« Une larme faite de rimes » (« Repentant, je suis repentant ») – Cheikh Mohammed Zakî Ibrâhîm

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Dans les Latâ’if Al-Minân, Ibn ‘Atâ’i-Llah rappelle, en se basant sur le verset « Ô vous les croyants, revenez tous à Dieu ! Peut-être serez-vous heureux »1 , qu’ « il n’y pas de station initiatique (maqâm) qui n’ait besoin du repentir ; sans lui, nul état spirituel (hâl) n’est suffisament pur, nulle œuvre agrée et nulle demeure spirituelle stable »2 .

Un hadith rapporté par Abou Hurayrah indique que « sept personnes seront protégées sous l’ombre de Dieu, le jour où il n’y aura d’ombre que la Sienne » parmi eux se trouve « un homme retiré qui invoqué Allah et dont les yeux s’emplissent [de larmes] » 3 : nul doute que c’est à de telles larmes que se rapporte le poète repentant – qu’Allah soit Satisfait de lui – dans le titre donné aux quelques vers que nous traduisons ci-dessous 4 .

M.L.B. – Râ’s el-‘âm 1436

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Une larme faite de rimes (zajal 5 )

Repentant, je suis repentant,

Ô Seigneur, pardonne mon péché !

Repentant, je suis repentant,

Ô Seigneur, voile mon défaut !

Repentant, je suis repentant,

Ô Seigneur réforme mon cœur !

Vaniteux, empli de défauts,

apeuré, sous l’emprise (satwah) de mon tourment,

Arrêté devant Ta porte, craintif,

je n’ai pour moi nul autre que Toi,

Je n’ai pour moi, dans ce monde (dunya), nuls amants

autres que Toi, si Tu acceptes mon amour !6

Cheikh Mohammed Zakî Ibrâhîm

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2014-09-19 18.50.30

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  1. Cor. 24 : 31. []
  2. Trad. Française d’E. Geoffroy in « La sagesse des maîtres soufis » Grasset 1998. []
  3. Rapporté par Al-Nawawî dans son Riyâd Al-Salihîn, chapitre sur le repentir. []
  4. Nous avons trouvé ces vers, absents du premier volume du Diwân al-Baqâyâ de l’auteur, sur différentes pages Facebook liées à la Achirah Mohammediyyah. Nous ne savons s’ils sont repris dans un autre recueil de poésie du Cheikh Zakî Al-Dîn. []
  5. Litt. « Une larme composée de zajal ». Le zajal est un type de poème arabe d’origine andalouse dont la particularité principale réside dans l’utilisation du dialecte. Ce type de poésie « populaire » qui ne suit pas la métrique arabe classique a été tout particulièrement préservé au sein des turûq, en particulier pour les vers destinés à être chantés durant les séances d’invocation collective et le samâ‘. Sur ce point, voir l’exemple de la tarîqah alawiyyah dans E. Geoffroy Un éblouissement sans fin: La poésie dans le soufisme (Le Seuil, 2014). []
  6. En écho à cette « déclaration d’amour » citons la conclusion d’un autre poème du Cheikh : « Si Allah bénit (bârik) mon amour, je ne me soucie ni du feu ni du jardin [du Paradis] ! » (Diwân al-Baqâyâ, « Oways az-zamân » ). Concernant la nature de cet amour, on se remémorera les vers suivants du même auteur : » […] l’amour d’Allah est un couronnement(tatwîj), l’amour est qualités de caractère (akhlâq) et Connaissance [effective] (Ma’rifah), dhikr et réflexion, apaisement (tarwîh) et parfum (ta’rîj)« . Pour le Cheikh, l’Amour  s’identifie ainsi à la Connaissance. Dans cette perspective, la structure même du poème « Une larme faite de rimes » offre une illustration de sa parole si souvent reprise dans ses ouvrages : « toutes les turûq régulières commencent par le repentir (tawbah) et se terminent par la Connaissance (Ma’rifah)« . []

par le 27 octobre 2014, mis à jour le 27 octobre 2014