Attitudes pour recevoir l’enseignement (« L’assoiffé ») – M.A.S.

L’assoiffé

se dirige naturellement là où émerge l’eau,

puis se tient au-dessous,

réceptif.

Mais celui qui n’a pas soif et celui qui ignore sa présence ou suspecte sa qualité

se tiennent près de l’eau sans boire, quelle que soit la manière.

*

Que veut l’hôte qui refuse la boisson que lui offre son invité ? Que veut l’invité qui refuse l’eau que lui offre son hôte ?

Que cherche celui qui reste debout, à côté, ou qui même s’incline, vers l’eau, sans pourtant y goûter ? Boit-on sur le dos ? Accoudé à la renverse ? Allongé ?

Que gagne celui qui s’abaisse mais sans creuser les mains ? Et celui qui les creuse mais ne s’abaisse point ?

Remplit-on son verre comme si, soi-même, on versait ? Car si l’on controverse, que recueille-t-on enfin ?

*

Nulle quête, sans nécessaire besoin.

Sans humble demande, nulle boisson.

Sans abaissement du cœur, nul gain,

Quel que soit l’échanson.

*

Celui qui s’engage dans la Voie est tel un assoiffé.

Son but est unique, sa qiblah est unique, son besoin est unique. Il n’en est pas distrait. A la recherche de la « science utile », qui est l’eau, il se dirige là où, après un cheminement qui a pu être long depuis sa source, elle émerge enfin et lui fait face, offerte d’une main généreuse sous une Main Généreuse, par une affinité qui correspond naturellement à sa soif de connaissance. Reste encore à la prendre pour l’assimiler, par une bonne attitude, extérieure et intérieure, car sa simple présence et sa production ne suffisent pas s’il veut réellement en bénéficier.

Facilement, il se tient au-dessous du lieu d’où elle émane, réceptif : comme il est dans la nature de l’eau de s’écouler au plus bas sur la terre qu’elle vivifie, il est dans la nature de la terre d’être humble pour la recevoir, et quelle s’imbibe en elle. Même en présence réelle de science et d’un intense besoin, rien n’est ultimement utile sans la position correcte qui permet simplement d’apprendre, puis de s’élever.

« Yâ Rabb », comme disent nos Maîtres, « ‘allimnâ-l-adab » « Ô Seigneur, enseigne-nous la juste attitude » sans laquelle tout est vain.

Que veut l’hôte qui refuse la boisson que lui offre son invité ? Que veut l’invité qui refuse l’eau que lui offre son hôte ? N’est-ce pas l’enseignement que l’on cherche ? Et lorsqu’il se présente, pourquoi le rejeter ?

Attend-on que l’eau monte à soi ? Est-ce parce qu’il est suffisamment savant ou instruit que celui qui, tout en connaissant l’existence d’un enseignement, reste sur sa posture, debout, sans se disposer à le recevoir ? Mais si ce n’est pas le cas, qu’il n’est pas tel qu’il croit, quel sentiment l’empêche ? Lorsqu’il va même jusqu’à marquer une certaine inclination extérieure en sa direction, pourquoi n’y goûte-t-il pas réellement, c’est-à-dire pourquoi ne l’accepte-t-il pas ?

Quelles sont les convenances, énoncées par les Maîtres, qui concernent l’attitude extérieure de celui qui cherche et reçoit un enseignement ?  Ne sait-on pas qu’il est alors recommandé d’adopter une position humble et respectueuse, de ne pas s’allonger sur le dos, ni s’accouder en arrière ou sur le côté, comme s’il s’agissait de boire ? Croit-on que c’est par les membres que l’on reçoit la science ou que c’est de la position du cœur dont il faut se préoccuper ? C’est du cœur, bien sûr, mais les membres et le corps tout entier participent : pourquoi ignorer les conseils des Maîtres, être négligeant et risquer de tout perdre ou plutôt ne rien gagner ?

5 juillet 2015 – V4

L’attitude requise se doit d’être entière et complète pour atteindre le but : Que gagne celui qui s’abaisse mais sans creuser les mains ? Elle se doit d’être sincère, quand bien même serait-elle formellement parfaite : Et celui qui les creuse mais ne s’abaisse point ?

N’est-il pas contradictoire que celui qui désire réellement recevoir l’enseignement se comporte comme celui qui le lui dispense ? Remplit-on son verre comme si, soi-même, on versait ? Et s’il adopte une telle attitude ou développe une controverse polémique, que recueille-t-il enfin en guise de réel bénéfice spirituel, même s’il est dans son droit et emporte l’argument ? L’étudiant cherche-t-il autre chose en dehors de la science ?

*

Nulle quête, sans nécessaire besoin.

Sans humble demande, nulle boisson.

Sans abaissement du cœur, nul gain,

Quel que soit l’échanson.

par le 8 mai 2015, mis à jour le 12 juillet 2015

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