Les dix règles du Soufisme (Al Qawâ’id-l-‘ashra) – Imâm Abû Hamîd Al-Ghazâli

Nous extrayons du livre « Les dix règles du Soufisme (Al Qawâ’id-l-‘ashra) » de l’Imâm Abû Hamîd Al-Ghazâli, traduit, annoté et commenté par Muhammad Diakho (éditions Al Bouraq – 1999) la traduction des règles elles-mêmes, à l’exception de tout commentaire, dont nous réservons l’usage éventuel pour un usage ultérieur.

Nous avons uniformisé les translittérations des termes arabes et avons apporté quelques modifications dans la dactylographie et la mise en page. Les propositions de traductions sont indiquées comme telles. Un « memento » est ajouté en fin de texte.

*

Les dix règles du Soufisme

Imâm Abû Hamîd Al-Ghazâli

I

La première règle

La volonté sincère dans l’action, qui se concrétise dans la durée et la continuité.

Le Prophète (qu’Allah prie sur lui et le salue) a dit : «  A chacun sa récompense selon l’intention de son acte. » Par « volonté », nous visons : La fermeté et la détermination du cœur. Et, par « sincérité », nous entendons : que (la volonté) décide de faire ou d’annuler un acte seulement pour le Seigneur. Et, enfin, nous voulons dire par «  la durée et la continuité de la sincérité » : la stabilité et la permanence de cette qualité supérieure. Car la répétition a des effets bénéfiques certains que n’ont pas le actes ponctuel et provisoires. La preuve de l’acquisition de cette qualité est que  la détermination ne change pas en fonction des accidents de parcours et des évènements passagers, et qu’elle constante et ferme. L’acte appartient au Véridique (el-Haqq : Allah), sa véracité et donc nécessaire. L’homme sincère n’annule pas à cause de la créature (al-khalq) une décision prise en vue de satisfaire le Créateur (el-Haqq).

II

La deuxième règle

Œuvrer pour Allah sans associé ni association.

Le Prophète (qu’Allah prie sur lui et le salue) a dit : « Adores Allah comme si tu le voyais, si tu ne le vois pas, sache que Lui te voit. » Les signes indicateurs (de l’Ikhlâç) sont le fait que :

1 – Rien d’autre que la vérité ne te satisfait plus.

2 – Rien d’autre que la Vérité n’est considéré par toi comme chose évidente.

3 – Enfin, que tu évites la créature. Car le préféré d’Allah (sur lui la prière et le salut) a dit : « Malheur à l’esclave du dinâr. » (l’argent)

4 – Abandonne pour Allah tous tes désirs, car le Prophète (sur lui la prière et la paix) a dit : « Il est du bon Islam de l’homme qu’il abandonne tout ce qui ne le concerne pas. »

Parmi les choses les plus importantes à abandonner : les choses douteuses (ach-chubuhât). Prends garde qu’elles ne t’atteignent. Le Prophète (sur lui la prière et le la salut) a dit : « Eloigne-toi de tout ce qui crée en toi le doute pour ce qui ne le crée pas. » Lorsque ces trois principes seront consolidés, ils feront mûrir en toi les fruits de la dévotion (al-qurba). Tu seras dans ce bas-monde, mais seulement par la forme, quant à l’essence (al-ma’na), tu vivras dans l’autre monde. Selon ta volonté et ta constance dans l’action et l’inaction, tu auras ta part du célèbre hadîth qui dit : «  Sois dans ce bas-monde tel un immigré, ou un passager, considère-oit parmi les gens des tombes. »

Les preuves du consentement (al-qana’a) sont le fait :

– De s’en tenir à ce qui te protège de la chaleur, du froid et de la faim. Le Prophète (sur lui la prière et la paix) a dit : « Quelques petites bouchées qui tiennent droit le dos de l’homme lui suffisent. »

– Le détenteur du froment (al-qamb) n’envie pas celui des céréales. Celui qui détient la valeur du creux du noyau de la datte (an-naqratu) ne regarde pas vers celui qui détient celle d’une petite auge (an-naqîr)

– Celui qui se contente du licite (halâl) ne consomme pas tout ce qui lui est permis, ses ailes ne se battent point sur les choses douteuses.

