Conditions générales concernant le rattachement et la participation à la branche française de la Tarîqah Mohammediya Chadhiliya – M.A.S.-
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(Extraits d’un document interne)
17 sept. 2014 – V4
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Présentation
Les conditions (shurût) données ici sont des rappels et des adaptations de règles générales du Taçawwuf. Elles sont conformes aux autorisations (ijâzât) régulières correspondantes et tiennent compte des conditions actuelles, notamment en Occident, sans toutefois porter atteinte au contenu et à l’essentiel des moyens initiatiques véhiculés par la Tarîqah.
Le présent exposé concerne les conditions générales de la Tarîqah, à l’exclusion des aspects personnels (khâç) de l’initiation.
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Première partie
Conditions générales concernant le rattachement à la Tarîqah.
Rattachement et Pacte initiatique
Conformément à l’enseignement des Maîtres de la Voie : « El ‘ahd, ‘ahd Allah », « le Pacte initiatique est le Pacte d’Allah » ; or, quel que soit le domaine dans lequel il s’effectue, tout pacte implique une réciprocité.
Si1 le rattachement consiste essentiellement à recevoir l’influence spirituelle transmise au sein de la Tarîqah, il doit être entendu qu’il consiste donc aussi, en des termes plus développés qui mettent en évidence l’aspect réciproque du Pacte en question, à prendre l’engagement au moins implicite envers Allah, Source essentielle et unique de la barakah transmise de Sa Part et sous Son Autorisation (idhn),de mettre en œuvre réciproquement cette influence pour la Connaissance de Sa Face et selon les moyens qu’Il met à la disposition du faqîr dans ce cadre ; ce dépôt, une fois reçu, est définitivement acquis, Allah –subhâna-Hu wa Ta’âlâ- « ne changeant pas Sa Parole », c’est-à-dire Son Pacte, dans le cas présent.
Ainsi conçu dans une perspective de recherche d’initiation effective, le rattachement à une organisation initiatique régulière (Tarîqah), même lorsqu’il s’effectue sans autre engagement que celui qui est rappelé ci-dessus (généralement appelé tabarrukan) n’est pas un acte unilatéral et sans conséquence ni implication pour celui le reçoit.
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Rappel de quelques conditions importantes
Une des premières conditions est la tawbah, en tant que le récipiendaire (murîd, prétendant au rattachement) se détourne des liens mondains pour se diriger vers Allah Seul.
Une autre condition essentielle qui, comme la précédente, est évidemment d’ordre intérieur, est la « définition » du But même du rattachement comme étant la mise en oeuvre d’un Travail actif (‘Amal) en quête de la Connaissance effective d’Allah, à l’exclusion de tout autre but différent.
Plus extérieurement, les Maîtres dans leur ensemble conseillent de pratiquer la « prière de demande de bien » (istikhârah) avant de demander, et de donner, le rattachement (isti’dhân et–talqîn).
Le murîd déclare connaître et se tenir aux prescriptions générales de la Sharyah, issues du Coran et de la Sunnah prophétique.
Il déclare également, au moment de son rattachement, connaître les règles, conditions (qawâ’id, shurût) et usages (âdâb) de la Tarîqah. Quel que soit le mode d’acquisition de ces connaissances exotériques et ésotériques, le murîd devra s’assurer que la compréhension personnelle qu’il en a est conforme à ce qui est effectivement enseigné et pratiqué dans la Tarîqah à laquelle il demande librement d’être rattaché ; il s’engage, au moins implicitement, à respecter les conditions et usages propres à celle-ci.
L’acceptation de la demande de rattachement (ainsi que toute demande effectuée dans ce cadre) est ultimement soumise à l’appréciation et à la décision du représentant autorisé (muqaddem ou sheikh ma’dhûn) de la Tarîqah, lequel agit selon une autorisation (idhn) et pour transmettre une influence spirituelle (barakah) qui, essentiellement, viennent d’Allah –qu’Il soit Exalté-.
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Rattachement et rites collectifs
La participation aux séances de Travail collectif n’est pas une condition au rattachement : celui-ci pourra être donné sans qu’une participation aux séances soit envisagée comme nécessaire par celui qui le donne et pourra être reçu sans engagement sur ce point par celui qui le reçoit.
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Rattachements multiples
Il est exigé du postulant au rattachement à la Tarîqah qui aurait préalablement contracté un rattachement à la Franc-Maçonnerie, ou à une organisation initiatique non-islamique, de couper toute relation avec l’organisation en question et de cesser de mettre en œuvre tout moyen initiatique reçu dans ce cadre.
