La Dâïrah : une image de la Prière de la « Lumière Essentielle » (1/2) – L.D.L.H

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Cet article fait partie de notre étude intitulée « Commentaire de la prière sur le Prophète » de la Lumière Essentielle » (en-Nûr edh-dhâtî), et sera prochainement intégré dans la version en format PDF disponible sur le Porteur de Savoir.

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La disposition quinconciale

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Après avoir succinctement présenté le symbole du Sceau châdhilî appelé ed-Dâïrah, voyons maintenant de quelle façon il synthétise les notions incluses dans la Prière sur le Prophète de « la Lumière Essentielle ».

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Il convient tout d’abord de noter que, du point de vue le plus extérieur, la structure globale de la Dâïrah représente parfaitement les divers aspects que nous avons précédemment soulignés au sujet de la Prière de la « Lumière Essentielle ». Pour s’en convaincre, il suffit de remarquer que les cercles concentriques inscrits dans le carré qui délimite la  Dâïrah correspondent au rayonnement du pôle essentiel et actif de la manifestation, rayonnement symboliquement lumineux et dont la propagation s’effectue dans le chaos indistingué, ténébreux et passif de son pôle substantiel. Parmi les considérations symboliques de nos précédents articles à ce propos, nous nous bornerons ici à rappeler qu’au point de vue macrocosmique, ce pôle essentiel n’est autre que la Lumière Mohammédienne (Nûr el-mohammedî), ou, pour dégager plus explicitement le lien avec la prière du Cheikh, la Lumière essentielle (Nûr edh-Dhâtî) dont l’expansion « existenciatrice » produit successivement la manifestation de tous les êtres ; au niveau microcosmique, elle est le principe spirituel au centre de tout être, principe dont le développement par le travail initiatique permettra la réalisation effective ; dans ces deux cas d’ailleurs, l’illumination symbolise l’actualisation d’une catégorie de possibilités, que celles-ci soient contenues de toute éternité dans la lumière primordiale, ou bien dans la réalité immuable et lumineuse de l’être qui sera d’autant plus « éclairé » qu’il s’approchera, en s’affranchissant des différentes conditions limitatives qui la lui voile, de la source divine unique de ces deux lumières jusqu’à atteindre la réalisation parfaite de l’état de l’Homme Universel (Insân el-kâmil) 1

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On lit par ailleurs dans la Dâïrah, entre la plus grande circonférence et les angles du carré délimitant la figure, les noms des quatre premiers califes Abû Bakr, Omar, Uthman, Alî, et respectivement à leurs côtés ceux des anges Jibrâïl, Mîkâïl, Isrâfîl et ‘Azrâïl. La signification symbolique de cette disposition, donnée par Guénon à propos d’une figure similaire contenant le nom du Prophète au centre et ceux des quatre premiers kholâfâ aux angles est la suivante : les califes sont assimilés aux quatre arkân ( lit. angles), qui dans la terminologie alchimiste sont « les quatre éléments, c’est-à-dire les « bases » substantielles de notre monde, qui sont assimilés ainsi aux pierres de base des quatre angles d’un édifice, puisque c’est sur eux qu’est en quelque sorte construit tout le monde corporel (représenté aussi par la forme carrée) » 2 ; le Prophète au centre du carré correspond quant à lui au « cinquième 3 « angle » de l’édifice, qui est son sommet ; et à ce « cinquième », qui est en réalité le « premier », convient proprement la désignation d’angle suprême, d’angle par excellence ou « angle des angles » (rukn el-arkân) puisque c’est en lui que la multiplicité des autres angles est réduite à l’unité » 4 .

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Concernant les noms des anges juxtaposés à ceux des califes, Guénon ajoute qu’« en correspondance avec ces cinq arkân manifestés dans le monde terrestre et humain, la tradition islamique envisage aussi cinq arkân célestes ou angéliques, qui sont Jibrîl, Rufaîl, Mikaîl et Israfil, et enfin Er-Rûh » 5 . A ce deuxième degré, Er-Rûh « se situe également à un niveau supérieur aux quatre autres, qui sont comme ses reflets partiels dans diverses fonctions plus particularisées ou moins principielles, et, dans le monde céleste, il est proprement rukn el-arkân, celui qui occupe, à la limite séparant el-Khalq d’El-Haqq, le « lieu » même par lequel seul peut s’effectuer la sortie du cosmos » 6. A ce stade de l’étude, nous ne pouvons évidemment que renvoyer le lecteur aux notions déjà rappelées à propos de la Lumière mohammedienne en tant que Barzakh, en signalant au passage que rukn el-arkân et  sirr el-asrâr sont par ailleurs tout à fait équivalents selon Guénon.

