Quarante convenances spirituelles (adâb) et conditions (churût) relatives à la vision du Prophète ﷺ – Muhyî al-Dîn al-Tu’mî

*

بسم الله الرحمن الرحيم الحمد لله

والصلاة والسلام على سيدنا محمد رسول الله وآله وصحبه ومن والاه

*

photo

*

Les quarante convenances spirituelles (adâb) et conditions (churût) qui suivent sont issues de l’introduction de l’ouvrage de Sidi Muhyî al-Dîn al-Tu’mî intitulé « Index (mu’jam) de ceux qui ont vu l’Envoyé d’Allah ﷺ à l’état de sommeil (nawm) et d’éveil (yaqadhah) » 1 . Son auteur, surtout connu pour ses nombreux recueils de notices (tabâqât) consacrés à la vie des saints et des savants de l’islam, est un disciple du cheikh égyptien Mohammed Hâfidh al-Tijânî (m. en 1978) et fréquenta par ailleurs le Cheikh Mohammed Zakî Ibrâhîm (m. en 1998) à propos duquel il rédigea, du vivant de ce dernier, une élogieuse notice publiée notamment dans ses Tabâqât ach-Châdhiliyyah al-Kubrâ 2.

L’intérêt de ce compendium, dont nous ne connaissons personnellement pas d’équivalent 3 , est double :

  1. Il offre à ceux qui recherchent une bénédiction et une guidée par la vision du Prophète Mohammed ﷺ 4 un ensemble de critères précis et détaillés susceptibles, lorsqu’ils sont actualisés, de permettre la réalisation effective de cette vision.
  2. L’examen de ce texte montre que les convenances et autres conditions liées à la vision du Prophète ﷺ ne sont que le prolongement particulier des convenances générales de la Voie ; ainsi ces quarante « règles » constituent un ensemble méthodique cohérent présentant de plus un caractère mohammédien – et donc universel – susceptible d’intéresser l’ensemble des membres des turûq ainsi que ceux qui cherchent à s’y rattacher.

Wa kulluhum min Rasouli-Llahi multamissoun…

Et tous se rattachent à l’Envoyé d’Allah…

*

« Sache qu’il y a des convenances spirituelles (adâb) et des conditions (churût) connues des gnostiques (ahlu-l-‘irfân) relatives à la vision du Prophète ﷺ qui sont les suivantes :

 

  1. Se nourrir de manière purement licite (al-halâl al-khâliç5 .
  2. Un repentir (tawbah) total des péchés capitaux et véniels 6 , extérieurement et intérieurement.
  3. Œuvrer conformément à la Loi, au Coran et à la Sunna et les réaliser (tahqîq) intérieurement et extérieurement.
  4. Parcourir (qata’a) et réaliser (at-tahaqquq bi-hâ) les stations (maqâmât) et les états (ahwâl) des initiés (qawm).
  5. Son amour ﷺ : un amour total dénué de mécontentement (ighdhâb) à son égard, [accompagné de] sa nécessaire vénération, de son respect et de sa défense [contre ses ennemis].
  6. L’absence d’opposition (ightirâdh) envers les Compagnons et concernant ce qui est arrivé entre eux ainsi que le fait de ne pas les injurier ou [de leur attribuer] des fautes 7 .
  7. L’absence d’opposition envers les Saints (Awliyâ’) et ce qui est arrivé à leur endroit car cela provoque sa colère ﷺ et lui nuit.
  8. Ne pas suivre les sectes égarées (firaqun dallah) tels les Chiites 8 , les Ibadites, les Communistes (chuyu’iyyah9 ainsi que les tenants de la laïcité (‘ilmâniyyah), car celui qui suit ceux-là provoque la colère de l’Envoyé d’Allah ﷺ
  9. La multiplication du dhikr d’Allah – Glorifié et Magnifié soit-Il ! – car le dhikr est relié (muwaççil) à la Présence (hadrah) d’Allah – Glorifié et Magnifié soit-Il !
  10. La multiplication de la prière sur lui ﷺ  car en vérité la prière sur lui ﷺ  est [une marque d’] amour à son égard (mahabbatu laday-hi) et un moyen de rapprochement pour l’adorateur qui prie [sur lui ﷺ ].
  11. L’amour des Saints, des hommes pieux et des savants ainsi que le fait de multiplier [les instants en] leur compagnie (çuhbah) car leur compagnie est une préservation (amân) pour le serviteur et leur existence (kawn) une préservation pour les gens de la terre [toute entière] (ahli-l-ardh).

(A suivre … in châ Allah !)

Muhyî al-Dîn al-Tu’mî

Notes et présentation du traducteur

*

image8

Les maîtres de l’auteur : Cheikh Mohammed Zakî Ibrâhîm et Cheikh Mohammed Hâfidh al-Tijânî

