Usage du terme « seyyidunâ » dans la prière sur le Prophète ﷺ (art. total)

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Première prière d’Afdal es-salawât du Cheikh en-Nabbahânî

ﭐلصّلاة ﭐلإبْراهيميّة

ﭐللَّهُمَّ صَلِّ عَلَى مُحَمَّدٍ وَ عَلَى آلِ مُحَمَّدٍ كَماَ صَلَّيْتَ عَلىَ إِبْرَاهِيمَ وَ عَلَى آلِ إِبْرَاهِيمَ وَ باَرِكْ عَلَى مُحَمَّدٍ وَ عَلَى آلِ مُحَمَّدٍ كَمَا بَارَكْتَ عَلَى إِبْراَهِيمَ وَ عَلَى آلِ إِبْرَاهِيمَ فِي ﭐلْعَالَمِينَ إِنَّكَ حَمِيدٌ مَجِيدٌ

La prière Abrahamique (Ibrâhîmiyyah)

« Allâhoumma prie sur Mouhammed et sur la Famille de Mouhammed comme tu as prié sur Abraham et sur la Famille d’Abraham et bénis Mouhammed et la Famille de Mouhammed comme tu as béni Abraham et la Famille d’Ibrâhîm dans les mondes. Tu es, en vérité, Digne de louanges, Glorieux. »

Cette prière est la forme la plus complète des prières sur le Prophète- qu’Allâh prie sur lui et le salue- qu’elles soient héritées de lui (ma’thoûrah) ou non. C’est pour cela qu’elle a été spécialement instituée dans la prière, par le fait que le hadith dans lequel elle se trouve est unanimement reconnu comme authentique, lequel est rapporté par Mâlik dans sa Mouwatta’, par Boukhârî et Mouslim dans leurs çahîh respectifs, par Aboû Dâwoud, par Tirmidhî ainsi que par an-Nisâ’î (.) ; de même, les houffâzh al-‘Irâqî et as-Sakhâwî ont affirmé son caractère unanime. Tout ceci a été mentionné par le sheykh (?) dans le commentaire des Dalâ’il al-khayrât et dans d’autres ouvrages. Les termes qui la composent ont été rapportés dans plusieurs versions, dont celle-ci, qui a été rapportée par l’Imâm al-Bayhaqî ainsi que par un autre groupe, et également dans le livre d’al-Fâsî intitulé Commentaire des Dalâ’il.

Le Sheykh Ahmed es-Sâwî (.) a mentionné le fait que Boukhârî a rapporté dans ses livres que le Prophète (.) avait dit : « Celui qui récite cette prière, je témoignerai de son témoignage au Jour de la Résurrection et j’intercèderai pour lui » et c’est un hadith fiable (hassan), dont les transmetteurs sont véridiques.

Certains ont rapporté que le fait de la lire 1000 fois implique la vision du Prophète.

Dans le hadith ne figure pas le terme honorifique « seyydounâ » (notre seigneur). Pourtant, l’Imâm el-Shams el-Ramlî a dit dans son ouvrage intitulé Commentaire d’al-Minhâj que la meilleure formulation est celle qui contient « seyyidounâ » parce qu’elle répond à ce qui nous a été ordonné à l’égard du Prophète (.).

(…) Concernant le hadith qui dit : « Ne prononcez pas à mon égard le mot seyyid dans la prière », il est faux et sans fondement, contrairement à ce qu’ont prétendu quelques houffâzh tardifs. L’Imâm Ahmed ibn Hajar (.) dit dans son livre intitulé El-jawhar el-Mounazhzham qu’il n’y a aucun mal à ajouter le mot « seyyidounâ » et que c’est même la convenance requise envers lui (.), même quand il s’agit de la prière rituelle obligatoire.

Le Savant al-Qastalânî (.) dit dans son ouvrage intitulé Al-Mawâhib que les savants tirent leur argument du fait que le Prophète (.) l’enseigna à ses Compagnons dans cette forme (avec « seyyid ») lorsqu’ils l’interrogèrent à son sujet, et que c’est la meilleure forme de prière sur lui (.) car il ne choisit pour lui-même que ce qui est le plus noble et le plus vertueux (…)

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« Monseigneur (Seyyidî) ! Ô Envoyé d’Allah (Yâ Rassûl’Allah) !

La prière sur le Prophète ﷺ dont nous proposons la traduction ci-dessous est extraite de la conclusion d’un article du Cheikh Mohammed Zakî al-Dîn 1 intitulé :

« Monseigneur (seyyidî) ! Ô Envoyé d’Allah (Yâ Rassûl’Allah) !

Tu es « notre seigneur » (seyyidinâ) quand bien même cela est détesté (kariha) par les impudents (al-mutawaqqihûn) !

Les compagnons appelaient « monseigneur » (yusawwadûn2 notre seigneur l’Envoyé d’Allah ﷺ ! »

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 En réponse à certaines remises en cause contemporaines de cette pratique, le Cheikh revient sur les fondements légaux de cette appellation, sur son importance du point de vue du adab envers Allah et son Prophète, sur sa mention en général et dans la pratique de la prière sur le Prophète en particulier ainsi que sur la gravité que constitue son abandon 3 .

