« Le soufi, le héraut : René – Abd Al-Wâhid Yahyâ » – Cheikh Mohammed Zakî Al-Dîn Ibrâhîm

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Introduction

Nous signalions récemment « que l’habitude prise par certains « guénoniens » musulmans de commémorer [l’anniversaire de la disparition du regretté Cheikh Abd Al-Wâhid Yahyâ – René Guénon] en suivant le comput grégorien cache un fait peu connu dont nous sommes surpris qu’il n’ait pas été, à notre connaissance, relevé avant nous ; en effet René Guénon est mort dans la nuit allant du dimanche 7 au lundi 8 janvier 1951, soit – selon le comput islamique cette fois – la nuit du dernier lundi (laylatu-l-ithnân) de Rabî’ Al-Awwal 1370, c’est-à-dire le même  jour de la semaine et le même mois de l’année où le Prophète Mohammed ﷺ a quitté ce monde (et où il est né selon certaines narrations authentiques). Si on ajoute à cela que, en Egypte et au Caire en particulier, les turûq célèbrent chaque nuit du mois en question sa naissance (mawlid), récitant et chantant sa geste (sirah), invoquant Allah et priant sur lui ﷺ, comment ne pas voir dans cette date une indication de plus quant à la nature profondément mohammédienne de l’Esprit qui anime toute l’œuvre du Cheikh Abd Al-Wâhid Yahyâ – René Guénon ? « 

Suite à la publication de cette remarque, nous avons eu la très heureuse surprise de lire dans la revue Al-Muslim du Cheikh Mohammed Zakî Al-Dîn, plus précisément dans le numéro de Rabî Al-Awwal 1391-1961, après quelques précisions sur l’établissement du calendrier islamique à partir de l’hégire, la présentation par l’auteur de deux faits peu connus qui eurent aussi lieu durant le mois de Rabî Al-Awwal et qui intéressent plus particulièrement les musulmans en Occident : la disparition du Cheikh Abd Al-Wâhid Yahyâ – René Guénon et la perte par les musulmans de l’Andalousie (désignée  à cette occasion comme « le paradis perdu (firdaws al-mafqûd) de l’islam » ). Il y aurait beaucoup à dire sur le rapprochement opéré par le Cheikh Zakî Al-Dîn entre ces deux événements dont les liens symboliques nous semblent dépasser largement une simple « coïncidence » de dates. En effet, si la présence musulmane s’est retirée durablement de l’Occident suite à la chute du dernier royaume musulman d’Andalousie, les traces de son existence sont encore très visibles jusqu’à nos jours tant d’un point de vue « archéologique » que sous le rapport de son souvenir qui persiste durablement dans les mentalités islamique et occidentale ; de même si le Cheikh ‘Abd Al-Wâhîd-René Guénon n’est plus de ce monde, son œuvre continue d’être, jusqu’à nos jours, un des principaux facteurs du développement du Taçawwuf islamique en Occident. A ce titre, ne pourrait-on pas considérer aussi que l’oeuvre du Cheikh Abd Al-Wâhid constitue elle-même une « compensation cyclique » à la perte de l’Andalousie musulmane et surtout de la tradition spirituelle qu’elle portait en son sein?

Wa lâ Ghâlib ill’Allah !

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Comme une réponse à notre question initiale qui nous aurait été envoyée à travers le temps,  les deux pages consacrées au Cheikh Abd Al-Wâhid par le Cheikh Zakî Al-Dîn insistent d’une manière tout à fait remarquable sur le caractère islamique et soufi des œuvres du premier ; le lecteur y trouvera aussi, à côté de quelques imprécisions historiques que nous signalerons et compléterons le cas échéant, nombre de remarques intéressantes, en particulier à propos de la commémoration de la disparition du Cheikh Abd Al-Wâhid.

Wa-l-hamduli-Llah wa-ch-chûkruli-Llah !

