Le bûcheron de Châdhilah (B.C.A.H.C)

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Cet article est issu de notre traduction de Durrat el-asrâr wa tuhfat el-Abrâr (Imâm Ibn çabbâgh) publiée en PDF sous le titre «Biographie du Cheikh Abû-l-Hassan Châdhilî (B.C.A.H.C)» .

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Il quitta son Instructeur, pour aller en Ifrîqiyâh et à Châdhilah comme il le lui avait demandé. Il arriva dans la ville de Tunis du lieu de prière des deux fêtes (muçallah el-‘îdayn).

Là, il rencontra un bûcheron (hattâb) parmi les gens de Châdhilah. Il sortit avec lui en se dirigeant vers le lieu de prière, comme son Instructeur l’en avait informé auparavant. Le bûcheron, qui avait oublié une affaire au marché, fit demi-tour pour la chercher et laissa son âne avec le Cheikh. Une fois parti, il se dit en lui-même : « C’est un étranger qui va s’enfuir avec l’âne et je me trouverai alors totalement dépourvu ».

Le Cheikh l’interpella alors et il revint vers lui. Il lui dit :

–     Ô mon fils, emmènes ton âne, j’attendrai ton retour. Ceci, afin d’éviter que je ne m’enfuie loin de toi avec l’âne, et que tu te retrouves alors totalement dépourvu.

Le bûcheron se mit à pleurer et dit :

–     Par Allah, personne n’était informé de cela excepté Allah – Exalté soit-Il !

Il reconnut sa sainteté, lui embrassa les mains et lui demanda de prier pour lui. Il retourna ensuite à son affaire puis revint vers lui, et l’adjura de monter l’âne. Le Cheikh Abû el-Hassan le monta et lui fit faire un tour derrière lui.

Le bûcheron s’exclama :

–     Par Allah, l’âne ne me portait qu’à grand peine du fait de sa faiblesse et du manque de fourrage ! »

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Le bûcheron raconte :

« Nous avions parcouru environ un mile lorsque le Maître descendit. Nous nous trouvions sur les berges de la rivière à côté  de Châdhilah. Surpris, je l’abordais en lui disant :

–     Ô mon Maître, je suis affligé par la pauvreté. J’ai rassemblé du bois que j’ai vendu, et n’ai réussi à gagner ma nourriture qu’avec beaucoup d’efforts.

J’avais dans mon sac de l’orge que j’avais acheté pour faire des provisions de nourriture pour ma famille et du fourrage pour l’âne. Il me dit :

–     Donne-moi cette orge.

Je défis alors mon sac et il y plongea sa main, en me disant :

–     Mets cette orge dans un panier, ferme-le, plonge ta main et manges-en. Tant que tu vivras, tu n’auras jamais plus à te plaindre du manque de nourriture. Je demande qu’Allah subvienne à tes besoins et à ceux de ta descendance.

Et aucun de ses descendants n’a été vu dans la pauvreté jusqu’à ce jour.

Le bucheron poursuit :

« Je continuais à plonger ma main, en sortais un peu d’orge, le pesais, labourais avec l’âne, en semais et obtenais une excellente récolte. Puis je l’ouvris, le pesai et je le trouvai tel qu’il était auparavant. Quand je vins à lui, il me dit 

–     Si tu ne l’avais pas pesé, vous en auriez sûrement mangé tant qu’il vous en serait resté un peu en votre possession (law lam takil-hu la akaltum min-hu mâ dâma ‘indakum) » 1 .

V2- 1er avril

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Lieu de prière des deux fêtes (muçallah) appelé Châdhilah à Mornaguia.
La mosquée visible au fond abrite le tombeau de sidi Alî el-Hattâb

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Tombeau de sidi Alî el-Hattâb

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épisode précédent                                                       épisode suivant

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  1. Ce récit reproduit le modèle prophétique jusque dans la parole du Cheikh Abû el-Hassan (Cf. miracles du Prophète ﷺ consignés par le Qadhî ‘Iyâd dans son Chifâ, chapitre de la multiplication et de la profusion de la nourriture par sa bénédiction et son invocation). Il est traditionnellement connu que le fait de quantifier une chose a pour effet de l’amenuiser. René Guénon dit à ce propos : « Il y aurait beaucoup à dire sur les interdictions formulées dans certaines traditions contre les recensements, sauf dans quelques cas exceptionnels ; si l’on disait que ces opérations et toutes celles de ce qu’on appelle l’ « état civil » ont, entre autres inconvénients, celui de contribuer à abréger la durée de la vie humaine (ce qui est d’ailleurs conforme à la marche même du cycle, surtout dans ses dernières périodes), on ne serait sans doute pas cru, et pourtant, dans certains pays, les paysans les plus ignorants savent fort bien, comme un fait d’expérience courante, que, si l’on compte trop souvent les animaux, il en meurt beaucoup plus que si l’on s’en abstient ; mais évidemment, aux yeux des modernes soi-disant « éclairés », ce ne peuvent être là que des « superstitions » ! » (Note 1 du chap. « Caïn et Abel », Règne de la quantité). []

par le 18 avril 2012, mis à jour le 18 août 2018