Adaptation de la méthode : à propos du guide spirituel – Imâm al-Haddâd

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بسم الله الرحمن الرحيم الحمد لله والصلاة والسلام على سيدنا محمد رسول الله وآله وصحبه ومن والاه

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« L’imâm al-Haddâd commença sa vie en voyageant sur le chemin classique pour évoluer peu à peu, comme maître, et formuler une méthode plus aisée, plus adaptée à la fin des temps. Le seul point encore mentionné dans ce traité qui appartienne à l’ancienne méthode est l’obligation de s’en remettre au shaykh pour toutes ses affaires, ce que l’imâm al-Haddâd, peu de temps après, déclara ne plus être une exigence » .

Méthode des « Gens de la main droite »

Afin d’illustrer la précédente citation, nous reproduisons ci-dessous deux textes extraits respectivement du traité en question, qui fait partie des premiers ouvrages de l’auteur, et du dernier qu’il a rédigé, concernant la recherche du Maître spirituel, qui montrent bien l’évolution de sa méthode, sous l’égide explicite de l’imam Ghazâlî – qu’Allah soit Satisfait d’eux !

V2 -28 août 2013

Nous ferons remarquer par ailleurs que cette adaptation a été réalisé par le Cheikh Al-Haddâd de son vivant même et non, ce qui est plus habituel, après sa mort, par un de ses successeurs autorisés 1 ; cela témoigne ainsi de l’ampleur intellectuelle de ce Maître et confirme l’importance que revêt la « connaissance du temps » dans l’ordre des méthodes initiatiques qui, bien que toutes présentes en principe à l’origine de l’Islam, ne trouvent leur développement et leur intérêt spécifique qu’à la faveur de conditions cycliques nouvelles 2 .

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Texte 1

(1071 h. / 1661 )

Lorsque le disciple ne trouve pas de guide spirituel, il doit faire tout son effort pour avancer sur la voie 3 et être totalement sincère dans son désir de se réfugier auprès de Dieu et dans son abaissement devant Lui, pour qu’Il lui envoie quelqu’un qui le dirige. Sans doute Celui qui répond à qui est dans la détresse répondra-t-Il et lui enverra-t-Il celui de Ses serviteurs qui peut le prendre par la main. Certains disciples pensent qu’il n’y a pas de maître pour eux et ils le réclament. Ils ont pourtant un maître mais ils ne le voient pas. Celui-ci les éduque par son regard et leur accorde une attention particulière, mais ils ne s’en rendent pas compte 4 . En fin de compte, c’est la sincérité du disciple qui est le facteur décisif. Les vrais maîtres sont toujours là mais «Dieu, Exalté soit-Il, ne montre Ses saints que comme intermédiaire vers Lui. Et il ne permet d’arriver à Ses saints qu’à celui auquel Il veut permettre d’arriver à Lui-même.» (Hikam de Ibn ‘Ata Allah al-Iskandarî) 5 .

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Texte 2

(1130 h. – 1718 ) 6

La voie la plus efficiente, celle qui mène le plus vite possible vers le but, consiste à chercher un guide spirituel, un savant parmi les gens des cœurs et des secrets spirituels. Si on ne le trouve pas, il faut alors s’adresser à un frère vertueux, qui sache prodiguer des conseils et aider à poser le diagnostic des maladies du cœur et à déterminer leur traitement 7 . Si on ne trouve pas un tel frère, ce qui sera souvent le cas parmi nos contemporains,tant sont devenus rares ceux qui savent aider vers la vérité et le bien, il faut alors consulter les livres de savants qui traitent de ce sujet et qui décrivent les maladies des cœurs et les voies de leur guérison. Le livre le plus complet et le plus profitable sur ce sujet est celui d’al-Ghazâlî, la Revivification des Sciences de la Religion, et plus particulièrement la section intitulée al-muhlikât et qui concerne les «choses qui ruinent». Cette section a été rédigée pour situer les maladies des cœurs, les traitements possibles, les indices de leur présence, de leur force, de leur faiblesse, etc. Toutefois, les livres n’ont pas la même efficacité pour parvenir au but qu’un maître spirituel accompli ou qu’un frère pieux. C’est pour celui qui ne les trouve pas que les livres sont un recours. Dieu, Exalté soit-Il, aide le chercheur spirituel selon sa résolution, sa sincérité, son désir spirituel. Dieu, Exalté soit-Il, est le Soutien, Celui qui aide 8 .