Maurice Le Baot

3ème mercredi de Jumadâ ath-Thânî 1435 

16ème anniversaire de la disparition du Cheikh Mohammed Zakî Ibrâhîm – qu’Allah soit Satisfait de lui

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Le çûfî, le héraut (dâ’iyyah) [du Taçawwuf et de l’Islam] : René [Guénon] – ‘Abd Al-Wâhid Yahyâ

Durant le mois de Rabî Al-Awwal, à une époque qui n’est pas si éloignée de nous, a eu lieu la disparition 1 du savant (‘âlim), du philosophe, du çufî, du musulman René Guénon – qui fut ensuite connu sous le nom de Cheikh ‘Abd Al-Wâhid Yahyâ que la Miséricorde d’Allah soit sur lui. Il était un homme savant, un philosophe et un chrétien, célèbre dans son pays (la France), un enseignant (ustadh) , un universitaire (jâmi’iy) et une autorité (kâbir) qui recherchait la Vérité jusqu’à ce qu’il vienne en Égypte, rentre en contact avec El-Azhar, que lui soit rendue aimable l’Islam et qu’il devienne musulman, approfondisse sa recherche, devienne mutaçawwif, pratique l’ascèse (zuhd) et le dépouillement (taqachchuf2 et s’engage lui-même dans le cheminement initiatique (sulûk) en prenant le pacte du regretté Cheikh Mohammed Elich3 . Il fût ébloui par la lumière du Taçawwuf et de l’Islam 4, s’engagea dans son étude, son service ainsi que dans l’appel à lui (al-da’wah ilayhi) jusqu’à ce qu’il fonde une « école de pensée » (madrassah fikriyyah) dont les élèves français et suisses ne cesseront de suivre ses pas, de tirer profit de sa méthode (yata’thirûn manhaji-hi), appelant d’autres à Allah et à l’Islam comme les avait appelé leur cheikh, servant le Taçawwuf islamique pur (naqî), par l’étude et la pratique imitant en cela leur immense enseignant (ustâdhu-hum al-‘adhîm) et plus d’un parmi eux ont un lien fraternel (çilah karîmah) avec la Achîrah [Mohammediyyah].

V4 – 12 janvier 2016

Le Cheikh Abd Al-Wâhid quitta son poste universitaire en France 5 pour s’établir au Caire, délaissant le costume européen pour revêtir celui des Chuyûkh d’Al-Azhar, il abandonna ainsi les émoluments liés à sa fonction première [d’enseignant] et il se mît à gagner sa vie grâce à ses écrits 6.

 

Que de lettres n’a t-il rédigées, que d’articles n’a-t-il publiés dans les revues, françaises et autres 7 , servant ainsi l’Islam et son Taçawwuf !

 

Il vécu dans le quartier modeste Al-Hussaynî 8 et prit part à la publication de la revue al-Ma’rifah éditée par le frère, l’enseignant ‘Abd Al-‘Azîz Al-Islâmbûlî 9 , il se maria avec la fille d’un des savants égyptiens d’Al-Azhar [le Cheikh Mohammed Ibrâhîm 10 ], il eut avec elle plusieurs enfants, garçons et filles – qu’Allah veille sur eux et les éduque – puis il s’en retourna vers le Compagnon Suprême (Al-Rafîq Al-A’lâ) et fut enterré dans le cimetière du Caire après qu’il ait accompli sa fonction (risâlah) spirituelle (rûhiyyah11 et scientifique (‘ilmiyyah), par la parole, l’acte et la pensée 12 ; en tout cela, il ne fût précédé par aucun français musulman dans l’histoire moderne.

 

Par la suite, les gens oublièrent le philosophe, le savant, le soufi, le musulman français, le Cheikh ‘Abd Al-Wâhid Yahyâ qui aima l’Islam et servit le Taçawwuf, leur sacrifiant tout ce qu’il possédait. Les gens l’ont oublié malgré sa singularité, ses qualités, ses particularités et ses travaux, que ne possèdent la plupart des hommes célèbres de l’Histoire.

