Un défi présenté aux ignorants sincères : « La vérité sur le Soufisme » – Cheikh Ali al-Jifri

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Nous avons choisi, devant les innombrables marques d’ignorance, de mensonge et d’incompréhension exprimées par des personnes plus ou moins malintentionnées, de nous tenir, dans la lutte qu’il est nécessaire de mener contre les ennemis du Taçawwuf islamique pur, lumineux et authentique, à un minimum de prises de positions, considérant qu’il nous serait difficile de faire autrement et que d’autres tâches plus importantes, positives et efficaces devaient être menées ; un des pièges de « ce qui s’oppose » (c’est le sens premier du mot shaytân, selon René Guénon) est, en effet, de détourner de la recherche de la Vérité, qu’Allah nous en protège, par des préoccupations secondaires et proprement « distrayantes ».

C’est dans cet esprit que nous présentons un document qui nous semble poser un défi véritable à ceux qui auraient les moyens de comprendre ce dont il s’agit, laissant les malhonnêtes et les incompétents de tous genres à leurs tristes et malsaines occupations tout en espérant, pour eux comme pour toute personne sincère, qu’Allah réserve à chacun le meilleur des devenirs et la meilleure des fins.

Mohammed Abd es-Salâm

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Question initiale de Mohammed Abd el-Wahhâb1 : « Très cher al-Habîb, pouvez-vous nous clarifier les choses à propos du Taçawwuf (Soufisme), afin qu’il n’y ait pas de divergence dans les avis, et quel est le but du Soufisme ? Chukran wa jazakoum Allah khayran.

Le présentateur : « Avant de répondre, permettez-moi, j’ai reçu une question : « Assalâmou alaykoum wa rahmatou-Llah wa barakâtouh. Quelle est la différence entre les soufis et les sunnites ? Ne sommes-nous pas tous musulmans, croyants en l’Unicité de Dieu, qu’Il n’a pas d’associé et que Mohammed ﷺ est l’envoyé d’Allah ? »

Réponse de Cheikh Ali al-Jifri : « Le taçawwuf est devenu un terme qui pose problème chez beaucoup de personnes ; il cause une allergie chez certains. Et la cause de tout ceci est le degré de détérioration auquel est arrivé la ummah. Il est dit : « le jugement qu’on donne à une chose est rapport à sa compréhension« . Ainsi donc, quel est le sens de ce mot « taçawwuf », afin que l’on puisse juger si c’est un bien ou un mal ?

Le taçawwuf, tel que l’ont connu les imams du passé comme Al-Hassan al-Basrî, jusqu’aux derniers de ceux qui l’ont connu, parmi nos savants (litt. nos Maîtres, machaykhinâ), est la préoccupation de la personne à atteindre le troisième pilier de la religion qui est al-ihsân. Le fiqh, la science du fiqh, s’est consacrée aux 4 piliers de l’Islam tels que la prière, le jeune, la zakât et le hajj, et ce qui s’en suit comme interactions. La science du tawhîd, qui a été appelée par la suite « science de la ‘aqîdah » – le terme ‘aqîdah n’était pas utilisé à l’époque des compagnons et de ceux qui les ont suivis – mais qu’on appelle science du tawhîd ou de la ‘aqîdah, a été extraite des piliers de la foi, le deuxième pilier de la religion. Et le taçawwuf est la science qui s’est consacrée à extraire les règles (ahkâm) et les comportements (âdâb) grâce auxquels la personne peut atteindre le troisième pilier de la religion, qui est le degré d’al-ihsân. Ainsi la définition du taçawwuf est quelque chose de noble ! C’est le plus haut degré de la religion, auquel toute personne aspire.

Intéressons-nous maintenant au terme taçawwuf, d’où vient ce nom taçawwuf ? Qu’est-ce que c’est que « taçawwuf » ? Il n’y avait pas, à l’époque du Prophète ﷺ et des compagnons quelque chose qui s’appelait taçawwuf.

