Devoirs rituels – (Tarîqah Mohammediyyah Châdhiliyyah)

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«Et vous le considériez comme insignifiant (hayyinan), alors qu’auprès d’Allah c’est énorme ! (‘adhîm)»

وَتَحْسَبُونَهُ هَيِّنًا وَهُوَ عِنْدَ اللَّهِ عَظِيمٌ

– Coran –

 « Allahumma, en vérité je prends refuge en Toi contre le retrait après le don – اللهم إني أعوذ بك من السلب بعد العطاء ».

Allahumma, enlève Ta haine et Ta colère à notre encontre – اللهم ارفع مقتك وغضبك عنا

– Prières de demandes prophétiques –

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Les études et les recherches que nous avons menées, depuis une vingtaine d’années et de côtés divers, sur l’importance du Travail initiatique collectif au sein du Taçawwuf nous amènent à une conclusion unique, à laquelle la Tarîqah Mohammediyyah Châdhiliyyah ne déroge certainement pas : les réunions dans lesquelles les rites initiatiques sont pratiqués collectivement sont présentées comme importantes et centrales. Il n’est pas admis que l’on puisse les négliger et s’en abstenir sans raison valable.

Nous éditons à part le 5° des « Pactes mineurs », bien connus de nos lecteurs, en guise d’illustration.

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5° pacte

Tes oraisons en Allah

ومن عهد الله عليك أن تحافظ على وردك اليومي « تعبداً بالنهار، وتهجداً بالليل » مع بقية ما ألزمك الشرع من مفروض ومسنون وأدب

Tu t’engages en Allah à tenir ton oraison (wird) journalière «en guise d’adoration pendant la journée et comme effort spirituel pendant la nuit» tout en préservant le restant des prescriptions de la religion comme les pratiques obligatoires, les pratiques prophétiques et le bon comportement *.

ومن العهد عليك ألا تتخلف عن الاجتماع الأسبوعي، درساً وعبادة ورياضةً روحية بعد مغرب كل يوم أحد وكل يوم أربعاء بمجلس أهل الصفة، أو بالموعد الذي رتبه إخوان كل أسرة أو زاوية في ناحيتهم

Vous êtes tenus [par ce pacte] de ne pas vous absenter des réunions hebdomadaires – leçons (dars), pratiques d’adoration (‘ibâdah) et exercices spirituels (riyâdah rûhiyyah)- qui ont lieu à l’assemblée des « Gens de Suffah » le dimanche et le mercredi après la prière de Maghreb ou selon les horaires déterminés par chaque groupe dans leurs circonscriptions.

ومن العهد الأكبر عليك أن تحافظ بكُلِّ ما في وسعك على شهود الاجتماع الشهري العام بعد مغرب الخميس الثاني من كل شهر عربي بالدار المحمدية العامة ما دمت بالقاهرة

Vous êtes éminemment tenus (min el-‘ahd el-akbar) d’assister autant que possible à la réunion qui se tient après la prière de Maghreb le jeudi de la deuxième semaine du mois selon le calendrier arabe [de l’hégire] à la maison publique mohammadienne pendant votre séjour au Caire.

ومن العهد البالغ ألا يفوتك فضل الاشتراك الفعلي بشخصك وقلبك وأهلك مع مالك وجاهك في جميع لقاءات الدعوة الموسمية، خصوصاً في مؤتمرات إحياء ذكريات أئمتنا رضي الله عنهم، فالعهد على خدمتها أجل وأعظم سواء كنت بالقاهرة أو بالأقاليم.

Il est bien connu que vous êtes tenus (min el-‘ahd el-bâligh) de ne pas manquer la grâce de la participation effective (ichtirâk el-fi’lî) avec votre personnalité, votre cœur, et même la famille, en plus de votre bien et de votre pouvoir, à toutes les rencontres saisonnières de la Da‛wa, notamment dans les conférences consacrées à la commémoration de nos Imams –qu’Allah les agrée-. En effet, être au service de ces commémorations constitue l’acte le plus considérable et le plus vénérable, quelle que soit la durée ou la nature de votre séjour au Caire ou en province.

