« Connais Allah et ensuite sois comme tu veux ! » / « Choisis … de ne pas choisir » – Cheikh Abu-l-Hassan Al-Châdhilî

basmalah hamdalah MZI

والصلاة والسلام على سيدنا محمد رسول الله وآله وصحبه ومن والاه

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photo3

 

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« Connais Allah

et ensuite sois comme tu veux ! »

Cheikh Abu-l-Hassan Al-Châdhilî

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Commentaire

man arafa1

« Qui se connaît soi-même, connaît son Seigneur. » a dit le Prophète ﷺ .

 

Le Cheikh ‘Abd el-Wâhid Yahyâ – René Guénon commente ainsi ce hadith :

man arafa2

« Quand l’homme se connaît lui-même dans son essence profonde, c’est-à-dire dans le centre de son être, c’est alors qu’il connaît son Seigneur. Et connaissant son Seigneur, il connaît en même temps toutes choses, qui viennent de Lui et y retournent. Il connaît toutes choses dans la suprême unité du Principe divin, hors duquel, suivant la parole de Mohyiddin ibn Arabî : « Il n’y a absolument rien qui existe », car rien ne peut être hors de l’Infini » 1 .

Il indique ailleurs que celui « qui est parvenu à réaliser parfaitement l’unité […] est à lui-même sa propre loi » en précisant que « cette expression est empruntée à l’ésotérisme islamique : dans le même sens la doctrine hindoue parle de l’être qui est parvenu à cet état comme swêchchhâcharî, c’est-à-dire « accomplissant sa propre volonté » 2 .

C’est donc pour cette raison que celui qui connait Allah peut désormais « être comme il veut », à rebours de toute interprétation individualiste.

Cette conception est par ailleurs la seule à pouvoir justifier traditionnellement la fameuse – et trop souvent incomprise – devise de l’Abbaye de Thélème décrite par Rabelais dans son Gargantua : « Faictz ce que vouldras ». Cette interprétation est d’ailleurs confirmée par la dérivation linguistique du nom de cette Abbaye qui remonte au grec thélêma qui, dans le Nouveau Testament, désigne précisément la Volonté divine 3 .

 

De manière significative, Rabelais évoque dans son Tiers livre « le premier traict de philosophie, qui est CONGNOIS TOY« , célèbre formule issue de la tradition grecque que René Guénon rapproche du hadith précité, dans son article éponyme : « Connais-toi toi-même » 4 .

I'rif nafsaka bi nafsika

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« Si tu veux choisir,

choisis donc pour toi-même de ne pas choisir

puis soustrais-toi à ce choix

ainsi qu’au fait de t’en être soustrait ! « 

Cheikh Abu-l-Hassan Al-Châdhilî

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Commentaire

Cette seconde parole du Cheikh Abu-l-Hassan, d’apparence aussi paradoxale que la première, invite en réalité le murîd au même objectif : l’abandon de sa volonté propre qui constitue le cœur de la méthode châdhilie ainsi qu’en témoigne l’ouvrage spécialement consacré à ce sujet par le second successeur du Cheikh Abu-l-Hassan, Seyyidî Ibn Atâ’illah. On remarquera ici que le conseil donné par le Cheikh vise à amener progressivement le murîd à une prise de conscience du fait que ses choix individuels, sa propre capacité de choisir et même ne le fait de ne pas choisir relèvent ultimement de la Seule la Volonté divine. Ce conseil complète ainsi la première parole traduite qui insistait sur l’obtention préalable de la Connaissance effective d’Allah pour manifester ensuite, selon l’interprétation proposée,  Sa volonté.

W’Allahu a’lam !

M.L.B.

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ARTICLE THÉMATIQUE correspondant

GENERALITES SUR LA RÉALISATION SPIRITUELLE (TAHQÎQ, SULÛK)

V3 – 25 juin 2015

  1. « Connais-toi toi-même », article traduit de l’arabe, publié dans la revue El-Ma’rifah, n°1, mai 1931 []
  2. Le Symbolisme de la Croix, Chap. VIII : La guerre et la paix []
  3. Cf. par exemple le « Notre Père » repris de l’évangile de St Mathieu (6:10) : « Que votre règne arrive, que votre volonté (thélêma) soit faite sur la terre comme au ciel… ». Sur le caractère initiatique de l’oeuvre de  Rabelais cf. le compte-rendu de René Guénon sur Rabelais et les secrets du Pantagruel de J.-H. Probst-Biraben paru dans les Etudes traditionnelles d’avril-mai 1950. Notons que Abdul Hâdî Aguéli appelait l’auteur du Gargantua et du Pantagruel « Saint Rabelais » ! (« L’Universalité en Islam » in La Gnose – avril 1911). []
  4. On notera cependant que Rabelais ne semble jamais avoir envisagé, dans son oeuvre, la portée proprement métaphysique de ces enseignements ; à ce propos, Guénon indique dans le compte-rendu référencé supra : « les connaissances ésotériques dont il fait preuve appartiennent manifestement à l’ordre « cosmologique » et ne semblent jamais le dépasser ». []

par le 27 novembre 2014, mis à jour le 25 août 2015

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