L’influence initiatique (barakah) du Maitre fondateur
Cet article est issu de notre étude intitulée « Commentaire de la prière sur le Prophète » de la Lumière Essentielle » (en-Nûr edh-dhâtî), dont la dernière version au format PDF est disponible sur le Porteur de Savoir
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L’influence initiatique (barakah) du Maitre fondateur 1
remarques préliminaires à l’étude du Sceau châdhilî
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Nous avons fait remarquer précédemment qu’à l’instar de tout rite, la Prière sur le Prophète est constituée d’un ensemble de symboles « mis en action » 2 . A ce propos, nous rappelions que les symboles, en outre du point d’appui à l’intuition intellectuelle qu’ils sont essentiellement, servent de « supports » à l’influence spirituelle (barakah) dont les rites sont le véhicule. Cette notion de barakah, tout à fait courante pour les musulmans qui l’emploient quotidiennement à travers les formules traditionnelles d’usage 3 , mérite d’être précisée dans le cas où elle est attribuée à des individus, et pour ce qui nous concerne plus directement au Cheikh Abû el-Hassan Châdhilî 4 .
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Selon Cheikh Mustafâ ‘Abd el’Azîz Valsân, « la barakah est au sens général un « influx subtil de prospérité » qui peut provenir du « ciel » ou de la « terre » : « …Des barakât venant du Ciel et de la Terre » 5 . Dans un sens plus précis, c’est une influence bénéfique que des êtres spirituels, ou des lieux et des objets sacrés, ou encore des rites et des circonstances traditionnelles, peuvent attirer et répandre d’une façon naturelle par affinité. La présence des influences spirituelles favorise une prospérité d’état correspondant, chez tous ceux qui en sont réceptifs ; mais l’immixtion de quelque élément hétérogène ou hostile peut contrecarrer cependant leurs effets normaux » 6 . Considérant dans la note hébergeant cette définition qu’il n’était « pas opportun de traiter ici d’un autre sens plus technique de ce terme, comme par exemple celui d’ « influence spirituelle d’initiation », où cependant il y aurait à faire encore quelque distinction », Cheikh Mustafâ laissait dans l’ombre l’aspect de la question qui nous intéresse précisément ici.
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Qualifiés de mubârak (chargés d’influences spirituelles) ou de « bénis » par Allah (bârak-nâ) dans le Coran, certains « supports » d’ordre corporel concentrent l’influence spirituelle de source divine dans notre monde 7 . Si les lieux de pèlerinage, les tombeaux et les reliques des saints sont des exemples relativement bien connus de ces « condensateurs » de barakah 8 , nous pouvons y ajouter ici le Sceau du Cheikh Abu el-Hassan, en précisant néanmoins que celui-ci « incorpore » une influence spirituelle d’ordre « initiatique », c’est-à-dire agissant dans son domaine propre pour « produire, d’une manière immédiate ou différée, des effets relevant également de l’ordre spirituel même », contrairement à d’autres influences spirituelles pouvant produire des effets dans un ordre inférieur, comme dans le cas des collectivités religieuses où l’influence « descend » dans le domaine individuel pour y exercer son action 9 .
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Cette influence spirituelle initiatique, « une quant à son essence et quant aux fins en vue desquelles elle agit » 10 , mais différente « quant aux modalités plus ou moins spéciales suivant lesquelles elle exerce son action », nous conduit à envisager plus spécialement le cas des êtres-supports de barakah, dont les prototypes coraniques sont les Prophètes Noé, Abraham, les « Gens de sa maison », Isaac et Jésus 11 .
