Convenances spirituelles entre frères dans la Voie
Selon les « Lawâqih el-Anwâr el-Qudûssiyah fî Ma’rifati Qawâ’id el-Sufiyah de l’Imam Abd el-Wahhâd el-Cha’rânî
Exposé d’un résumé des convenances du disciple envers ses frères
Sache, que Dieu le Très-Haut te fasse miséricorde, que les convenances (ou les règles de conduite spirituelle) des pauvres, c’est-à-dire des aspirants et des disciples, ne sauraient être limitées. Elles rassemblent tout ce qui se trouve dans les Livres divins, les paroles prophétiques, les récits des Compagnons et les enseignements des pieux prédécesseurs.
- Note sur l’intérêt des âdâb en tant qu’ils ont un caractère traditionnel universel et synthétique
Mais nous résumerons ici les convenances du disciple envers l’ensemble de ses frères :
- L’imam Charani énumère donc ici un certain nombre de âdâb importants, à savoir :
– qu’il ne les traite qu’avec ce qu’il aimerait qu’ils le traitent,
– qu’il souhaite pour eux le bien et l’indulgence à l’égard de leurs fautes autant qu’il le souhaite pour lui-même,
– qu’il interprète leurs paroles et leurs actes de la meilleure manière possible, comme il aimerait qu’ils interprètent les siens s’il se trouvait dans une situation semblable.
– Il doit aussi espérer pour eux l’acceptation de leur repentir, même s’ils commettent les péchés que commettent d’autres musulmans,
– tout comme il espère pour lui-même le pardon divin lorsqu’il tombe dans le péché.
Celui qui agit conformément aux détails que nous avons mentionnés aura, s’il plaît à Dieu le Très-Haut, rempli envers ses frères tous leurs droits.
Ensuite, il ne t’échappera pas, ô mon frère, que le disciple ne peut pas se parer de toutes les convenances de ses frères, car il est occupé par les droits de Dieu le Très-Haut, ce qui le détourne des droits des créatures. Il ne peut donc réunir les deux à la fois : les droits de Dieu et les droits des serviteurs.
Il n’est donc ordonné pour le moment que d’acquérir certaines qualités indispensables à la vie commune et à la bonne relation avec autrui, semblables à des obligations dans le domaine de la fraternité.
- L’auteur indique clairement qu’il ne va traiter dans son exposé qu’une sélection minimale de convenance
Le domaine de référence est donc bien celui de la fraternité (dont l’étude, la compréhension et la mise en œuvre est un nécessaire préalable) ; il s’agit pour chacun de transposer les choses en mode initiatique.
Puis, lorsque son cheminement spirituel s’achève et qu’il atteint le rang des hommes réalisés, à ce moment-là, il est tenu d’adopter la totalité des « vertus de la perfection ».
L’explication en est que les « vertus muhammadiennes » ne sont revêtues par personne avant qu’il n’entre dans la Présence particulière de Dieu le Très-Haut — cette Présence à laquelle le cheminant accède à l’achèvement de sa Voie, selon la coutume spirituelle. Cette Présence est interdite à quiconque conserve en lui quelque trace des impulsions de l’âme. La preuve en est que les ablutions et la prière ne sont pas valides si une petite partie des membres de la purification n’a pas été atteinte par l’eau ou la terre.
Puis, lorsqu’il s’établit dans cette Présence, on le revêt des « vertus muhammadiennes » qui lui sont destinées. Il revient alors orné de ces vertus sans effort de sa part, et il reçoit l’ordre de rendre à chacun son droit dans la plus grande perfection — à son père, son épouse, son enfant, son compagnon, son voisin, et à toute autre personne.
Si, au début de son parcours, on lui avait ordonné d’agir ainsi, il n’aurait pas été capable de progresser sur la voie, à cause de sa faiblesse à concilier les droits de Dieu et ceux de Ses serviteurs, comme on l’a dit plus haut. Et à supposer même qu’il s’y efforce dès le départ, ses actes seraient alors comme des corps sans âme, à cause du grand nombre d’impuretés et de dissimulations qui se mêlent encore aux œuvres du disciple.
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Lorsque tu sais cela, je dis – avec l’aide de Dieu – que parmi les bonnes manières qu’un homme doit avoir envers ses frères, il y a de ne jamais regarder leurs fautes ou leurs défauts lorsqu’ils apparaissent, ni de se rappeler les erreurs passées, car lui-même est exposé à tomber dans ce genre de choses. Et lorsque cela lui arrive, il souhaite que tous ses frères le prennent en pitié, qu’ils s’excusent pour lui et disent que c’est Satan qui l’a fait trébucher par la volonté de Dieu, et qu’il a déjà fait tomber des personnes bien plus grandes que lui, et autres propos semblables.
Ainsi, de même qu’il aimerait qu’on lui trouve des excuses et qu’on ne le méprise pas, il doit, lui aussi, traiter les autres de cette manière : en leur trouvant des excuses et sans les rabaisser.
De même qu’il détesterait que ses frères se réjouissent de sa chute ou refusent de lui trouver des excuses, eux aussi détesteraient qu’on se réjouisse de leurs fautes ou qu’on les blâme. Et même si on leur disait : « Considérez celui qui se réjouit de vos malheurs comme quelqu’un qui s’excuse auprès de vous », ils ne l’accepteraient ni ne le comprendraient. Il en va donc de même pour lui.
Ils [les Maîtres de la Voie] sont tous d’accord pour dire que tout pauvre (faqîr / disciple) qui prend connaissance d’un défaut des gens, ne serait-ce que par voie de dévoilement (spirituel), se trouve en présence du démon, non en présence de Dieu Très-Haut, ni en présence de Ses anges.
- Tout « dévoilement » n’est ainsi pas nécessairement bon, surtout quand prend ce qui est d’ordre psychique pour une réalité proprement spirituelle, c’est-à-dire supra- humaine.
Et ils ont dit : tout dévoilement par lequel son auteur découvre quelque défaut chez les gens est un dévoilement démoniaque dont il doit se repentir.
- Voir à ce sujet le commentaire des Hikam d’ibn Ajibah (Porteur de Savoir)
Et ils ont dit : celui qui regarde les défauts des gens et les interprète toujours de la pire manière, son utilité diminue, son for intime se corrompt et il ne retire plus aucun profit de la compagnie de son Maître spirituel.
- Ce « point de vue » ou cette « perspective », avec le temps, affecte si profondément l’être qu’il s’applique au Cheikh lui-même
Il lui incombe donc de ne pas dépasser le regard sur les défauts de sa propre âme afin de les couvrir.
Quant aux fautes d’autrui, s’il en est informé et qu’il peut les cacher, qu’il le fasse ; si elles nécessitent un remède, qu’il oriente la personne vers le maître spirituel, car le disciple n’est pas destiné à corriger autrui : il est occupé seulement à corriger sa propre âme et à la purifier de ses impulsions.
