37 – Pourriez-vous résumer l’intérêt et les principes généraux du adab ? (M.A.S.)

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بسم الله الرحمن الرحيم الحمد لله والصلاة والسلام على سيدنا محمد رسول الله وآله وصحبه ومن والاه

La démarche qui se base sur la compréhension et la mise en application des règles de adab, c’est-à-dire dans une optique purement initiatique de sulûk, est réellement excellente car elle présuppose de comprendre les principes généraux qui définissent cette science.

Sachant, d’une part, que le processus initiatique lui-même (sulûk) est un mode d’unification (tawhîd) qui consiste à opérer la concentration des différents éléments constitutifs de l’être et, d’autre part, que le adab réside principalement dans la connaissance et le respect effectif des droits qu’ont les êtres sur soi ainsi que des obligations que l’on a envers eux (et non l’inverse !), peut-être pourrait-on résumer comme suit les principes en question :

1- Comme ce qui importe est la réforme de l’être et sa purification dans une Voie de perfection, il convient, à moins de détenir à cet effet une fonction spécifique, de ne prendre en considération que ce qui concerne ce processus unique, à l’exception de tout autre : «Délaisser ce qui ne le concerne pas fait partie de l’excellence de l’islam de la personne» (Hadîth). «L’excellence de l’islam» traduit ici l’expression «husn el-islâm» qui fait ainsi référence à la dimension d’ihsân, définissant elle-même pleinement le «maqâm et-Taçawwuf» : «que tu adores Allah comme si tu Le voyais car, si tu ne Le vois pas, Lui te voit» (Hadîth).

2 – Rien ne touche l’être qui ne lui soit prédestiné, ou qui lui soit extérieur, c’est-à-dire dont il ne détienne en lui-même la possibilité : «Toute chose est facilitée (muyassar) à ce pour quoi elle a été créée» (Hadîth). La notion de «taysir» ainsi comprise est en rapport direct avec le processus même de réalisation spirituelle effective (tahqîq, sulûk) ; sous ce rapport essentiel, tout ce qui «facilite» ou «déclenche» un évènement initiatique participe, directement ou indirectement, consciemment ou inconsciemment et quelle qu’en soit la forme personnelle ou impersonnelle, de la fonction d’enseignement. On dit, par exemple, en ce sens que le Maître véritable n’est pas celui qui multiplie les awrâd et les exercices spirituels (riyâdah) mais celui qui prend par la main son disciple pour le faire entrer effectivement dans la présence de son Seigneur ; ce faisant, il lui «facilite» en effet la Voie.

3 – Il existe une affinité nécessaire entre les évènements que vit un être et sa réalité profonde : « Le croyant est le miroir du croyant » (ou «Le fidèle est le miroir du fidèle» (Hadîth). Tout «évènement» (au sens large de ce qui survient à l’être, intérieurement ou extérieurement) le concerne au premier chef et est ainsi susceptible de le renvoyer à lui-même.

Considérés de cette manière, il n’est pas nécessaire d’être très nombreux ni dans un cadre particulier pour mettre en pratique de manière efficace les âdâb du Taçawwuf puisque la compagnie ou la relation simple (et même occasionnelle ou unique) avec un seul frère (ami ou ennemi, mais c’est quand même plus agréable lorsque son semblable est quelqu’un de pieux – akhun sâlih) est alors une source potentielle d’enseignements immenses, à condition d’être sincère (c’est-à-dire de tendre à exclure ou d’exclure toute forme de duplicité interne ou externe) et d’avoir l’intention réelle et déterminée («En vérité, les actes valent par les intentions» – Hadîth) de se connaître soi-même en se réformant ; «Qui se connaît soi-même connaît son Seigneur» (Hadîth).

En résumé :

  1. أَنْ تَعْبُدَ اللَّهَ كَأَنَّكَ تَرَاهُ فَإِنْ لم تَكُنْ تَرَاهُ فإنه يَرَاكَ – «Que tu adores Allah comme si tu Le voyais car, si tu ne Le vois pas, Lui te voit» (adoration – ihsân, ‘ibâdah, tawhîd)
  2. من عرف نفسه عرف ربه – «Qui se connaît soi-même connaît son Seigneur» (connaissance – ‘ilm, ma’rifah)
  3. إنما الأعمال بالنيّات -«En vérité, les actes valent par les intentions» (condition nécessaire –ikhlâç, çidq)
  4. من حسن إسلام المرء تركه ما لا يعنيه – «Délaisser ce qui ne le concerne pas fait partie de l’excellence de l’islam de la personne» (méthode – tawhîd)
  5. كلٌّ مُيَسَّرٌ لِما خُلِقَ لَه – «Toute chose est facilitée pour ce pour quoi elle a été créée» (méthode)
  6. المؤمن مرأة المؤمن – « Le croyant est le miroir du croyant » (méthode – ihsân, ikhlâç, çidq)

Qu’Allah nous fasse bénéficier de ces six là !

Et Allah est Plus Savant !

 Mohammed Abd es-Salâm

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par le 9 décembre 2012, mis à jour le 20 avril 2014