L’illumination initiatique – L.D.L.H
Cet article est issu de notre étude intitulée « Commentaire de la prière sur le Prophète » de la Lumière Essentielle » (en-Nûr edh-dhâtî), dont la dernière version au format PDF est disponible sur le Porteur de Savoir
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L’illumination initiatique 1
Le processus cosmogonique exposé dans notre article sur Le pôle essentiel de la manifestation trouve sa correspondance « humaine » dans le processus initiatique, qui en reproduit précisément les phases, chaque principe cosmologique correspondant à un principe dans l’individu en vertu de l’analogie du macrocosme et du microcosme.
Concernant la Substance Universelle tout d’abord : « les aptitudes ou possibilités incluses dans la nature individuelle ne sont tout d’abord, en elles-mêmes, qu’une materia prima, c’est-à-dire une pure potentialité, où il n’est rien de développé ou de différencié 2 ; c’est alors l’état chaotique et ténébreux, que le symbolisme initiatique fait précisément correspondre au monde profane, et dans lequel se trouve l’être qui n’est pas encore parvenu à la « seconde naissance» 3 .
Pour l’illumination maintenant, Guénon affirme que « pour que ce chaos puisse commencer à prendre forme et à s’organiser, il faut qu’une vibration initiale lui soit communiquée par les puissances spirituelles […] ; cette vibration, c’est le Fiat Lux qui illumine le chaos, et qui est le point de départ nécessaire de tous les développements ultérieurs ; et, au point de vue initiatique, cette illumination est précisément constituée par la transmission de l’influence spirituelle » 4 qui n’est autre que la baraka dans la terminologie islamique.
Quant au Monde (‘âlam), résultant de cette illumination du chaos, nous avons déjà vu son essence clairement identifiée à la Réalité mohammédienne « la plus digne de recevoir cette Lumière dans la Substance » chez le Cheikh el-Akbar 5, toujours en vertu de l’analogie constitutive du macrocosme et du microcosme que réalise effectivement l’Homme Universel (Insân el-kâmil) dont le Prophète est le prototype islamique par excellence. La correspondance initiatique humaine que donne Guénon à ce chaos désormais ordonné qu’est le cosmos est l’ensemble des « possibilités spirituelles de l’être [qui] ne sont plus la simple potentialité qu’elles étaient auparavant » mais qui « sont devenues une virtualité prête à se développer en acte dans les divers stades de la réalisation initiatique ».
Les trois conditions successives impliquées par l’initiation, correspondant aux trois phases du processus cosmogoniques, sont ensuite résumées de la sorte :
- La « potentialité », correspondant à la « qualification », qui est « constituée par certaines possibilités inhérentes à la nature propre de l’individu, et qui sont la materia prima sur laquelle le travail initiatique devra s’effectuer ».
- La « virtualité », correspondant à la transmission, « par le moyen du rattachement à une organisation traditionnelle, d’une influence spirituelle donnant à l’être l’ « illumination » qui lui permettra d’ordonner et de développer ces possibilités qu’il porte en lui ».
- L’ « actualité », correspondant au travail intérieur, « par lequel, avec le secours d’ « adjuvants » ou de « supports » extérieurs s’il y a lieu et surtout dans les premiers stades, ce développement sera réalisé graduellement, faisant passer l’être, d’échelon en échelon, à travers les différents degrés de la hiérarchie initiatique, pour le conduire au but final de la « Délivrance » […] ».
Soulignons enfin, car cela est primordial pour comprendre les effets initiatiques de la prière de la « Lumière Essentielle » dont nous parlerons bientôt, que le passage de la « virtualité » à l’ « actualité », ou de la puissance à l’acte, « ne s’effectue pas instantanément , mais qu’il se continue au cours de tout le travail initiatique, de même que, au point de vue « macrocosmique », il se poursuit durant tout le cours du cycle de manifestation du monde considéré ; le « cosmos » ou l’« ordre » n’existe encore que virtuellement du fait du Fiat Lux initial (qui, en lui-même, doit d’ailleurs être regardé comme ayant un caractère proprement « intemporel », puisqu’il précède le déroulement du cycle de manifestation et ne peut donc se situer à l’intérieur de celui-ci), et, de même, l’initiation n’est que virtuellement accomplie par la communication de l’influence spirituelle dont la lumière est en quelque sorte le « support » rituélique 6.
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ARTICLE THÉMATIQUE correspondant
GENERALITES SUR LA RÉALISATION SPIRITUELLE (TAHQÎQ, SULÛK)
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- Dans l’étude publiée en format PDF, ce chapitre est intitulé « Correspondances initiatiques [↩]
- [n.d.a. : II va de soi que ce n’est, à rigoureusement parler, une materia prima qu’en un sens relatif, non au sens absolu ; mais cette distinction n’importe pas au point de vue où nous nous plaçons ici, et d’ailleurs il en est de même de la materia prima d’un monde tel que le nôtre, qui, étant déjà déterminée d’une certaine façon, n’est en réalité, par rapport à la substance universelle, qu’une materia secunda (cf. Le Règne de la Quantité et les Signes des Temps, ch. ll), de sorte que, même sous ce rapport, l’analogie avec le développement de notre monde à partir du chaos initial est bien vraiment exacte.] [↩]
- Pour ce paragraphe et les deux suivants, les citations proviennent des Aperçus sur l’Initiation, chap. IV. [↩]
- [n.d.a. : De là viennent des expressions comme celles de « donner la lumière » et « recevoir la lumière », employées pour désigner, par rapport à l’initiateur et à l’initié respectivement, l’initiation au sens restreint, c’est-à-dire la transmission même dont il s’agit ici.] [↩]
- Cf. l’article Le pôle essentiel de la manifestation [↩]
- La citation complète est : « l’état de l’être antérieurement à l’initiation constitue la substance « indistinguée » de tout ce qu’il pourra devenir effectivement par la suite, car, ainsi que nous l’avons déjà dit précédemment, l’initiation ne peut pas avoir pour effet d’introduire en lui des possibilités qui n’y auraient pas été tout d’abord (et c’est d’ailleurs la raison d’être des qualifications requises comme condition préalable), pas plus que le Fiat Lux cosmogonique n’ajoute « substantiellement » quoi que ce soit aux possibilités du monde pour lequel il est proféré ; mais ces possibilités ne s’y trouvent encore qu’à l’état « chaotique et ténébreux », et il faut l’« illumination » pour qu’elles puissent commencer à s’ordonner et, par là même, à passer de la puissance à l’acte. Il doit être bien compris, en effet, que ce passage ne s’effectue pas instantanément […] » Aperçus sur l’Initiation, chap. XLVI. [↩]
par Luc de la Hilay le 29 septembre 2011, mis à jour le 5 mai 2015