La prière qui clôt l’article reprend ces différents aspects dans une synthèse qui nous semble illustrer de manière remarquable la méthode employée par le Cheikh Mohammed Zakî al-Din, tant sous le rapport de l’exposition doctrinale que du cheminement initiatique 4 .

W’Allahu a’lam

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Traduction 

Allahumma accorde donc Ta Grâce, Ta Paix, Ta Bénédiction, Ta Miséricorde, Ta Compassion, Ta Bienveillance et Ta Générosité au « seigneur des enfants d’Adam » 5 , notre seigneur Mohammed ainsi que sur sa Famille, ses Compagnons et ses Suivants jusqu’à la Résurrection quand bien même cela est détesté (kariha) par tout impudent (kullu waqihin) ; Allahumma enseigne-nous le comportement juste (addibnâ) avec Toi, avec lui 6 et avec [toute] la Création par la justesse de Ton comportement (bi adabi-Ka), et ne nous éprouve pas par un mauvais comportement (sû’ el-adab) dissimulé (mastûran) au nom de la Sunnah et de la Salafiyyah 7 ou manifesté (mashhûr) au nom du Dîn 8 , en vérité « c’est une sédition [venant] de Toi, Tu égares par elle qui Tu veux et Tu guides qui Tu veux » 9 !

Cheikh Mohammed Zakî Ibrâhîm

Présentation et notes du traducteur

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  1. Publié dans la revue Al-Muslîm du mois Dhûl-hijjah 1375 (1956) sous la rubrique Kalîmatu-r-Râ’id figurant en tête de numéro. Cet article a été reproduit dans le premier volume éponyme de l’édition posthume de l’ensemble des articles publiés dans cette rubrique. []
  2. Nous traduisons selon le contexte ce verbe issu de la racine arabe sâda , comme le terme seyyid,  qui peut-être rendu de différentes manières : « faire prévaloir quelqu’un », « reconnaitre quelqu’un en tant que chef, guide » , « rendre hommage à quelqu’un pour ses vertus » , etc. ; le Lissân el-‘Arab donne pour exemple le hadith suivant : «  D’après Qays ibn ‘Âçim : «Craignez Allah et rendez hommage à vos aînés (sawwidû akbarakum) !- وفي  حديث قيس بن عاصم: اتقوا الله وسَوِّدوا أَكبَرَكم []
  3. A ce propos, cf. les précisions du Cheikh al-Nabbahânî. []
  4. Ces deux aspects étant intimement liés, ainsi que l’a magistralement démontré René Guénon – Cheikh ‘Abd el-Wâhid Yahyâ. []
  5. Selon le hadith cité dans le corps de l’article par le Cheikh : « Je suis le seigneur (seyyid) des fils d’Adam, [cela dit] sans orgueil. » «أنا سيد ولد آدم و لا فخر » []
  6. Il s’agit évidemment ici du Prophète ﷺ. []
  7. A ce propos, on se rappellera opportunément le nom complet de la Tarîqa Mohammeddiyah :  At-Tarîqah Al-Mohammediyyah Ach-Châdhiliyyah Aç-çufiyyah As-Salafiyyah Ach-Char’iyyah, le qualificatif « As-Salafiyyah » étant pris ici au sens de ceux qui suivent véritablement la tradition des pieux prédécesseurs (salaf). Concernant l’importance du adab dans la Tarîqah, cf. la parole suivante du Cheikh Ibrâhîm al-Khalîl. []
  8. A ce propos, Sidî Mohammed Mehanna rappelait récemment que « le adab est l’origine (açl) du Dîn » ; lors d’une précédente intervention, il précisait que « le adab est l’esprit (rûh) de la tarîqah » en général et de la Tarîqah Mohammediyyah en particulier. On ajoutera, en complément de ce que nous avons déjà indiqué ailleurs, que la première expression pourrait-être rapprochée de celle du dharma hindou en tant qu’il exprime l’idée d’une « loi » ou « norme » primordiale universelle » et la seconde, qui n’est qu’une spécification de la première, du « swadharma, c’est-à-dire […] l’accomplissement par chaque être de la fonction qui est conforme à sa propre nature » (Cf. respectivement : René Guénon, « Dharma », repris dans les Études sur l’Hindouisme et « Les trois voies et les formes initiatiques », repris dans Initiation et réalisation spirituelle). []
  9. Paraphrase de Coran (7, 155) : « Ce n’est là qu’une des épreuves par lesquelles Tu égares qui Tu veux et Tu diriges qui Tu veux. » La suite du verset poursuit «Tu es notre Protecteur ! Aussi, pardonne-nous et fais-nous miséricorde, Toi qui es le meilleur de ceux qui pardonnent !  (Trad. J.-L. Michonrahimahu-Llah). []

par le 8 mai 2013, mis à jour le 19 août 2015

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