Ceci étant, … je ne voudrais pas dire que cela est de l’ignorance crasse… Chez les gens de science, il n’y a pas de polémique à propos des termes. Appelle-le comme tu veux, tant que le terme n’est pas un mot qui renvoie à ce qui est interdit ; l’essentiel est ce que recouvre ce terme. Le terme ‘aqîdah ne fait pas partie de ce qui était connu à l’époque du Prophète ﷺ et des compagnons ; [le terme] science des fondements (‘ilm-lûsûl) n’existait pas à cette époque-là ; la science du tajwîd n’existait pas non plus à cette époque sous ce terme de science du tajwîd, mais se transmettait à travers l’apprentissage du Noble Coran. La science du jarh wa-t-ta’dîl, par laquelle on identifie le hadith authentique et le faible, le bon et le faux, n’existait pas non plus au temps de l’Envoyé d’Allah ﷺ et de ses compagnons. Ainsi, dire que le mot n’existait pas à l’époque de l’Envoyé ﷺ et des compagnons n’est pas une preuve suffisante pour renier ce que le terme désigne.

Quelle est l’origine du mot ? Il a été dit qu’il provient d’Ahl as-Suffah (les Gens du Banc), et le terme a été dérivé de Suffiy (qui appartient à la Suffa) jusqu’à Sûfî ; et d’autres ont dit que cela vient de muçaffa (purification) ; il a été purifié par Allah – ‘azza wa jall – (saffah), d’où le terme Sûfî. Ou de la laine (aç-çûf), et il n’y a pas de mal à tirer le terme du mot laine, car à l’époque des tâbi’in, lorsqu’ils ont vu les gens se jeter dans la dunyâ et s’occuper à la recherche des plaisirs de la nourriture et des vêtements, de l’habitation, etc… les soufis se sont dirigés vers la diminution de tout ceci, et le tissu le moins cher à cette époque était le tissu de laine. Les riches s’éloignaient des habits en laine et en prenaient d’autres, car la laine était l’habit du pauvre. Et ces imams ascètes, les véridiques dans leur comportement avec Allah, se sont dirigés vers l’habit le moins cher au monde qu’est la laine, et les gens les ont appelés les soufis. Ceci est [l’explication] du terme, et de ce qu’il désigne, il n’y a aucun mal dans les deux.

Au demeurant : est-ce que les pieux prédécesseurs de Ahl as-Sunnah wa-l-jamâ’ah étaient des soufis, afin que nous sachions s’il y une différence entre les soufis et les sunnites ? Les soufis sont les sunnites, le taçawwuf que l’on a défini à l’instant est le sunnisme !

Et si vous repreniez l’exégèse du « Sahîh Muslim » de l’imam Nawâwî, vous trouveriez dans l’évocation du sânad (chaine de transmission) par laquelle il rapporte « Sahîh Muslim », que lorsqu’il voulait encenser certains savants du sânad, il les surnommait en ajoutant « le soufi », « untel, fils d’untel, le soufi ». Ceux-là sont, les soufis. Et si vous repreniez le livre « Sifâtu as-Safwa » de l’imam, al-Hafîdh, Ibn al-Jawzî, vous verriez qu’il a écrit les biographies des grands imams du taçawwuf, du premier siècle, et du 2ème et du 3ème et ainsi de suite ; et qu’il les a placés au centre des biographies retranscrites, afin que les gens s’en inspirent grâce à ce livre. Et si vous vous referez à « Siyar ‘alâm al-nubala’ » du Hafîdh adh-Dhahabî, vous verrez qu’il a écrit les biographies des grands savants du taçawwuf – qu’Allah les prenne dans Sa miséricorde et qu’Il nous permette d’en bénéficier.

Ainsi, l’attitude des salaf sâlih (pieux prédécesseurs) est qu’ils portaient ce terme en grande estime. Ils en firent un terme de louange, qu’ils utilisaient pour faire l’éloge d’une personne, en disant de lui qu’il était Sûfî. Il en va de même des [auteurs de] références de ceux qui, aujourd’hui essaient de discréditer ce sur quoi les salaf sâlih s’établissaient – en prétendant que ce sont eux qui sont sur la voie des salaf sâlih.