Le musulman ayant un rattachement dans au moins une autre Tarîqah est tenu de le signaler lors de sa demande de rattachement.
Malgré ce qui a pu être dit, à une certaine époque, de plus favorable à ce sujet (publiquement ou même dans le cadre privé d’une correspondance écrite, par exemple), nous estimons que ces mesures sont pleinement justifiées, dans les temps actuels, par le souci de préserver des illusions liées aux rattachements multiples, des hétérogénéités et des disharmonies qu’ils sont susceptibles d’engendrer et qu’ils amènent effectivement de nos jours de manière croissante, dans des domaines aussi différents que le domaine méthodique, parfois rituel et disciplinaire, tant dans l’attitude psychologique que dans l’équilibre mental.
Elles ont pour but de favoriser ce qui unit, renforce et concentre, dans une Tarîqah qui présente un équilibre exceptionnel, régulier et harmonieux d’apports riches et diversifiés de barakah et de moyens initiatiques qui sont, à la fois, pleinement cohérents entre eux et avec l’exotérisme islamique (charî’ah) 2.
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Rattachement et enseignement personnel (irshâd khâç)
Sauf précision particulière expressément formulée et réciproquement consentie par les deux personnes directement concernées, le rattachement (généralement appelé tabarrukan parce qu’il consiste essentiellement en la transmission –talqîn- de la barakah) est donné sans relation d’irshâd, c’est-à-dire sans lien personnel d’enseignement entre celui qui transmet et celui qui reçoit la barakah.
L’enseignement initiatique personnel (irshâd khâç) et le lien qui y correspond sont l’objet d’une démarche spécifique que celui qui est déjà rattaché (faqîr) peut éventuellement effectuer auprès de celui dont il demande l’irshâd pour un pacte (bay’ah) impliquant un rapport personnel et réciproque dont la nature et l’étendue pourront alors être définies .
La reconnaissance d’un lien d’irshâd personnel n’est donc pas non plus une condition au rattachement par celui qui le donne. Réciproquement, le rattachement ainsi conçu (tabarrukan) n’implique pas nécessairement, pour celui qui le reçoit, la reconnaissance de celui qui l’effectue (transmetteur de la barakah) comme Maître spirituel (Sheikh murshîd).
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Deuxième partie
Conditions générales concernant la participation des fuqarâ
aux séances de Travail collectif de la Tarîqah
Demande de participation
Ainsi qu’il a été vu ci-dessus, le rattachement (talqîn tabarrukan) n’est pas conditionné par la participation aux séances de Travail collectif. La volonté éventuelle du faqîr de participer au Travail collectif devra ainsi faire l’objet d’une formulation spécifique (isti’dhân) auprès de celui qui est autorisé à diriger celui-ci et en conformité avec les modalités particulières de déroulement des séances en question. Il est demandé que cette démarche se fasse de la manière la plus directe possible.
Il est donc établi qu’une demande d’autorisation (isti’dhân) est à formuler spécifiquement pour chacun des trois aspects suivants de la participation d’un membre à la Tarîqah :
- transmission de la barakah pour le rattachement
- participation aux rites initiatiques collectifs *
- aspect personnel de l’enseignement (irshâd khâç).
* Concernant plus particulièrement la participation aux différentes séances de rites collectifs, et dans l’esprit général d’une progression graduelle, il est précisé qu’une demande est à formuler pour chacune d’entre elles, selon les conditions établies et détaillées par le ou les responsables correspondants.
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Description générale des différentes séances de Travail collectif
Les séances hebdomadaires de Travail collectif sont organisées de façon à permettre une participation graduelle à des aspects et des modalités de plus en plus intérieurs qui font appel à des facultés de concentration, à des aptitudes à développer un Travail régulier et à des qualifications croissantes.
Une séance hebdomadaire est ouverte, indifféremment et sans autre condition, à tout musulman, présentant un intérêt personnel pour le Taçawwuf et respectueux a priori de ses usages, et à tout faqîr rattaché à une Tarîqah régulière, shadhilite ou non, ayant un rapport d’irshâd ou non avec un Sheikh, dans un esprit universel d’appel (da’wah) à la Connaissance d’Allah et avec le souci de donner une opportunité régulière permettant un renforcement du Taçawwuf en France.
Les modalités techniques des rites qui y sont pratiqués ont été choisies en accord avec ces buts universels et ne demandent pas de capacités autres que celle de savoir écouter et suivre ce qui est proposé afin de s’y intégrer harmonieusement avec le souci aigu de ne pas entraver son déroulement 3.
