Anomalies « le long de la Voie » – M.A.S.

Ce texte est un extrait actualisé du pdf intitulé « Le Taçawwuf n’est pas … » (Laysa et-Taçawwuf …) de Cheikh Mohammed Zaki ed-Dîn, en tant qu’annexe de sa Qasîdah)

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4 mai 2014 – V10

 الإيمان بضع وستون شعبة أعلاها قول لا اله إلا الله وأدناها إماطة الأذى عن الطريق

« La foi comporte soixante et quelques branches : la plus élevée est d’affirmer qu’il n’y a de divinité qu’Allah et la moindre est d’enlever la nuisance du chemin. »

Bukhârî et Muslim

Anomalies « le long de la Voie »

 

Il nous a semblé nécessaire et, d’une certaine façon, urgent de rappeler que les irrégularités qui peuvent se manifester dans certains pays orientaux, si elles existent bien réellement et sont facilement constatables par les observateurs les plus extérieurs parfois, ne sont jamais que des expressions de défauts nécessairement plus profonds et intérieurs. Or, sous ce rapport particulier, force est de constater que le milieu occidental, s’il peut parfois apparaître effectivement mieux doté de certains apports métaphysiques et doctrinaux, est pourtant loin d’être totalement exempt d’un certain nombre d’erreurs, de défauts, d’illogismes et d’incohérences qui conduisent ceux qui les ourdissent, au fond de zawyah qui fonctionnent à l’abri total de tout contrôle, à s’engager dans des voies douteuses quand elles ne sont pas franchement irrégulières et à demeurer plus ou moins passivement dans des impasses obscures quand ce n’est pas pour commettre activement des ignominies dont presque seuls ceux qui en sont les victimes se rendent compte ultimement.
Nous avons donc pris la décision de dépeindre un certain nombre d’anomalies que nous avons eu à constater plus ou moins directement dans les milieux en question et qui concernent principalement le rattachement et les fonctions initiatiques.

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La Tarîqah n’est pas : le rattachement « pour voir » de quoi il s’agit, ni celui du « collectionneur », ni le rattachement « sous contrainte », ni le rattachement « sans conséquence », ni le rattachement pour le « salut paradisiaque et contre l’enfer », le rattachement « par surprise », le rattachement « par intérêt », ni le rattachement « par soi-même » ou « pour espionnage », ni la transmission d’une « super-barakah » et la transmission « à l’aveugle », ni le rattachement par « exploitation manipulatoire ».

La Tarîqah n’est pas : le rattachement « à distance par internet », les rattachements « pour affaire », « par relation », « par snobisme », « par ostentation », « peace and love », « new age », « écologique », ni  le rattachement par « gri-gri », le rattachement « par action de présence » ou « à l’ancienneté ».

La Tarîqah n’est pas : le « rapt » d’ijâzah, la collection d’ijâzât, ni la transmission sans idhn, l’enseignement sans idhn et la direction des rites sans idhn.

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La Tarîqah est seigneuriale (rabbaniyyah), quant à son origine et à sa destinée, quant à la source unique de son influence spirituelle unique (barakah), de ses sciences et de son soutien spirituel (madad).

La Tarîqah est mohammadienne (mohammediyah), par référence unique à celui dont « le secret circule (sirru-hu sârî) dans l’ensemble des Noms et des Attributs (fî sâiri-l-Asmâ wa-ç-çîfât) » ﷺ. Elle est régulière avant tout, claire, unifiante et lumineuse.

Elle relie et rattache consciemment (‘ahd) celui qui la choisit en toute liberté et quiétude, à une succession (silsilah) de Maîtres autorisés, qui sont les pères spirituels qui nous guident et dont on demande l’aide, même après des siècles et du bout de la terre, parce qu’on les connaît et qu’on les vénère, à cœur ouvert.

La Tarîqah est engagement et participation entiers, travail spirituel harmonieux et actif. Elle exclut les excès, tout comme la demi-mesure, la paresse et la passivité, même en compagnie d’un Maître. Elle exclut intrigues, soupçons, envies et délations. Elle est courage et patience, éveil et vigilance.

« Sans quoi, ce n’est que plaisanterie (tahrîj) »

Mohammed Abd es-Salâm

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Anomalies « le long de la Voie »

-Texte annoté –

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La Tarîqah n’est pas : le rattachement * « pour voir » de quoi il s’agit **,

* Nous entendons désigner par ce terme la simple affiliation qui s’effectue, essentiellement, par la transmission de l’influence spirituelle (barakah) véhiculée par la tarîqah (selon René Guénon, Aperçus sur l’Initiation). Nous n’entrons donc pas dans la distinction entre rattachement de tabarruk et de sulûk.

