Conclusion des Qawâ’id de l’Imâm Zarrûq (art. total)

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Dans l’attente de la progression de la traduction des Qawâ’id et-Taçawwuf, nous en présentons la conclusion en considération de l’importance qu’elle revêt, notamment par la parole du Cheikh el-Hadramî qu’Allah soit satisfait de lui et, bien sûr, en tant qu’ « aboutissement » de l’ouvrage tout entier.

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 Conclusion des Qawâ’id

 

قال شيخنا أبو العباس الحضرمي: ارتفعت التربية بالإصطلاح، ولم يبق إلا الإفادة بالهمة والحال، فعليكم بالكتاب والسنة من غير زيادة ولا نقصان.

Notre Cheikh Abu al-‘Abbas al-Hadramî a dit : « L’enseignement spirituel conventionnel (bi-l-içtilâh) a cessé [lit. a été enlevée]. Ne subsiste que le profit par l’aspiration (himma) et l’état (hâl) spirituels. Suivez-donc le Livre et la pratique prophétique, ni plus ni moins. »

وذلك جار في معاملة الحق والنفس والخلق

Ceci concerne les pratiques pour le Dieu-Vrai (Haqq), pour l’âme (nafs) et pour les créatures (khalq).

 فأما معاملة الحق فثلاث: إقامة الفرائض، واجتناب المحرمات، والاستسلام للأحكام.

Les pratiques à respecter vis-à-vis de Dieu-Le Vrai (el-Haqq) sont au nombre de trois : accomplir les pratiques obligatoires, éviter les interdictions et se soumettre aux décrets [de Dieu].

وأما معاملة النفس فثلاث: الإنصاف في الحق، وترك الانتصار لها، والحذر من غوائلها في الجلب والدفع، والرد والقبول، والإقبال والإدبار.

Il y a trois pratiques à respecter vis-à-vis de l’âme : rechercher l’équité, ne pas faire de demi-mesure en ce domaine et faire attention à ses travers lors de l’acquisition et de la cession, du refus et de l’acceptation, ainsi que lors du bonheur et du rejet.

 وأما معاملة الخلق فثلاث: توصيل حقوقهم لهم، والتعفف عما في أيديهم، والفرار مما يغير قلوبهم، إلا في حق واجب لا محيد عنه

 Quant à ce que l’on doit respecter vis-à-vis des créatures, il y en a trois : les aider à obtenir leurs droits, se retenir d’acquérir ce qu’ils détiennent et fuir tout ce qui altérerait leurs cœurs, à moins que cela ne concerne une obligation impérative.

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6 sept 2014 – V3

Commentaire

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Texte d’El Hadji Malick Sy (1815 – 1922)

« L’éducation spirituelle

Exposé sur l’éducation spirituelle par le dessein (himma) qui est la base et la méthode par laquelle Mohammad avait éduqué ses compagnons.

Dans la conclusion de Qawâ’id at-taçawwuf de notre maître Zarrûq « notre maître Abû al-‘Abbas al-Hadrami a dit que l’éducation spirituelle par « içtilâh » (convention) n’existe plus. On ne peut plus tirer profit que de l’éducation par la « himma » (dessein) et du « hâl » (état mystique). Conformez-vous alors au Coran et à la Sunna sans plus ni moins. Il en est de même pour le comportement à adopter vis-à-vis de Dieu, de l’âme et des hommes.

L’attitude à observer envers Dieu tourne autour de trois points :

  1. S’acquitter des obligations
  2. Éviter les interdits
  3. S’en remettre aux décrets de Dieu.

Quant à l’attitude à prendre vis-à-vis de l’âme, elle consiste aussi en trois points :

  1. Être impartial
  2. Ne pas innocenter l’âme à tout prix
  3. Se prémunir contre ses travers dans l’acquisition, la cession, les propos, l’abord et la préparation.

Pour ce qui est des rapports à entretenir avec les hommes, il s’articule autour de trois points :

  1. Leur donner ce qui est leur dû
  2. Se désintéresser de leurs biens
  3. Éviter de leur causer des ressentiments, sauf s’il s’agit d’une vérité à dire ou à pratiquer obligatoirement ». Fin de citation.

Dans la « Hachiyâ » de Muhammad Ibn al-Qâsim al-Qâdirî, relativement au passage où l’auteur de « al-Burda » a dit : « Qu’est-ce qui repousse loin de moi ces ardeurs déchaînées … », il est dit que le vers fait allusion à deux avantages. Le premier est qu’il est indispensable d’avoir un maître initiateur qui serait savant et soufi réunissant les conditions que al-Junayd a évoquées lorsqu’il disait : « Nous n’avons pas reçu le soufisme par des « On a dit », « Il a dit », par des polémiques ou des disputes. Nous l’avons reçu par le biais de la faim, de la veille, de l’accomplissement continuel des œuvres pies ».

Ce maître est donc indispensable. Car l’âme peut souvent être amenée à vouloir quelque chose qui cause sa perdition et dont il faudrait la sauver par les soins d’un maître qui lui serait comme un médecin. Le deuxième avantage est que ce maître se raréfie à cette époque-ci, comme le laisse entendre l’interrogation : « Qu’est-ce qui repousse, etc … ? » jusqu’au passage où il dit : Mon maître ‘Abd al-Wahhâb ach-Cha’rânî a considéré dans son ouvrage intitulé « Mawâzîn al-qâsirîn », que ce maître n’existe plus.