*

V4 – 19 mai 2014

  1. Edition Dâr al-Kutûb Al-Ilmiyyah []
  2. Édition Dâr al-Jîl – On trouve dans ce même ouvrage une notice consacrée au grand-père du Cheikh Zakî al-Dîn, le Cheikh Mahmûd Abû ‘Iliyâne (à paraître in cha Allah!) . []
  3. Signalons cependant, en français, ces quelques conseils de Habib Hussein Al-Saqqaf – Qu’Allah le garde – pour voir le prophète Muhammad ﷺ en rêve. []
  4. Selon Michel Vâlsan, le « phénomène de « vue » du Prophète (ru’yah an-Nabî) [ ﷺ …] est un fait caractéristique de l’ésotérisme musulman et, sous des modalités appropriées, aussi de la spiritualité exotérique de l’Islam. Cette « vue » est généralement obtenue en rêve, mais elle est possible aussi, initiatiquement surtout, en état de veille, que ce soit avec support d’une personne vivante ou sans support. Ce phénomène typique qui constitue un mode de perceptions d’états soit supra-individuels soit simplement subtils, relève d’une forme de conception spirituelle propre au fondateur même de l’Islam qui « voyait » l’Ange Gabriel de manifester sous des « formes » individuelles, quelquefois avec le support du compagnon Dihyah al-Kalbi, personnage d’une beauté exceptionnelle. Or l’ange représente le maître spirituel du Prophète considéré dans sa réalité distinctive » ; Cf. l’annotation de sa traduction de la prière sur le Prophète d’Ibn Arabi parue de manière posthume dans le numéro n° 446 (Nov.-Déc. 1974) des Etudes traditionnelles. []
  5. Litt. : « se nourrir avec une nourriture licite pure » ; il s’agit ici de s’attacher non seulement à se nourrir de manière licite mais aussi à s’assurer du caractère particulièrement pur de la nourriture consommée. Sur l’importance de ce premier adab, cf. l’extrait suivant de l’Imâm ach-Char’anî et les remarques de Mohammed Abd es-Salâm en fin de page. []
  6. Sur ce point – et en particulier concernant la différence entre ces deux types de péchés, nous recommandons la lecture du chapitre de l’Ihyâ Ulûm al-Dîn de l’Imam Ghazali consacré au repentir (Traduit en francais aux éditions Albouraq). []
  7. Cette convenances fait référence à un point bien connu de ‘aqîdah. []
  8. Le fait de considérer l’ensemble des Chiites comme faisant partie de sectes égarées n’est pas un avis faisant l’objet d’un consensus ; le Cheikh Mohammed Zakî al-Dîn considère quant à lui, à la suite du Cheikh Al-Azhar Mahmûd Shaltût, que les branches Imamites (Jafarî) et Zaydites ainsi que certaines branches du Chiisme duodécimain doivent être comptés au nombres des musulmans (Cf. son ouvrage Ahl al-Qibla kulluhum Muwahhidûn « Les Gens de la qibla sont tous Monothéistes »). On remarquera en passant que René Guénon considérait quant à lui que « la division des Musulmans en Sunnites et Shiites est fort loin d’avoir la rigueur que lui attribuent les conceptions simplistes qui ont cours en Occident ; le Shiisme a bien des degrés, et il est si loin d’être exclusivement propre à la Perse qu’on pourrait dire que, en un certain sens, tous les Musulmans sont plus ou moins shiites » (Compte-rendu paru en 1929 dans les Etudes Traditionnelles et repris dans Etudes sur l’Hindouisme de l’ouvrage du Comte de Gobineau intitulé Les religions et les philosophies dans l’Asie centrale.). []
  9. La réfutation du communisme d’un point de vue islamique traditionnel a été entreprise au cours des années 70 dans une série de fatwa et un ouvrage spécialement dédié à cette question par le Cheikh Al-Azhar Abd el-Halîm Mahmûd. En inde, le Swâmî Karpâtrî  (m. 1980) a réalisé un projet équivalent du point de vue hindou, en publiant notamment en 1957 un ouvrage de près de 1000 pages intitulé « Marxisme et royaume de Râma ». Il est revenu sur cette question à l’occasion de la publication d’un ouvrage réfutant les thèses des tenants du nationalisme « hindou » : pour cet auteur, le communisme est né en réaction au libéralisme sauvage issu de la révolution industrielle, qu’il analyse elle-même comme une réaction à la décadence de la monarchie privée de dharma et coupée du point de vue spirituel. Ainsi, le communisme, n’étant que le fruit d’une telle réaction, et ne disposant d’aucune autorité spirituelle pour le contrôler, est inévitablement voué à l’échec. De manière tout à fait concordante, René Guénon considérait quant à lui que la royauté, en rompant avec l’Autorité spirituelle, ouvrit « le chemin à la Révolution, et que celle-ci, en la détruisant, ne fit qu’aller plus loin dans le sens du désordre où elle-même avait commencé à s’engager. En fait, partout dans le monde occidental, la bourgeoisie est parvenue à s’emparer du pouvoir, auquel la royauté l’avait tout d’abord fait participer indûment ; peu importe d’ailleurs qu’elle ait alors aboli la royauté comme en France, ou qu’elle l’ait laissée subsister nominalement comme en Angleterre ou ailleurs ; le résultat est le même dans tous les cas, et c’est le triomphe de l’« économique », sa suprématie proclamée ouvertement. Mais, à mesure qu’on s’enfonce dans la matérialité, l’instabilité s’accroît, les changements se produisent de plus en plus rapidement ; aussi le règne de la bourgeoisie ne pourra t-il avoir qu’une assez courte durée, en comparaison de celle du régime auquel il a succédé ; et, comme l’usurpation appelle l’usurpation, après les Vaishyas, ce sont maintenant les Shûdras qui, à leur tour, aspirent à la domination : c’est là, très exactement, la signification du bolchevisme » (Autorité spirituelle et pouvoir temporel, chap. VII). []

par le 22 novembre 2013, mis à jour le 10 août 2016

Mots clés : ,