- Le sujet de préoccupation majeur du murid sincère doit toujours (à moins d’être régulièrement investi d’une fonction particulière) être de corriger prioritairement sa propre âme.
Et dans un hadith rapporté par al-Ṭabarānī, il est dit : « Celui qui recherche les défauts des gens, Dieu recherchera ses propres défauts ; et si Dieu recherche ses défauts, Il le dévoilera, même au sein de sa propre demeure. » (Fin de citation.)
- C’est-à-dire au cœur même d’un cadre strictement privé.
Al-Ḥasan al-Baṣrī, que Dieu l’agrée, disait : « Par Dieu, nous avons connu des gens qui n’avaient pas de défauts ; mais ils se sont mis à espionner les défauts des autres, alors Dieu leur a créé des défauts. »
Et j’ai entendu mon maître, Sīdī ʿAlī al-Marṣafī, que Dieu lui fasse miséricorde, dire : « Quiconque ne couvre pas les fautes qu’il perçoit chez ses frères ouvre sur lui-même la porte du dévoilement de ses propres fautes, dans la même mesure qu’il a révélé celles des autres. »
- ORDONNER LE MA’RÛF ET RÉPROUVER LE MUNKAR
Mon Maître Ahmad al-Zâhid – que Dieu ait pitié de lui – disait :
« Si vous voyez l’un de vos frères commettre un péché sans le rendre public, alors couvrez-le. Mais s’il s’en vante ouvertement parmi vous, réprimandez-le. Et ne divulguez pas cela à ceux qui n’en savent rien. S’il ne se ressaisit pas, réprimandez-le publiquement, dans son intérêt et non par vengeance de l’âme, afin qu’il puisse revenir sur ses actes et s’abstenir. Tant qu’il pèche dans l’intimité de sa maison et ferme sa porte sur lui, il ne s’est pas encore exposé, sauf s’il y a des enfants qui rapportent ce qu’ils ont vu, car alors ils sont assimilés à des hommes. »
- Le Cheikh aborde le délicat des limites de l’exhortation privée ou publique : on voit qu’il existe vers cas où l’on peu envisager un certain degré de caractère public, alors que la règle générale bien connue est de respecter la sacralité de son frère.
- Cf. Plus loin, d’autres exemples à venir ان شاء الله
Al-Hasan al-Basrî disait :
« Si l’on vous rapporte une faute concernant quelqu’un, mais qu’elle n’a pas été confirmée par un juge, ne le blâmez pas pour cela ; et démentez celui qui a répandu cette rumeur s’il n’en a pas de preuve légale, surtout si l’intéressé la nie.
En effet, le principe de base est la « présomption d’innocence » jusqu’à ce qu’une preuve juste soit établie devant le juge. Et même après que le fait soit prouvé contre lui, gardez-vous encore de le ridiculiser, car il se peut que Dieu l’ait guéri de sa faute et qu’Il vous éprouve à votre tour. »
Mon maître Muhammad al-Ghamrî – que Dieu l’agrée – disait :
« Si vous voyez un pauvre qui cherche à découvrir les défauts d’autres pauvres dans la zawiya (la confrérie ou le lieu spirituel), sachez qu’il fait partie des gens du mal. Tout ce qu’il reproche aux autres n’est en réalité que la description de son propre état.
- Autre forme de « dévoilement »
Le Chaykh doit le renvoyer s’il ne se repent pas, afin qu’il ne corrompe pas la condition spirituelle des pauvres et ne provoque pas de méfiance entre eux. S’il ne peut être expulsé que par décision légale, portez plainte auprès du juge, faites-le sortir et agissez envers lui avec justice, sans indulgence excessive, car il pourrait bientôt vous détruire la zawiya. »
- On verra par la suite revenir plusieurs fois ce thème de l’exclusion en vue de préserver la communauté ; on peut déjà retenir dès maintenant l’essentiel à ce sujet puisque ce qui est toujours visé est la préservation de l’intégrité de la collectivité initiatique.
Et il disait [« Mon maître Muhammad al-Ghamrî »] :
« Le naqîb (le responsable) ne doit jamais permettre aux jeunes célibataires de dormir ensemble dans une même pièce isolée car le diable circule dans l’être humain comme le sang circule dans ses veines.
Il [le diable] peut donc parfois suggérer à certaines personnes des pensées mauvaises à propos d’autrui, et leur faire interpréter des comportements de manière défavorable, alors que ces personnes en sont (initialement) innocentes. Cela trouble ainsi les cœurs des pauvres soupçonneux et de ceux qui écoutent.
Il ne convient à aucun des pauvres de la zāwiya (confrérie spirituelle) ni à d’autres de s’opposer au naqīb (surveillant chargé de la conduite des membres) lorsqu’il interdit certaines pratiques aux célibataires, car l’opprobre pourrait retomber sur eux-mêmes à cause de cela. En effet, la répartition des enfants des voisins qui apprennent le Coran relève de la fonction du naqīb, car il est la voix du Chaykh.
Ainsi, lorsqu’il confie un enfant à un faqīh (maître) pour qu’il lui enseigne et l’éduque, nul n’a le droit de s’y opposer. Au contraire, chacun se doit d’éviter toute situation qui pourrait prêter à suspicion.
Car notre Maître ʿUmar ibn al-Khaṭṭāb, que Dieu soit satisfait de lui, a dit : « Celui qui emprunte les chemins du soupçon, qu’il ne blâme pas celui qui pense mal de lui. »
- Rappel général sur le « dhann »
Ils ont aussi dit : le diable ne possède pas d’arme plus efficace pour ruiner la zāwiyah et faire périr la vie spirituelle de ses membres que d’allumer la discorde entre eux et de leur souffler la désobéissance mutuelle. Il embellit à chacun l’idée qu’il est dans le vrai, et que celui qui s’oppose à lui est dans l’erreur. Ainsi, rarement les deux parties acceptent de revenir sur leurs positions.
Notre Maître Muḥammad al-Ghamrī, ainsi que notre Maître Madian, que Dieu soit satisfait d’eux deux, lorsqu’un jeune imberbe au beau visage se présentait à l’une de leurs zāwiyas, ne l’acceptaient pas. Ils disaient : « La situation de celui qui autorise la résidence, dans sa zāwiyah, d’un jeune dont la beauté attire naturellement les âmes est semblable à celle de quelqu’un qui met de la viande sur le toit de sa maison et demande aux chats de ne pas y monter. » (Fin de citation).
Que les pauvres résidents de la zāwiyah prêtent donc attention à ces gens, et qu’ils ne s’opposent ni au Chaykh ni au naqīb lorsqu’ils expulsent un jeune homme ou interdisent à certains la résidence. Cela relève de la pure sagesse. Dieu en sait mieux.