Leurs références comme cheikh Ahmed Ibn Taymiyya, ou le cheikh al-Hafîdh Ibn al-Qayyim : si vous lisez leurs paroles sur les soufis ; vous aurez honte d’accepter les paroles de ceux qui dénigrent les soufis ! Ibn Taymiyya a écrit un livre intitulé « Les soufis et les pauvres », et a dédié deux volumes de ses Fatâwâ (Avis juridiques) aux soufis. Il a déclaré qu’il bénéficiait d’une chaîne de transmission passant par le pôle, cheikh ‘Abd al-Qâdir al-Jîlânî, le cheikh de la tarîqah Qâdiriyya. Et lorsqu’Ibn Taymiyya parlait de l’imam ‘Abd al-Qâdir al-Jîlânî dans ses Fatâwâ, il ajoutait «qaddasa-Llah sirrahu» (qu’Allah sanctifie son secret), et c’est une parole que l’on trouve chez les soufis. Par ailleurs, il existe un livre sur le taçawwuf d’Ibn al-Qayyim par lequel il a expliqué un autre ouvrage de taçawwuf ; il l’a intitulé « Madârij as-sâlikîn fî sharh manâzil as-sâ’irîn ».

  • « Manâzil as-sâ’irîn » est un livre de ‘Abd-Allah al-Harawî, qu’Ibn al-Qayyim a expliqué dans un livre intitulé « Madârij as-sâlikîn ». Il est déconseillé de se référer au « Tahdhîb Madârij as-sâlikîn », car c’est un livre par lequel on a voulu prendre l’auteur en otage : les termes qui montraient qu’Ibn al-Qayyim soutenait les soufis ont été écartés et remplacés par d’autres, dans une version qu’on a appelée « Tahdhîb Madârij as-sâlikîn ». Nous, nous parlons de « Madârij as-sâlikîn » lui-même.

La source du taçawwuf, c’est le cœur du Livre et de la Sunnah, c’est le dépouillement des maladies du cœur, le nettoyage des cœurs ; et de sentir le souffle du Seigneur – ‘azza wa jall. Et quel est le rôle des soufis ? afin de savoir s’ils sont sincères dans leur attachement à cette science ou pas.

Si nous regardons dans le domaine de la science, les plus grands savants étaient des soufis. Il est impossible pour un récitateur, comme les chuyûkh que nous avons ici [en Egypte], de réciter une chaîne de transmission [d’une] des 7 lectures sans passer par un imam du taçawwuf. L’ensemble des asânid (chaînes de transmissions) des lecteurs d’Egypte passent par l’imam, le cheikh al-Islam Zakariyyâ al-Ansârî. N’est-ce pas ? Tous les récitateurs lorsqu’ils récitent leurs asânid se rejoignent sur Zakariyyâ al-Ansârî ; et Zakariyyâ al-Ansârî est un des grands imams du taçawwuf ! Il est (l’auteur d’) un livre où il a expliqué « ar-Risālah al-Qushayriyyah » – dont il est dit qu’elle est la « constitution » du taçawwuf. Pour l’ensemble des asânid des 6 recueils principaux de hadîth, « Bukhâri », « Muslim » et autres, l’ensemble des asânid qui transmettent cette science : il est impossible à quelqu’un de les citer sans passer par les imams du taçawwuf. Donc si on se met à accuser ceux-là même qui ont forgé la science religieuse, alors nous nous retrouverions demain – qu’Allah nous en préserve – en train de diriger l’accusation vers le Coran et la Sunnah ; car on aurait des doutes sur les personnes par l’intermédiaire desquelles on en a hérité. Qu’Allah nous préserve de cela. Leur rôle [des soufis] c’est d’être les acteurs majeurs au service du Coran et la Sunnah.

Ceci, quant à la science.

Prenons un des exégètes des 6 livres [al-Kutub al-Sittah : les 6 grands recueils de Hadîth2 , nous voyons qu’il a une relation avec le taçawwuf : l’imam Ibn Hajar al-‘Asqalânî, l’auteur (du commentaire) « al-Fath’ul-Bâri » sur « al-Bukhâri », est celui qui a écrit une biographie de l’imam ‘Abd al-Qâdir al-Jîlânî, où il y a recensé ses karâmât (prodiges), ses états spirituels, ses efforts et ses positions ; c’est publié et connu. L’imam Nawawî, l’exégète du « Sahîh Muslim », est l’un des grands imams en lien avec le taçawwuf. Celui qui lit ses livres « al-Adhkâr », « at-Tibyâne fî âdâb hamalat al-Qur’ân », et ses livres où il a parlé des comportements et des subtilités, y trouve le souffle du taçawwuf !

