47 – Dans quelle mesure peut-on intégrer au Taçawwuf islamique des pratiques initiatiques appartenant à une autre forme traditionnelle (yoga, mantra, diksha, …) ?

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4 août 2015 – V4

Suite à certaines réactions que nous jugions négatives nous avions préféré supprimer des parties importantes de nos récents articles sur ces sujets. Des témoignages spontanés de milieux très divers (musulman et non-musulman) qui montrent à quel point nos articles sont justifiés, nous font maintenant revenir sur cette décision, voire envisager d’amplifier notre action en ce sens si cela s’avérait nécessaire, bi-hawli-Llah wa quwwati-H

Nous appelons d’ailleurs toute personne sincère et responsable à se manifester positivement in châ Allah avant que davantage de personnes ne pâtissent de tels errements.

Hasbun-Allah wa ni’ma-l-Wakîl

Ni’ma-l-Mawlâ wa ni’ma-n-Naçîr

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Réponse de Mohammed Abd es-Salâm

Bien que cette question concerne peut-être autant le Taçarruf que le Taçawwuf islamique et étant donnée l’importance du sujet, il nous apparaît simplement qu’il serait possible d’envisager une intégration de cette sorte dans la stricte mesure où elle serait réalisée sous l’égide et avec la garantie d’un ou plusieurs représentants de l’Autorité spirituelle la plus haute.

Pour dire les choses autrement et avec le souci de ne pas entrer dans des développements trop importants sur une question si particulière, nous ne voyons pas comment on pourrait régulièrement procéder de la sorte sans une injonction du Prophète (sall-Allah ‘alayhi wa sallam) ou, par exemple, d’un membre éminent du Diwân des Awliyâ. Mais qui donc, en dehors de cela, pourrait prétendre être qualifié et compétent pour effectuer une telle chose ? Croit-on qu’en ce domaine la seule « impression » ou la « conviction profonde » puisse suffire ?

En dehors d’une telle situation, nous ne voyons pas quel intérêt il y aurait, par exemple, à ce que quelqu’un (même en revendiquant d’être « autorisé » pour cela par une « autorité » non-islamique) fasse participer ou pratiquer à des musulmans un rite qui serait l’exact équivalent, dans une autre forme traditionnelle, de ce qu’est le tawajjuh dans le Taçawwuf islamique, alors que cette pratique régulière y existe réellement et qu’elle peut être mise en œuvre valablement par quelqu’un d’également autorisé.

De même, nous ne voyons pas davantage l’intérêt qu’il y aurait à transmettre une influence spirituelle quelconque d’origine non-islamique à des musulmans, dans la mesure où elle proviendrait d’une forme traditionnelle non-islamique et où il existe un rite équivalent au sein du Taçawwuf, même si l’objectif évidemment commun est de rechercher ce que certaines traditions nomment l’ « Éveil » 1

Nonobstant ces rappels, qui ont d’ailleurs plus valeur de réserves ou de « mises-en-garde » à l’attention de ceux qui seraient concernés que de simples remarques générales, ajoutons que de telles pratiques présenteraient évidemment des dangers éventuels, voire même des risques graves, au sujet desquels ceux qui les mettent en œuvre devraient certainement réfléchir plus d’une fois avant d’affirmer leur caractère régulier.

D’ailleurs, remarquons enfin que le simple fait de constater, même parfois de manière impressionnante, une similitude parfaite entre des rites appartenant à des formes traditionnelles différentes ne nous semble aucunement pouvoir justifier leur « transfert » comme tel et leur mise en oeuvre d’une forme à une autre ; et il faudrait donc que celui qui procèderait à de telles dérogations aux pratiques traditionnelles les plus connues et incontestables soit en mesure d’avancer des arguments suffisants pour que l’on puisse recevoir valablement de telles conceptions et de telles pratiques aberrantes et irrégulières.