** Il n’est pas si rare de voir quelqu’un dire avoir pris un rattachement dans une ou plusieurs turûq, uniquement par curiosité, d’y rester un temps, plus ou moins spectateur et passif, pour ensuite finalement en changer.

ni celui du « collectionneur » ,

Consiste à recueillir le plus grand nombre possible de rattachements, quel que soit le nombre de turûq concernées, avec le souci principal d’être sûr d’avoir bien été rattaché. Cette attitude semble aussi être motivée par le mélange d’une constante insatisfaction maladive et d’un manque de confiance. Elle est unanimement condamnée par les Maître réguliers qui adoptent d’ailleurs une attitude d’extrême prudence vis-à-vis des personnes présentant de tels comportements ; rappelons ce qu’en dit le Cheikh Zakî ed-Dîn dans les Règles de la Tarîqah :

« L’initié qui oscille entre les Voies et les Maîtres sans raison légale viole ainsi le pacte. Il est privé de l’influence spirituelle (barakah). Il est inutile de s’occuper de lui et de ses affaires. Même s’il est grand, il perdra les deux vies : l’ici-bas et l’Au-delà. Le fait de s’intéresser à lui est un non-sens et une perdition. »

ni le rattachement « sous contrainte »,

Il arrive que les proches disciples zélés d’un Maître fassent pression sur un aspirant à l’initiation, d’une manière telle que, dans certaines conditions qu’ils jugent et présentent comme étant particulièrement rarissimes et propices (visite d’un Cheikh, par exemple), le rattachement à leur Maître soit présenté quasiment comme une obligation impérieuse. Le récipiendaire se trouve pris sous un ensemble de pressions psychiques et mentales qui le conduisent à se soumettre à ce qui lui est présenté, sans qu’aucune autre forme d’explication sur le contenu du rattachement ou du pacte initiatique conclu, ni les conséquences de celui-ci, ne lui soit fournie.

ni le rattachement « sans conséquence »,

Cette modalité fait en quelque sorte suite à la précédente, car on « précise » parfois au prétendant que le rattachement sera sans aucune conséquence pour la personne qui le prendra, laquelle peut alors se poser ensuite légitimement la question de savoir si elle a été rattachée réellement ou pas, sous quel mode, à quoi ou à qui, situation qui engendre et maintient une inquiétude et un manque de certitude qui peuvent, secondairement et pendant des années parfois faire le lit de toutes les manipulations.

ni le rattachement pour le « salut paradisiaque et contre l’enfer »,

Le rattachement pour le « salut » consiste à se rattacher à une tarîqah dans l’espoir que cet acte facilitera, sinon assurera nécessairement, l’obtention du salut paradisiaque, normalement visé par l’ensemble des musulmans sans exception comme aboutissement posthume d’une vie religieuse respectueuse des dispositions exotériques générales. Or, l’objectif et l’aboutissement de la Voie ne sont pas l’obtention du salut, … même écrit avec un « s » majuscule.

le rattachement « par surprise »,

Il arrive que les disciples d’un Cheikh, persuadés de l’éminence plus ou moins « universelle » de la guidance offerte par leur Maître (et du bienfait certain qui résulterait de l’engagement de chacun à ses cotés…), produisent un objet lui appartenant, ou ayant été béni par lui – le plus souvent un exemplaire du Coran (mushaf) ou un chapelet (subhah) – et que ce faisant, après avoir proposé de le prendre en main, ils fassent comprendre que l’on est alors en contact direct avec la barakah dudit Maître et qu’il ne reste plus qu’à régulariser sa position en formalisant son rattachement d’une manière plus conventionnelle (ce qui rejoint le rattachement « sous contrainte »). Selon cette « modalité » fort peu initiatique en réalité, on apprend alors, avec la plus grande surprise, que l’on a été rattaché, mais bien malgré soi. Rappelons ce que disait à ce sujet René Guénon dans ses Aperçus sur l’Initiation 1 :

« L’initiation doit précisément mener à la conscience pleinement réalisée du « Soi » [c’est-à-dire la haqîqah de l’être], ce qui ne saurait évidemment être le fait ni d’enfants en tutelle ni d’automates psychiques ; la « chaîne » initiatique n’est pas faite pour lier l’être, mais au contraire pour lui fournir un appui lui permettant de s’élever indéfiniment et de dépasser ses propres limitations ….. une organisation initiatique n’a que faire d’instruments passifs et aveugles … »