– Les signes du gharîb (l’étranger) : – La légèreté du fardeau, et ne pas être lié à une lourde charge. – Abandon de la mendicité, car elle pousse (les donneurs) vers l’ombre (la dignité) du gharîb.

– Les signes d’un passant sont : – La rapidité de sa réponse. – Sa satisfaction face à ce qui est disponible.

– Les signes du mort : – Sa préférence pour les choses importantes pour sa foi. – Ses questions sur les exigences du moment.

III

La troisième règle

La conformité des attitudes à la vérité (révélée) par l’acceptation (de la vérité) et la concordance (des actes avec Elle).

– Contrarier l’âme (an-nafs) par la résistance :

– A la séparation

– Aux difficultés.

– A l’abandon, des passions.

– A manque des délices.

– A la misère de l’habitat.

– Et à la dureté des désaccords et des conflits.

Celui qui s’habitue à cette endurance sot du voilement et entre dans le dévoilement. Ainsi, son sommeil acquiert la valeur d’une veillée ; sa vie sociale se transforme en une vie de retraite spirituelle ; sa satiété en une faim ;  sa gloire en une humilité ;  sa parole en un silence ; et sa richesse en une pauvreté.

IV

La quatrième règle

Agir en suivant le modèle, non pas en innovant, afin de ne pas être victime de sa propre passion et afin de ne pas devenir arrogant avec son point de vue. – Certes celui qui se fait son propre guide pour conduire ses œuvres ne sera guère heureux.

Le Prophète (sur lui la prière et la paix) a dit : « Je vous ordonne d’écouter et de suivre, même si votre amîr est un esclave habachi. »

Le parfait (al-kâmil) est celui qui se conforme à la Sunna, non le scissionniste, ni le Mu’tazilite, ni l’innovateur. Le Prophète (sur lui la prière et la paix) a dit : « Ô mes amis, je vous ordonne d’être dans la grande masse. Qu’est-ce que la grande masse ? l’a-t-on interrogé. Ce que moi et mes disciples suivons, a-t-il répondu. »

V

La cinquième règle

Avoir une large  portée d’esprit qui te protège d’un ajournement corrupteur.

Il est dit : «  Ne remets pas à demain l’action d’aujourd’hui. Car les bonnes œuvres découlent les unes des autres. Celui qui se contente d’un état inférieur n’aura guère droit à un état supérieur. »

VI

La sixième règle

Avoir de la faiblesse (abandon de soi) et de l’humilité en face d’Allah. Non dans le sens de la paresse vis-à-vis de actes d’adoration, ni dans celui de l’abandon de tout effort, mais dans celui de l’abandon (l’abandon de soi à Dieu) : avoir le sentiment permanent de l’impuissance de toute action en dehors du pouvoir de la volonté et de la puissance du Véridique et du Généreux. Aussi, tu dois voir – dans le but de vénérer l’Excellence de ton Seigneur Digne de tout respect et de tout l’honneur –les créatures avec considération et respect. Car les unes entre elles sont les intermédiaires des autres. – Telle est la pratique divine : lorsqu’Allah veut quelque chose, Il le met en rapport d’annexion avec Lui-même sans intermédiaires. Lorsque Son Excellence veut honorer quelque créature, Il met Son nom en rapport d’annexion avec un autre (que Lui), ceci par pure observance des normes humaines. – Si tu te montres orgueilleux envers la créature, alors que tu sais que tout est entre les mains du Créateur –qu’Il soit Exalté et Magnifié -, et que le retour (de toute chose) s’opère vers Lui, alors sache que celui envers lequel tu t’es ainsi montré si impérieux est le Tout Puissant. Tu t’es comporté ainsi sans disposer d’une preuve quelconque révélée par Allah vers toi. Demande-Lui donc pardon de ton impuissance face à Lui, et ton état misérable. – N’imagine pour toi aucun pouvoir, car cela signifierait : Lui disputer la puissance.