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Pour saisir comment « les influences du « monde d’en haut » sont transmises au « monde d’en bas » 12 à travers ces êtres tout à fait exceptionnels, il faut se référer à la doctrine ésotérique selon laquelle chaque Prophète ou Envoyé divin est déjà, préalablement à son investiture, un Saint (walî) parfaitement réalisé dans « la station la plus élevée (maqâm el-Asnâ) ». Dès lors qu’un tel être, « chargé de toutes les influences spirituelles inhérentes à son état transcendant », est « missionné » par Allah pour accomplir à l’égard des autres créatures la fonction qui lui incombe, il devient « le « véhicule » par lequel ces influences sont dirigées vers notre monde » 13 . Selon Guénon, « la face intérieure [de cet être] est tournée vers el-Haqq, et la face extérieure est tournée vers el-Khalq ; et l’être dont la fonction est de la nature du Barzakh doit nécessairement unir en lui ces deux aspects, établissant ainsi un « pont » ou un « canal » par lequel les influences divines se communiquent à la création » 14 .
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Pour ce qui concerne notre sujet, il faut maintenant savoir que certains Saints parfaits « arrivés » chez Allah, sans être ni Prophètes ni Envoyés, sont néanmoins « renvoyés » dans notre monde pour y accomplir une fonction déterminée, analogue à la Nubuwah ou la Risâlah en tant qu’elle est dirigée vers les créatures, mais plus restreinte dans ses prérogatives et d’un moindre degré d’universalité. Chargé de « préserver et vivifier la loi [mohammedienne] existante, ainsi que de guider et diriger les créatures vers Allah » 15 , ce Saint « élève les aspirations des créatures pour la Recherche la plus excellente et la Station la plus sainte, les faisant désirer ce qui se trouve chez Allah, tout comme l’avait fait l’Envoyé d’Allah – qu’Allah prie sur lui et le salue – par la propagation de son message » 16 ; la fonction dévolue à ce Saint, appartenant par sa typologie spirituelle à la catégorie des Héritiers (wârithûn) 17 , consistera donc essentiellement à exercer, pour le mandat qu’il lui est donné d’accomplir, ce rôle de « pont » ou de « canal » par lequel la barakah de source divine sera transmise à la création.
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Il est dit par ailleurs qu’Allah attribue à l’Arrivant (wâçil), avant de le « missionner » et en vue de sa fonction de guidance, les qualités (çifât) par lesquelles il devra être « héritier ». Certains « arrivent » ainsi à un Nom de l’Essence (Ism Dhatî) tandis que d’autres « arrivent » à Allah sous le rapport du Nom qui les a rattachés (méthodiquement) à Lui 18 ; ce Nom peut être une qualité d’Action (cifâtu Fi’lin), d’Attribut (çifâtin) ou de Transcendance absolue (Tanzîhin) ; or « dans chaque cas, l’être sera selon ce que confère la vérité propre du Nom divin correspondant : c’est sous le rapport de cette vérité propre que sera sa « boisson » (machrab), son « goût » (dhawq), sa « surabondance » (raï) et sa réalisation (wujûd) […] » 19 . La barakah de ce Saint parfaitement réalisé est donc l’expression de la Barakah unique d’Allah, dont il est le support théophanique d’aspects plus ou moins universels, ou de « Noms divins » plus ou moins spécialisés comme nous venons de le voir et comme nous l’avions déjà expliqué dans nos précédents articles sur les Noms. On notera incidemment sous ce rapport le récit hagiographique édifiant de la « nomination » du Cheikh Abû el-Hassan ; celui–ci demanda en effet : « Ô mon Seigneur, pourquoi m’as-tu nommé el-Châdhilî, alors que je ne suis pas du village de Châdhilah ? », et on lui répondit : « Ô ‘Alî, je ne t’ai pas appelé par le nom el-Châdhilî. Et en vérité, tu es « châdhdhoun» (=isolé solitaire) « lî » (=pour Moi), c’est-à-dire que tu es dédié exclusivement à Mon Service et Mon Amour (lî khidmatî wa mahabatî) 20 .