Dans le même ordre d’idées, on aura à l’esprit l’ « islamisation-surprise par rattachement » (publiquement affichée dans un site « officiel ») qui consiste,  face à la demande qui peut être faite d’être rattaché sans avoir à devenir musulman (sic), de donner malgré tout à pratiquer le wird général de la tarîqah, ainsi qu’un certain Nom divin, pour finalement, si la personne concernée demande à entrer en Islam, lui dire qu’elle est déjà « musulmane sans le savoir » et qu’elle n’a donc qu’à entériner formellement les choses. (Cf. le nota bene dans la question/réponse 25 « Est-il envisageable d’être rattaché à une tarîqah alors que l’on n’est pas musulman ?« )

le rattachement « par intérêt »,

Consiste à prendre la Voie dans des situations catastrophiques éprouvées dans ce bas-monde, en ayant un autre but que la Connaissance d’Allah par la ma’rifah. L’intéressé sort plus ou moins rapidement de la Voie une fois le dénouement obtenu ou, dans le cas inverse (en cas d’absence de résolution des problèmes), se retourne contre elle.
(Comme d’autres par la suite, cette dénomination et certaines notions proviennent d’une collection de témoignages présentés sur le fil Anomalies et curiosités «le long de la Voie» – Les Forums des Fuqara).

ni le rattachement « par soi-même »* ou « pour espionnage »**,

* Consiste à prétendre que l’on actualise soi-même une « auto-transmission », sans avoir reçu d’une silsilah aucune transmission, c’est-à-dire à prétendre que l’on est initié sans avoir reçu d’initiation de quelqu’un d’autre, mais par un unique «effort» personnel.
** Consiste à se rattacher, ou à chercher à se rattacher, à une tarîqah avec l’espoir de percer ses «secrets», puis, lors des déconvenues rencontrées, de la quitter, et l’Islam avec.

ni la transmission d’une « super-barakah »

La transmission d’une «super barakah» : consiste à prétendre qu’il existerait, en dehors de la transmission de la barakah en mode tabarrukan, une transmission d’une sorte de barakah « supérieure » à la précédente (considérée, elle-même, comme de qualité inférieure) qui assurerait une initiation effective (sulûk). Elle peut s’accompagner de la conception qu’un rattachement tabarrukan, conçu de cette manière, s’effectue valablement en vue d’obtenir le Paradis, c’est-à-dire, en sorte comme un «sous-rattachement» qui, comme tel, supporterait une sorte de «sous-objectif» ( sic !…), alors que le rattachement de sulûk s’effectuerait avec une «énergie supérieure», dont on se demande qu’elle serait alors son origine …
Sans parler du caractère évidemment très «new age» de l’appellation et qui ne correspond à rien de connu dans la littérature classique et régulière du Taçawwuf (le contraire eut été étonnant), il semble important de souligner que cette conception s’oppose par contre de manière flagrante à l’affirmation traditionnelle unanime, incontestable et incontestée par les autorités régulières du Taçawwuf d’une origine unique de la barakah, dans les Cieux, de la part d’Allah Ta’âlâ et unique, sur terre, à partir de la personne du Prophète lui-même – qu’Allah prie sur lui et le salue (cf. René Guénon, notamment Aperçus sur l’Initiation, chap. X, Des centres initiatiques.)

et la transmission « à l’aveugle »,

Consiste, pour un «responsable» de «tarîqah» pratiquant la collection d’ijâzât, à bien transmettre à ses «disciples», à chaque fois qu’il reçoit une ijâzah nouvelle, mais en imposant le secret sur l’origine de celle-ci (parfois même en demandant également à celui dont il l’a reçue de tenir le secret), de sorte que les disciples en question ne sachent pas à quelles turûq ils ont été rattachés, ni par quelles chaînes de transmission.

(Cf, ci-dessus, la citation de René Guénon : « une organisation initiatique n’a que faire d’instruments passifs et aveugles » )

ni le rattachement par « exploitation manipulatoire ».