  • Il a été rapporté dans sa biographie qu’à la fin de sa vie, alors qu’il était à Damas en train d’enseigner à Dâr al-Hadîth, un pauvre soufi vint à lui, et lui a dit : « Ô imam, s’il vous plait, déménagez à Nawâ, car le moment est venu ! » L’imam Nawawî tint compte de la parole de ce pauvre bon Monsieur, et déménagea à Nawâ. Il ne fallut que quelques jours pour qu’Allah le ramène à Lui, à l’âge de 44 ans.

La question qui se pose ici est, comment cet homme a-t-il su que l’heure de l’imam était proche, connaissait-il l’invisible ? L’invisible absolu, personne ne le connait sauf Allah ! Mais Allah fait apparaitre de Son invisible absolu, un invisible partiel auquel Il permet à un de ses serviteurs d’avoir accès.

اتَّقُوا فِرَاسَةَ الْمُؤْمِنِ فَإِنَّهُ يَنْظُرُ بِنُورِ اللَّهِ

« Prenez garde à l’intuition (firâsa) du croyant (mu’min), car il regarde avec la lumière d’Allah ! » 3

Voilà ce qu’il en est pour la science.

Et quant au jihâd pour Allah ; dans l’ensemble des batailles qu’ont connues les musulmans dans l’histoire contre leurs ennemis, les imams et dirigeants étaient des imams du taçawwuf ! Qui a repris Bayt-al-Maqdis ? qui a conduit la bataille de sa libération ? Salâh Ad-Dîn Al-Ayyûbî. C’est lui qui a initié les écoles soufis dans les montagnes de Qâsiyûn en Syrie afin d’y préparer les hommes qui feront le jihâd pour Allah. C’est lui qui a construit le dôme de l’imam Ash-Shâfi’î que vous avez, ici en Egypte, Salâh Ad-Dîn Al-Ayyûbî. Lui et Nûr-ad-Dîn az-Zinkî sont ceux qui ont appuyé la source de l’enseignement des participants au jihâd à leur côté sur l’ « Ihyâ’ ‘ulûm ad-dîn » (La revivification des sciences de la religion), le grand livre de taçawwuf écrit par Abû-Hâmid Al-Ghazâlî. Il n’y a dedans, aucun chapitre sur le jihâd, mais ils connaissaient la raison pour laquelle les musulmans négligent l’obligation du jihâd : c’est l’amour de ce bas-monde et la peur de la mort comme cela est mentionné dans le hadith prophétique « al-wahan ». 4 Ils prirent ainsi le livre qui permet de guérir cette maladie afin de préparer les gens au jihâd.

Qui est à l’origine de la bataille qui a permis la capture de Louis IX, ici en Egypte ? C’est l’imam Abû-l-Hasan ach-Châdhilî qui avait dépassé la soixantaine et avait la vue faible. Il est sorti brandissant un drapeau, en criant « Jihâd ! Jihâd !». Ses disciples le tenaient par les bras pour le diriger, et beaucoup des grands savants s’attroupèrent autour de lui, comme le sultan des ‘ulamâ’ al-‘Izz ibn ‘Abd-as-Salâm et d’autres. Ils étaient, dans le jihâd, au cœur de l’armée qui a capturé Louis IX. Qui était le dirigeant qui attaquait les casernes Tatars durant la nuit afin de libérer les prisonniers musulmans ? C’est l’imam Ahmad al-Badawî. Qui a conduit le mouvement des Murâbitin (almoravides) au Maroc contre l’opposant ? Ce sont les soufis. Qui a conduit le grand jihâd en Lybie contre l’occupation italienne, c’est ‘Umar al-Mukhtar, un des grands savants de la tarîqah Sannusiyyah. Qui a conduit la campagne de résistance contre l’occupant au Shâm ? Ce sont les maitres de la tarîqah Naqshbandiyyah et Châdhiliyyah. Qui a conduit la résistance contre l’occupant portugais en Indonésie et aux environs ? Ce sont les maitres de la tarîqah Bâ’alawiyyah.

Celui qui médite là-dessus et entreprend des recherches à ce sujet (pour éviter d’allonger trop mon propos) en considérant les époques du début jusqu’à maintenant et d’est en ouest, verra que là où un drapeau du jihâd se lève, les soufis en sont porteurs.

