As salam alaykoum wa rah'matou Llahi wa barakâtouh !
Suite :
« Même si les Orientaux se trouvent contraints d’accepter dans une certaine mesure le progrès matériel, cela ne constituera jamais pour eux un changement profond, parce que, comme nous l’avons déjà dit, ils ne s’y intéresseront pas ; ils le subiront simplement comme une nécessité, et ils n’y trouveront qu’un motif supplémentaire de ressentiment contre ceux qui les auront obligés à s’y soumettre ; loin de renoncer à ce qui est pour eux toute leur raison d’être, ils se renfermeront en eux-mêmes plus strictement que jamais, et ils se feront encore plus distants et inaccessibles.
D’ailleurs, la civilisation occidentale étant de beaucoup la plus jeune de toutes, les règles de la plus élémentaire politesse, si elles étaient de mise dans les relations des peuples ou de races comme dans celles des individus, devraient suffire pour lui montrer que c’est à elle, et non aux autres qui sont ses aînées, qu’il appartient de faire les premiers pas. Certes, c’est bien l’Occident qui est allé trouver les Orientaux, mais avec des intentions toutes contraires : non pour s’instruire auprès d’eux, comme il sied aux jeunes gens qui se rencontrent avec des vieillards, mais pour s’efforcer, tantôt brutalement, tantôt insidieusement, de les convertir à sa propre manière de voir, pour leur prêcher toutes sortes de choses dont ils n’ont que faire, ou dont ils ne veulent pas entendre parler. Les Orientaux, qui tous apprécient fort la politesse, sont choqués de ce prosélytisme intempestif comme d’une grossièreté ; venant s’exercer dans leur propre pays, il constitue même, ce qui est encore plus grave à leurs yeux, un manquement aux lois de l’hospitalité ; »
Orient et Occident, Tentatives infructueuses – Deuxième partie, Chapitre premier
« Ce qu’on appelle la Renaissance fût en réalité, comme nous l’avons déjà dit en d’autres occasions la mort de beaucoup de choses ; Sous prétexte de revenir à la civilisation gréco-romaine, on n’en prit que ce qu’elle avait de plus extérieur, parce que cela seul avait pu s’exprimer clairement dans des textes écrits ; et cette restitution incomplète ne pouvait d’ailleurs avoir qu’un caractère fort artificiel, puisqu’il s’agissait de formes qui, depuis des siècles, avaient cessé de vivre de leur vie véritable. [ …] Il n’y eut plus désormais que […] la limitation de la connaissance à l’ordre le plus inférieur, l’étude empirique et analytique des faits qui ne sont rattachés à aucun principe, la dispersion dans une multitude de détails insignifiants, l’accumulation d’hypothèses sans fondement, qui se détruisent incessamment les unes des autres, et de vues fragmentaires qui ne peuvent conduire à rien, sauf à ces applications pratiques qui constituent la seule supériorité effective de la civilisation moderne ; supériorité peu enviable d’ailleurs, et qui, en se développant jusqu’à étouffer toute autre préoccupation, a donné à cette civilisation le caractère purement matériel qui en fait une véritable monstruosité. »
La crise du monde moderne - Chapitre premier, L’âge sombre
« Il y a un mot qui fut mis en honneur à la Renaissance, et qui résumait par avance tout le programme de la civilisation moderne : ce mot est celui d’ «humanisme». Il s’agissait en effet de tout réduire à des proportions purement humaines, de faire abstraction de tout principe supérieur, et pourrait-on dire symboliquement, de se détourner du ciel pour conquérir la terre ; les Grecs, dont on prétendait suivre l’exemple, n’avaient jamais été aussi loin en ce sens, même au temps de leur plus grande décadence intellectuelle, et du moins les préoccupations utilitaires n’étaient elles jamais passées chez eux au premier plan, ainsi que cela devait bientôt se produire chez les modernes. L’ «humanisme» c’était déjà une première forme de ce qui est devenu le «laïcisime» contemporain, et, en voulant tout ramener à la mesure de l’homme, pris pour une fin en lui-même, on a fini par descendre, d’étape en étape, au niveau de ce qu’il y a en celui-ci de plus inférieur, et par ne plus guère chercher que la satisfaction des besoins inhérents au côté matériel de sa nature, recherche bien illusoire, du reste, car elle crée, toujours plus de besoins artiificiels qu’elle n’en peut satisfaire. »
La crise du monde moderne - Chapitre premier, L’âge sombre
« […]l’ésotérisme appelle l’exotérisme comme son complément nécessaire. Lorsque cet ésotérisme est méconnu, la civilisation […] ne tarde pas à perdre tout caractère traditionnel, car les éléments de cet ordre qui y subsistent encore, sont comparables à un corps que l’esprit aurait abandonné […] c’est là très exactement ce qui est arrivé au monde occidental moderne. »
Les états multiples de l’être, Avant-Propos – Page 5
"Tout cela a abouti à ce qu’on est convenu d’appeler, dans le jargon actuel, la fabrication « en série » dont le but n’est que de produire la plus grande quantité d’objets possible […] destinés à l’usage d’hommes que l’on suppose tous semblables […]Ces hommes réduits à de simples « unités » numériques, on veut les loger […]dans des « ruches » dont les compartiments seront tous tracés sur le même modèle et meublés avec des objets fabriqués « en série » de façon à faire disparaître du milieu où ils vivront toute différence qualitative ; il suffit d’examiner les projets de certains architectes contemporains (qui qualifient eux-mêmes ces demeures de « machines à habiter ») pour voir que nous n’exagérons rien ; que sont devenus […] les règles rituelles présidant à l’établissement des cités et des édifices dans les civilisations normales ? […] il faudrait être aveugle pour ne pas se rendre compte de l’abîme qui sépare de celles-ci la civilisation moderne […] ce que l’immense majorité des hommes actuels célèbrent comme un « progrès », c’est là précisemment ce qui nous apparaît tout au contraire comme une profonde déchéance […] qui entraîne l’humanité vers les « bas fonds » où règne la quantité pure."
Le règne de la quantité et les signes des temps, Chapitre VIII - Métiers anciens et industrie moderne