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* Et il doit subvenir à ses besoins ainsi qu’à ceux de ses frères chaque fois que Dieu, exalté soit-Il, lui ouvre une part licite, au fur et à mesure, même s’il ne s’agit que d’un radis ou d’un concombre.
Il ne doit jamais habituer son âme à garder quelque chose pour lui seul, séparé de ses frères, en aucune circonstance. Car celui qui se préfère lui-même à ses frères dans les désirs ne réussira jamais.
Les gens n’ont accédé à des positions de direction sur la Voie que grâce à leur générosité, à leur esprit de sacrifice et à la pureté de leur cœur, exempts de rancune, de jalousie et de ressentiment.
Les Maîtres se sont accordés pour dire que, si un disciple retarde (épargne) une seule pièce en la mettant de côté pour ses besoins futurs tandis que l’un de ses frères en a besoin, il sort du chemin des pauvres, et cela à l’unanimité.
Les savants ont précisé : notre discours concerne ce qui est licite ; quant à ce qui comporte un doute, il ne doit en aucun cas le garder.
Le Maître Abû al-Qâsim al-Junayd disait : il n’est pas permis à un pauvre de conserver quoi que ce soit du monde, sauf s’il a l’intention de le dépenser pour le pèlerinage, par exemple, et qu’il le retarde pour cette raison, mais avec l’indication de son Maître.
Et ils disaient : « le pauvre/faqîr est “fils de son temps”, il ne doit porter aucun regard sur le passé ou sur l’avenir. Son devoir est de travailler à purifier son for intérieur de tout ce que Dieu, exalté soit-Il, déteste, c’est-à-dire toute chose vers laquelle les âmes penchent parmi les désirs dont Dieu a interdit à Ses élus de se rapprocher.
Telle est sa conduite tant qu’il demeure engagé sur la voie. Lorsqu’il perfectionne son état et atteint le rang des hommes accomplis, il sait alors ce qu’il doit prendre et ce qu’il doit délaisser. S’il délaisse le monde, il le fait à juste titre ; s’il le prend, c’est également à juste titre, car il s’est libéré de l’empreinte de la nature et le monde est alors dans sa main, non dans son cœur. Il en dispose tel un sage savant, sans avarice envers quiconque, sauf si la loi religieuse lui interdit de le donner, par exemple si cela l’éloigne de Dieu ou sert à commettre un péché.
Et lorsque le monde est sorti de son cœur, il lui est permis de se préférer lui-même et de se favoriser.
- SE DÉTACHER DE SES BIENS TERRESTRES
(Et lorsque le monde est sorti de son cœur, il lui est permis de se préférer lui-même et de se favoriser…)… sur autrui, lorsqu’il est plus dans le besoin, appliquant la justice en cela, car sa propre personne est parmi ceux qui sont les plus nécessiteux envers lui.
Ils [les Maitres] s’accordent à dire que lorsque le disciple spirituel se permet d’amasser de ce monde, derrière le dos de ses frères, des biens, de la nourriture ou des vêtements, il se développe en lui inévitablement l’avarice, la cupidité et l’avidité. Il lui faudra alors ultérieurement un traitement difficile, et il est bien rare que cela disparaisse ensuite. Que celui qui en doute essaie.
Jamais Dieu le Très-Haut n’a pris pour ami intime (walî) un avare. Même si le Saint (walî) peut, à certaines occasions, refuser ou retenir pour une sagesse particulière, cela ne le fait pas sortir du cercle de la générosité, car en agissant ainsi, il se conforme aux attributs de Dieu le Très-Haut. Or, l’un de Ses Noms est « Al-Mâni‘ » (Celui qui retient), c’est-à-dire par sagesse et non par avarice — Dieu est exalté au-dessus de cela.
Dans ma jeunesse, je rejetais tout ce qui m’arrivait de ce bas-monde, par mépris pour lui, alors même que j’avais besoin d’un seul dirham de ses biens. Je ne faisais cela que pour m’habituer à la générosité, afin de déprécier ce monde aux yeux de ceux qui l’aiment et pour lutter contre mon âme. J’en vins à me détacher entièrement de son amour.
Je fis alors un rêve : le Jour de la Résurrection était arrivé. Le pont du Sirât était dressé, plus fin qu’un cheveu et plus tranchant qu’une épée, comme il est rapporté. Il était suspendu vers les hauteurs comme une corde descendant du plafond, et la plupart des gens qui tentaient de l’emprunter glissaient et tombaient dans le Feu.
Je voulus le gravir, mais je ne pus. On me dit : « Ouvre la paume de ta main gauche. »
Je l’ouvris, et il sortit d’entre mes doigts une petite chose de la taille d’une paille d’orge. On me dit : « C’est cela qui t’a empêché. »
Je voulus repartir à l’ascension, mais je me réveillai avant.
Ce fut pour moi un avertissement de la part de Dieu Très-Haut, quant à mon absence d’attachement aux biens de ce monde. Louange à Dieu, Seigneur des mondes.
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* Il convient qu’il [le murid] ait plus de sollicitude pour la religion de ses frères que pour leurs affaires mondaines, et qu’il les avertisse aux moments des pratiques cultuelles et des effusions des dons divins, comme à l’aube et aux instants privilégiés, en usant de sagesse, de douceur dans ses paroles et de dignité, et non de rudesse et de mépris, car leurs âmes pourraient se troubler et ne pas l’écouter.
De même, il les avertira avant l’heure afin qu’ils entrent préparés dans le temps de la prière, sans craindre de manquer l’ouverture de la prière avec l’imam, ni de perdre la sunnah régulière précédant l’obligatoire, comme le font certaines personnes excessivement scrupuleuses qui disent : « Il reste encore du temps », et finissent souvent par manquer toute la prière en groupe.
Certains Pieux prédécesseurs, lorsqu’ils manquaient la prière en groupe, la répétaient seuls vingt-sept fois, pour se forcer à réprimer leur âme, même si la majorité des savants interdisent cela ; parmi eux, l’imam al-Muzanî, compagnon de l’imam al-Shâfi‘î, la répétait vingt-cinq fois lorsqu’il manquait la prière en groupe.
J’ai vu un jour un étudiant de sciences religieuses à la mosquée d’al-Azhar assis à lire un ouvrage de logique, alors que la prière en groupe de l’asr était en cours. Je lui dis : « Ne pries-tu pas ? » Il me répondit : « Il reste encore du temps. » Je lui dis : « C’est vrai, mais peux-tu rassembler pour toi, dans ta prière, une assemblée comme celle-là ? » Il répondit : « Non. » Je lui dis alors : « Alors lève-toi et prie, et ne te trompe pas toi-même. »
Il convient aussi que celui qui a passé la nuit entière debout à prier, du début jusqu’à la fin, ne se voie pas supérieur à l’un de ses frères qu’il réveille à l’aube, mais qu’il considère leur sommeil comme plus sincère que sa propre adoration. Le jugement n’incombe pas au dormeur contrairement à celui qui veille debout ; il se peut même que la plume enregistre : « Un Tel passa sa nuit entière debout, par ostentation et pour la renommée », et qu’il trouve de la douceur dans son cœur lorsque les gens le surprennent, au cœur des nuits obscures, debout devant Allah, sans rougir de rechercher le regard de Ses serviteurs alors qu’il se tient devant Lui. Un tel état est plus proche du péché.