En nous intéressant maintenant à la da’wah pour Allah, ce qui concerne aujourd’hui la majeure partie des musulmans car ils sont entrés en Islam sans combat, grâce à la sagesse et au bon exemple. Qui a répandu l’islam, sans combat, dans ces endroits qui représentent la majorité du monde musulman ? Ce sont les soufis ! En Asie du sud-est, ou dans l’Afrique de l’est, ce sont les Ba’alawî qui ont répandu l’islam là-bas ; dans le centre et l’ouest de l’Afrique, ce sont les frères de la tarîqah Tîjâniyyah et d’autres qui ont répandu l’islam.

Un des leaders des missionnaires français chrétiens en Afrique avait écrit dans ses mémoires : « La plus grande épine bloquant notre chemin d’évangélisation, afin de convaincre les musulmans qui nous faisaient face à quitter leur religion, était les deux types de personnes suivantes. Soit quelqu’un faisant partie de la famille de Mohammed ﷺ, qui lorsqu’ils venaient, revivifiaient dans le cœur des hommes, cette loyauté pour Mohammed ﷺ à travers leur amour pour Ahl al-Bayt (les « Gens de la Maisonnée » du Prophète ﷺ), et détruisaient ainsi notre travail de plusieurs mois en une nuit. Soit un homme de ceux qu’ils appellent Sûfî. Il arrivait dans un endroit où on avait travaillé 6 mois ou plus – offrant argent, nourriture et vêtements afin de changer la religion de ceux qui y vivaient en profitant de leur faim et de leurs besoins – et cet homme Sûfî venait et avec un seul mot « hadrah », il réunissait une assemblée de dhikr « lâ ilâha ill-Allah, lâ ilâha ill-Allah » et revitalisait leur foi et leur spiritualité en anéantissant le travail de plusieurs mois ».

Ceci est dans le domaine de la da’wah.

Dans le domaine économique, les plus grands de ceux qui ont fait vivre l’économie musulmane – par la grâce d’Allah – et organisé les actes de ventes et d’achat à l’époque où elle était prospère, ce sont des soufis. Al-Junayd Ibn Mohammed, la référence des soufis, avait un magasin, c’était un des commerçants de Baghdâd. L’imam Abû Hanîfa était un grand commerçant, et c’était un soufi ! Les surnoms de grands imams soufis reflètent les métiers qu’ils occupaient, en faisant vivre, grâce au commerce, les gens qui les entouraient.

Que ce soit dans le jihâd, l’Economie, la da’wah, ou la science, nous voyons que concrètement, il n’y a rien de théorique ou d’imaginaire, ce sont bien les soufis qui y travaillaient ! Et à ceux qui les combattent aujourd’hui nous disons : quel est votre apport à la ummah ? L’époque de ceux-là était l’époque où la ummah était à son apogée. Et l’époque d’aujourd’hui où ces soufis sont combattus et insultés, maudits dans les minbars et sont calomniés, c’est celle où le drapeau de l’islam est tombé dans beaucoup de cœur, avant qu’il suive dans les pays.

Par ailleurs, une information fausse que l’on entend est que beaucoup de ceux qui se disent soufis commettent des actes réprouvés que la charî’ah ne tolère pas. Ceci existe, les faux-prétendant au taçawwuf sont nombreux, de tout temps et en tout lieu, et plus encore à notre époque. Mais ce sont des « pseudo-soufis » ; le taçawwuf en est innocent. L’imam al-Junayd a énoncé une règle en ce sens : « Si vous voyez un homme voler dans les airs et marcher sur l’eau, n’en tenez pas compte jusqu’à ce que vous l’ayez testé dans la recommandation du bien et de la désapprobation du mal. Et si vous constatez qu’il défend le bien et se courrouce du mal, alors il s’agit d’un waliyyu-Llâh, et ceci est une karâmah qu’Allah a manifesté à travers lui. Mais si vous voyez qu’il délaisse la défense du bien et la réprobation du mal, alors jetez au panier sa karâmah, car il s’agit d’un pervers ». Ceci est la règle avec laquelle on comprend correctement le taçawwuf.