Au risque d’apparaître un peu trivial à certains, on peut comparer cette manière de faire à celle que l’on utilise pour obtenir un citron pressé : parfois associée à la transmission sans idhn, elle consiste, pour quelqu’un qui cherche à obtenir la barakah dans une tarîqah particulière, actuellement dépourvue de successeur autorisé, à «reconnaître» temporairement la capacité de transmission à quelqu’un y ayant déjà été rattaché, avant la disparition du Cheikh autorisé précédent. Cette pseudo-autorisation ayant été mise en place, le temps nécessaire, la seconde phase du «bricolage» consiste alors à demander le rattachement à l’ancien disciple, récemment «investi» (mais «par en-bas» au lieu de l’être «par en-haut») d’une nouvelle «fonction de transmission», puis d’effectuer la «transmission» de la barakah, pour ensuite se séparer rapidement de son transmetteur … et prendre soi-même le fauteuil de Cheikh, nouvellement et artificiellement créé. Le résultat d’un tel processus est l’apparition d’une fonction irrégulière de Cheikh, établie sur une transmission irrégulière, elle-même basée sur une pseudo-autorisation, le tout étant «étiqueté» sous le nom d’un Cheikh régulier.
On notera l’évidente parenté comportementale avec ce qui se passe lors du «rapt d’ijâzah».

La Tarîqah n’est pas : le rattachement « à distance par internet »,

Consiste à prétendre au rattachement par «internet». Si René Guénon – Cheikh Abd el-Wâhid Yahyâ parle de la possibilité qu’une influence spirituelle puisse être transmise par un objet (Aperçus sur l’Initiation), il s’agit évidemment d’un objet corporel et non virtuel, comme l’est l’image sur internet !
On peut également rappeler que même quelqu’un d’autorisé ne peut pas donner de wird par internet, pour la même raison que celle qui vient d’être évoquée, et qu’il ne peut ainsi s’agir que d’un simple conseil général, sans efficacité initiatique réelle comme peut l’être la transmission directe.
Il semble bien qu’il doive exister un certain rapport de connaturalité entre le transmetteur et celui à qui se fait la transmission pour que celle-ci soit effective et réelle. C’est ce qui rend nécessaire le fait que la transmission de l’influence spirituelle s’effectue grâce à un contact ou un support corporels puisque c’est dans ce domaine que se trouve le récipiendaire lors du rattachement, la même règle semblant pouvoir justifier et expliquer que des transmissions (dont il faudrait encore préciser, dans tous les cas, en quoi elles consistent réellement), puissent exister dans le domaine subtil ou dans le domaine supra-individuel (= spirituel = rûhî), mais à condition, que ceux à qui ils s’appliquent aient atteints, par leur réalisation effective, les degrés correspondants (ce qui est loin d’être le cas pour la très grande majorité des gens, même rattachés à une Voie uwaysie).

les rattachements « pour affaire », « par relation », « par snobisme », « par ostentation », « peace and love », « new age », « écologique »,

Ils consistent respectivement :

• à chercher l’établissement d’un réseau relationnel d’affairisme ;

• à utiliser ses relations pour forcer un rattachement (le sien ou celui d’un ami) ;

à se rattacher pour «faire comme tout le monde» ou comme ses proches, ou par désir de s’afficher comme tel ;

• à se rattacher dans des optiques qui ont finalement pour tendance et effet de vider totalement le fond d’une démarche initiatique véritable et régulière pour les remplacer par des systèmes de pensée pseudo initiatiques et/ou complètement étrangers au Taçawwuf véritable.

ni  le rattachement par « gri-gri »,

Revient à prétendre que des pratiques qui sont en réalité, et dans le meilleur des cas, de l’ordre de ce que l’on pourrait appeler de la « magie blanche » (= hikmah ou ruqiyah : récitation, lecture, dilution, boisson et port de verset(s), enductions de produits divers, etc …) constituent en elles-mêmes un rattachement à une tarîqah. Cette manière de faire, sans compter le fait qu’elle n’est en aucune manière assimilable à des rites de transfert de barakah tels qu’ils sont habituellement pratiqués dans le cadre d’un rattachement à une tarîqah, s’accompagne d’un cortège de pressions psychiques, ainsi que d’un ensemble de marques d’ignorance des règles et réalités élémentaires de l’initiation, qui ont pour effet de tenir et de maintenir le candidat à l’initiation dans une attitude à la fois d’inquiétude, de doute et de dépendance malsaine, caractéristiques qui sont évidemment toutes à l’opposé de ce qui doit définir une relation initiatique véritable.

le rattachement « par action de présence » ou « à l’ancienneté ».