L’enseignement qui est dispensé présente les fondements de la Voie, dans ses différents aspects doctrinaux et méthodiques, permettant ainsi à une assemblée relativement large un abord direct à des aspects initiatiques réguliers ; une attention particulière y est donnée à mettre en évidence les aspects corrélatifs et correspondants existants entre Sharyah et Tarîqah.
Une autre séance est ouverte aux membres déjà effectivement rattachés à une Tarîqah (fuqarâ) et participant déjà régulièrement à la séance précédente. Centrée essentiellement sur un Travail de dhikr, elle fait appel à des capacités optimales de concentration, de cohésion et de régularité dans le déroulement du Travail collectif.
L’enseignement dispensé concerne des aspects plus spécifiques à la Tarîqah et plus intérieurs du sulûk (cheminement spirituel effectif) se proposant de répondre aux préoccupations des membres occupés à mettre en oeuvre les moyens initiatiques (awrâd et adhkâr) dont ils disposent du fait de leur rattachement sans toutefois prendre en considération des aspects personnels, qui rappelons-le, ne sont pas évoqués directement dans le cadre des séances de rites collectifs et en dehors d’un rattachement d’irshâd personnel.
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Conditions concernant la participation aux différentes séances
La participation à l’ensemble des séances de Travail collectif est ouverte, par principe et par destination, à l’ensemble des fuqarâ rattachés dans le cadre de la Tarîqah.
Il est néanmoins précisé que cette possibilité ne constitue aucunement, pour celui qui prétend en bénéficier, un « droit » qui exclurait toute sorte de responsabilité et de réciprocité dans les rapports avec la collectivité et les membres de l’organisation initiatique en général, ainsi qu’il est habituellement compris dans une optique individualiste et profane.
La participation aux rites collectifs, ainsi d’ailleurs que tout autre engagement dans le domaine rituel initiatique, est une conséquence et une spécification, ici directement envers la collectivité, du Pacte primordial établi par le faqîr lui-même avec son Seigneur, lors de la transmission de la barakah.
En demandant à participer à un Travail collectif, le faqîr demande en effet, comme pour sa demande de rattachement, à participer en réalité à une grâce qui lui est providentiellement offerte par Allah, en réponse à sa demande initiale et à la mesure de sa quête spirituelle. Comme le faqîr s’est engagé, dans celle-ci, à se dépouiller de ses comportements individualistes, il s’engage ici, de même, à respecter notamment les modalités de formation, de déroulement et de dissolution de la collectivité (jama’ah) à laquelle il s’intègre pour le Travail en commun, lors des séances ainsi que pour les rites collectifs exotériques dont il est également tenu de respecter les modalités. La collectivité a, de ce fait et réciproquement, un réel droit initiatique sur lui, en tant que celui-ci est une spécification du droit d’Allah sur le faqîr, de lui faire respecter les règles propres à l’accomplissement des moyens rituels véhiculés par la Tarîqah en vue de la Connaissance de Sa Face. L’effort de cohésion ainsi développé est évidemment indissociable de celui qui concerne l’accomplissement des rites exotériques collectifs.
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Enseignement général (irshâd ‘âm) et participation aux séances
Comme on vient de le voir, un enseignement, principalement oral, est dispensé dans le cadre des séances.
Il consiste en la transmission de données générales, exprimées par nos Maîtres et sous leur autorité, en conformité avec la fonction de transmission de la Tarîqah.
Il est donné en vue d’offrir une préparation, de constituer un facteur d’unification et de renforcement du Travail proprement dit qui est effectué au cours des séances du mardi et comme une formation générale pour la séance du samedi.
La fonction d’enseignement, même d’ordre général, est, à ces titres, indissociable des éléments constitutifs de celles-ci et doit être considérée comme telle lors de la demande de participation.
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Conditions d’exclusion des rites collectifs
Par ailleurs et comme il a été vu ci-dessus, le murîd doit s’assurer avec sincérité que sa compréhension personnelle est effectivement conforme à ce qui est enseigné et pratiqué dans la Tarîqah ; il s’engage, pour son bien et pour celui de la collectivité initiatique, à respecter les usages propres à celle-ci, qu’il cherchera activement à connaître et à comprendre.
L’attention est attirée sur la nécessité qui s’impose donc à chaque faqîr, une fois le rattachement effectué, d’éviter d’adopter et de soutenir, implicitement ou explicitement, des idées, des attitudes ou des comportements dont les caractères individualiste et/ou traditionnellement non-fondé ne seraient pas conformes aux dispositions exotériques générales et aux règles et conditions générales de la Tarîqah4, particulièrement s’ils étaient incompatibles avec un Travail initiatique collectif harmonieux, régulier et homogène.