Le taçawwuf est comme les autres sciences de la charî’ah, comme la science du hadîth, du tafsîr ou du tawhîd : beaucoup de faux prétendants s’y sont introduits, alors qu’ils n’en sont pas connaisseurs.

16 mars – V4

N’y a-t-il pas, dans la science du hadîth, des gens qui se sont prétendus compétents et ont introduit des ahâdîth forgés, et menti sur le Prophète ﷺ ? Devrions-nous dire alors : « Il y a des faussaires dans cette science, pour éviter les shubuhât [questions sujettes à caution, sur lesquelles on peut hésiter ou douter], la science du hadîth est proscrite. » ? C’est inconcevable. Dans la science du fiqh, n’avons-nous pas des juristes corrompus qui troquent la fatwa pour ce bas-monde ? Ils vendent leur religion à un vil prix. Est-ce à dire alors, que puisque il y a des menteurs dans le fiqh, on interdit la science du fiqh ? Dans la science du tafsîr, n’y a-t-il pas des personnes qui ont utilisé des récits « israélites » (isrâ’iliyât) jusqu’à faire croire aux gens certaines choses qui sont fausses ? Dit-on pour autant : « Ça suffit, on écarte la science du tafsîr ! » ? Ce serait invraisemblable. Dans la science du tawhîd, n’y a-t-il pas des gens qui y ont introduit de l’anthropomorphisme, ou du ta’tîl 5  ou des contradictions à la croyance saine ? Supprimons donc la science du tawhîd, étant donné qu’il y a eu des mauvaises personnes ?!

Personne ne dit de telles choses ! Si nous éliminons la science du taçawwuf – qui est l’un des piliers de la religion, purification du cœur et la recherche des degrés d’al-ihsân – nous aurons détruit un des aspects essentiels de la religion : celui de la préoccupation de l’état du cœur, l’endroit qu’Allah regarde en nous – ‘azza wa jall. Et du fait de certains faux-prétendants, nous aurons ainsi détruit la religion. Alors éliminons l’ensemble des sciences où il y a des faussaires ?!

Mais la juste position est de ramener chaque chose à sa source. Tu veux devenir soufi mais tu veux éviter de tomber dans l’erreur de celui chez qui tu vas apprendre le taçawwuf ? Quel est le cheikh qui apaise ton cœur ? Puise-t-il sa connaissance de la charî’ah ? A-t-il acquis cette science de la charî’ah par transmission continue jusqu’au Prophète ﷺ, et met-il en pratique la science de la purification ? Est-ce que son comportement est droit, et applique-t-il la Sunnah dans ses actes, son apparence et ses états ? Vois-tu en lui la sincérité dans son comportement, et fait-il primer le durable sur ce qui fane ? Cherche-t-il à intégrer les caractéristiques du Prophète ﷺ ? « Ces qualités, je les ai trouvées en lui, avec une transmission continue et le idhn (autorisation), et mon cœur s’est rasséréner à son sujet. C’est lui qui sera mon éducateur ! » Et il n’y a aucun mal en cela.

L’erreur de certains, dans le choix du cheikh, est de penser que le cheikh est celui qui fait des prodiges, qui vole dans les airs, qui parle et te dit « Tu étais dans ta chambre et tu as fait ceci et dans le hammâm tu as fait cela… ». Ce n’est pas cela un cheikh. Si tu prends des espions, ils te donneront les mêmes informations, ou un jinn, il te donnera également ces informations. Le vrai prodige, c’est de t’établir dans la véritable droiture. C’est pour cela qu’il est dit : « la droiture est le plus grand des prodiges ! » Et nous ne renions pas en cela l’intuition du croyant (al-firâsa), le kachf (dévoilement), qui est indubitable dans la charî’ah. Ni ne renions le fait qu’Allah octroie des prodiges à Ses awliyâ’ (sing. walî = « ami de Dieu », Saint) et çâlihîn (pieux). Mais les prodiges d’une personne et le fait que ce soit un walî, n’en fait pas un éducateur, car tous les awliyâ’ ne sont pas éducateurs (murabbîn). La règle est dans les points que nous avons mentionnés : le respect de la charî’ah, la poursuite des caractéristiques du Prophète ﷺ, le suivi de la Sunnah et l’attirance du cœur envers la personne. Ceci est la règle que l’homme doit suivre.