A ce propos, voici quelques passages significatifs puisés chez René Guénon, qui ne devraient pas laisser indifférents les promoteurs de pratiques plus que douteuses de cette espèce quand ils se revendiquent néanmoins de son œuvre et se servent ainsi de sa caution devant les yeux admiratifs de prétendants, ou de clients, trop ignorants et naïfs :

  • « … dans tout ce qui se rapporte à l’initiation, il n’y a en réalité rien de vague ni de nébuleux, mais au contraire des choses très précises et très « positives » » 2
  • «L’initiation, en effet, n’est pas comme les réalisations mystiques, quelque chose qui tombe d’au-delà des nuages, si l’on peut dire, sans qu’on sache comment ni pourquoi ; elle repose au contraire sur des lois scientifiques positives et sur des règles techniques rigoureuses ; on ne saurait trop insister là-dessus, chaque fois que l’occasion s’en présente, pour écarter toute possibilité de malentendu sur sa véritable nature»  3 .
  • “ lors même qu’il s’agit d’une organisation authentiquement initiatique, ses membres n’ont pas le pouvoir d’en changer les formes à leur gré ou de les altérer dans ce qu’elles ont d’essentiel; cela n’exclut pas certaines possibilités d’adaptation aux circonstances, qui d’ailleurs s’imposent aux individus bien plutôt qu’elles ne dérivent de leur volonté, mais qui, en tout cas, sont limitées par la condition de ne pas porter atteinte aux moyens par lesquels sont assurés la conservation et la transmission de l’influence spirituelle dont l’organisation considérée est dépositaire ; si cette condition n’était pas observée, il en résulterait une véritable rupture avec la tradition, qui ferait perdre à cette organisation sa “ régularité ”. En outre, une organisation initiatique ne peut valablement incorporer à ses rites des éléments empruntés à des formes traditionnelles autres que celle suivant laquelle elle est régulièrement constituée (1) ; de tels éléments, dont l’adoption aurait un caractère tout artificiel, ne représenteraient que de simples fantaisies superfétatoires, sans aucune efficacité au point de vue initiatique, et qui par conséquent n’ajouteraient absolument rien de réel, mais dont la présence ne pourrait même être, en raison même de leur hétérogénéité, qu’une cause de trouble et de désharmonie ; le danger de tels mélanges est du reste loin d’être limité au seul domaine initiatique, et c’est là un point important pour mériter d’être traité à part. Les lois qui président au maniement des influences spirituelles sont d’ailleurs chose trop complexe et trop délicate pour que ceux qui n’en ont pas une connaissance suffisante puissent se permettre impunément d’en apporter des modifications plus ou moins arbitraires à des formes rituéliques où tout a sa raison d’être, et dont la portée exacte risque fort de leur échapper » 4

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Les lecteurs habituels du Porteur de Savoir auront compris quelle est notre position à ce sujet et la raison de l’insistance que nous avons à l’exprimer aussi directement que possible, in châ Allah.

Quant à ceux qui, visés par nos remarques, oseraient sans honte avancer quelque argument fallacieux avec l’intention plus ou moins diffuse de détourner l’attention 5 , nous opposons sans crainte et patiemment les dégâts parfois irrémédiables causés par leurs agissements auprès de prétendants sincères à la Voie qui leurs avaient donné leur confiance et qui, faute de connaissance ou d’expérience, se trouvent plus ou moins définitivement démunis ou détournés de ce qui est authentique. Nous suggérons à ces « responsables », non seulement (après qu’ils aient fait amende honorable) de faire en sorte que la régularité de leurs prises de positions soit dorénavant plus clairement lisible (quels que soient le « support » de communication utilisé) et  (…) qu’ils affirment publiquement et aussi clairement que possible ne plus mettre en œuvre dans leurs pratiques personnelles ou dans celles qu’ils proposent à leurs « stagiaires » des rites, exotériques ou initiatiques, qui ne seraient pas strictement islamiques 6 .