Le rattachement « par action de présence » ou « à l’ancienneté » consiste à croire ou à faire croire que la simple participation habituelle et l’assistance simple à des rites d’une tarîqah pendant « un certain temps » suffisent à assurer le rattachement à celle-ci. Tout un chacun peut ainsi prétendre à la qualité de membre de tarîqah tout en dénigrant éventuellement les obligations qui leurs sont propres ; sans parler du temps perdu, dans le cas des personnes sincères et bien intentionnées (il en existe tant qui ignorent le minimum des règles de base qui concernent l’initiation et que l’on voit ainsi grossir les rangs des certaines turûq, mais pour quoi faire ?…)

La Tarîqah n’est pas : le « rapt » d’ijâzah ,

Consiste à chercher et obtenir (plus ou moins péniblement) chez un Maître régulier une ijâzah (autorisation d’exercer les fonctions initiatiques propres à une tarîqah) pour ensuite se séparer rapidement du Maître en question (ou même ne jamais l’accompagner) et prendre la distance nécessaire avec lui et la tarîqah d’origine afin d’user selon son bon vouloir de l’ijâzah en question, en dehors et au mépris des règles qui sont propres à la tarîqah « mère ».

Dans ce registre, on se souvient aussi des

 » (…) autorisations (ijâzat) que l’on achète par de l’argent ou des degrés fonctionnels dont la valeur est altérée par la falsification « , sans compter :  » (…) les généalogies remontant au Prophète, qui ne sont que tissus de calomnies  » (Cheikh Zakî ed-Dîn – Qasîdah) ;

également ce passage, extrait de la deuxième des Règles de la Tarîqah Mohammediyah , dans lequel la mention de l’Antéchrist n’est, à l’évidence, pas une simple coïncidence :

« L’autorisation initiatique (ijâzah) ou la fonction qu’occupe celui qui n’en est pas digne sont sans valeur, même s’il l’on a dépensé la fortune de Qaroun [pour les obtenir] ou s’il est accrédité par toutes les administrations. Celui qui dispose d’une autorisation initiatique fonctionnelle (hâmil el-ijâzah, lit. porteur d’une autorisation) se doit d’être une forme réduite (sûrah muçgharah) du Messager d’Allah -qu’Allah prie sur lui et le salue-. Sinon, il sera, ainsi que ses assistants, parmi les prémices de l’Antéchrist : « Dis :  Le mauvais et le bon ne sont pas semblables, même si l’abondance du mal te séduit ».

la collection d’ijâzât,

Il est possible, pour un responsable de tarîqah, de prendre et détenir plusieurs ijâzat, dans certaines turûq et sous certaines conditions. La dérive de cette possibilité consiste à multiplier, sans raison, la détention d’ijâzat, et en opposition avec les règles de telle ou telle tarîqah. Elle a pour effet, lorsqu’elle est mise en œuvre de cette manière, non pas de provoquer une augmentation des influences et soutiens de diverses natures qui sont véhiculés virtuellement par ces différentes autorisations, mais au contraire de provoquer des contradictions et des disharmonies, notamment d’ordre technique et méthodique, ainsi qu’une dispersion dissolutive et un égarement dans l’esprit, l’orientation et l’aspiration de ceux qui sont rattachés ultérieurement ; et cette conclusion n’est pas uniquement le fait de considérations théoriques.

On pourra également remarquer ici, même s’il s’agit en réalité de considérations d’un autre ordre, que ce qui vient d’être évoqué n’est pas sans rapport avec les problèmes liés aux rattachements multiples.

ni la transmission sans idhn,

Consiste à transmettre le wird, régulièrement reçu dans le cadre d’une tarîqah régulière, sans avoir reçu préalablement de idhn pour le faire. S’il est vrai que l’on ne peut évidemment pas transmettre ce que l’on n’a pas reçu et que l’on ne peut transmettre que ce que l’on a préalablement reçu, il n’est pas vrai que cette transmission peut valablement s’effectuer dans n’importe qu’elle condition. Même si cette réception (dans le cas présent, de la barakah) s’est faite initialement de manière régulière, il semble bien qu’il faille alors, pour justifier de déroger à la règle de détenir un idhn pour la transmettre, faire état d’une situation de nécessité absolue, c’est-à-dire qu’il soit impossible d’obtenir une autorisation pour transmettre ce que l’on détient ; et nous insistons bien qu’il s’agit uniquement d’une autorisation (idhn) puisque, dans le cas présent, la transmission de la barakah a, elle, bel et bien déjà eu lieu valablement.