On comprend donc que quiconque se lève (pour prier) en se voyant meilleur que ceux qui dorment tombe dans un écart blâmable….
Il a donc été compris que celui qui se lève (pour adorer Dieu) et se voit meilleur que les dormants, sans reconnaître la grâce de Dieu, mérite la malédiction et le rejet. Car c’est là le péché d’Iblîs, pour lequel il fut chassé de la Présence divine. Comprends cela.
Les Maîtres spirituels sont tous unanimes : il est obligatoire pour le serviteur de se considérer inférieur à tout compagnon musulman. Celui qui ne se voit pas ainsi fait partie des orgueilleux, et les orgueilleux seront en enfer.
S’il se croit meilleur que tous ses semblables, il sera, dans l’enfer, au plus bas des degrés ; et même s’il entre au Paradis, il sera au dernier rang parmi les gens du Paradis, à l’inverse de celui qui s’estimait moindre que les autres.
Mon Maître, notre seigneur ‘Abd al-‘Azîz ad-Dîrînî (que Dieu l’agrée) disait :
« Celui qui veut que toute l’existence le soutienne de bienfaits doit placer son âme au-dessous de toutes les créatures, car l’influx divin présent chez les créatures est comme l’eau : elle ne coule que vers les endroits bas, jamais vers les lieux hauts ou de même niveau. »
- Cf. la notion de Tao, dans la tradition extrême orientale
Ainsi, celui qui se voit égal à son compagnon verra son influx arrêté, et celui qui se pense au-dessus de lui ne recevra pas le moindre atome de cet influx. Nous avons expliqué cela au début du « Livre des pactes » (Kitâb el-‘uhûd) ; qu’on s’y reporte.
Dans le testament de notre Maître Ahmad ar-Rifâ‘î à ses compagnons, alors qu’il était à l’agonie, il leur dit :
« Celui qui s’établit Maître pour vous, mettez-vous à son école. Et s’il tend la main pour que vous la baisiez, baisez plutôt son pied, et soyez la dernière fibre de la queue [?] ; car le coup tombe toujours sur la tête en premier [adage connu ?] » Fin de citation.
S’il n’y avait pas, dans cette attitude que du bien, notre Maître Ahmad n’aurait pas achevé l’éducation de ses disciples par cet enseignement.
- Autres traductions possibles :
« Si cette qualité ne réunissait pas en elle tout bien, notre Maître Ahmad n’aurait pas achevé l’éducation de ses disciples par celle-ci. »
« Si cette qualité ne rassemblait pas tout bien, notre Maître Ahmad n’aurait pas conclu par elle l’éducation de ses compagnons. »
« Si cette qualité (ou vertu) n’avait pas été celle qui réunit toutes les formes de bien, notre maître Ahmad n’aurait pas conclu l’éducation de ses compagnons par elle. »
- Pour traduire :
- فَلَوْلَا أَنَّ هَذِهِ الْخَصْلَةَ جَامِعَةٌ لِكُلِّ خَيْرٍ مَا خَتَمَ سَيِّدُنَا أَحْمَدُ تَرْبِيَتَهُ لِأَصْحَابِهِ بِهَا.]
Un jour, Ya‘qûb le serviteur dit : « Ô mon Maître, donnez-moi un conseil. »
Et il répondit : « Sois le serviteur de tes frères, préfère-les à toi-même, supporte leurs méfaits après cela. Et prends garde de te croire au-dessus d’eux, sinon tu tomberas dans un trou dont nul ne te sortira.
Ô Ya‘qûb ! Regarde le palmier : lorsqu’il se dresse, bombant sa poitrine et s’élevant au-dessus de ses voisins, tout le poids de ses fruits repose sur lui seul, et quel que soit son fardeau, nul ne l’aide. Mais regarde la courge : lorsqu’elle a posé sa joue sur la terre, fût-elle chargée de fruits, elle ne sent aucun poids. Voilà un rappel pour les clairvoyants. »
Il disait souvent : « Celui qui n’a pas de joue qu’on foule n’aura jamais de main qu’on baise. »
Il faut toutefois noter un point subtil : nous devons suivre celui qui se présente comme notre Maître, tant que cela ne lui fait pas naître en lui vanité et orgueil.
Si nous percevons en lui ne serait-ce qu’un signe d’orgueil, même indirectement, nous nous abstenons de l’honorer ou de lui baiser le pied, non par arrogance à son égard, mais par miséricorde pour lui.
Et Dieu, Exalté soit-Il, est plus savant.
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* Il convient qu’il ne cherche pas à se mettre en concurrence avec son imam dans la zawiyah ou ailleurs, car cela l’exposerait à devoir supporter les erreurs d’inattention des fidèles, alors même que sa propre condition est faible ; et certes, il est bien loin de pouvoir supporter les erreurs de lui-même et ses moments d’oubli vis-à-vis de son Seigneur.
En outre, cela pourrait l’entraîner à renforcer son amour de la présidence, et il ne réussirait alors plus sous la guidance d’un Maître par la suite. Le signe de l’amour de la présidence est qu’il s’attriste lorsqu’il en est écarté, tandis que le signe de la sincérité est qu’il se réjouit lorsqu’il est relevé de cette charge.
Il nous est parvenu que le Cheikh Jalâl al‑Suyûtî, que Dieu lui fasse miséricorde, priait la prière du ‘asr seul dans l’école al‑Bîrisiyya pour une excuse, et qu’un homme vint alors prier derrière lui. Puis, lorsqu’il eut terminé la prière, il lui dit : Mon frère, ne prie plus derrière moi, car je suis incapable de supporter le manque de perfection dans ma propre prière, alors comment pourrais-je supporter le manque dans la tienne ?
Ceci relève du principe : « la sûreté passe avant le profit ».
- Note trouver la règle (d’uçûl el-fiqh ?) en arabe
Chaque homme a sa propre position spirituelle. Garde‑toi donc de critiquer cet homme, car il était plus savant que toi, c’est une certitude. Il était même un mujtahid absolu, rattaché à Abou Yousuf, à al‑Muzani et à Ibn al‑Qâsim, comme je l’ai vu de sa propre écriture – que Dieu soit satisfait de lui.
En effet, le « mujtahid absolu » se divise en deux catégories :
• Le « mujtahid rattaché » est celui qui atteint le degré de la préférence (tarjîh) parmi les opinions de l’école de son imam, sans sortir des principes de celle‑ci.
