le Pôle, le Savant, le Connaissant, le Combattant, Seyyidî le Cheikh Ibrâhîm el-Khâlîl, fils de Alî le Châdhilî, il était le beau-fils de Seyyidî [Mahmûd] Abî Iliyâne et l’époux de sa fille cadette Al-Zahrâ’ Fâtimah Al-Nabawiyyah – qu’Allah soit satisfait d’elle – qui parvint au degré de la Sainteté suprême (al-walâyatu-l-kubrâ’), du dévoilement véritable (çahatu-l-kachf) et des invocations toujours exaucées (istajâbatu-d-da’wah) ; elle est enterrée en compagnie des Maîtres de la Voie (darîh al-machâykh3 . La lignée du Cheikh remonte par ailleurs à l’Imam Al-Hussein par son père et au calife Abû Bakr par sa mère […].

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Darîh al-machâykh : Tombeaux du Cheikh Ibrâhîm el-Khâlîl, du Cheikh Mahmûd Abî Iliyâne et de Seyyidah Al-Zahrâ’ Fâtimah Al-Nabawiyyah

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حـياته:

وكان من رجال الأزهر، وكبار دعاة الشاذلية الشرعيين، ولكنه لم يحترف العلم ولا التصوف، وكان مع التدريس والدعوة يتاجر في الحبوب والفواكه والأخشاب، وينفق على الدعوة، حتى ورث الغوثية الكبرى بعد ما عانى من الشدائد ما عانى في سبيل إصلاح التصوف من طريق أبي عليان إلى ابن ناصر إلى الرسول الأعظم صلى الله عليه وآله وسلم .

Sa vie :

Il était issu d’Al-Azhar et faisait partie des grands représentants réguliers de la Châdhiliyyah, [transmettant] la science et le taçawwuf sans jamais les altérer. A côté du temps consacré à l’enseignement et à la prédication, il faisait commerce des céréales, des fruits et du bois, dépensant ses biens pour l’Appel [à Allah], jusqu’à hériter de la station du Secours suprême (al-ghawtiyyatu-l-kubrâ), après avoir supporté les adversités, dans la voie de la réforme du taçawwuf, à l’instar du [Cheikh Mahmûd] Abî Iliyâne en passant par le Cheikh Ibn Nâçir [al-Dur’î] jusqu’à l’Envoyé suprême – qu’Allah prie sur lui et sa famille et les salue !

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Cheikh Ibrâhîm al-Khalîl al-Châdhilî réalisant le Pacte initiatique (‘ahd) avec un postulant à la Tarîqah

« Il ne plaçait sa main dans celle du murîd pour réaliser le Pacte initiatique (‘ahd) qu’après l’avoir scrupuleusement examiné (illâ ba’d ikhtibarihi) : cela pouvait prendre des mois ou des années car il voulait former des dirigeants (alqâdah) et non la foule du commun »4

جـهاده:

ثم انقطع نهائياً إلى الله بعد أن شارك في خدمة الدين والوطن، ورفض أن يجدد له الخديوي بيته المتواضع ببولاق مصـر، أو يقبل هدية قطعة أرض ( بشبرا بهتيم )، كما فعل شيخه وصهره أبو عليان،

Son effort (jihâd) [dans la Voie]

Puis il se consacra à Allah, après avoir contribué au service du Dîn et de la Patrie (Watan). Il refusa l’offre du Khédive de restaurer sa modeste demeure de Bûlâq au Caire ou encore le présent d’une parcelle de terre à l’exemple de son Cheikh et beau-père Abû Iliyâne.

وقد حقق النسابون أن قبيلتي الشيخ أبي عليان، والشيخ إبراهيم في الأصل أسرة واحدة هاجرت من جزيرة العرب، ثم أصبحت فرعين أحدهـما بالشرقية والثـاني بالصعيد .

[Par son mariage], il réunit [de nouveau] deux lignages [séparés] ; en effet les tribus du Cheikh Abû Iliyâne et du Cheikh Ibrahim n’en formaient qu’une à l’origine, qui émigra de la péninsule arabique puis se sépara en deux branches : l’une d’elle [celle du Cheikh Ibrâhîm] s’établissant à Charqiyyah (Nord-Est du Caire) et l’autre [celle du Cheikh Abû Iliyâne] dans le Ça’îd (Sud de l’Egypte).

وقد عاش رحمه الله بلا دعاوى ولا تهاويل ولا ادعاء التصرف في الكون، بل كـان متـواضـعاً، كأنه مريد مبتدئ مع عظيم قدره الديني والدنيوي .