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Le « Saint-Parfait renvoyé », qui apparait fonctionnellement aux initiés de sa Tariqa comme Cheikh Kâmil, est donc de son vivant à la fois le « véhicule » par lequel l’influence spirituelle initiatique guide le travail de l’aspirant (murîd) et la Voie que celui-ci doit suivre pour parvenir au But du Sulûk, dont le processus apparait dès lors symboliquement comme la « remontée du courant » de l’« eau bénie descendue du Ciel » 21 et « transportée » par la fonction de « canal » dont nous venons de parler. Après la mort de ce Cheikh, son influence spirituelle s’exerce encore à travers l’usage des rites qu’il a institués 22 , rites dont la forme sensible se substitue à celle qui lui permettait d’être, de son vivant et par sa modalité corporelle, l’extrémité inférieure du « canal » véhiculant la barakah 23 . Pour espérer tirer profit de son influence initiatique, il faudra donc que celui ayant reçu l’autorisation de pratiquer les rites en question, par le Cheikh lui-même ou à travers une chaine de transmission (silsilah) régulière ininterrompue remontant jusqu’à lui, « mette en action » les symboles traditionnels conformément à la technique « rituelle » correspondante 24 .
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Le cas de figure qui vient d’être évoqué est celui où, « dans certaines écoles d’ésotérisme musulman, le « Maître » (Sheikh) qui fut leur fondateur, bien que mort depuis des siècles, est regardé comme toujours vivant et agissant par son « influence spirituelle » (barakah) ; mais cela ne fait intervenir à aucun degré sa personnalité réelle, qui est, non seulement au delà de ce monde, mais aussi au delà de tous les « paradis », c’est-à-dire des états supérieurs qui ne sont encore que transitoires » 25 . Ainsi, comme le précise Guénon à propos des turûq qui « ne sont plus dirigées par un véritable Sheikh capable de jouer effectivement le rôle d’un Maître spirituel« , la fonction d’enseignement demeure cependant assurée par l’influence spirituelle du Cheikh fondateur, considérée comme un aspect du principe transcendant à l’action duquel le travail rituel offre un support, influence qui du reste « peut fort bien, tout au moins pour des individualités particulièrement bien douées, et en vertu de ce simple rattachement à la silsilah, suppléer à l’absence d’un Sheikh présentement vivant » 26 .
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Rappelons enfin, relativement à la doctrine des noms que nous avons évoquée à maintes reprises dans cette série d’articles, que le travail au sein de l’organisation initiatique dont il est le Maitre fondateur est toujours accompli « « au nom » du principe spirituel dont elle procède et qu’elle est destinée à manifester en quelque sorte dans notre monde. Ce principe peut être plus ou moins « spécialisé », conformément aux modalités qui sont propres à chaque organisation initiatique ; mais, étant de nature purement spirituelle, comme l’exige évidemment le but même de toute initiation, il est toujours, en définitive, l’expression d’un aspect divin, et c’est une émanation directe de celui-ci qui constitue proprement la « présence » inspirant et guidant le travail initiatique […] » 27 .
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L’influence initiatique du Cheikh Abû el-Hassan Châdhilî, « incorporée » dans la prière sur le Prophète de la « Lumière Essentielle » et dans son Sceau (khâtam), selon des formes sensibles distinctes mais dont le caractère éminemment synthétique les lie inexorablement l’une à l’autre dans leur signification profonde et leur destination ultime, permet de regarder le Sceau comme une « figuration graphique » de ce que contient la prière en matière de doctrine et de symbolisme 28 . Nous allons donc sans plus tarder mettre en correspondance les notions traitées jusqu’ici dans notre série d’articles sur la prière avec les éléments graphiques qui leur correspondent dans la représentation du Sceau, où ils trouveront comme une image synthétique, et nous serions même tentés de dire dynamique pour les raisons sur lesquelles nous reviendrons un peu plus loin.
