Est-il nécessaire de personnifier un propos pour se faire comprendre ? – M.A.S.

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Plusieurs avis s’étant manifestés dans le sens de savoir contre qui étaient dirigés certains de nos travaux et s’ils visaient une personnalité ou une tarîqah particulières, nous trouvons nécessaire de faire une mise au point à ce sujet, bien que nous considérions que l’état des parutions éditées par Le Porteur de Savoir ne soit pas de nature, précisément du fait de la forme et du contenu actuels de celles-ci, à donner lieu à de telles préoccupations, tout ayant été fait de manière strictement impersonnelle ; mais n’est-ce pas ce point qui pose problème à certains de nos lecteurs ou, devrions-nous dire plutôt, à certains de ceux qui n’auraient pas lu, sur les sujets qui les intéressent, l’ensemble de nos parutions ou qui auraient alors manqué un peu d’attention ?

Nous voudrions tout d’abord rappeler, en effet, ce que nous pensions être une évidence : nous utilisons un mode d’expression qui, même s’il est loin d’être parfait et agréable dans la forme, nous semble être tout à fait traditionnel dans l’esprit. Il consiste à traiter de problématiques qui se posent dans un domaine quelconque de l’activité humaine de manière strictement impersonnelle alors que, dans bien des cas si ce n’est dans le cas général, il serait aisé de citer les noms des personnes concernées puisque c’est l’examen de leur situation qui donne justement lieu aux considérations en question. La nomination des personnes concernées n’a généralement à survenir, dans le cas général, que dans un cadre privé qui implique une identification de fait ou dans la mesure où les activités concernées sont de notoriété publique. Ces situations n’étant pas celles que nous évoquons dans le cadre de nos publications, il est donc impossible d’agir ainsi sans déroger à la pratique traditionnelle énoncée plus haut.

Notre démarche cherche à répondre à l’obligation d’ordonner le « bien-connu » et de défendre le « mal-défendu » (el-amr bi-l-ma’rûf wa-n-nahî ‘ani-l-munkar) tout en s’inscrivant strictement dans le cadre général du respect du droit sacré de tout musulman, tel qu’il est exposé clairement dans le hadîth en tant que base du droit personnel islamique dans son entier, visant à préserver « son sang (damu-hu), son bien (mâlu-hu) et son honneur (‘irdu-hu) ». C’est pourquoi nous procédons de telle sorte que ce qui est décrit puisse parfaitement être identifié par celui qui le met en oeuvre ou le soutient ainsi que par toute personne qui aurait à en faire le constat, tout en veillant à préserver l’identité des personnes concernées tant que l’objet de nos remarques n’a pas atteint le stade d’une reconnaissance publique avérée.

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Pour ce qui est de considérer ce qui nous revient plus particulièrement dans cette action, il nous importe également de dire que nous sommes d’autant moins enclin à agir différemment que nous percevons (et d’autres avec nous) les bienfaits d’une telle manière de faire. Nous avons non seulement pu constater, en effet, qu’avec le temps, certaines des anomalies sur lesquelles nous avions attiré l’attention avaient été corrigées, même partiellement, par les personnes même chez lesquelles nous les avions constatées mais aussi qu’elles avaient été reconnues dans des contextes que nous ignorions totalement.

Quant à la question de savoir à propos de qui ou contre quoi nous nous exprimons, nous répondons qu’il s’agit de nous-même, en premier lieu et comme il convient de le faire. Par ailleurs, et comme nous l’avons également indiqué très clairement déjà « Nous aimons (nahnu nuhibbu) toutes les organisations initiatiques régulières, quelle que soit la différence des tendances (machârib), des méthodes et des noms, (…). De même, nous aimons tous les Maîtres des organisations initiatiques régulières (et-turûq ech-char’iyah), vivants ou morts. Nous cherchons d’eux la bénédiction (natabarrakû bihim) tant qu’ils s’évertuent dans le domaine de la Da‘wa vers Allah loin des préjugés, des innovations et des apparences ».

Par ailleurs, les raisons pour lesquelles nous avons été amené à transmettre sur Le Porteur de Savoir un certain nombre de données traditionnelles sont diverses et les appréciations que nous pouvons avoir nous-même de telle situation ou de la position de telle ou telle personne n’ont pas, selon nous, à être ici prises en considération, pour la même raison que précédemment, à savoir l’importance incomparable de ce qui est transmis au regard de celui qui le transmet. De plus, il doit être bien entendu que cette transmission ne s’accompagne pas, de notre part, de considérations personnelles qui consisteraient à indiquer comment pourraient se faire précisément les applications méthodiques et/ou disciplinaires que l’on pourrait tirer des données en question.