 

Or Allah lui réservait un bienfait d’entre Ses bienfaits, à travers l’intérêt que lui porta le frère pieux et loyal, le savant ‘Abd al Halîm Mahmûd, qui écrivit son épître sans précédent afin de faire connaître cet homme immense (rajul ‘adhîm), préservant ainsi le droit qui lui revient dans l’Histoire.

 

On doit ainsi à cet homme de vivifier son souvenir – et il revient aux seuls soufis éclairés (aç-çufiyyah al-mustanîrîn wahdahum) de le faire– et le fait que son souvenir ait été récemment célébré dans le cercle (majliss) d’un ministre soufi bien connu13 est certes un bienfait d’entre les bienfaits d’Allah à l’égard de son esprit (ruh) ; [le ministre] a insisté sur la nécessité de la revivication de sa mémoire (dhikrâ-hu) et de ce qui s’y rapporte 14 : il est maintenant temps de s’engager à la mise en œuvre [de ces recommandations] , avec la permission d’Allah, car le fait que la ‘Achîrah [Mohammediyyah] établisse une petite fête (hifl çaghîr) cette année, comme celle organisée l’année dernière à cette occasion, n’est certes pas suffisant (layssa yakfî) .

Cheikh Mohammed Zakî Ibrâhîm

notes du traducteur 15

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AWY HERAUT

Le Cheikh Abd el-Wâhid – qu’Allah soit Satisfait de lui – en habits traditionnels islamiques, devant sa maison au Caire