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Lire l’article qui précède Lire l’article qui suit
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- Bien que la position de ce chapitre dans le déroulement de l’étude globale appelle plus particulièrement la mention de références chadhilies, nous avons temporairement privilégié, pour ce sujet relativement technique, l’utilisation de données exposées par René Guénon ainsi que certains points de la doctrine akbarienne magistralement traduits et annotés par M. Valsân. Nous espérons ainsi placer ce thème complexe sous l’autorité incontestable de ces sources francophones, que nous compléterons d’enseignements plus spécifiquement châdhilis dans un futur proche in châ Allah. [↩]
- On se reportera à l’article en question (La prière sur le Prophète : des symboles « mis en action ») pour connaitre l’acception selon laquelle Guénon entend les termes de cette notion métaphysique fondamentale qu’il est du reste, à notre connaissance, le seul à avoir formulée de cette façon. [↩]
- On compte notamment parmi ces formules la salutation « as-salâmu alaykûm wa rahmatu-Llâh wa barakâtu-Hu », la çalât Ibrâhîmiyah récitée dans les prières quotidiennes, et le remerciement « bâraka-Llâhu fîk ». [↩]
- Guénon rapporte que l’« on raconte que Seyidi Abul-Hassan Esh-Shâdhili, durant son séjour à Alexandrie, transmua en or, à la demande du sultan d’Egypte qui en avait alors un urgent besoin, une grande quantité de métaux vulgaires ; mais il le fit sans avoir recours à aucune opération d’alchimie matérielle ni à aucun moyen d’ordre psychique, et uniquement par l’effet de sa barakah ou influence spirituelle » (Aperçus sur l’Initiation, chap. XLI). Nous ne pouvions rêver meilleur exemple ici ! [↩]
- Coran [VII, 96]. [↩]
- « Le Livre de l’Extinction dans la Contemplation (Kitâbu-l-Fanâ’i fi-l-Muchâhadah) », Etudes Traditionnelles, n°365. [↩]
- Pour ce qui des lieux, on peut relever « Bakkah » [III, 96], « les contrées orientales de la terre et ses contrées occidentales que Nous avions bénies » [VII, 137], « la Mosquée lointaine, dont Nous avons béni l’enceinte » [XVII, 1], « la terre que Nous avons béni » [XXI, 71 et 81], « un lieu (munzalân) béni » [XXIII, 29], « un arbre béni, un olivier qui n’est ni d’Orient, ni d’Occident » [XXIV, 35], « la plaine bénie » [XXVIII, 30], « les cités que Nous avions bénies » [XXXIV, 18], « Il a établi sur la terre des montagnes qui la surplombent. Il l’a bénie…» [XLI , 10]. Pour les objets, le « Livre » (Coran) est cité à trois reprises [VI, 92 et 155 ; XXXVIII, 29]. Concernant les rites : « un Rappel » (dhikrun) [XXI, 50], et « adressez-vous mutuellement une salutation venant de Dieu (tahiyyatan min ‘indi-Llâh), bénie et bonne [XXIV, 61] ». On y trouve aussi un moment particulier : « En vérité, Nous l’avons fait descendre durant une nuit bénie», [XLIV, 3] et un élément naturel : « Nous avons fait descendre du ciel une eau bénie grâce à laquelle Nous avons fait croître des jardins, le grain de la moisson… » [L, 9].Ultimement, la Barakah est rapportée à Allah : « Béni soit Allah ! (Tabârak-Allah) » [VII, 54 ; XXIII, 14 ; XL, 64-65], « Béni soit Celui qui … » [XXV, 1, 10, 61 ; LXVII, 1 ; XLIII, 85], « Béni soit le Nom de ton Seigneur, Maître de la Majesté et de la Munificence » [LV, 78]. « Que la miséricorde de Dieu et Ses bénédictions soient sur vous, O gens de cette maison ! » [XI, 73]. [↩]
- Cf. Aperçus sur l’initiation, chap. XXIV. [↩]
