Ibn el-Barâ et le départ de Tunis (B.C.A.H.C)
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Cet article est issu de notre traduction de Durrat el-asrâr wa tuhfat el-Abrâr (Imâm Ibn çabbâgh) publiée en PDF sous le titre «Biographie du Cheikh Abû-l-Hassan Châdhilî (B.C.A.H.C)» .
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Il resta là quelque temps jusqu’à ce qu’un grand nombre de personnes l’ait rejoint. Le juriste Abû el-Qâsim Ibn el-Barâ entendit parler de lui ; celui-ci était alors chef des juges (qâdî-el-jamâ’ah). Envieux du Cheikh, il lui chercha querelle mais fut incapable de l’emporter. Il alla dire au Sultan : « Il y a ici un homme de Châdhilah, un homme qui vole les ânes, qui prétend être un chérîf. Beaucoup de gens l’ont déjà rejoint ! Il est en train dresser ton pays contre toi en prétendant être un Fatimide ! »
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[anecdote de La nomination du Cheikh Abû el-Hassan Châdhilî]
Ibn el-Barâ rassembla un groupe de juristes (fuqahâ) dans le palais (Qasbah).
.Place de la Qasbah (Palais à droite)
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Le Sultan, qui en ce temps était Abû Zakariyâ – qu’Allah lui fasse miséricorde – resta à l’abri d’une tenture en présence du Cheikh – qu’Allah soit satisfait de lui-. Les juristes le questionnèrent de nombreuses fois au sujet de sa généalogie et le Cheikh leur répondit, tandis que le Sultan écoutait.
Ils discutèrent également avec lui de toutes les sciences et il vainquit par des sciences qui les réduisirent au silence. Ils ne purent, quant à eux, lui répondre sur les sciences ésotériques (‘ulûm mawhûba). Le Cheikh ne conversa donc avec eux que des sciences exotériques (‘ulûm muktasba) car, en cela, il était avec eux sur un pied d’égalité.
Le Sultan dit alors à Ibn al-Barâ :
– Cet homme fait partie des plus grands Saints, tu n’as aucun pouvoir sur lui !
– Par Allah, s’il sortait maintenant, les habitants de Tunis se soulèveraient contre toi, et ils te chasseraient. En ce moment même, ils sont rassemblés à ta porte !
Les juristes se retirèrent et le Sultan mis le Cheikh aux arrêts (âmara bi-l-julûs).
Le Cheikh el-Châdhilî dit :
– Il se peut qu’un de mes compagnons entre.
C’est alors qu’un de ses compagnons entra et lui dit :
– Ô mon Maître, les gens sont en train de parler de toi et disent qu’ils se sont comporté de telle et telle manière à ton encontre.
Puis il se mit à pleurer devant lui. Le Cheikh sourit alors et répondit :
– Par Allah, n’eut été par convenance par rapport à loi exotérique, je serais certainement sorti par ici ou par là.
Le mur se fissura dans chacune des directions qu’il avait pointées du doigt.
Puis il dit :
– Apporte-moi une aiguière, de l’eau, et un tapis de prière. Salue mes compagnons, dis-leur que nous ne seront absents d’eux qu’aujourd’hui et que nous n’accomplirons la prière du maghreb qu’avec eux, in châ Allah.
On apporta ce qu’il avait demandé, et le Cheikh el-Châdhilî accomplit l’ablution rituelle puis s’orienta intérieurement (tawajjaha) vers Allah – Glorifié et Exalté soit-Il.
Le Cheikh –qu’Allah soit satisfait de lui– raconte :
« Je voulais faire des imprécations contre le Sultan, mais on me dit : « En vérité, Allah ne sera pas satisfait de toi si tu fais une imprécation contre une créature par impatience». A cet instant, je fus inspiré de réciter : Ô Celui dont « le Trône déborde des Cieux et de la Terre, dont la garde ne Lui coûte aucune peine. Et Il est le Très Haut, l’Immense » 1. Je Te demande la foi par Ta Protection (hifdhi-Ka), une foi par laquelle mon cœur soit rassuré du souci de la subsistance et de la crainte des créatures. Rapproche-Toi de moi, par Ta puissance (qudrati-Ka), d’une proximité par laquelle Tu anéantisses [devant] moi tous les voiles que Tu as anéantis [devant] Abraham, Ton Ami intime : il n’a pas eu besoin de Gabriel Ton messager, ni de Te faire une demande (sou’âlihi min-Ka), et Tu l’as protégé (voilé) par cela du feu de son ennemi. Et comment celui à qui Tu as retiré le bienfait [normalement dû aux] Plus Aimés ne serait-il pas protégé de la nuisance des ennemis ? Au contraire ! Moi, je Te demande que, par Ta proximité à mon égard, Tu me retires [le bienfait des Plus Aimés] de telle sorte que je ne voie ou sente plus la proximité ou l’éloignement de moi de quoi que ce soit. « Tu es, certes, Puissant sur toute chose » 2.
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Palais de la Qasbah
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Le Sultan avait une esclave qui était la plus chère de toutes ses femmes à ses yeux. Elle fut atteinte d’une grande maladie et mourut subitement. Il s’en attrista profondément. Elle fut lavée dans une chambre de sa résidence et l’on procéda à son ablution mortuaire. Ils l’enveloppèrent puis la sortirent pour la prière du mort. Ils avaient oublié un encensoir dans la pièce et avant que quiconque ne se rende compte, un feu se propagea et brula tout ce qui s’y trouvait ; lit, vêtements, et autres objets de valeur furent consumés. Le Sultan sut alors que ce qui était survenu était lié à ce saint.
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.Le frère du Sultan, Abû ‘Abdallah el-Lihyânî se trouvait dans ses jardins à l’extérieur de la ville. Il vint immédiatement à lui dès qu’il eu vent de la chose car il avait une foi intense dans le cheikh et le visitait souvent. Il dit à son frère :
– Dans quelle affaire Ibn el-Barâ t’a-t-il conduit ? Par Allah, il t’a conduit à la ruine, toi et tous les tiens !
Puis il alla auprès du Cheikh et lui dit :
– Ô mon Maître, mon frère ne sait pas de quoi tu es capable, mais c’est Ibn el-Barâ qui l’a poussé à de telles choses.
Il embrassa ses mains et lui demanda pardon pour son frère. Le Cheikh Abû el-Hassan lui répondit :
– Par Allah, ton frère n’a aucun pouvoir sur l’utile et le nuisible, sur la mort et la vie ou la résurrection, pour sa propre personne. Comment en aurait-il pour d’autres que lui ? Ceci est consigné dans le Livre.
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Abû ‘Abdallah al-Lihiyâni fit sortir le Cheikh – qu’Allah l’agréé – et l’accompagna à sa maison. Il y séjourna quelques jours à proximité de la mosquée Balât. Puis il ordonna à ses compagnons de voyager vers l’Orient. Il alla voir Ibn el-Barâ et lui dit : « Vois, je te laisse toute la ville de Tunis ! »
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.Mosquée de la Qasbah en arrière plan
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par Luc de la Hilay le 11 mai 2012, mis à jour le 1 septembre 2018