ومن العهد عليك ما دمتَ بالقاهرة أيضاً ألا تحرم نفسك بركة الاجتماع السنوي وزيارة أئمتنا في اليوم الثاني لعيدي الفطر والأضحى بالدار المحمدية لصلاة الظهر، ففي المحافظة على هذه الاجتماعات ما فيها من أثرٍ فعّالٍ في خدمة الدعوة وترقية الأخ، وعلاقته بالله وبالنّاس، ولا نستطيع التسامح في التخلف عن ركب الإخوان فيها لغير عذر قاهر، فربما كان في التخلف اعتباطاً سلب وطرد ومسخ باطني ومقت الهي »وَتَحْسَبُونَهُ هَيِّنًا وَهُوَ عِنْدَ اللَّهِ عَظِيمٌ

Enfin, vous êtes tenus, tant que vous demeurez au Caire, de ne pas vous priver de la bénédiction de la réunion annuelle et de rendre visite à nos Imams le deuxième jour de la fête de la Rupture (‘îd el-Fitr) et pour la fête du Sacrifice (‘îd al-Adhâ) à la « Maison mohammadienne », après la prière de dhuhr.
L’assiduité (al-muhâfadhah, c’est-à-dire le fait de se tenir) à ces réunions a vraiment une action effective sur le service de notre mission et aussi sur le processus d’élévation spirituelle (tarqiyyah) du frère et de sa relation avec Allah et avec les gens. Nous ne pouvons pas pardonner [tolérer, tassâmuh] l’absence à nos réunions sans excuse contraignante (‘udhr qâhir) ** : l’absence non motivée pourrait entraîner un dépouillement ***, un rejet (tard) , une déformation  intérieure (maskh bâtinî) et la haine divine (maqt ilâhî) ****

«Et vous le considériez comme insignifiant (hayyinan), alors qu’auprès d’Allah c’est énorme ! (‘adhîm)»

وَتَحْسَبُونَهُ هَيِّنًا وَهُوَ عِنْدَ اللَّهِ عَظِيمٌ

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Commentaire

* On appréciera comme il se doit, dans tout ce passage, l’importance qui est donnée à la participation aux activités collectives de la Tarîqah par rapport à celle de la pratique individuelle ainsi que l’insistance des formulations utilisées, sous la plume de Cheikh Zakî ed-Dîn, surtout dans sa conclusion. La présentation, par le détail circonstancié, des modalités des séances tenues au Caire ne peut en aucune manière remettre en cause ou faire oublier que l’esprit qui nourrit cette insistance, sans équivoque possible quant à son objet, est identique au sein même de l’Ijâzah de la Tarîqah où l’expression du Cheikh se fait dans une formulation normalement plus générale : « Nous attirons l’attention sur la nécessité de la fréquentation assidue à nos séances de science, rituelles et fraternelles, de sorte qu’on ne s’en absente qu’en cas de force majeure, car le soufisme tout entier est compagnie (çuhbah), aptitude à suivre l’exemple (qudwah) et lutte intérieure (jihâd, effort combatif). »

Cf., sur ces sujets (notamment l’assiduité, l’appréciation des excuses et les effets potentiels de ce qui est injustifié), le Commentaire de la règle 221 des Lawâqih de Charani et les Conditions générales concernant le rattachement et la participation à la branche française de la Tarîqah Mohammediyah Chadhiliyah :

« Rattachement et Pacte initiatique

Conformément à l’enseignement des Maîtres de la Voie : « El ‘ahd, ‘ahd Allah », « le Pacte initiatique est le Pacte d’Allah » ; or, quel que soit le domaine dans lequel il s’effectue, tout pacte implique une réciprocité.

Si (1) le rattachement consiste essentiellement à recevoir l’influence spirituelle transmise au sein de la Tarîqah, il doit être entendu qu’il consiste donc aussi, en des termes plus développés qui mettent en évidence l’aspect réciproque du Pacte en question, à prendre l’engagement au moins implicite envers Allah, Source essentielle et unique de la barakah transmise de Sa Part et sous Son Autorisation (idhn), de mettre en œuvre réciproquement cette influence pour la Connaissance de Sa Face et selon les moyens qu’Il met à la disposition du faqîr dans ce cadre ; ce dépôt, une fois reçu, est définitivement acquis, Allah –subhâna-Hu wa Ta’âlâ- « ne changeant pas Sa Parole », c’est-à-dire Son Pacte, dans le cas présent.