- Initiation et Réalisation spirituelle, chap. VI. Ces deux types d’influences, bien qu’appartenant au domaine des possibilités d’ordre supra-individuel, diffèrent quant à leur nature et la finalité de leur action, puisque la première doit permettre essentiellement de dépasser le domaine individuel tandis que la seconde y agit exclusivement. Il arrive cependant que les deux types d’influences utilisent les mêmes supports extérieurs, comme dans le cas rites initiatiques en apparence similaires aux rites exotériques ainsi que nous l’avons déjà rappelé ; ce qui les distingue alors l’une de l’autre est que l’être « au lieu de chercher à faire descendre [l’influence spirituelle] sur lui », « tend au contraire à s’élever lui-même vers elle » afin d’obtenir une « illumination intérieure », opération toute intérieure en principe mais qui peut « cependant, dans un grand nombre de cas, être exprimée et « supportée » extérieurement par des paroles ou des gestes » ( Aperçus sur l’Initiation, chap. XXIV). [↩]
- Pour ne pas occasionner de méprise à propos des « organisations initiatiques » qui elles seules ont pour « but essentiel d’aller au-delà du domaine individuel », Guénon précise que « ce qui s’y rapporte plus directement à un développement de l’individualité ne constitue en définitive qu’un stade préliminaire pour arriver finalement à dépasser les limitations de celle-ci. Il va de soi que ces organisations comportent aussi, comme toutes les autres, un élément psychique qui peut jouer un rôle effectif à certains égards, par exemple pour établir une « défense » vis-à-vis du monde extérieur et pour protéger les membres d’une telle organisation contre certains dangers venant de celui-ci, car il est évident que ce n’est pas par des moyens d’ordre spirituel que de semblables résultats peuvent être obtenu, mais seulement par des moyens qui sont en quelque sorte au même niveau que ceux dont peut disposer de ce monde extérieur ; mais c’est là quelque chose de très secondaire et de purement contingent, qui n’a rien à voir avec l’initiation elle-même » (Initiation et Réalisation spirituelle, chap. VI). Ce rôle protecteur secondaire se retrouve dans la fonction « talismanique » du Sceau Châdhilî. [↩]
- « Il fut dit : » O Noé ! Descends avec Notre salut et Nos bénédictions sur toi et sur les nations issues de ceux qui sont avec toi » [XI, 48]. Adressé à Sarah, femme d’Abraham : « Ils dirent : « T’étonnes-tu de l’ordre de Dieu ? Que la miséricorde de Dieu et Ses bénédictions soient sur vous, O gens de cette maison ! Dieu est digne d’être loué, digne d’être glorifié ! » [XI, 73]. S’agissant d’Abraham : « Et Nous l’avons béni, ainsi qu’Isaac. » [XXXVII, 113]. S’agissant de Jésus : « Il m’a béni, en quelque lieu où je me trouve » [XIX, 31]. [↩]
- René Guénon, Symboles [Fondamentaux] de la Science Sacrée, chap. LVI. [↩]
- Initiation et Réalisation spirituelle, chap. XXXII. [↩]
- Ibid. [↩]
- Il est permis de voir l’expression de cette analogie fonctionnelle dans cette parole que le Prophète adressa au Cheikh Abû el-Hassan : « Je suis [une miséricorde pour toutes les créatures » (rahmatan li-l-‘alamîn) ] ‘Alî, mais le Saint est une miséricorde parmi toutes les créatures (rahmatan fî-l-‘alamîn)». (Cf. biographie) [↩]
- Traduction par M. Valsân du 45ème chapitre des Futûhat publiée aux Etudes Traditionnelles (n°307 – avr.-mai 1953) sous le titre « Un texte du Cheikh al-Akbar sur la « réalisation descendante ». Il y est encore mentionné qu’après qu’Allah ait « ouvert » dans le cœur de ce Saint-hérithier la « compréhension de ce qu’Il a révélé à Son Prophète et Envoyé, Muhammad », par « dévoilement divin (tajjalî ilâhi) », Il « le renvoie (radda-hu) vers les créatures pour les guider vers ce qu’il leur vaudra la réconciliation de leur cœurs avec Allah (cilâhu qulûbi-him ma’a-Llâh), pour faire la discrimination de leurs pensées (al-khawâtir) louables avec les blâmables, pour leur expliquer les buts de la Loi et quelles sont les règles sûrement transmises par l’Envoyé d’Allah et celles qui ne le sont pas ». Peut-être faut-il enfin relever, pour saisir en quoi cette typologie de Saint diffère des autres, qu’Allah a « des serviteurs qu’Il prend chez Lui, quand il les visite, et ne les renvoie pas dans le monde, mais les rend occupés de Lui Seul », tandis que la Plénitude de l’Héritage Prophétique (wirthi-n-Nabawî) consiste proprement dans le « retour vers les créatures » (ar-rujû’u ilâ-l-khalq). [↩]