Il vécut sans prétention, ni parure, ni revendication à « régir le cosmos » (taçrîf fî-l-kawn) 5 ; au contraire il était humble, tel un murîd débutant, malgré son immense valeur dans les affaires de la religion et de ce monde.

مصنفاته:

كان بالإضافة إلى مجالسه العلمية ومذاكراته مع إخوانه له عدة رسائل منها :

Son œuvre écrite :

Mises à part ses séances d’enseignement de science (majâlissahu-l-‘ilmiyyah) et ses échanges spirituels (mudhâkarât) avec ses frères, il écrivit de nombreuses épîtres parmi lesquelles :

1) هذا هو دستورنا ( من خصائص إخواننا في الله ) .

1 ) « Ceci est notre Charte (Dustûrunâ) » (Concernant les particularités de nos frères en Allah)

2) قانون الإخوان . وهما مطبوعتان ضمن كتاب ( البيت المحمدي ) .

2) « La Règle (Qânûn) des frères » – ces deux épîtres ont été intégrées à l’ouvrage « La Maison Mohammédienne »  (El-Bayt el-Mohammedî ») [du Cheikh Zakî al-Dîn]

 Lire un extrait du Qânûn sur les « Plaintes et punitions »

3) رسالة الإقناع . في الجمع بين الفقه والتصوف السليم على مختلف المذاهب .

3) « L’épître de la conviction » sur ce qui unit le fiqh et le taçawwuf sain (salîm) selon les différentes écoles (madhâhîb).

4) خلاصة التحقيق . وهما مطبوعتان في كتاب ( المرجع معالم المشروع والممنوع من ممارسات التصوف المعاصر ) .

4) Concis sur la réalisation spirituelle (tahqîq) – ces deux épîtres ont été intégrées dans l’ouvrage Le « manuel de référence » (Marji’) relatif aux fondamentaux du licite et de l’interdit dans la pratique du taçawwuf contemporain. [Une édition critique partielle de cet ouvrage a été publiée par le Cheikh Zakî Ad-Dîn sous le même titre. ]

5) شرح التعاليم العشر . وهي رسالة مخطوطة .

5) Commentaires des dix préceptes (Manuscrit)

وللشيخ رحمه الله شعر قليل جيد مبارك يشع من كلماته النور، تجد بعضاً  […] متناثر في دواوين الإمام الرائد المخطوطة والمطبوعة، وفي القديم من أعداد المسلم .

On doit aussi au Cheikh – que la Miséricorde d’Allah soit sur lui – quelques poèmes qu’on trouvera dispersés dans les recueils poétiques de l’Imâm Pionnier [Cheikh Mohammed Zakî Ibrâhîm] manuscrits ou publiés ainsi que dans d’anciens numéros de la revue Al-Muslim.

وكان للشيخ مقالات في الصحف والمجلات السيارة في عصره، ومن أشهرها مقالاته عن التداوي بالقرآن، وقد طبـع جــزء منها في الطبــعة الرابـعة من كتـاب ( الإسكات بركات القرآن على الأحياء والأموات ) للإمام الرائد ( مطبوع ).

Le Cheikh publia certains de ces discours dans les journaux et revues de son temps, et parmi ses propos les plus connus se trouvent ceux relatifs à la médication (tadâwî) par le Coran. Une partie d’entre eux a été reproduite dans la 4ème édition du livre La réduction au silence à propos de  la bénédiction du Coran sur les vivants et les morts l’Imâm pionnier [Cheikh Mohammed Zakî Ibrâhîm]

عبادته:

وكان ينقطع إلي الخلوة أحياناً طيلة شهر رجب وشعبان ورمضان، وأحياناً العشر الأواخر من رمضان فقط، وكان لقاؤه اليومي لزواره بعد العصر، ودرسه الديني بعد المغرب، ومجلس الذكر بعد العشاء وبعد الفجر، وما دون ذلك فهو خاص بعباداته ومراجعاته العلمية وشخصياته، لا يفرط في هذا النظام أبداً .

Ses œuvres d’adoration :

Il se consacrait à la retraite cellulaire en vivifiant l’ensemble des mois de Rajab, Cha’bân et Ramadhân et parfois seulement les dix derniers jours de Ramadhân. On pouvait lui rendre visite chaque jour après la prière du ‘açr. Il donnait des cours religieux après le maghreb et tenait une assemblée de dhikr après la prière du ‘ichâ et du fajr. En dehors de cela, il se consacrait à ses œuvres d’adoration, à ses lectures scientifiques ainsi qu’à ses affaires personnelles et jamais il ne dérogea à cet emploi du temps quotidien.