• Le « mujtahid non‑rattaché » est celui qui fonde une école indépendante que personne n’avait établie avant lui.
Dieu est plus savant.
(206 bis ?)
Parmi les règles de conduite du disciple pauvre (faqîr), il ne doit jamais faire preuve d’initiative déplacée envers ses frères dans le manque de respect à l’égard du maître spirituel, comme quitter la main et l’éducation de son Cheikh, se marier sans sa permission, rechercher les biens de ce monde par des emplois ou des métiers, élargir son confort personnel, manger ce qu’il désire, tout en empêchant ses frères d’en faire autant.
Même si le Cheikh lui disait : « Dépense pour tes frères la moitié de ce que tu possèdes », il ne lui obéirait pas. Cela constitue un manque de respect envers le Cheikh et envers ses frères, car tous ceux de la zāwiyah [i. e. : la confrérie] prendraient alors son comportement pour excuse, en disant : « Le Cheikh disait à untel : abandonne ce que tu possèdes », et par cela les disciples faibles se corrompent.
Parmi les pires fautes que puisse commettre le faqîr, il y a le fait de prendre à la légère la colère de son Cheikh contre lui, car cette colère est un signe de la colère de Dieu, Exalté soit‑Il, contre lui ; et celui qui s’en moque, que Dieu le maudisse.
Parmi les signes que la colère divine s’est pleinement ancrée en quelqu’un, il y a le fait qu’il soit invité à un lieu empreint de bonnes manières pour assister à une séance auprès du Maître spirituel, avant même que ces vertus ne soient remplacées ou altérées, et qu’il ne réponde pas à cet appel. Il lui devient pénible d’assister aux assemblées de rappel et d’invocations, et il préfère à leur place le sommeil ou les conversations futiles devant la porte de la mosquée ou ailleurs.
Lorsqu’on lui dit : « Veille cette nuit avec ton Maître » ou « seul », il ressent un blocage intérieur et ne trouve aucun allègement face à cela. Pourtant, si quelqu’un du monde matériel l’invite à veiller la nuit pour préparer un repas de noces ou autre, il le fera avec joie et passera toute la nuit sans éprouver la moindre lourdeur ; et si quelqu’un lui en fait la remarque, il se trouve des excuses trompeuses.
- Note : le même argument est repris plus loin concernant l’assistance au majlis de dhikr.
Un tel individu ne mérite pas que le Maître établisse une balance de discernement à son sujet ; il doit plutôt le considérer comme un étranger et ne pas se dire : « Cet homme était mon disciple, je ne peux pas le délaisser sans le reprendre. » Car il se pourrait qu’il dépasse les limites envers son Maître, qu’il devienne insolent, allant jusqu’à médire de lui dans les assemblées, comme cela est déjà arrivé à certains. Le Maître doit donc être attentif à l’époque dans laquelle il vit et s’adapter à ceux qui restent, car la seconde moitié du dixième siècle est celle des choses étonnantes et étranges.
- Note : l’auteur revient à plusieurs reprises sur les dégradations propres à son temps ; il adresse ici des recommandations qui concernent les Maîtres spirituels eux-mêmes.
Que mon Maître sache aussi que jamais un disciple n’a désobéi à son Cheikh ni n’est sorti de sous sa direction sans que le démon ne s’empare de lui, le chevauche comme on chevauche un âne et parle par sa langue.
Parfois le Cheikh ignore cela, et il s’étonne de l’absence de pudeur du disciple et de la laideur de ses paroles, croyant qu’elles viennent du disciple lui-même, alors qu’en réalité elles viennent de Satan.
Il m’est arrivé [dit l’auteur], qu’un disciple soit sorti de sous mon enseignement et qu’il se soit fâché après que je l’ai conseillé une fois. Alors j’ai découvert ma tête, je lui ai parlé avec douceur et j’ai demandé pardon pour lui comme je le fais avec les étrangers [à la Tarîqah] avec qui je n’ai pas de lien de fraternité. Et j’ai considéré cela comme plus aisé que de le rompre (le lien avec lui) et moins nuisible pour lui et pour les frères. Car il se peut qu’ils le méditent en mal (le critiquent) et qu’ils atteignent à son honneur parce qu’il s’est détourné de leur Voie, qu’il a changé et modifié.
- Conseil au Cheikh :
Ensuite, il convient au Cheikh d’approcher une telle personne avec un conseil discret, de le louer à certains moments et de lui dire : “Tu nous as vraiment manqué !” ; et il ordonne à ses frères d’en faire autant. Peut-être alors que son feu s’éteindra et qu’il reviendra vers ses frères.
Quant à celui qui délaisse une telle sagesse (façon d’agir), il est comme celui qui, fâché contre ses brebis dans le désert parce qu’elles se sont éloignées de lui, s’en va à la ville en les laissant au loup pour qu’il les dévore. Dieu est le plus savant. »
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* Il convient que la trame et la chaîne de son être soient faites de sa bienveillance envers ses frères, en leur pardonnant tout ce par quoi ils ont pu lui nuire — que ce soit par la parole, par l’action ou par une mauvaise opinion —, surtout envers ses frères demeurant dans la zawiya parmi les oisifs.
Car Iblis (Satan) n’a pas d’autre occupation que d’occuper de tels hommes les uns contre les autres, puisqu’ils ne possèdent pas de lumière qui brûle Iblis.
Les Maîtres spirituels ont toujours été éprouvés par la présence, auprès d’eux, de groupes d’insensés sous leur direction ; le Cheikh endure leur compagnie, mais met en garde leurs frères contre le fait de suivre leur voie, de peur qu’ils ne les corrompent en observant leurs états spirituels déficients.
- Note sur l’importance d’une remarque qui peut dissiper une conception trop idéaliste qu’on pourrait se faire du Taçawwuf
Mon Maître Sidi ʿAlī al-Mirṣafī — que Dieu lui fasse miséricorde — disait : « Il incombe au disciple paresseux de se réjouir lorsque son Maître met les gens en garde contre le fait de le fréquenter, afin qu’il ne porte pas le péché d’avoir entraîné d’autres dans sa paresse ; et lorsque cette mise en garde se répète à plusieurs reprises, cela signifie qu’il a violé le pacte de son Maître. »
- Il s’agit de remarques portées à l’encontre du murid par son Cheikh.
- L’auteur mentionne ici une cause de rupture de pacte.
Sidi Aḥmad az-Zāhid disait : « Jamais un disciple n’a supporté que l’on médise de lui, tout en restant attaché à Dieu et satisfait de la science qu’Il lui accorde, sans que Dieu ne fasse de lui un imam (guide spirituel) qu’on prenne pour modèle de près.