Imâm Abd Allâh Ibn `Alawî al-Haddâd

 Annotation et résumés de Maurice Le Baot

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En résumé :

Texte 1

  1. Lorsque le disciple ne trouve pas de guide spirituel, il doit faire tout son effort pour avancer sur la voie et être totalement sincère pour qu’Allah lui envoie quelqu’un qui le dirige.
  2. Certains disciples pensent qu’il n’y a pas de maître pour eux et ils le réclament. Ils ont pourtant un maître mais ils ne le voient pas. Celui-ci les éduque par son regard et leur accorde une attention particulière, mais ils ne s’en rendent pas compte.

Texte 2

  1. La voie la plus efficiente consiste à chercher un guide spirituel
  2. Si on ne le trouve pas, il faut alors s’adresser à un frère vertueux
  3. Si on ne trouve pas un tel frère, ce qui sera souvent le cas parmi nos contemporains, il faut alors consulter les livres de savants qui décrivent les maladies des cœurs et les voies de leur guérison. Toutefois, les livres n’ont pas la même efficacité pour parvenir au but qu’un maître spirituel accompli ou qu’un frère pieux. C’est pour celui qui ne les trouve pas que les livres sont un recours.

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Tombe de l’imam al-Haddad -qu’Allah soit Satisfait de lui

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  1. Sur ce point la position de Cheikh Mohammed Zakî ed-Dîn Ibrâhîm sur les modes d’enseignement du Maître spirituel dans la Tarîqah Mohammediyyah Chadhiliyyah est assez comparable, près de trois siècles plus tard, à celle de l’Imam Al-Haddâd. []
  2. Cf. à ce sujet nos « Rappels sur la dégénérescence et les adaptations cycliques » . []
  3. On notera ici qu’il est donc possible, en principe, d’ « avancer sur la voie » même si « le disciple ne trouve pas de guide spirituel ». Ce point sera développé dans le texte 2. []
  4. On peut rapprocher cette parole de l’indication suivante de René Guénon : « Qu’il y ait ou non un Guru humain, le Guru intérieur est, lui, toujours présent dans tous les cas, puisqu’il ne fait qu’un avec le « Soi » lui-même ; et, en définitive, c’est à ce point de vue qu’il faut se placer si l’on veut comprendre pleinement les réalités initiatiques » (« Guru et upaguru » repris dans Initiation et Réalisation spirituelle). Voir à ce propos les remarques finales de nos « Rappels… » déjà cités qui touchent aussi à certains aspects évoqués dans le texte 2 de l’Imam al-Haddâd. []
  5. « Livre des convenances du disciple » de l’Imâm el-Haddâd traduit de l’arabe par Omar Van Den Broek (Editions Al-Bouraq – p.60-61). []
  6. Près de soixante ans séparent donc ces deux textes. []
  7. On notera ici que le rôle du « frère pieux » est particulièrement étendu et comporte une dimension initiatique qui sort du cadre de la simple fraternité. Voir nos remarques à ce propos ici, en marge de notre étude sur le Maître vivant selon l’oeuvre de René Guénon. []
  8. « Le livre du Savoir et de la Sagesse » traduit de l’arabe par Omar Van Den Broek (Éditions Al-Bouraq – Chap. « les Maladies du Cœur » – p. 95 – Le titre du chapitre dont est extrait ce passage fait directement référence au chapitre de l’Ihyâ – tiré précisément de la section intitulée al-muhlikât – où l’Imam Ghazâlî indique quatre méthodes pour celui qui veut connaître ses défauts). []

par le 26 août 2013, mis à jour le 19 octobre 2015

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