w-Allah a’lam

hasbuna-Allah wa ni’ma-l-Wakîl

ni’ma-l-Mawlâ wa ni’ma-n-Naçîr

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  1. Ceci rappelle assez étonnamment l’anomalie que nous avions relevée, il y a quelques années déjà, concernant une méprise sur la différence entre « Voie de sirr » (ou de sulûk) et « Voie de tabarruk ». On prétendait en effet que la première se distinguait de la seconde par l’existence d’une sorte de « super-barakah » qui octroierait une efficacité différente au rattachement, tandis que le rattachement tabarrukan ne consisterait qu’en le transfert d’une sorte de « simple barakah« . Hormis le caractère totalement invraisemblable de cette théorie, nous avions souligné alors le problème que la définition de l’origine de cette « super-influence spirituelle » d’une autre nature posait nécessairement sur le plan doctrinal : l’origine de la barakah étant divine, quelle serait celle de la « super-barakah » ? []
  2. René Guénon, Aperçus sur l’Initiation []
  3. René Guénon, Aperçus sur l’Initiation, Des rites initiatiques, p. 111 []
  4. René Guénon, Aperçus sur l’Initiation, De la régularité initiatique []
  5. Précisons, à titre d’exemple parmi d’autres, que ce que nous dénonçons ici n’est pas le fait d’avoir de simples relations avec des membres de formes traditionnelles différentes, ni le fait de simplement assister sans y participer à un rite d’une forme traditionnelle différente ; et il serait donc tout-à-fait incohérent et malhonnête de faire comme si c’était le cas. Néanmoins, nous estimons utile de préciser, non pas selon une conception simplement théorique mais en considération de faits avérés, que l’habitude d’assister à de telles pratiques peut réellement conduire certains êtres (qu’on n’aurait pas cru être capables d’une telle chose a priori et qui se défendent même extérieurement d’avoir une pratique syncrétique), toujours au nom d’un « rapprochement œcuménique dans l’unité de la Tradition universelle » et à force de ressasser ce genre de pensée, à dépasser finalement les limites et à bel et bien participer réellement soi-même à un rite exotérique central d’une forme traditionnelle différente de la sienne. Rappelons qu’en Islam un tel cas est habituellement qualifié de kufr, wa-l-‘iyâdhu bi-Llah. Ceux qui se font naïvement les défenseurs zélés de telles positions feraient donc bien de réfléchir à deux fois et de regarder en face d’eux avant d’être trop catégoriques []
  6. Pour ceux qui, comme nous,  éprouveraient une certaine difficulté à comprendre ce que recouvre exactement le terme diksha (ou deeksha), tantôt décrit comme une initiation, tantôt comme une transmission d’énergie (« divine energy« ) ou d’influence spirituelle et tantôt comme un équivalent du tawajjuh (selon l’avis d’un « transmetteur » de diksha musulman), nous indiquons la référence de ce site sur l’espace public duquel on peut trouver un certain nombre d’informations significatives émanant des promoteurs français eux-mêmes et concernant, notamment, l’origine, la mise en pratique et les objectifs annoncés de ce qu’ils nomment le « phénomène » : Oneness en France

    Nous  nous permettons de conseiller aux personnes intéressées de prendre le temps nécessaire pour évoluer dans ce site, présentant publiquement ses informations et au demeurant fort bien fait, à la recherche de définitions précises, à la compréhension du contenu des « divers cours » présentés pour permettre à l’humanité tout entière, toutes formes traditionnelles (« religions ») confondues,  de faire un voyage  (?) progressif jusqu’à la Délivrance (?), en 9+9+10 jours, sauf si l’on est pressé et peu disponible, pour alors suivre une voie « courte ».

    Nous conseillons de regarder avec attention les vidéos qui sont proposées pour permettre l’accès ultime à un « nouvel âge » de l’humanité (en anglais « new age »). Il n’y a pas de mal à s’instruire, surtout quand il s’agit d’informations de « première main » émanant de membres internes, certainement bien intentionnés []

par le 13 juillet 2015, mis à jour le 31 janvier 2016

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