- Basé sur le Hadith « les savants sont les héritiers des Prophètes ». [↩]
- Ibid. Nous laissons de côté la troisième catégorie issue de la seconde, qui est l’Arrivée « sous le rapport d’un Nom qui s’est révélé à eux de la part d’Allah et qu’ils puisent du Nom qui les a rattachés (méthodiquement) à Lui ». [↩]
- Ibid. [↩]
- Dans la version manuscrite arabe de cet extrait de la Biographie du Cheikh Abû-l-Hassan Châdhilî (p.19), les mots « châdhdhoun-lî » et « châdhilî » sont écrits de la même façon. [↩]
- En référence au verset coranique suscité « Nous avons fait descendre du ciel une eau bénie » [L, 9], et au symbolisme traditionnel connu de la pluie (cf. Symboles [fondamentaux] de la Science Sacrée, chap. LX, La lumière et la pluie, et chap. LVI). [↩]
- Comme le souligne Olivier Courmes dans sa remarquable étude intitulée Transmission et régularité , « la qualité même de ‘fondateur’ [peut] finalement être définie, à partir des informations mêmes données par René Guénon, comme l’aptitude statutaire à instituer les rites spécifiques de la tarîqah éponyme ou plus précisément, l’aptitude à être le support du dépôt d’un élément rituel spécifique émanant de l’Autorité spirituelle suprême ». [↩]
- Nous pourrions en dire tout autant de l’expression de la doctrine d’origine supra-individuelle et support d’influences spirituelles. Préférant réserver ce thème pour une autre étude afin de ne pas être emporté trop loin de notre sujet, nous signalerons juste qu’ « il arrive que celui qui médite sur un écrit d’ordre initiatique entre réellement en contact par là avec une influence émanée de son auteur, ce qui est en effet possible si cet écrit procède de la forme traditionnelle et surtout de la « chaîne » particulière auquel il appartient lui-même ». (Initiation et Réalisation spirituelle, chap. V). [↩]
- Il conviendrait ici de distinguer les possibilités statutaires du Cheikh fondateur d’une voie initiatique spécifique de celles du Cheikh fondateur d’une branche au sein de cette voie. Sur cette question, nous ne pouvons qu’inviter le lecteur à se reporter à l’article déjà cité d’Olivier Courmes, et plus particulièrement aux passages à propos du « vide fonctionnel » apparaissant comme « la marque, au sein du domaine vaste des possibilités fonctionnelles qui est pourtant celui de chaque dirigeant de branche indépendante, de la seule autorité que celui-ci doive nécessairement reconnaître, celle qu’il doit à celui qui est toujours en définitive l’ “ expression d’un aspect divin ”, du “ principe spirituel dont l’organisation initiatique procède et qu’elle est destinée à manifester en quelque sorte dans notre monde ” et qui est, précisément, le Maître fondateur de la voie initiatique considérée ».( Transmission et régularité) [↩]
- L’Erreur Spirite, chap. IV). [↩]
- Initiation et réalisation spirituelle– Chap. XXIV [↩]
- Initiation et Réalisation Spirituelle, chap. XXIII. [↩]
- Par la portée de leurs effets et l’étendue de leur usage, ces deux supports sensibles de l’influence initiatique du Cheikh sont en outre, en tant qu’ « outils » initiatiques, des « véhicules » particulièrement puissants de son influence spirituelle et de son enseignement. [↩]
par Luc de la Hilay le 28 mars 2012, mis à jour le 19 août 2012