En voici la teneur :

« Les voies d’initiation à Dieu, ainsi que les hommes, n’existent plus depuis longtemps. Maintenons-nous dans le vestibule du Jugement dernier ; en fait, nous voyons des walî initier et former des hommes jusqu’à leur mort, sans que nul parmi ces derniers n’éclose après eux. »

Il a aussi dit dans un autre passage de l’ouvrage : « La raison pour laquelle les gnostiques cessent d’aspirer à la dignité de Chaykh et à assurer l’éducation des hommes à cette époque-ci, est qu’ils sont témoins du foisonnement des épreuves qui s’abattent nuit et jour sur les hommes en affectant leur cœur et leur âme. Ils savent par ailleurs que la situation ne fait que régresser, à tel point que si quelqu’un parmi les maîtres voulait imposer son autorité à un disciple, il se relèverait impuissant à repousser loin du disciple une quelconque difficulté.

Il se pourrait même que cette difficulté se retourne contre le maître en guise de sommation, à cause de son comportement. La situation est difficile et elle ne cessera d’empirer jusqu’à l’avènement du Jugement Dernier.

Mais le point de vue à adopter est celui consigné dans « al-Ibrîz » et qui se résume comme suit : « un jurisconsulte avait interrogé le walî, notre maître ‘Abd al-‘Azîz ad-Dabbâg sur les propos du walî et pieux Sidi Zarrûq (Que Dieu l’agrée) : « L’éducation par la convention n’existe plus. Il ne reste plus que l’éducation par le Dessein (himma) et l’état (hâl). Conformez-vous donc au Coran et à la Sunna sans plus ni moins. » Il répondit que l’objectif de l’éducation est de purifier l’âme de ses travers dissipant les ténèbres qui l’environnent. Cette purification se fait tantôt par les soins de Dieu sans intermédiaire, comme ce fut le cas des trois premières générations qui suivirent Muhammad –qu’Allah prie sur lui et le salue. Tantôt, elle se fait par le truchement d’un maître confirmé, comme ce fut le cas après les trois premières générations. Le maître faisait entrer le disciple en retraite spirituelle, lui faisait invoquer Dieu et lui demandait d’être frugal. Ces consignes observées, tout l’esprit du disciple demeurait tourné vers Dieu et vers Son Envoyé. Ainsi fut la situation jusqu’au jour où la vérité et l’imposture se mêlèrent et que la lumière et les ténèbres se confondirent. Conséquemment, des hommes incompétents se mettent à éduquer ceux qui les sollicitent, des hommes en les faisant entrer en retraite spirituelle et en leur inculquant des noms à réciter dans un mauvais dessein et selon des objectifs contraires à la vérité (haqq). Il arrive même qu’ils y ajoutent des formules et des trucs leur assurant le service des esprits, propres à les exposer progressivement à la réplique imprévue de Dieu (makr Allâh). De telles pratiques étaient courantes à l’époque où vivait le maître Zarrûq et à l’époque où vivaient ses propres maîtres. Aussi leur apparaissait-il nécessaire d’initier les hommes, avec désintéressement et pour l’amour de Dieu et de son Envoyé, à se conformer au Coran et à la Sunna.

Cela par mesure de sauvegarde des hommes pouvant être portés à suivre les partisans du faux de suivre la vraie éducation. De fait, la lumière du Prophète restera à jamais, sa faveur restera totale et sa bénédiction, générale jusqu’au Jour du Jugement. Fin de citation.

Ainsi, comme des hommes incompétents s’érigeraient en maîtres pour éduquer les gens, d’autres hommes, à l’époque actuelle, s’érigent en éducateurs, en donnant le wird alors qu’on sait que les conditions que doit réunir l’initiateur, tel qu’il ressort des propos de l’’homme de Dieu al-Fâsî, dans l’une de ses « Réponses », consistent à se conformer à la Sunna du Prophète Muhammad en renonçant au monde et au prestige. Il a même laissé entendre que celui ne renonce pas au monde et au prestige n’est même pas apte à être un bon disciple. Et s’il ne peut pas être un bon disciple, il ne pourra pas être un initiateur (muqaddam) pour les initier au wird. Tels sont ses propos en substance.

Dans la « Hâchiya » de Sidî Gannûn sur le « Muwattâ » de l’Imâm Mâlik, et aussi dans le « Jâmi’ al-miyâr », dans une réponse d’Abû al-‘Abbâs al-Qabbâb (que Dieu l’ait en Sa Miséricorde), il est textuellement dit : « Il est étrange de voir quelqu’un finir sa vie dans ses investigations relatives aux Stations (maqâmât) et aux Fondements avant de tenter de s’acquitter des dettes d’ordre pécuniaire ou matériel qui pèsent sur ses épaules, et avant de chercher avec détermination à savoir quelles sont ses strictes obligations religieuses qui consistent à ne s’engager à faire ou à dire quoi que ce soit avant de savoir ce que Dieu en prescrit. Savoir d’abord ses obligations religieuses est une condition essentielle faisant l’unanimité des docteurs de la loi. En s’occupant pleinement de ses premiers devoirs, le fidèle n’aurait pas de temps à consacrer à quelqu’un d’autre. »

 « Ifhâm al-Munkir al-Jânî » – Réduction au silence du dénégateur d’El Hadji Malick Sy (1815 – 1922)

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ARTICLE THEMATIQUE correspondant

LA PRIÈRE SUR LE PROPHÈTE ﷺ COMME MOYEN DE SULÛK en cas de raréfaction de Maître éducateur (Cheikh tarbiyah) – M.A.S.

GÉNÉRALITÉS SUR LES RÈGLES DE L’INITIATION

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par le 22 novembre 2010, mis à jour le 18 juillet 2015

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