Mais tout disciple qui, au contraire, s’attache aux propos tenus à son sujet devient inévitablement arriéré par rapport aux autres.
Mon Maître, Sidi Muhammad al-Ghamrī, que Dieu lui fasse miséricorde, disait :
« Celui qui veut être un imam que l’on prenne pour modèle doit purifier son intention dans le service de ses frères, supporter leur rudesse envers lui, leurs paroles à son sujet, ainsi que leur manière d’interpréter ses gestes et son service sous de mauvais angles, dans toutes ses situations. »
- Note sur l’éminence de la patience
L’imam al-Ḥasan disait :
« Parmi les règles de conduite du disciple (murīd), il y a qu’il serve ses frères, puis qu’il s’excuse auprès d’eux en disant qu’il n’a pas accompli pleinement leur droit envers lui ; ensuite, qu’il reconnaisse envers lui-même une trahison à leur égard, afin d’adoucir leurs cœurs, même s’il sait qu’il est innocent, tant que cela n’entraîne pas une peine légale ou une correction. Autrement, il ferait partie de « ceux qui se sont fait du tort à eux-mêmes », et cela est interdit, comme cela a été expliqué dans le chapitre précédent.
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L’imam Abū Bakr ibn Fūrak, que Dieu soit satisfait de lui, disait :
« On n’a appelé l’enclume ainsi que parce qu’elle supporte avec patience les coups de marteaux — Dieu est le plus savant. »
208
* Il fait partie de sa conduite de traiter ses frères avec générosité et de leur accorder la préférence sur ses propres droits.
Il ne doit donc avoir aucune inclination envers les choses de ce monde, ni réclamer à un intendant ou à un percepteur le salaire connu de sa fonction, sauf en cas de réelle nécessité. Et s’il arrive qu’il ait réclamé avec rudesse au percepteur ou à l’intendant, il s’excuse auprès de ses frères en disant : « Pardonnez-moi, j’étais dans la contrainte. »
- L’imam Charani évoque le sujet des aspects pécuniaires, souvent en cause dans les problématiques matérielles, au jour le jour d’une vie en communauté, même initiatique.
Ainsi, personne ne doit le suivre dans ce comportement, sauf s’il est dans la même situation que lui, de peur qu’ils ne l’imitent et ne justifient leurs actes par le sien, ce qui ferait retomber sur lui la responsabilité de leurs fautes.
- [? Revoir l’ensemble ان شاء الله ]
Le grand imam al-Qushayrî, que Dieu lui fasse miséricorde, disait : « L’obscurité due au fait de se reposer sur ce qui est déjà connu éteint la lumière de l’instant. Que le disciple pauvre (dans le sens spirituel) se garde bien de prétendre qu’il ne s’appuie pas sur le connu, ou que cela ne lui nuit pas. Qu’il revienne à l’avis de son Maître sur ce point : si celui-ci lui interdit de s’appuyer sur le connu et de le rechercher, qu’il l’écoute, car il est son chef, et celui qui l’élève spirituellement. Et Dieu est plus savant. »
209
* Il convient de ne pas croire, à propos de ses frères, un colporteur de médisance, même si l’on te rapporte que « tes frères te détestent » et que l’on te dise : « Je les ai vus tous hier soir, réunis en cercle, te critiquant, mentionnant tes défauts et ce que tu caches au fond de toi ». Alors, dis-lui : « Ô untel, je suis certain de l’amour et de l’affection de mes frères, et ce que tu dis n’est que supposition. Jamais je ne te préférerai à une certitude. » Ainsi, le colporteur se corrigera et ne reviendra plus te rapporter quoi que ce soit.
Et si tu lui dis : « Je ne te croirai pas avant de te réunir avec eux et de voir s’ils confirment ce que tu as dit à leur sujet ou s’ils te démentent », alors il ne reviendra jamais vers toi avec des médisances à leur propos, comme nous l’avons expérimenté.
Or, Satan n’a pas d’arme plus puissante pour corrompre l’état des aspirants tournés vers Dieu Très-Haut que de les occuper les uns des autres, sachant que leur servitude est entachée de vanité et de recherche de prestige auprès des créatures, et qu’ils réagissent contre quiconque cherche à détruire leur position.
- Note sur l’importance de veiller à rester en dehors de telles considérations quand on connaît leur nature et la dangerosité qu’elles apportent.
Mais si Satan savait qu’ils étaient sincères envers Dieu Très-Haut, il les occuperait par une autre affaire que celle-là.
- En d’autres termes, le murid concerné doit ultimement remettre en cause sa propre sincérité lors de la survenue de telles problématiques
Que donc les pauvres (aspirants) se méfient de lui à ce sujet.
Dieu est plus savant.
210
* Il convient qu’il se consacre au service de ses frères et qu’il soit un exemple pour eux dans ce service ; qu’il ne se livre pas à la paresse ni à l’inertie, et qu’il ne se refuse pas à aider les pauvres dans la satisfaction de leurs besoins dans la zawiyah, en prétextant le dhikr ou la lecture du Coran.
Il doit d’abord veiller à subvenir à ses moyens d’existence, car cela détourne naturellement le cœur vers ces préoccupations ; ensuite, il peut se livrer au rappel (dhikr) et à la lecture.
Que celui qui refuse de servir médite ceci : si tous les pauvres disaient que ce n’est pas leur devoir de participer au service, comment chacun d’eux pourrait-il courir après une bouchée et la placer avant les autres devoirs de la religion ? Celui qui ne sert pas doit, à tout le moins, remercier celui qui le sert et reconnaître sa valeur. Ainsi, le disciple doit obéir à son maître ou à celui qui le représente, lorsque celui-ci lui dit : « Transporte du bois », « Porte le sac de blé au moulin », « Apporte-le », « Porte le plateau de pain au four », ou « Rassemble du bois pour le four », ou tout autre tâche du même genre. Car il faut bien que quelqu’un s’occupe de ces tâches pour les habitants de la zawiya, soit eux-mêmes, soit d’autres.
Sache donc qu’il incombe au Cheikh d’exclure toute personne qui refuse de servir, car elle nuit au reste de la communauté et leur ferme la voie de la subsistance (rizq).
Dieu — exalté soit-Il — facilite au serviteur le chemin de sa subsistance selon la mesure de son service pour Dieu et pour Ses créatures.
- Note sur le conseil donné au Cheikh et sur le motif d’exclusion, encore une fois sous le rapport de la nuisance à la communauté.
Il ne convient pas, pour quelqu’un de respectable parmi les résidents de la zawiya, de vivre à la charge des autres, ni de mener sa vie mêlé aux vieilles femmes, aux veuves et aux aveugles qui se trouvent dans la zawiyah.
Il s’est trouvé un groupe qui s’est montré paresseux à servir pour eux-mêmes et pour leurs frères, et Dieu — Exalté soit-Il — a rendu difficiles pour eux les causes de leur subsistance.