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  1. Litt. « a été emporté par la Miséricorde d’Allah – Exalté soit-Il ». []
  2. On sait qu’en réalité le Cheikh Abd Al-Wâhid Yahyâ embrassa l’Islam et fut rattaché au Taçawwuf vers 1910-1912 alors qu’il vivait encore à Paris où il dirigeait la revue La Gnose signant ses articles sous le nom de Palingénius. []
  3. Le Cheikh Mohammed Elich est mort en prison en 1882-1883, René Guénon est né en 1886, les deux hommes n’ont pu donc se rencontrer ; Michel Vâlsan déclare, dans son article de janvier 1953 sur l’Islam et la fonction de René Guénon, que ce dernier « reçut son initiation islamique de la part d’un maître qui lui-même était nourri à l’intellectualité et à l’esprit universel du Cheikh al-Akbar : il s’agit du Cheikh égyptien Elîch Al-Kebîr » précisant ensuite qu’il s’agit du Cheikh Abd Al-Rahmân Elîch Al-Kebir (le fils du Cheikh Mohammed Elîch) auquel Guénon dédia le Symbolisme de la croix. La mention « de la part » a été ajouté suite à l’errata publié dans le numéro de mars 1953 des Études traditionnelles ; une note subséquente, qui n’a pas été reprise dans les rééditions ultérieures de l’article (car elle n’est peut-être pas de M. Vâlsan lui-même mais plutôt de la rédaction?) précise : « cette dernière nuance est nécessaire du fait que l’auteur de l’article n’a pu avoir la conviction que René Guénon avait reçu son initiation directement du dit maître, celle-ci ayant pu avoir lieu aussi par l’intermédiaire d’un représentant de celui-ci ». On a souvent évoqué, à la suite de Chacornac dans sa Vie simple de René Guénon (1958), comme représentant probable Sidi Abdul Hâdî Aguéli avec qui Guénon collabora à la Gnose. Nous pensons par ailleurs que l’absence de la mention du Cheikh Abd Al-Rahmân par le Cheikh Zakî Al-Dîn n’est peut-être pas tant due à un manque d’information – qui serait tout de même surprenant du fait de sa mention dans les travaux du cheikh Abd Al-Halîm Mahmûd dès 1954 – qu’à une volonté de mettre en évidence le lien initiatique du Cheikh Abd el-Wâhid avec un maître incontesté de la tradition islamique, tant dans le domaine exotérique qu’ésotérique, célèbre non seulement en Égypte mais à travers tout le monde musulman et qui figure également parmi les principales chaînes de transmission de la Tarîqah Mohammediyyah Châdhiliyyah, w’Allahu a’lam ! A propos de tout ces personnages voir notamment nos « Quelques pages oubliées sur le Cheikh ‘Abd Al-Rahmân ‘Elîch Al-Kabîr et son entourage » . []
  4. Comment ne pas penser ici à un des premiers articles publiés par Guénon depuis le Caire, où il écrit : « Le « monothéisme », si l’on peut employer ce mot pour traduire Et-Tawhîd, bien qu’il en restreigne quelque peu la signification en faisant penser presque inévitablement à un point de vue exclusivement religieux, le « monothéisme », disons-nous, a donc un caractère essentiellement « solaire ». Il n’est nulle part plus « sensible » que dans le désert où la diversité des choses est réduite à son minimum, et où, en même temps, les mirages font apparaître tout ce qu’a d’illusoire le monde manifesté. Là, le rayonnement solaire produit les choses et les détruit tour à tour ; ou plutôt, car il est inexact de dire qu’il les détruit, il les transforme et les résorbe après les avoir manifestées. On ne pourrait trouver une image plus vraie de l’Unité se déployant extérieurement dans la multiplicité sans cesser d’être elle-même et sans en être affectée, puis ramenant à elle, toujours selon les apparences, cette multiplicité qui, en réalité, n’en est jamais sortie, car il ne saurait rien y avoir en dehors du Principe, auquel on ne peut rien ajouter et duquel on ne peut rien retrancher, parce qu’Il est l’indivisible totalité de l’Existence unique. Dans la lumière intense des pays d’Orient, il suffit de voir pour comprendre ces choses, pour en saisir immédiatement la vérité profonde ; et surtout il semble impossible de ne pas les comprendre ainsi dans le désert, où le soleil trace les Noms divins en lettres de feu dans le ciel » (« At-tawhîd » Le Voile d’Isis, juillet 1930.) . []
  5. En réalité, René Guénon était à cette époque en fonction dans l’enseignement secondaire. []
  6. Litt : « l’encre de sa plume » ; L’auteur fait probablement référence ici aux droits d’auteurs perçus par René Guénon. []
  7. Guénon fût en effet publié ou traduit dans de nombreux pays en Occident et en Orient, de son vivant même. On dénombre ainsi des publications notamment en italien, espagnol, roumain, anglais, hindi … et également en arabe comme cela est rappelé ci-dessous) . []