Dans ce contexte très particulier, précisons incidemment et à toutes fins utiles que le retrait d’une ijâzah régulièrement reçue est tout aussi possible et lui-même parfaitement régulier. A la différence de ce qui peut se passer lorsque le détenteur de l’ijâzah ainsi reçue prend appui sur elle pour prendre son indépendance d’avec le cheikh qui la lui a remise, le retrait d’ijâzah effectué par le cheikh transmetteur est opérant ipso facto, par la cessation immédiate du idhn qui la vivifiait et qui rend inefficace la transmission régulière de quoi que ce soit qui pourrait être tenté dans le cadre de l’ijâzah retirée ; et dire ainsi que le cas du Moqaddem qui se rend indépendant de son Cheikh est le même que celui du Moqaddem à qui son Cheikh retire son ijâzah relève donc à l’évidence de la plus pure malhonnêteté. L’éventuelle présentation du document écrit formalisant le idhn antérieur (dont la restitution a été demandée suite au retrait par le cheikh donateur et qui reste pourtant entre les mains de celui qui ne devrait plus en être raisonnablement détenteur) ne ferait donc, dans ces conditions, que renforcer non plus seulement la tromperie et l’usurpation mais le caractère de véritable « mascarade » dont parle René Guénon à ce sujet ; on ne saurait donc que conseiller aux personnes qui auraient été ou seraient concernées de considérer l’ensemble de ces agissements avec la plus grande méfiance, pour ne pas dire de remettre totalement en cause leur régularité et leur sérieux, d’autant plus qu’ils se manifesteraient accompagnés de tout ou partie de la cohorte des autres anomalies et « curiosités », ici répertoriées.

l’enseignement sans idhn * et la direction des rites sans idhn **.

*Selon René Guénon (Aperçus sur l’Initiation, cf. notamment chap. XXX Initiation effective et initiation virtuelle et chap. XLV De l’infaillibilité traditionnelle) l’initiation consiste en la transmission de l’influence spirituelle (barakah), d’une part, et en la transmission de l’enseignement doctrinal, d’autre part. Il existe pourtant des personnes qui prétendent dispenser un enseignement doctrinal sans plus détenir d’autorisation à transmettre la barakah que d’autorisation à transmettre un enseignement doctrinal ; et ce ne sont ni le caractère plus ou moins pompeux, profus, souvent prétentieux et parfois agressif de leurs propos ni l’élévation avérée des Maîtres sous l’autorité desquels ils prétendent placer leurs activités qui peuvent changer quoi que ce soit à l’irrégularité initiatique rédhibitoire de leur situation.
** La direction de rites sans idhn est une application des anomalies précédentes.

La Tarîqah est seigneuriale (rabbaniyyah),

* En référence au verset : « Soyez de vrais dévots du Seigneur (rabbânyîn), puisque vous enseignez le Livre et l’étudiez ».

quant à son origine et à sa destinée, quant à la source unique de son influence spirituelle unique (barakah)*, de ses sciences et de son soutien spirituel (madad).

* René Guénon, Aperçus sur l’Initiation.

La Tarîqah est mohammadienne (mohammediyah), par référence unique à celui dont « le secret circule (sirru-hu sârî) dans l’ensemble des Noms et des Attributs (fî sâiri-l-Asmâ wa-ç-çîfât) »*. Elle est régulière avant tout, claire, unifiante et lumineuse.

* Extrait de la Prière de la Lumière essentielle du Cheikh Abu-l-Hassan Châdhilî. (Cf. un commentaire de cette prière)

Elle relie et rattache consciemment (‘ahd) celui qui la choisit en toute liberté et quiétude, à une succession (silsilah) de Maîtres autorisés, qui sont les pères spirituels qui nous guident et dont on demande l’aide, même après des siècles et du bout de la terre, parce qu’on les connaît et qu’on les vénère, à cœur ouvert.

La Tarîqah est engagement et participation entiers, travail spirituel harmonieux et actif.Elle exclut les excès, tout comme la demi-mesure, la paresse et la passivité, même en compagnie d’un Maître. Elle exclut intrigues, soupçons, envies et délations. Elle est courage et patience, éveil et vigilance.

« Sans quoi, ce n’est que plaisanterie (tahrîj) »

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ARTICLE THÉMATIQUE correspondant

GENERALITES SUR LE TASAWWUF

  1. Chap. Initiation et passivité, p. 231 []

par le 22 juillet 2011, mis à jour le 5 juin 2015

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