Il en est arrivé de même pour plusieurs groupes parmi les pauvres des zawiyas : un tiers de leurs « biens de fondation » (waqf) a été spolié par les injustes. Lorsque nous avons examiné leur situation, nous avons découvert qu’un tiers d’entre eux avait abandonné l’étude de la science et la lecture du Coran. Ils passent désormais leurs journées assis dans les boutiques des commerçants et des gens du marché, ou bien oisifs dans la zawiyah, ne récoltant ni bien matériel ni profit spirituel.
- L’EXCELLENCE DU SERVICE
J’ai entendu mon Maître, Sidi ʿAlî al-Khawwâṣ (que Dieu lui fasse miséricorde), dire : « Dieu le Très-Haut facilite la subsistance à celui qui Le sert avec sincérité et pureté, et qui sert également ses frères de la même manière. »
Je l’ai aussi entendu dire : « Dieu le Très-Haut ne rend jamais aisée ni abondante la subsistance de quiconque, tant qu’il vit, à moins qu’il ne soit compatissant envers ses frères et ne partage avec eux tout ce qui dépasse ses besoins.
De même, les hommes spirituels ne voient leur subsistance facilitée et élargie par Dieu que lorsqu’ils se montrent solidaires les uns envers les autres en partageant tout ce qui excède leurs besoins. »
- Etendue de la citation incertaine
En résumé, celui qui œuvre pour le bien des créatures trouve que tout l’univers le soutient et l’aide ; mais celui qui ne s’occupe que de ses intérêts personnels, sans se soucier de ses frères, se voit privé de l’assistance de l’univers, et il peut même endurer bien plus de difficultés et de fatigue pour obtenir sa subsistance. Que celui qui doute essaie [expérimente].
De même, lorsqu’un Maître spirituel se distingue des pauvres et ne les préfère pas à lui-même, ou lorsqu’il ne partage pas avec eux ce qu’il possède, que ce soit nourriture ou autres biens, sa propre subsistance se voit également suspendue.
- Mise en garde à l’attention des Chuyûkh
Le disciple sincère doit observer les qualités de son Maître : s’il souhaite jouir de la même aisance matérielle que lui, il doit adopter les mêmes vertus.
Dieu le Très-Haut a détourné la subsistance de certains pauvres lorsqu’ils se sont montrés avares envers leurs frères en gardant pour eux ce qu’ils recevaient, tout en quémandant encore par leurs paroles et leurs attitudes.
C’est comme si la Parole divine disait à Ses anges : « Observez Mes serviteurs : pour chacun de ceux que vous voyez préférer autrui à lui-même, que ce soit par sa nourriture, ses vêtements ou tout ce qui lui parvient, augmentez sa subsistance.
Et pour celui que vous voyez recueillir des dons au nom des pauvres puis les garder pour lui-même, détournez de lui la subsistance. »
Ainsi, le disciple doit être attentif à cela, préférer ses frères à lui-même, les servir, leur apporter repos et réconfort du corps comme du cœur.
Qu’il écoute son Maître : le but du Maître est que tous ses disciples deviennent comme lui, chacun ayant sa propre retraite spirituelle, ses propres disciples pauvres et sa propre « table de partage » (çimât).
Dieu le Très-Haut est le plus Savant.
211
- NÉGLIGENCES ENVERS LA JAMÂ’AH
* Il ne convient pas qu’une personne soit un exemple pour ses frères dans la paresse à assister à la prière en groupe, ni aux assemblées de science ou de savoir.
Celui qui prend les devants dans ce genre de négligence manque de respect envers ses frères et porte la responsabilité du péché de quiconque le suit dans ce comportement
- Il s’agit de l’action nuisible sur la communauté générée par les retards habituels ou les absences injustifiées d’un seul.
Dans le hadith, il est dit :
« Un groupe de gens ne cessera de se retarder (dans la prière en communauté) jusqu’à ce que Dieu les retarde dans le Feu. »
Selon l’imam Ahmad, qu’Allah l’agrée, la prière en groupe est une obligation pour les cinq prières quotidiennes. Et celui qui prie seul, sans excuse valable, désobéit à Allah, exalté soit-Il.
Ainsi, celui qui s’abstient d’assister à une assemblée de bien devra se blâmer sévèrement et réprimander son âme en présence de ses frères, en leur disant : « Prenez garde de me suivre dans cela, car j’ai commis une faute en me privant de ce bien. »
- Il ne s’agit donc pas là de celui qui s’abstient de présenter une excuse à ses frères, ni de celui qui en présente sans qu’elle soit justifiée et qu’ils l’acceptent, mais que celui qui se trouve en défaut reconnaisse et manifeste ouvertement la gravité de ses manquements, à titre préventif, en considération des effets négatifs éventuels sur ses frères.
- Il existe ainsi plusieurs degrés de gravité dans les manquements en ce domaine.
Sufyân ath-Thawrî, qu’Allah l’agrée, avait déjà ce comportement : il accusait son âme et disait à ses compagnons : « Prenez garde de suivre mes actes, car je suis un homme qui a mêlé des fautes à sa religion. »
- Ce grand savant religieux (du 8ème siècle), connu pour sa piété, son ascétisme et ses connaissances approfondies en hadith, n’hésitait pourtant à agir ainsi devant ses frères.
De même, il convient que celui qui a manqué le début de l’assemblée s’y rende quand même, même s’il arrive alors que l’on termine par l’invocation après la séance. Il ne doit jamais avoir honte de le faire, tout comme celui qui rejoint la prière en groupe alors que les fidèles sont dans le dernier tachahhud : il lui est recommandé d’entrer en prière pour obtenir au moins une part, même minime, du mérite de la prière en groupe.
- Dans toutes les activités, c’est en effet la recherche de la pratique en commun qui est principalement recherchée et qui justifie pleinement les scrupules à apporter.
Il ne sied pas non plus au faqir (c’est-à-dire à celui qui a manqué une occasion de bien) de se justifier ou de chercher des arguments contre ses frères lorsqu’ils le blâment pour son absence, car cela revient à défendre son âme par de faux prétextes. Ce qu’il doit plutôt faire, c’est se hâter de demander pardon et dire : « Qu’Allah vous récompense de la meilleure manière en ce qui me concerne
- Les frères peuvent donc en arriver à blâmer leur frère déficient, sans accepter ses faux prétextes, celui-ci devant même les remercier pour leur sollicitude à l’aider dans la Voie malgré ses manquements, surtout quand ils sont habituels et, éventuellement, injustifiés
- On verra plus loin ce que dit l’imam Charani sur le fait de manifester ouvertement à ses frères sa tristesse et son regret d’avoir manqué un majliss de dhikr
… [suite de citation du murid à ses frères] Et ceci est une preuve de l’intensité de votre affection pour moi, ainsi que du fait que vous êtes plus soucieux de ma religion que moi-même. »
C’est pour cela qu’ils reviennent vers lui pour lui donner de nouveau des conseils, contrairement à celui qui se dispute pour se défendre et leur dit : “Je savais déjà que vous me détesteriez avant ce jour”, car alors ils ne reviennent plus le conseiller, par crainte de sa grande colère.
