« Le cheminement spirituel ne peut être accompli sans la compagnie d’un frère pieux ou d’un cheikh » – Moulay Abd es-Salâm Ibn Machîch

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بسم الله الرحمن الرحيم الحمد لله والصلاة والسلام على سيدنا محمد رسول الله وآله وصحبه ومن والاه

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Ô Pôle de cette contrée, mais aussi de l’ensemble des créatures…

octroie à tous les aspirants (qaçîdîn) l’objet de leurs désirs (quçûdahum) … 1

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Selon Sidi Abî ‘Alî-l-Hassan al-Kuhan 2 : « Notre Maître Sidi Abu-l-Hassan el-Chadhilî disait – qu’Allah l’agréé : «le cheminement spirituel (sulûk tarîq el-Qawm3 ne peut être accompli par le savant (‘âlim) sans la compagnie d’un frère pieux (çâlih) ou d’un cheikh de bon conseil (nâçih)». De nombreuses versions attestent cependant de l’antériorité de cet enseignement qu’elles font remonter à son propre Maître, le Pôle Moulay Abd es-Salâm Ibn Machîch.

 Cet enseignement qui témoigne de la possibilité, bien plus ancienne qu’on le croit ordinairement 4 , d’accomplir son sulûk par la fréquentation d’un « frère pieux » en l’absence d’un cheikh véritable, est d’autant plus remarquable qu’il clôture – dans le texte qui suit – une longue définition méthodique de la Voie spirituelle. De plus, on notera que dans toutes les versions consultées le « frère pieux » est mentionné avant le cheikh, comme pour insister toute particulièrement sur l’importance de cette possibilité, w’Allahu a’lam 5.

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Extrait de « Durrat el-asrâr wa tuhfat el-Abrâr » de l’Imâm Ibn Çabbâgh 6

« [Cheikh Abu-l-Hassan el-Châdhilî] rapportait qu’un homme interrogeait son Maître (ustâdh7 :

« Donne-moi des choses à faire (wadhdhif ‘alayya wadhâ’if8 et des invocations journalières (awrâd) » !

[Son Maître] se mit en colère après lui et lui dit :

« Suis-je un Envoyé (a-rassulun anâ), établissant ce qui est obligatoire (ujibu-l-wâjibât) ? Les devoirs (farâ’id) sont connus et les désobéissances sont notoires. Préserve les devoirs et refuse les désobéissances 9.  Garde ton cœur de la recherche du bas-monde (irâdatu-d-dunyâ’), de l’amour des femmes, de l’amour des honneurs (al-jâh) et de la provocation des passions (îthâr ach-chahawât) et contente-toi pour tout cela de la part qu’Allah t’a attribuée. Si « tu es satisfait (ridâ), rends grâce (shakirân) à Allah pour cela, et si la colère (sakhat) te gagne, sois endurant (çâbiran)» 10 . L’Amour (hubb) d’Allah est le Pôle (qutb) autour duquel tournent les bienfaits et l’origine de toutes les sortes de « prodiges » (karâmat). La réalisation de tout cela tient en quatre choses : la sincérité du scrupule pieux (çidq el-wara’), la bonne intention (husn en-niyyah), l’épuration des actes (ikhlaç el-‘amal) et l’amour de la science 11 ; tu n’accompliras cela que grâce à la compagnie d’un frère pieux (çâlih) ou d’un cheikh de bon conseil (nâçih) » .

Cheikh Abu-l-Hassan el-Châdhilî

Annotation et présentation du traducteur

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Moulay Ibn Mashish

Fuqarâ‘ devant le tombeau de Moulay Abd es-Salâm sur le Jebel ‘Alâm (Maroc)

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  1. Ces deux hémistiches sont extraits de la longue qasîdah rédigé par le Cheikh Al-Yûssî en l’honneur de Moulay Abd es-Salâm qui est unanimement considéré comme le Pôle du Maghreb, c’est à dire de l’Occident islamique mais aussi parfois comme le Pôle par excellence, du fait de sa renommée et de celle de sa prière sur le Prophète, transmise par son disciple unique, le Cheikh Abu-l-Hassan al-Châdhilî, et qui est toujours largement pratiquée de nos jours, y compris à l’extérieur de la Châdhiliyyah, à l’instar des Dalâ’îl Khayrâte d’Al-Jazûlî et de la Burdah d’Al-Busîrî. Le second hémistiche fait certainement référence au fait que les demandes faites lors la visite de la tombe de Moulay Abd es-Salâm sont toujours exaucées, w’Allahu a’lam! []
  2. Tabaqât ach-Chadhiliyyah el-Kubrâ. []
  3. Litt. = le cheminement de la Voie du Peuple des initiés []
  4. Comme référence « classique » à ce sujet on consultera aussi les précisions données par l’Imâm Ghazâlî dans son Ihyâ’, livre de référence de la Châdhiliyyah. []
  5. Sur le rôle du « frère pieux », voir en particulier les précisions de l’Imâm al-Haddâd. []
  6. Une traduction des passages biographiques de cet ouvrage est disponible sur Le Porteur de Savoir. []
  7. Dans le Mafakhîr el-‘Aliyyah de Ibn ‘Iyyad figure une version légèrement différente de celle reproduite par Ibn Çabbâgh qui commence par « Et un homme dit à Sidî ‘Abd es-Salâm [ibn Mashîsh], Ô mon Maître (Seyyidî) … ». []
  8. Ou encore «Prescris-moi (wadhafa ‘alayya) des oraisons (wadhâ’if)» []
  9. Comparer ce passage avec les conseils contenus dans la conclusion des Qawâ’îd de l’Imam Zarrûq. []
  10. Nous traduisons ici le sens général en conservant les termes techniques dans l’impossibilité de rendre de manière satisfaisante la tournure de la phrase arabe. []
  11. Dans l’édition tunisienne des Mafakhîr on trouve « la compagnie des Gens de science (çuhbatu Ahli-l-‘ilm) » []

par le 4 septembre 2013, mis à jour le 5 septembre 2013