Nous avons pris du temps avec cette question, comme l’a dit Professeur Wajdi [le présentateur], mais c’est une question importante. Des gens sont tombés, à cause d’elle, dans de grandes difficultés. Et la ruse des ennemis de l’islam, est de faire naitre dans les cœurs de nos jeunes une répugnance à l’égard des imams du passé parmi les pieux prédécesseurs, les soufis et les autres. Et ceci afin que les générations qui viennent et à venir, rejettent toute la science car elle leur sera parvenue par ces personnes. Nous demandons à Allah de nous préserver de l’offense envers Ses awliyâ’ illahi-ç-çâlihîn et de dire du mal envers ses bien-aimés.

مَنْ عَادَى لِي وَلِيًّا فَقَدْ آذَنْتُهُ بِالْحَرْبِ

« Celui qui offense un de Mes bien-aimés, alors je lui déclare la guerre ». 6

Qu’Allah nous permette d’accomplir ce qu’Il aime, et qu’Il nous montre le vrai et nous le fasse suivre et nous montre le faux et nous en éloigne et qu’Allah nous octroie la sincérité envers Lui car Il en est méritant [Fin du du’a].

وَصَلَّى الله عَلَى سَيِّدِنَا مُحَمَّدٍ النَّبِيِّ الأُمِّيِّ وَعَلَى آلة وَصَحْبِهِ وَالْحَمْدُ لله رَبِّ العَالَمِين

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Suite et fin – Merci au volontaire qui a saisi le texte, a amélioré la traduction, a corrigé la forme et a produit quelques références supplémentaires !

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  1. sic ! []
  2. Sahîh al-Bukhârî ”, “ Sahîh Muslim ”, “ Sunan Abî Dâwud ”, “ Jâmi’ at-Tirmidhî ”, “ As-Sunan as-Sughrâ ” et selon les avis “ al-Muwaṭṭa’ ” ou “ Sunan Ibn Mâjah ”. []
  3. Hadîth cité dans « Jâmi’ at-Tirmidhî ». []
  4. Hadîth cité dans « Sunan Abî Dâwud » :

    قَالَ رَسُولُ اللَّهِ صلى الله عليه وسلم ‏ » يُوشِكُ الأُمَمُ أَنْ تَدَاعَى عَلَيْكُمْ كَمَا تَدَاعَى الأَكَلَةُ إِلَى قَصْعَتِهَا « .‏ فَقَالَ قَائِلٌ وَمِنْ قِلَّةٍ نَحْنُ يَوْمَئِذٍ قَالَ ‏»‏ بَلْ أَنْتُمْ يَوْمَئِذٍ كَثِيرٌ وَلَكِنَّكُمْ غُثَاءٌ كَغُثَاءِ السَّيْلِ وَلَيَنْزِعَنَّ اللَّهُ مِنْ صُدُورِ عَدُوِّكُمُ الْمَهَابَةَ مِنْكُمْ وَلَيَقْذِفَنَّ اللَّهُ فِي قُلُوبِكُمُ الْوَهَنَ ‏«‏ ‏.‏ فَقَالَ قَائِلٌ يَا رَسُولَ اللَّهِ وَمَا الْوَهَنُ قَالَ ‏»‏ حُبُّ الدُّنْيَا وَكَرَاهِيَةُ الْمَوْتِ«

    Le Prophète ﷺ a dit : « Bientôt les nations s’uniront contre vous de toute part comme on convie les gens autour du plat ». Quelqu’un demanda « En sera-t-il du fait de notre petit nombre à ce moment-là ? ». Il répondit ﷺ « Non, vous serez nombreux en ce temps, mais vous serez telles l’écume et les particules que charrient les torrents. La peur sera levée du cœurs de vos ennemis, et al-wahan sera mis dans vos cœurs ». Quelqu’un demanda « Ô envoyé d’Allah, qu’est-ce qu’al-wahan ? ». Il répondit « L’amour de ce bas-monde et l’aversion de la mort ». []

  5. Négation d’attributs divins en les vidant de toute signification []
  6. Extrait d’un hadîth Qudsî, cité dans le “ Sahîh al-Bukhârî ”. []

par le 8 mars 2015, mis à jour le 19 octobre 2015

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