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Ceci étant dit, de deux choses l’une : soit l’argument qui est proposé n’est pas recevable parce qu’il manque de fondement traditionnel, soit il l’est. Peu importe, alors, qui l’a énoncé, à qui il est adressé et qui est concerné mais uniquement que ce qui peut être compris, corrigé ou restauré le soit et que ce dont il est question soit identifiable par toute personne concernée ou qui pourrait l’être, indépendamment de critères personnels dont l’importance est évidemment sans commune mesure avec ce qui est d’ordre authentiquement initiatique.

C’est pourquoi nous demandons instamment à nos aimables et sincères lecteurs de bien vouloir se tenir à cette conception et ne pas voir nécessairement, dans nos articles, une intention particulièrement dirigée vers tel cheikh ou telle tarîqah. Si leur réflexion les amène à s’étonner que l’on puisse envisager telle ou telle attitude méthodique ou disciplinaire plus particulière que celle qui est en usage habituellement, nous leur proposons également de se demander, ultimement et plutôt que de nous attribuer une quelconque responsabilité à ce sujet, comment il se fait que les conceptions en question aient été exposées par des Maîtres réguliers de la Voie, parfois depuis plusieurs centaines d’années, c’est-à-dire dans des contextes dont nous ignorons très généralement tout de l’identité des personnes alors concernées et dont on peut néanmoins être sûr qu’ils ne concernaient nullement la position de tel cheikh contemporain.

A titre d’exemple et pour illustrer ce dont il s’agit, nous nous permettons de citer ici ce que nous avons récemment rappelé à propos des données présentées sur Le Porteur de Savoir au sujet de la raréfaction ou de la disparition des Maîtres éducateurs :

  • « Rappelons à ce propos et pour mémoire1, qu’il n’est aucunement question pour nous de rejeter évidemment l’idée que tout maître légitime de la Voie puisse revendiquer pour lui-même et selon les autorisations initiatiques régulières dont il dispose à titre nominal, de diriger la tarîqah dont il est responsable de manière à faire valoir et respecter une fonction d’éducation spirituelle (irchâd, tarbiyah) qui prendrait appui sur la réalité de son propre degré de réalisation spirituelle. Chacun, en ce domaine comme en bien d’autres, est responsable devant Allah (subhâna-Hu wa ta’âlâ), les Anges (‘alayhim es-salâm), le Prophète (‘alayhi es-salâtu wa-s-salâm) et les Maîtres de la Voie (radiy-Allah ‘anhum ajma’în) de ce qu’il avance et met en œuvre ou exige des prétendants au sulûk ; les droits et les devoirs du cheikh persistent tant qu’ils sont réguliers.
  • Il n’est pas, non plus, question de dire que tout murîd pourrait se passer ou se dispenser pour autant, quand il constate l’absence d’un Maître murabbî, des dispositions méthodiques et disciplinaires formelles d’ordre général qui existent habituellement dans toute tarîqah régulière et qui constituent la majeure partie des moyens initiatiques que tout murîd sincère et qualifié peut être amené à mettre en œuvre dans sa quête ; les droits et les devoirs du murîd persistent également tant qu’ils sont réguliers.
  • Mais il n’est pas davantage question de laisser croire ou affirmer qu’aucun Maître de la Voie ne se serait jamais prononcé sur les possibilités initiatiques réelles qui s’offrent au même prétendant en cas de raréfaction ou de disparition extérieure des Maîtres éducateurs, ou que ce que ceux-ci ont effectivement dit à ce sujet n’aurait pas à être pris en considération dans des conditions cycliques qui sont, pourtant et de l’avis général, les plus proches des pires de celles qu’ait jamais connu l’humanité tout entière. »

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Nous espérons donc que ces quelques précisions suffiront, in châ Allah, à faire comprendre que notre position est uniquement basée sur la volonté déterminée de transmettre aussi fidèlement que possible un certain nombre de données régulières qui nous sont apparues inconnues, incomprises, voire relativement détournées de leur signification originelle et qu’il était de notre devoir de leur donner la place qu’elles nous semblaient mériter dans les temps actuels, chacun ayant ainsi la possibilité d’apprécier au mieux ce qu’il conviendrait d’en comprendre et d’en tirer comme applications ; quant à ceux qui n’auraient pas la justesse d’apprécier ainsi nos activités, qui nous tiendraient des procès d’intention, qui nous feraient dire ce que nous n’avons pas dit ou porter une responsabilité qui n’est pas la nôtre, nous ne sommes aucunement concernés par leurs avis ni par leurs conclusions.

Et c’est Allah qui ouvre les cœurs.

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  1. Nous nous sommes déjà largement exprimé sur ce point []

par le 1 juin 2013, mis à jour le 9 juillet 2015

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