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Ces huit inscriptions permettent en outre de retrouver, dans la structure de la Dâïrah châdhilie, la subdivision du Cosmos  que présente Ibn Ata Allah dans les extraits d’El-qaçd el-mujarrad précédemment cités : d’une part le domaine de la manifestation informelle, appelé Monde du Commandement (‘âlam el-Amr7 et représenté par les noms des quatre anges, et d’autre part la manifestation formelle, le Monde de la Création (‘âlam el-Khalq), symbolisés par les noms des quatre califes, et dont les « principes » sont respectivement En-Nûr el-mohammedî et Mohammed dans son aspect humain –qu’Allah prie sur lui et le salue !

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La Dâïrah est donc bien une figuration « graphique » de la propagation (sarayân) du Sirr el-Asrâr (identifié au rukn el-arkân et représenté par le point central) dans tous les Noms et les attributs (Asmâ wa çifât) de la Création (symbolisés par les noms des deux quaternaires qui en représentent les principaux domaines). Elle représente la sphère de la Nûr el-mohammedî dont le centre, « point de jonction » entre le non-manifesté et le manifesté, est le véritable « Cœur du Monde », dont les « pulsations » vivifient le « cosmos » tout entier 8. Il s’agit également d’EnNûr el-Mohammedî en tant que Barzakh, auquel les êtres manifestés devront nécessairement s’identifier pour atteindre l’extinction en Allah (el-fanâ), ou le maqâm el-Asnâ pour reprendre les termes d’Ibn ‘Ata’ Allah 9.

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Ce bref aperçu, qui va maintenant être étoffé de quelques considérations complémentaires, permet déjà de saisir sous quel rapport il est possible d’affirmer que le Sceau représente, en mode graphique, la Prière châdhilie de la « Lumière Essentielle », comme le montre par ailleurs son étroite similitude avec la représentation que nous avions déjà proposée pour synthétiser les principales notions de la prière (ci-dessous).

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A suivre…
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Lire l’article qui précède                                                       Lire l’article qui suit

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  1. Cette réalisation, rappelons-le encore, consistera toujours essentiellement à « faire croitre » progressivement ce que contient le germe initiatique, comme l’existenciation du monde consistera à manifester, successivement, ce qui est contenu de toute éternité dans la lumière prophétique []
  2. Symboles [fondamentaux] de la Science Sacrée, chap. XLIII. On notera que le domaine corporel est ici associé à la forme carré en raison du rôle relativement substantiel qu’il joue par rapport à notre degré d’existence. []
  3. Ce « cinquième » angle est en réalité le « premier ». []
  4. Symboles [fondamentaux] de la Science Sacrée, chap. XLIII ;  pour transposer ce symbolisme pyramidal à la Dâïrah, dont la forme est plutôt circulaire ou sphérique, il suffit d’identifier le sommet de la pyramide au centre d’une sphère et sa hauteur au rayon situé sur l’axe vertical ; on remarquera alors que le point central, en tant qu’il réduit la multiplicité des points de la sphère ou de la circonférence à l’unité, joue vis-à-vis de ces quatre points le même rôle que le sommet pour les angles de la pyramide. D’autres figurations de la Dâïrah que celle que nous avons présentement sont du reste plus directement assimilables à la forme pyramidale. []
  5. Aperçus sur l’ésotérisme islamique et le Taoïsme ; le fait que l’ange Rufaîl soit ‘Azrâïl dans la  Dâïrah ne laisse subsister aucune différence réelle entre les deux figures, ces noms n’étant comme le dit Guénon que des fonctions principielles, qui peuvent à ce titre prendre différents noms symboliques. []
  6. Aperçus sur l’ésotérisme islamique et le Taoïsme. []
  7. Ou encore Monde spirituel (‘alam el-rûhanî) []
  8. Cf. Symboles [fondamentaux] de la Science Sacrée, chap. XXXII []
  9. On remarquera d’ailleurs que cette réalité n’est pas représenté dans la  Dâïrah, ou du moins pas explicitement, car elle n’apparait que par le vide interne du cercle le plus intérieur, ce qui du reste est bien conforme à sa face non-manifestée et principielle. A ce propos, nous renvoyons à ce que nous avons évoqué concernant l’action finale du hijab, qui permet de rendre la comparaison cohérente. []

par le 20 juillet 2012, mis à jour le 20 juillet 2012