7 – Comment René Guénon parle-t-il du « secret initiatique » dans son oeuvre publique ?

Réponse d’Olivier Courmes

V1 – 3 sept 2010

Voici quelques passages qui concernent la nature du « secret initiatique » par René Guénon.

– Chapitre « Du secret initiatique », in  Aperçus sur l’Initiation.

« le « véritable secret initiatique (…) est tel par la nature des choses, et  (…) par conséquent ne saurait jamais être trahi en aucune façon, étant d’ordre purement intérieur et, comme nous l’avons déjà dit, résidant proprement dans l’ « incommunicable ». »

– Aperçus sur l’Initiation, (Fin de chapitre précédent) chap. «  Du secret initiatique »

« … un secret quelconque autre que le secret proprement initiatique a toujours un caractère conventionnel : nous voulons dire par là qu’il n’est tel qu’en vertu d’une convention plus ou moins expresse, et non par la nature des choses. Au contraire, le secret initiatique est tel parce qu’il ne peut pas ne pas l’être, puisqu’il consiste exclusivement dans l’ « inexprimable », lequel, par la suite, est nécessairement aussi l’« incommunicable ».

– Aperçus sur l’Initiation, chap. « Du secret initiatique » [Guénon renvoie dans une note à lecture chapitre XII du Règne de la Quantité]

(… alors que tout secret d’ordre extérieur peut toujours être trahi, le secret initiatique seul ne peut jamais l’être en aucune façon, puisque, en lui-même et en quelque sorte par définition, il est inaccessible et inaccessible aux profanes et ne saurait être pénétré par eux, sa connaissance ne pouvant être que la conséquence de l’initiation en elle-même. En effet, ce secret est de nature telle que les mots ne peuvent l’exprimer. (…) A proprement parler, ce qui est transmis par l’initiation n’est pas le secret lui-même, puisqu’il est incommunicable, mais l’influence spirituelle qui a les rites pour véhicule, et qui rend possible le travail initiatique intérieur au moyen duquel, en prenant les symboles comme base et comme support, chacun atteindra ce secret et le pénétrera plus ou moins complètement, plus ou moins profondément, selon la mesure de ses propres possibilités de compréhension et de réalisation.»

Aperçus sur l’Initiation, chap. « Du secret initiatique »

(le secret initiatique est) « quelque chose qu’il n’est au pouvoir de personne, quand bien même il le voudrait, de dévoiler et de communiquer à autrui. »

Aperçus sur l’Initiation, chap. «  Du secret initiatique »

« Nous arrivons à dégager encore une autre conséquence de la nature du secret initiatique : il peut arriver en fait, que, outre ce secret qui lui seul est essentiel, une organisation initiatique possède aussi secondairement, et sans perdre aucunement pour cela son caractère propre, d’autres secrets qui ne sont pas du même ordre, mais d’un ordre plus ou moins extérieur et contingent ; ce sont ces secrets purement accessoires qui, étant forcément les seuls apparents aux yeux de l’observateur du dehors, seront susceptibles de donner lieu à diverses confusions. »

(…)

« Les secrets auxquels nous faisons allusion ici sont, plus spécialement, ceux qui concernent les sciences et les arts traditionnels (…) »

(…)

Dans cette même catégorie de secrets accessoires et non essentiels, on doit ranger aussi un autre genre de secret qui existe très généralement dans les organisations initiatiques, et qui est celui qui occasionne le plus communément , chez les profanes, cette méprise sur laquelle nous avons précédemment appelé l’attention : ce secret est celui qui porte, soit sur l’ensemble des rites et des symboles en usage dans une telle organisation, soit, plus particulièrement encore, et aussi d’une manière plus stricte d’ordinaire, sur certains mots et certains signes employés par elle comme « moyens de reconnaissance », pour permettre à ses membres de se distinguer des profanes. (…) aussi doit-on insister sur ceci, que non seulement ce secret ne peut en aucune façon être confondu avec le véritable secret initiatique, sauf de ceux qui n’ont pas la moindre idée de la nature de celui-ci, mais que même il n’a rien d’essentiel, si bien que sa présence ou son absence ne saurait être invoquée pour définir une organisation comme possédant un caractère initiatique ou comme en étant dépourvue. »

Extraits du chapitre « Mythes, mystères et symboles », in Aperçus sur     l’Initiation » de René Guénon.