VII

La septième règle

Eprouver une crainte pieuse et de l’espérance au sens de leur signification spirituelle. Ne pas être rassuré par la magnificence (djalâl) de la bienfaisance (al-ihsân), avant de l’avoir vue réalisée de tes propres yeux. Estime-toi être (probablement) parmi les bienheureux auprès du Généreux et du Bienfaisant.

VIII

La huitième règle

La continuité du devoir (wird). Aussi bien envers des créatures qu’envers le Créateur. – Celui qui est dépourvu de wird sera dépourvu de source de secours (al-mawârid). Quant à l’âme de celui qui aide par ses actes et ses paroles, elle s’en trouvera épanouie intérieurement (sirran) et extérieurement (djahran). – Car l’âme observera les droits des créatures, de la même façon qu’elle attend du bien de leur part. – Elle aimera pour eux ce qu’elle aimera pour elle-même. Et détestera pour eux ce qu’elle détestera pour elle-même. Elle œuvrera envers Allah, ce qui Le satisfait, tout comme elle souhaitera qu’Il lui fasse ce qui la satisferait.

IX

La neuvième règle

Ne jamais être absent de Dieu. Quiconque observe la continuité de la vigilance de son cœur pour Dieu, et chasse de sa pensée toute autre chose qu’Allah, trouvera toute Sa bienfaisance, et acquerre ainsi la science certaine. Car (l’accession à la connaissance) lui sera possible aux conditions suivantes : – Qu’il considère que toutes les choses mobiles (al-harakât), que toutes les immobiles (as-sakanât), et que toutes les essences (az-zawât) son de Son fait ; et que tout dépend de Sa volonté. – Qu’il accroisse sa vigilance d’auto-surveillance jusqu’à ce qu’il soit élevé au sommet de la connaissance véridique (‘ilmu-l-yaqîn).

C’est là la Certitude réelle (haqîqatu-l-yaqîn), et il pourra comprendre et dire (comme d’autres avant lui) : ‘ Je n’ai rien vu sans y voir Dieu … » Il est détenteur qui substitue par Lui-même et par qui tout subsiste. Cette chose (station spirituelle) existe par Son ordre et Sa puissance selon la présence et l’intimité du serviteur. Sois poli avec les créatures. Comporte-toi dignement envers eux. Le Prophète d’Allah a dit : «  Mon Seigneur m’a éduqué, et a parfait mon éducation. »

X

La dixième règle

Savoir à chaque instant l’occupation spirituelle du moment tant sur le plan intérieur que sur le plan extérieur. Car quiconque croit se dispenser de l’adoration est le vrai pauvre miséreux. Allah a dit : «  Dis : Si vous aimez vraiment Allah, suivez-moi, Allah vous aimera alors et vous pardonnera vos péchés. Allah est Clément et Miséricordieux. »

Imâm Abû Hamîd Al-Ghazâli

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Memento des

Les dix règles du Soufisme

Imâm Abû Hamîd Al-Ghazâli

  1. La volonté sincère dans l’action, qui se concrétise dans la durée et la continuité.
  2. Œuvrer pour Allah sans associé ni association.
  3. La conformité des attitudes à la vérité (révélée) par l’acceptation (de la vérité) et la concordance (des actes avec Elle).
  4. Agir en suivant le modèle, non pas en innovant, afin de ne pas être victime de sa propre passion et afin de ne pas devenir arrogant avec son point de vue. – Certes celui qui se fait son propre guide pour conduire ses œuvres ne sera guère heureux.
  5. Avoir une large  portée d’esprit qui te protège d’un ajournement corrupteur.
  6. Avoir de la faiblesse (abandon de soi) et de l’humilité en face d’Allah.
  7. Eprouver une crainte pieuse et de l’espérance au sens de leur signification spirituelle.
  8. La continuité du devoir (wird).
  9. Ne jamais être absent de Dieu.
  10. Savoir à chaque instant l’occupation spirituelle du moment tant sur le plan intérieur que sur le plan extérieur.

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ARTICLE THÉMATIQUE correspondant

GÉNÉRALITÉS SUR LES RÈGLES DE L’INITIATION

par le 20 novembre 2010, mis à jour le 20 juin 2015

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