25 – Est-il envisageable d’être rattaché à une tarîqah alors que l’on n’est pas musulman ? – (M.A.S.)

*

Réponse 25

Cette possibilité semble absolument inenvisageable pour ce qui est de la règle habituelle sur laquelle s’accordent toutes les autorités connues.

Sous ce rapport, s’il est une condition minimale dont la réalisation est nécessaire pour obtenir un rattachement à une tarîqah, c’est bien celle-là. Il semble impossible qu’en son absence (surtout lorsque le prétendant n’exprime pas, a priori, la conviction que son entrée en Islam puisse, en elle-même, constituer un bien pour lui ou que l’initiation qu’on pourrait lui fournir puisse même présenter une possibilité quelconque de sulûk) on puisse alors envisager raisonnablement quoi que ce soit concernant ce domaine. Quand la démarche qui conduit à ce genre de considérations, même si elle se veut être uniquement intellectuelle au départ, exclut la compréhension et l’acceptation des conditions traditionnelles minimales qui permettent d’accéder à l’initiation au sein d’une forme religieuse telle que l’Islam, elle perd alors cette qualification d’intellectuelle pour ne plus devenir qu’une simple rêverie, sans issue régulière.

Ce cas n’est évidemment en rien comparable à celui où l’on aurait le même objectif, à savoir celui d’intégrer une tarîqah régulière, mais tout en reconnaissant a priori clairement l’intérêt d’entrer en Islam, même si cela s’accompagnait nécessairement de certaines contraintes exotériques spécifiques (surtout dans le cadre de vie occidental actuel), et la possibilité réelle d’un sulûk, même si celui-ci pouvait revêtir, dans les conditions cycliques actuelles, des aspects différents de ceux auxquels on pense « classiquement ».

Enfin, il va presque sans dire que même si l’appréciation finale de la qualification à l’initiation revient toujours ultimement à celui qui l’effectue dans le cadre d’une autorisation régulière, la condition minimale requise d’être musulman, dans ce contexte et dans l’optique d’un rattachement initiatique, dépasse en réalité ce qui serait uniquement acquis par la simple éducation reçue de parents musulmans ou ce qui pourrait seulement découler d’un engagement traditionnel dont on n’aurait pas apprécié entièrement la portée et les conséquences, et doit s’entendre avant tout de l’état de celui qui met en oeuvre un certain nombre de pratiques rituelles étayées par de profondes convictions dans les degrés de l’islâm et de l’imân, avec toute la conscience qu’implique nécessairement une orientation d’excellence (ihsân).

*

Nota Bene

Dans ce même ordre d’idées, et puisque l’occasion s’en présente, il apparaît intéressant de relever une modalité que l’on pourrait peut-être appeler « islamisation-surprise-par-rattachement » et qui n’est pas sans rappeler le « rattachement-par-surprise », déjà décrit à propos des aberrations qui peuvent se présenter « le long de la Voie »1

Il s’agit ici, face à la demande qui peut être faite réellement d’être rattaché sans avoir à devenir musulman (sic), de donner malgré tout à pratiquer le wird général de la tarîqah, ainsi qu’un certain Nom divin, pour finalement, si la personne concernée demande à entrer en Islam, lui dire qu’elle est déjà  » musulmane sans le savoir  » et qu’elle n’a donc qu’à entériner formellement les choses.

Sans faire ici, et pour l’instant, davantage de commentaires à ce propos (notamment sur le sort de ceux qui, tout ayant pourtant suivi exactement le même processus que les précédants, n’ont pas demandé ensuite à rentrer en Islam alors qu’ils seraient réputés « être déjà musulmans sans en avoir conscience » …) nous tenions néanmoins à mentionner aussi clairement que possible ce genre d’agissements pour en souligner le caractère particulièrement néfaste et subversif.

On peut, enfin, constater que cet exemple ne vient que confirmer une règle qui a été régulièrement soulignée sur ce site à propos des modes de manipulation qui peuvent s’établir dans une ambiance et dans une perspective plus ou moins sectaires : l’emprise, qui a pour but et pour effet d’établir ou de renforcer une sensation ou un état de dépendance et d’obligation sur lesquels on ne pourrait plus revenir, s’établit dans les tout premiers moments de la relation2.

V5 – 23 juillet 2011

La qualification de « subversif », que nous avons utilisée plus haut, n’est-elle pas déjà suffisamment justifiée quand on compare le processus normal qui consiste à devenir consciemment musulman puis à choisir librement ensuite une tarîqah parmi toutes celles qui se présentent et celui qui consiste à déterminer le choix de la tarîqah avant même de « devenir musulman sans le savoir », de telle sorte qu’il ne soit pas remis en cause ensuite ?

A moins que l’on entende justifier ces pratiques pour le moins acrobatiques de recrutement par l’utilisation de l’adage (déjà pourtant assez galvaudée dans les milieux où l’on a intérêt à mettre en avant la passivité de l’initié ou du prétendant à l’initiation !) selon lequel « ce n’est pas le disciple qui choisit sa tarîqah (ou son Cheikh) mais la tarîqah (ou le Cheikh) qui choisit le disciple » ?…

Cette fin de cycle n’a décidément pas fini de livrer ses surprises !

*

Accéder à la question précédente

  1. Note 24 de la version originale :  » il arrive que les disciples d’un Cheikh, persuadés de l’éminence plus ou moins « universelle » de la guidance offerte par leur Maître (et du bienfait certain qui résulterait de l’engagement de chacun à ses cotés…), produisent un objet lui appartenant, ou ayant été béni par lui – le plus souvent un exemplaire du Coran (mushaf) ou un chapelet (subhah) – et que ce faisant, après avoir proposé de le prendre en main, fassent comprendre que l‘on est alors en contact direct avec la barakah du dit Maître et qu’il ne reste plus qu’à régulariser sa position en formalisant son rattachement d’une manière plus conventionnelle (ce qui rejoint le rattachement « sous contrainte »). Selon cette « modalité » fort peu initiatique, on apprend alors, avec la plus grande surprise, que l’on a été rattaché, mais bien malgré soi … » []
  2. Note 15 :  » On peut d’ailleurs attirer très fortement l’attention sur le fait que le « contrat relationnel » qui servira de base à l’ensemble des « exactions » futures s’établissant toujours dans les tout premiers instants de la mise en relation avec le postulant (laquelle est plus ou moins « orchestrée » ou « mise en scène » à cet effet), celui-ci aura donc d’autant plus de difficultés à reconnaître ses erreurs accumulées, à les accepter et à s’en défaire qu’il sera avancé dans son intégration au groupe, le temps écoulé constituant évidemment aussi un facteur très aggravant.. » []

par le 5 juin 2011, mis à jour le 15 septembre 2015

Mots clés : , ,