  8. Guénon vécu en effet plusieurs années lors de son arrivée au Caire puis plus tard, avec sa famille, près de la mosquée d’Al-Hussayn mais sa résidence la plus longue, où il finit ses jours, fût la Villa Fatima dans les faubourgs de Duqqî, loin de l’agitation du centre-ville cairote. []
  9. Il serait intéressant de pouvoir accéder à l’ensemble des numéros de la revue où sont parus les articles écrits en arabe par le Cheikh Abd Al-Wâhid. Si ces derniers sont maintenant accessibles, grâce à la compilation réalisée par le Cheikh Abd Al-Halîm Mahmûd, rares sont les mentions relatives au contenu des autres articles parus durant cette période ainsi que celles concernant l’identité de la plupart de leurs auteurs. Une telle communication pourrait rendre compte de manière plus précise des contacts de Guénon avec le milieu Azharî et Cairote en général. []
  10. A ne pas confondre avec l’auteur de ces lignes. []
  11. On notera ici que l’usage du terme « risâlah » que nous rendons ici par « fonction » n’implique pas qu’on reconnaisse à proprement parler une fonction « prophétique » au sens technique du terme arabe Rasûl c’est à dire de Messager (ou d’Envoyé) Divin. On peut cependant dire que sa fonction propre participe, dans un mode très particulier certes, à la transmission du « Message » (Risâlah) mohammédien universel à l’égard de l’Occident et du monde moderne en général. Sur la qualification du Cheikh Abd el-Wâhid comme « héritier mohammédien » cf. nos remarques circonstanciées. []
  12. On peut noter, a propos de l’insistance de l’auteur à souligner l’harmonie profonde de la démarche spirituelle et fonctionnelle de Cheikh Abd el-Wâhid, que celle-ci constitue en quelque sorte une illustration de l’Unité (Tawhîd) qui préside, selon nous, à l’œuvre tout entière de Guénon. A ce propos, nous ne pouvons que citer ce dernier : « La « grande guerre sainte », c’est la lutte de l’homme contre les ennemis qu’il porte en lui-même, c’est-à-dire contre tous les éléments qui, en lui, sont contraires à l’ordre et à l’unité. Il ne s’agit pas, d’ailleurs, d’anéantir ces éléments, qui, comme tout ce qui existe, ont aussi leur raison d’être et leur place dans l’ensemble ; il s’agit plutôt, comme nous le disions tout à l’heure, de les « transformer » en les ramenant à
    l’unité, en les y résorbant en quelque sorte. L’homme doit tendre avant tout et constamment à réaliser l’unité en lui même, dans tout ce qui le constitue, selon toutes les modalités de sa manifestation humaine : unité de la pensée, unité de l’action, et aussi, ce qui est peut-être le plus difficile, unité entre la pensée et l’action […] . Pour celui qui est parvenu à réaliser parfaitement l’unité en lui-même, toute opposition ayant cessé, l’état de guerre cesse aussi par là même, car il n’y a plus que l’ordre absolu, selon le point de vue total qui est au delà de tous les points de vue particuliers. À un tel être, comme il a déjà été dit précédemment, rien ne peut nuire désormais, car il n’y a plus pour lui d’ennemis, ni en lui ni hors de lui ; l’Unité, effectuée au dedans, l’est aussi et simultanément au dehors, ou plutôt il n’y a plus ni dedans ni dehors, cela encore n’étant qu’une de ces oppositions qui se sont désormais effacées à son regard. Établi définitivement au centre de toutes choses, celui-là « est à lui-même sa propre loi » , parce que sa volonté est une avec le Vouloir universel (la « Volonté du Ciel » de la tradition extrême-orientale, qui se manifeste effectivement au point même où réside cet être) ; il a obtenu la « Grande Paix », qui est véritablement, comme nous l’avons dit, la « présence divine » (Es-Sakînah, l’immanence de la Divinité en ce point qui est le « Centre du Monde ») ; étant identifié, par sa propre unification, à l’unité principielle elle-même, il voit l’unité en toutes choses et toutes choses dans l’unité, dans l’absolue simultanéité de l’« éternel présent ». » (« La guerre et la paix » in Le Symbolisme de la Croix). On remarquera le lien avec la précédente citation reproduite en note. []
  13. Nous avons de bonnes raisons de penser qu’il s’agit ici du « ministre soufi » Cheikh Hassan ‘Abbas Zakî ; nous tâcherons d’en donner le détail à l’occasion de notre travail en cours sur ce maître, in châ Allah ! []
  14. Nous pensons qu’il faille entendre ici, la mémoire de l’homme, celle de son œuvre mais peut-être aussi de ses prolongements contemporains. A ce propos cf. les remarques opportunes de Mohammed Abd es-Salâm. []
  15. Nous remercions chaleureusement Sarah B. pour son aide précieuse concernant la traduction des derniers paragraphes de ce texte, jazâhâ-Llah alf khayr ! []

par le 7 avril 2014, mis à jour le 12 janvier 2016

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