Aperçus sur la Aqîdah – Ghazâlî
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L’imam Ghazâlî dit de la « profession de foi » qu’il expose dans son Kitâb Qawâ’id el ‘Aqâ‘id 1 :
celui qui croit fermement [aux articles du « credo » islamique qui sont ici exposés] fait partie des gens de la Vérité et de la Sunna (ahl el-Haqq wa ‘açâbat es-Sunna) et se distingue ainsi des gens de l’égarement (dalâl) et de l’innovation (bida’a) 2.
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Selon Ghazâlî, ces principes doctrinaux fondamentaux doivent être appris par cœur à l’enfant en bas âge, pour que leurs significations se dévoilent à lui au cours de sa croissance et qu’il soit en mesure d’y croire et d’y adhérer fermement une fois grand, par une grâce d’Allah, sans intervention de quelque preuve ou démonstration d’ordre rationnel.
Concernant ces argumentations rationnelles, et plus particulièrement la théologie dialectique (‘ilm el-kalâm) qui l’incarne dans la tradition islamique, Ghazâlî précise à la suite d’un long exposé sur les bienfaits et les dangers de cette science qu’elle a pour unique fonction de protéger la doctrine (‘aqida) des attaques hétérodoxes qu’elle subit. Pour cela, elle utilise en effet une méthode rationnelle, logique, qui demeure alors le seul moyen d’action efficace sur la personne qui a été déviée de l’orthodoxie par une méthode similaire, c’est-à-dire dialectique ou rhétorique, et sur laquelle les exhortations traditionnelles sont désormais sans effet tandis que la théologie dialectique constitue le seul moyen de la sauver, à l’instar d’un médicament dangereux qu’il ne faut manier qu’en cas d’absolue nécessité et avec parcimonie.
Dans une situation traditionnelle que l’on pourrait qualifier de normale, Ghazâlî nous explique que :
« s’il est nécessaire de disposer un peu partout d’un expert en théologie scolastique, qui soit à même de réfuter ou de contrecarrer les hérésies répandues dans la région où il habite », il n’est pas préférable, voire dangereux, d’enseigner indistinctement cette discipline aux gens du commun contrairement au fiqh et au tafsir.
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Ceci étant clairement affirmé, le Cheikh nuance ensuite son propos et admet que le « besoin en matière de théologie peut différer d’une époque à une autre ». Cela explique notamment que son statut puisse varier et qu’elle soit considérée comme interdite en certains temps, à l’époque de Châfi’î et Mâlik par exemple, mais excellente ou nécessaire en d’autres :
dans un pays où les hérésies sont peu répandues et où les écoles juridiques ne s’opposent pas, on se limitera à apprendre les articles fondamentaux de la foi [cf. lien], sans fournir d’arguments ou de preuves, et en faisant bien attention qu’il n’y ait aucune ambiguïté, auquel cas on rappellera simplement la vérité de la doctrine sacrée.
En revanche, là où les hérésies pullulent, il est bon d’apprendre aux enfants, si on craint qu’ils ne soient induits en erreur, un certain nombre d’éléments doctrinaux […]. Ils y trouveront matière à renverser, le cas échéant, les effets des controverses des hérétiques.
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Ainsi, après avoir exposé la « profession de foi » minimale, qu’il est « suffisant et obligatoire, pour les croyants dans leur ensemble, de connaitre et d’attester [cette profession minimale est traduite ici ] », c’est à dire le « niveau élémentaire de la croyance religieuse », le Cheikh ajoute qu’
il peut s’avérer nécessaire, pour prévenir toute confusion due à des conceptions hétérodoxes, de passer à un niveau supérieur en ajoutant à la connaissance de la doctrine un bref aperçu des preuves qui viennent l’appuyer.
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Sans vouloir entrer ici dans le détail des preuves et arguments rationnels que développe ensuite l’imam, il nous semble toutefois intéressant de publier, dans un premier temps, l’architecture générale de son exposé. Celui-ci présente en effet l’avantage d’être structuré en 4 parties, contenant chacune 10 articles fondamentaux et argumentés, l’ensemble constituant ainsi 40 propositions indépendantes, selon une modalité d’enseignement traditionnellement bien connue et probablement plus accessible à la mentalité occidentale qu’une succession d’affirmations dogmatiques destinées à la mémorisation des enfants en bas âge.
Nous espérons que cet aperçu synthétique et hiérarchisé permettra au lecteur de se faire une idée générale de l’étendue des thèmes fondamentaux que recense le dogme islamique.
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(Cliquer sur le titre pour accéder aux 10 propositions doctrinales contenues dans les parties)
De la connaissance de l’Essence d’Allah et le fait qu’Allah est Unique
في معرفة ذات الله سبحانه وتعالى وأن الله تعالى واحدDe la science des Attributs d’Allah
العلم بصفات الله تعالىDe la science des Actes d’Allah
العلم بأفعال الله تعالىDes sam’iyât et la certification du Prophète – qu’Allah prie sur lui et le salue
الركن الرابع في السمعيات وتصديقه صلى الله عليه وسلم
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- Deuxième chapitre de l’Ihyâ ‘Ulûm ed-Dîn, juste après le célèbre Kitâb al-‘Ilm [↩]
- Pour ce passage et les suivants, nous utilisons la traduction de M. Gouraud publiée sous le titre « les piliers de la Foi Musulmane » (éd. Albouraq). [↩]
par Luc de la Hilay le 30 septembre 2012, mis à jour le 25 décembre 2012