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En haut : Cheikh Ibrâhîm el-Khalîl invoquant Allah après la prière, en compagnie de murîdîn

En bas : Le Cheikh sa retraite (khalwah)

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دعوته ووفاته:

وقد سار على المنهج الذي تلقاه عن شيخه، وعمن بادلهم الأوراد والأذكار، من كبار الصوفية الواصلين في وقته، من كل مشرب وطريقة، فقد كان هدية الله إلى أحباب الله في عصره، حتى لقي ربه، وهو يستعد لصلاة ضحى ( ثاني يوم أحد من جمادى الأولى سنة 1365 هـ ) بعد نحو ستة وستين عاماً كلها في الله .

Sa prédication et sa mort :

Il suivait la méthode (minhâj) qu’il avait reçue de son cheikh dont il échangea la permission pour les litanies (awrâds) et les invocations (adhkâr) avec les autorités effectives6 du taçawwuf de son temps, toutes voies confondues (min kulli machrab wa tarîq) ainsi fut-il à son époque le présent d’Allah à Ses bien-aimés, jusqu’à ce qu’il retourne à son Seigneur, le deuxième dimanche du mois de Jumadâ al-Ûlâ de l’année 1365 de l’hégire (1946) après près de soixante six années entièrement vouées à Allah.

ودفن بضريح المشايخ بقايتباي القاهرة، وعند قبره وقبر شيخه وصهره وعمه الشيخ أبو عليان بقايتباي، يستجاب الدعاء، ويفيض المدد، ويكرم الله الزائرين، وكان أيضاً مجدد عصره في التصوف لا ينافسه في ذلك أحد من معاصريه .

Il est enterré dans le tombeau des Maîtres à Qaytbay au Caire, et auprès de sa tombe et de celle de son cheikh, son beau père et son oncle, le Cheikh Abû Iliyâne à Qaytbay, les invocations sont exaucées, le soutien spirituel (madad) fuse et Allah est généreux à l’égard des visiteurs. Il fût aussi le rénovateur de son époque pour taçawwuf sans égal, en cela, chez ses contemporains.

Al-Moslem

Présentation, ajouts et notes  du traducteur

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Cheikh Mohammed Zâkî al-Dîn Ibn Ibrâhîm al-Khalîl al-Châdhilî sous la photo de son père

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  1. Litt. de couleur « intermédiaire » ; la traduction de la description du Cheikh Abû-l-Hassan figurant dans la Durratu-l-Asrâr proposée par Luc de la Hilay indique que celui-ci « avait le teint mat (adam el-lawn) » ; si l’on tient compte du fait que le terme « adam » (qui renvoie au Prophète du même nom – sur lui la Paix)  désigne avant tout la couleur rouge, on pourrait peut-être aussi dire qu’il avait le  teint « cuivré » (Cf. à ce propos, « Quelques remarques sur le nom d’Adam » de René Guénon in Formes traditionnelles et cycles cosmiques). []
  2. Extrait de El-Bayt el-Mohammedî []
  3. C’est à dire en compagnie de son mari, dans la Zawiyah de Qaytbay []
  4. Extrait de El-Bayt el-Mohammedî. []
  5. Il s’agit de ce qu’on appelle aussi le taçarruf, selon M. Vâlsan « dans toute forme traditionnelle, les fonctions ésotériques se groupent d’une façon générale dans deux ordres qui correspondent à deux domaines initiatiques : l’un de ces domaines est celui de la réalisation spirituelle proprement dite, l’autre est celui de l’organisation et de la direction ésotérique du cosmos et de la communauté traditionnelle. Dans l’Islam, le premier domaine est celui des fonctions du Sulûk, c’est-à-dire de la « marche initiatique » conçue en vue de la pure réalisation personnelle, et le deuxième est celui du Taçarruf, c’est-à-dire du gouvernement ésotérique des affaires du monde. De ces deux ordres de hiérarchies dont les attributs et les caractères peuvent toutefois être cumulés, à un degré ou à un autre, par les mêmes initiés, le deuxième surtout comporte des catégories ésotériques spéciales selon les secteurs d’activité existants, avec des formes d’organisation et des moyens assez variés. C’est ainsi qu’en dehors d’une hiérarchie générale que réunit l’Assemblée des Saints (Dîwânu-l-Awliyâ), il y a des hiérarchies spéciales avec des « assemblées » correspondantes pour chacun de ces groupes ou de ces catégories ésotériques que comporte l’organisation du monde. » (Les derniers hauts grades de l’Ecossisme et la réalisation descendante in Études Traditionnelles – année 1953). []
  6. Litt ; ceux qui sont arrivés : al-Wâçilîn. []

par le 24 mars 2013, mis à jour le 27 mars 2014