22 – Comment définir la bay’ah ?
Question 22
Le terme de bay’ah est une désignation courante du pacte initiatique passé entre le membre d’une tarîqah et celui qu’il reconnaît comme son Maître en Allah.
Par ce pacte réciproque, le Cheih s’engage à guider le disciple sur la Voie jusqu’à la Connaissance Suprême (ou jusqu’au stade de réalisation qui est le sien), le disciple s’engageant à obéir au Cheikh pour profiter de sa guidance dans ce même But unique qu’est Allah subhâna-Hu wa ta’âlâ.
Dans des conditions normales et optimales, où celui qui transmet régulièrement la barakah est également détenteur d’un idhn pour la fonction d’instructeur spirituel et qu’il est réalisé (même partiellement), le rattachement à la tarîqah et la bay’ah se font lors d’un même rite (appelé aussi ‘ahd, ou parfois qabdah), selon des modalités variables, proches de celles du rite du mariage (notamment : présentation de l’identité de chacun, poignée de mains pour transmission de la barakah et définition des engagements avec offre et acceptation -ou demande et acceptation-, témoignage des témoins et récitation de versets coraniques particuliers).
Remarques : Bien que cela soit généralement le cas dans les turûq qui présentent d’emblée la perspective d’une initiation effective (sulûk), il n’est pas techniquement nécessaire de faire une bay’ah (c’est-à-dire d’avoir à reconnaître un Maître personnellement) pour entrer réellement dans une tarîqah.
Il est en effet possible de dissocier le rattachement en lui-même, qui consiste essentiellement, selon René Guénon, en la transmission de l’influence spirituelle (barakah), du pacte avec un Maître, quel que soit, d’ailleurs, le degré de réalisation spirituelle (réel ou supposé) de celui-ci ; dans ce type de rattachement, appelé « tabarrukan » puisqu’il ne vise que la barakah, le murîd bénéficie ainsi des avantages liés à la détention de la barakah sans bénéficier des avantages liés à la bay’ah conclue avec un Maître régulier réalisé.
Le futur murîd pourra ainsi valablement recevoir la barakah détenue au sein de la tarîqah de toute personne régulièrement autorisée à la transmettre (outre, évidemment, le Cheikh lui-même), ainsi que le idhn correspondant, sans que cette transmission s’accompagne d’une quelconque obligation disciplinaire personnelle spécifique envers le Cheikh de la tarîqah ou envers quiconque.
21 déc. 2013 – V2
La bay’ah pourra alors être envisagée en un second temps, au sein de la même tarîqah, par la reconnaissance du Maître éventuel qui s’y trouve éventuellement, ou auprès d’un Maître autorisé d’une autre tarîqah ; il est ainsi à noter qu’un rattachement tabarrukan peut être donné au sein d’une tarîqah présentant une voie de sulûk (progression initiatique effective) soit à titre en quelque sorte préparatoire, soit à titre définitif.
La barakah étant définitivement acquise par celui à qui elle a été transmise1, la prise du pacte ne donne alors pas nécessairement lieu à une transmission nouvelle de barakah, mais consiste strictement en elle-même à un engagement personnel, mais en Allah (bi-Llah) 2, auprès de celui qui a été reconnu comme Maître et qui a accepté la demande de celui qui devient ainsi son disciple.
Cette bay’ah peut faire l’objet d’un renouvellement (tajdîd), ou de plusieurs, selon des règles générales ou propres à tel ou tel Maître 3.
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Article thématique correspondant
MAITRE SPIRITUEL ET ENSEIGNEMENT
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- Cf. René Guénon, Aperçus sur l’Initiation [↩]
- Conformément au sens de ce qu’il est convenu d’appeler le « verset de la bay’ah » : « En vérité (inna), ceux qui font le pacte avec toi, en réalité (innamâ), font le pacte avec Allah … » dont on notera la répétition des formules d’insistance. [↩]
- Sans s’étendre davantage ici sur ce sujet, on peut dire que ce qui donne lieu au tajdîd est, le plus souvent, une position de rupture de la part du murîd, qui s’est écarté des règles générales de adab ou des prescriptions particulières de son Cheikh. Plus positivement, ce peut être également une prise de conscience, de la part du murid, de certains aspects inclus dans le pacte initial qui lui échappaient jusqu’alors ou la volonté, de la part du Cheikh, de compléter ce qui préexistait par l’apport d’éléments initiatiques dont la survenue ou l’acquisition est postérieure au premier engagement. Le tajdîd peut également être le simple fait de la succession du Cheikh disparu ; et l’on voit ainsi, nécessairement, qu’il est toujours nécessaire de prendre en compte ce qui concerne le murîd ou le Cheikh [↩]
par Mohammed Abd es-Salâm le 14 septembre 2010, mis à jour le 22 décembre 2013