Conformément à l’avis général de nos Maîtres dans la Voie, ces prises de positions ou comportements, lorsqu’ils sont néanmoins maintenus volontairement (mouta’ammidan), sont considérés, avant toute autre considération personnelle, comme une atteinte directe à l’harmonie et à la cohésion de la communauté initiatique et au Travail que celle-ci est susceptible de développer. En tant que telles, ces attitudes peuvent alors impliquer, un éloignement plus ou moins complet et définitif du déroulement du Travail collectif (‘Amal), c’est-à-dire une remise en cause de la participation du faqîr concerné à ces moyens initiatiques, suivant l’appréciation ultime portée par le dirigeant des rites et dans des modalités rappelées et détaillées par lui.
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Conditions concernant les faqîrât (mariage, célibat, pureté légale)
Mariage
Il n’est pas demandé à la femme mariée d’obtenir préalablement l’autorisation de son mari musulman pour procéder au rattachement, même si cet accord est jugé préférable, dans une certaine mesure, c’est-à-dire uniquement par souci de ne pas nuire à l’harmonie entre époux. La responsabilité de se rattacher sans autorisation du mari est réputée revenir à l’épouse qui aura décidé d’agir ainsi au sein de son couple, c’est-à-dire dans une relation au sein de laquelle celui qui aura effectué le rattachement n’a pas à intervenir sans demande expresse des époux.
Le mari rattaché (faqîr) aura à cœur de permettre à son épouse rattachée (faqîrah) de respecter les dispositions et prescriptions en vigueur au sein de la Tarîqah. Il n’est pas demandé à la faqîrah mariée à un faqîr de la Tarîqah de se tenir à des prescriptions autres que celles de son époux.
La faqîrah mariée à un musulman non-rattaché à la Tarîqah est tenue, comme toute épouse musulmane, de respecter les droits que celui-ci a sur elle tout en cherchant à accomplir, dans ce cadre, les dispositions propres à la Tarîqah. Elle ne pourra ainsi prétendre se baser sur ces dernières pour envisager de se soustraire à ses devoirs conjugaux.
Célibat
La faqîrah non-mariée a, quant à elle, la faculté de participer librement aux séances selon ses dispositions, bien qu’il lui soit demandé de respecter, autant que possible, les règles concernant la participation graduelle et générale des fuqarâ.
Pureté légale
Conformément au statut général du dhikr en Islâm (qui, contrairement aux autres formes d’adoration, est inconditionné), il est possible à la faqîrah indisposée (hâ’idah) de participer, dans toutes les modalités habituelles, à toutes les formes surérogatoires de dhikr qui se déroulent durant les séances, à l’exception de la récitation coranique, à laquelle elle ne peut participer à voix haute (en accord avec ce qui correspond à son statut légal, en ce cas, pour la prière canonique – çalat).
Elle peut chercher à bénéficier du caractère collectif des rites en étant présente durant tout le temps de la séance, récitation coranique comprise.
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Mohammad Abd es-Salâm
Khâdim et-Tarîqah
- selon ce qu’enseigne René Guénon – Cheikh Abd-al-Wâhid- Aperçus sur l’Initiation [↩]
- Sur cette question cf. Le « double rattachement » : position de la branche française de la Tarîqah Chadhiliyah Mohammediyah » [↩]
- Conformément aux dispositions exotériques, cette remarque concerne donc également et au même titre celui qui n’est pas responsable de ses actes, comme l’enfant en bas-âge et l’adulte présentant des troubles mentaux (majdhûb, majnûn) dans la mesure où ils perturbent le bon déroulement des rites. [↩]
- Cette dernière précision implique évidemment les pratiques d’ordre exotérique en usage au sein de la Tarîqah, chacun, en cette matière comme en d’autres, étant principal juge de sa conviction, de sa pratique et de sa sincérité de la même manière que chacun peut apprécier l’effet plus ou moins néfaste qu’une telle attitude peut avoir au sein de la collectivité [↩]
par Mohammed Abd es-Salâm le 20 novembre 2010, mis à jour le 4 mai 2015
Mots clés : Chaîne initiatique-Silsilah, Dhikr-Dou'a-Invocation, Mohammed Zakî ed-Dîn Ibrâhîm, Pacte/Bay'ah-'Ahd, Rattachement, Réalisation effective/Sulûk-Taqarrub, Tarîqah Mohammediyyah Châdhiliyyah, Travail collectif