Ainsi conçu dans une perspective de recherche d’initiation effective, le rattachement à une organisation initiatique régulière (Tarîqah), même lorsqu’il s’effectue sans autre engagement que celui qui est rappelé ci-dessus (généralement appelé tabarrukan) n’est pas un acte unilatéral et sans conséquence ni implication pour celui le reçoit.

Rappel de quelques conditions importantes

(…) Le murîd (…) déclare également, au moment de son rattachement, connaître les règles, conditions (qawâ’id, shurût) et usages (âdâb) de la Tarîqah. Quel que soit le mode d’acquisition de ces connaissances, le murîd devra s’assurer que la compréhension personnelle qu’il en a est conforme à ce qui est effectivement enseigné et pratiqué dans la Tarîqah à laquelle il demande librement d’être rattaché ; il s’engage, au moins implicitement, à respecter les conditions et usages propres à celle-ci. (…)

Conditions concernant la participation aux différentes séances

La participation à l’ensemble des séances de Travail collectif est ouverte, par principe et par destination, à l’ensemble des fuqarâ rattachés dans le cadre de la Tarîqah.

Il est néanmoins précisé que cette possibilité ne constitue aucunement, pour celui qui prétend en bénéficier, un « droit » qui exclurait toute sorte de responsabilité et de réciprocité dans les rapports avec la collectivité et les membres de l’organisation initiatique en général, ainsi qu’il est habituellement compris dans une optique individualiste et profane.

La participation aux rites collectifs, ainsi d’ailleurs que tout autre engagement dans le domaine rituel initiatique, est une conséquence et une spécification, ici directement envers la collectivité, du Pacte primordial établi par le faqîr lui-même avec son Seigneur, lors de la transmission de la barakah.

En demandant à participer à un Travail collectif, le faqîr demande en effet, comme pour sa demande de rattachement, à participer en réalité à une grâce qui lui est providentiellement offerte par Allah, en réponse à sa demande initiale et à la mesure de sa quête spirituelle. Comme le faqîr s’est engagé, dans celle-ci, à se dépouiller de ses comportements individualistes, il s’engage ici, de même, à respecter notamment les modalités de formation, de déroulement et de dissolution de la collectivité (jama’ah) à laquelle il s’intègre pour le Travail en commun, lors des séances. La collectivité a, de ce fait et réciproquement, un réel droit initiatique sur lui, en tant que celui-ci est une spécification du droit d’Allah sur le faqîr, de lui faire respecter les règles propres à l’accomplissement des moyens rituels véhiculés par la Tarîqah en vue de la Connaissance de Sa Face. »

Notons ici, à propos de la manière dont ces aspects sont traités dans les deux références données ci-dessus, que l’Imâm Charani insiste principalement sur l’impact que peuvent avoir les manquements de l’initié sur la collectivité alors que Cheikh Zakî ed-Dîn met nettement l’accent, quant à lui, sur les éventuelles répercussions intérieures individuelles que peuvent avoir les manquements à la participation aux activités collectives. Qu’il nous soit permis de dire qu’à cette heure nous n’avons jamais vu aucun Maître insister avec tant de force ni de cette manière hormis Cheikh Zakî ed-Dîn ni, dans son oeuvre publique, d’autre sujet qu’il aurait traité ainsi.

** On peut donc certainement distinguer clairement l’excuse qui relève du simple choix personnel de ce qui relève de la contrainte (qahr).

*** Littéralement retrait, sulb, inverse de don, ‘atâ. L’auteur ne précise pas plus que dans l’invocation prophétique connue le domaine et la nature de ce dont il s’agit : « Allahumma, en vérité je prends refuge en Toi contre le retrait après le don, اللهم إني أعوذ بك من السلب بعد العطاء ». On peut néanmoins penser, en l’occurrence, qu’il puisse s’agir d’aspects personnels plus ou moins intérieurs (comme la suite du texte le confirme nettement) sans exclure tout ce qui concerne directement le déroulement même des réunions collectives.

**** Cf. l’invocation prophétique : Allahumma, enlève Ta haine et Ta colère à notre encontre, للهم ارفع مقتك وغضبك عنا

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ARTICLE THÉMATIQUE CORRESPONDANT

GÉNÉRALITÉS SUR LE TRAVAIL COLLECTIF

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par le 8 octobre 2015, mis à jour le 2 mars 2016

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