(L’idée) «  de « silence » doit être rapportée ici aux choses qui, en raison  de leur nature même, sont inexprimables, tout au moins directement et par le langage ordinaire ; une des fonctions générales du symbolisme est effectivement de suggérer l’inexprimable, de la faire pressentir, ou mieux « assentir », par les transpositions qu’il permet d’effectuer d’un ordre à un autre, de l’inférieur au supérieur, de ce qui est le plus immédiatement saisissable à ce qui ne l’est que beaucoup plus difficilement ; »

Aperçus sur l’Initiation, « Mythes, mystères et symboles »

« L’enseignement concernant l’inexprimable ne peut évidemment que le suggérer à l’aide d’images appropriées, qui seront comme les supports de la contemplation ; d’après ce que nous avons expliqué, cela revient à dire qu’un tel enseignement prend nécessairement la forme symbolique. »

Extraits du chapitre « De l’enseignement initiatique », in Aperçus sur   l’Initiation » de René Guénon.

A propos de la transmission de ce qui est inexprimable :

« (…) le symbole, pour qui parviendra à pénétrer sa signification profonde, pourra faire concevoir incomparablement plus que tout ce qu’il est possible d’exprimer directement ; aussi est-il le seul moyen de transmettre, autant qu’il se peut, tout cet inexprimable qui constitue le domaine propre de l’initiation, ou plutôt, pour parler plus rigoureusement, de déposer les conceptions de cet ordre en germe dans l’intellect de l’initié, qui devra ensuite les faire passer de la puissance à l’acte, des développer et les élaborer par son travail personnel, car nul ne peut rien faire de plus que de l’y préparer en lui traçant, par des formules appropriées, le plan qu’il aura par la suite à réaliser en lui-même pour parvenir à la possession effective de l’initiation qu’il n’a reçue de l’extérieur que virtuellement. »

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En résumé, on peut retenir, que pour René Guénon :

  • Le « secret initiatique » désigne la Connaissance Suprême
  • Le « secret initiatique » correspond à ce qui est désigné par le « sirr » dans le Taçawwuf
  • Le secret initiatique est inexprimable, incommunicable
  • Le secret initiatique n’est accessible que par la connaissance effective, conséquence de l’initiation
  • L’accès effectif au secret initiatique peut être gradué, comme l’est la connaissance initiatique ; il est la conséquence d’un processus actif et personnel, comme l’est la connaissance initiatique
  • L’initiation ne se fait pas par la transmission du secret initiatique, mais par celle de l’influence spirituelle (barakah)
  • Le secret initiatique est théoriquement accessible à chacun, par la réalisation initiatique, c’est-à-dire la connaissance effective
  • Le secret initiatique ne peut être dévoilé
  • Il peut exister des secrets secondaires (concernant les sciences, les arts traditionnels et les signes de reconnaissance) qui n’ont rien de commun avec la nature du secret initiatique le plus intérieur
  • Le symbolisme est susceptible de suggérer de qui est de l’ordre du secret initiatique
  • Le secret étant par nature incommunicable, il est intransmissible en tant que tel, mais peut être faire l’objet d’un dépôt en mode virtuel « dans l’intellect de l’initié », qui devra faire le Travail personnel nécessaire pour accéder à une connaissance effective (cf. question 8)

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Article thématique correspondant

MAITRE SPIRITUEL ET ENSEIGNEMENT

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par le 11 septembre 2010, mis à jour le 11 juillet 2015

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