Bismillah wa bi-hamdi-Hi, wa sall'Allah 'ala Seyyid al-mursalin wa 'ala ali-hi
Assalâmu 'alaykum wa rahmatu-Llahi wa Barakatu-Hu,
Sidî Luc de la Hilay,
Merci pour ces intéressante remarques, ceci est d'autant plus remarquable que, en général, c'est la
basîrah et non le
nadhrah qui est considéré théologiquement comme un attribut d'Allah.
Sidî Mohammed Abdessalam,
Voici une autre version de l'enseignement du Cheikh Abu-l-Hassan qui vous intéressera surement:
"
On rapporte que le Shaykh Abû-l-'Abbâs al-Mursî - que Dieu soit satisfait de lui - a dit : " La tortue élève ses petits par le regard. De la même façon, le maître éduque son disciple par le regard. La tortue pond ses oeufs sur la terre ferme et les place en direction de la rivère, puis elle les regarde et Dieu les fait grossir et éclore et ce par le regard que porte sur eux la tortue".
Ibn 'atâ Allah al-Iskandarî (
Tâj el-'arûs)Trad. franç. Sidî Abdallah Penot
Ces précisions transmises oralement par le successeur direct du cheikh Abu-l-Hassan puis transcrites par son propre représentant -qu'Allah soit satisfait d'eux tous - me semble pouvoir permettre certains rapprochements avec l'enseignement de René Guénon:
1. «
La tortue pond ses oeufs sur la terre ferme » :
La ponte de l'œuf peut être mise en correspondance avec la transmission de l'influence spirituelle qui détermine l'initiation virtuelle. Il y a de plus un rapport évident avec le symbole du « germe » initiatique dont à parlé Guénon et qui se retrouve aussi chez Cha’ran,î dans ses Lawaqîh.
2. «
et les place en direction de la rivère » :
Il y a là une indication particulièrement intéressante sur la nécessité de l’orientation du disciple. Je reviendrais sur la question de la rivière en fin de message, j'attire cependant l'attention du lecteur sur son rapport avec la "source",
'ayn en arabe qui signifie aussi "oeil" et qui rejoint donc indirectement l'idée du regard.
3. «
puis elle les regarde »
Le regard porté par la mère tortue symboliserait quand à lui, sans exclure d'autres sens possibles, le lien initiatique existant désormais entre le Maître et le disciple ou la silsila. Ceci me semble présenter un rapport évident avec le symbolisme polaire et axial du regard d’Allah vers la création dont on peut même dire qu’il en est la transposition directe. De manière plus générale on pourrait considérer ce regard comme le support de la descente des influences spirituelles.
4. «
Dieu les fait grossir et éclore et ce par le regard que porte sur eux la tortue »
En rapport avec le symbole de l’œuf du Monde, la « croissance » de l’œuf peut ainsi être vu comme un symbole de la réalisation effective de l’individualité intégrale suite à l’assimilation des influences spirituelles dont le Maître est le transmetteur ou le « porteur » (Cf. mon article sur le Maitre spirituel « vivant » en particulier chap. II et VIII). Son « éclosion » correspondrait quand à elle à l’ « ouverture du Cœur » c'est-à-dire à la sortie du Cosmos et à l’accession au domaine supra-humain.
Les rapports particuliers existant entre la descente des influences spirituelles et l’ « action de présence » permettraient quand à eux de justifier un rapprochement avec l’ « enseignement du silence ». Ne pourrait pas voir aussi dans cet « enseignement de la tortue » une allusion à ce que j’appellerai volontiers le rôle « symbolique » du Maître spirituel « vivant » ?
*
Dans un texte lu il y a quelques années sur le web, on trouvait les précisions suivantes :
“
Shaykh ibn Ajiba said that the metaphor of this is like the turtle which lays its eggs in the sand and then the mother turtle exhausted having laid the eggs crawls back into the ocean and then just before going into the ocean, the mother turtle turns and glances at her eggs and goes back into the ocean. This he said is like the shaykh when he looks on the murid. The look of the mother turtle is to tell the eggs to come into the ocean so when they hatch they know to head for this great ocean. And this glance is like the glance of the shaykh on the murid to call him into the ocean of divine love.Je n’ai malheureusement pas retrouvé, jusqu'à présent, cet enseignement attribué à Ibn ‘Ajiba, mais dans la mesure où il est cohérent avec celui du Cheikh Abu-l-Abbas je me risquerai à quelque remarques :
En orientant ces œufs vers la rivière, la mère tortue les place dans une position leur permettant de rester sous son regard. Elle doit donc elle-même se placer entre la rivière (ou l’océan) et ses œufs, et même, comme le suggère le texte en anglais, dans l’océan. Elle constitue ainsi, en quelque sorte un « repère » ou un « indicateur » (dalîl) pour les bébés tortues et les invite à la rejoindre dans l’océan de la Connaissance ou de l’Amour divin. Il y aurait donc là lieu de considérer plus particulièrement ce que Guénon appelle la « remonté du courant », qui n’est d’ailleurs pas sans rapport ave le hizb el-Bahr, l’oraison châdhilie par excellence. De plus la mère tortue s’identifie en quelque sorte elle-même à l’océan. Sous ce rapport, il y aurait aussi d'intéressantes remarques à faire sur le Mythe hindou du barattement de la Mer où intervient justement la tortue avatara de Vishnou
Kurma.
W’Allahu a’lam !
MLB