Et Dieu, exalté soit-Il, est le plus savant. »
212
- QUITTER LE MAJLIS
* Il convient de sa part qu’il ne devance pas ses frères pour quitter l’assemblée de l’invocation avant qu’elle soit terminée, surtout lorsque l’assemblée atteint une intensité dans le rappel de Dieu, car cela affaiblit les cœurs des invocateurs.
- Note : avoir le souci de ne pas nuire à la jamâ’ah
Qu’il se prépare à cette assemblée en mangeant et buvant peu, afin de ne pas avoir besoin de renouveler son ablution à cause d’un incident mineur, depuis le moment où il s’assoit jusqu’à la fin de la séance, en particulier lors de l’assemblée du rappel qui se tient du vendredi après la prière jusqu’à l’heure de l’asr.
La recherche du bénéfice de la jamâ’ah est tellement importante qu’on doit « prendre ses précautions » pour ne pas en manquer un seul instant, du début à la fin, surtout s’il s’agit d’une occasion particulière.
Il a été rapporté : “Celui qui accomplit la prière du vendredi, puis reste pour le rappel de Dieu jusqu’à l’asr, son nom sera inscrit parmi les bienheureux dans l’écrit d’al-‘Illiyyîn.”
Et dans le hadith : “Les croyants sont comme une structure solidement bâtie, dont chaque partie soutient l’autre.” »
Comme à son habitude et selon la méthode des Autorités de la Voie
رضي الله عنهم اجمعين
l’imam Charani se base très souvent, si ce n’est systématiquement, sur des notions bien connues de tous (معروف).
213
- DISTRACTION ET AFFAIBLISSEMENT DE L’ARDEUR À PARTICIPER À LA HADRAH
« Parmi les caractéristiques des aspirants spirituels faibles, il y a qu’ils négligent les actes d’adoration lorsque peu de personnes les accomplissent, et qu’ils redoublent d’ardeur lorsque nombreux sont ceux qui les pratiquent.
- [note : 1/100, 1/10 et 1/2]
Il ne convient donc pas à un homme raisonnable d’être la cause d’un affaiblissement de la ferveur de ses frères envers le bien.
- [note : l’ensemble des participants est ainsi concerné par cet aspect ; ne pas induire une diminution d’intérêt ou de bénéfice ; la vigilance incombe et pèse directement à chacun]
J’ai remarqué un jour chez l’un des résidents de la zawiyah qu’il descendait à la fontaine et sortait par la porte plus de dix fois entre la prière du vendredi et celle de l’asr
- [note : importance des allées et venues pendant la hadrah].
- Je suis descendu après lui et l’ai vu parcourir les latrines, les observer une à une, s’y attarder un moment, puis remonter à la zawiyah.
- [note : observer le comportement visiblement anormal de quelqu’un pendant la hadrah n’est pas de l’espionnage ; surtout quand on cherche le bien pour la personne et pour l’ensemble des participants]
J’ai compris que cela était une distraction pour reposer son âme de la séance de rappel.
- [note : le Cheikh interprète raisonnablement ce qu’il voit et conclut à la ghaflah]
S’il avait été sincère, il n’aurait pas quitté l’assemblée pour aller contempler les lieux impurs où se rassemblent les démons.
L’homme sensé est celui qui se réveille sur lui-même et l’honore dans le bien jusqu’à ce qu’elle aime le bien et ne s’en lasse que rarement.
- [note : qu’est-il normal de faire et de rechercher ?]
J’ai entendu mon maître, Sîdî ʿAlî al-Marsafî — que Dieu lui fasse miséricorde — dire : “Gardez-vous de quitter le cercle de l’invocation lorsque l’assemblée atteint son sommet à la fin du dhikr, car cela affaiblit la résolution des faibles.”
- [note : pourquoi se préoccuper de cet aspect ?]
Peut-être est-ce là le même sens pour lequel Dieu a interdit de fuir le rang du combat, sauf pour se détourner en vue d’un autre affrontement ou pour se rallier à un autre groupe combattant avec lui.
- [note : motif acceptable pour quitter une hadrah]
De même, le fidèle qui invoque Dieu combat assurément le démon dans le chemin de Dieu ; il ne lui convient pas de se retirer d’un côté du cercle à un autre, sauf pour une raison de lutte spirituelle ou pour rejoindre ceux dont les cœurs sont faibles, afin de raffermir leur cœur au rappel et d’éloigner d’eux Iblîs par son propre dhikr.
- [note : ne pas sortir sauf pour raison spirituelle impérieuse justifiée]
En effet, lorsque le diable voit le cœur de l’invocateur distrait, il le dévore, s’installe sur son cœur et le détruit entièrement.
Mais si un invocateur vient à lui avec énergie et résolution, il l’arrache des griffes de Satan, tout comme un combattant libère un prisonnier des mains de l’ennemi.
- [note : action positive ou négative]
Dieu a permis au combattant de se tenir à n’importe quel endroit du rang du combat [ ! la place dans le rang pendant la hadrah], mais il ne lui a interdit que de se retirer.
- [note : l’auteur insiste sur la gravité du retrait]
Dieu est plus savant. »
214
- DEMANDE DE IDHN POUR SORTIR DU MAJLIS DE DHIKR
* Il convient qu’il ne se retire pas de l’assemblée du rappel (dhikr) tenue avec le cheikh, même pour un besoin urgent, sans avoir au préalable demandé la permission explicite ou par signe du cheikh. En particulier, celui dont le rang parmi les disciples du cheikh est élevé doit consulter impérativement son Maître avant de s’en aller, afin que les autres ne prennent pas son départ pour exemple et que le cercle du rappel ne s’affaiblisse pas. En effet, les assemblées ont été instituées pour que les uns fortifient les autres ; ainsi, si l’un se relâche, son voisin demeure énergique.
- MAINTENIR ET RESPECTER SES FRÈRES RÉUNIS
الذكر وَاعْتَنُوا بِهِ، كُلَّمَا عَلَتْ هِمَّةُ الْفُقَرَاءِ وَكُلَّمَا اسْتَهانُوا بِحُضُورِهِ كُلَّمَا انْحَطَّتْ هِمَّتُهُمْ، وَلاَ سِيَّمَا الأَكْثَرُونَ مِنْ جَمَاعَةِ الحِمَايَةِ، فَإِنْ أَحَدَهُم إِذَا انْصَرَفَ مِنَ المَجْلِسِ قَبْلَ قِرَاءَةِ كَامِلِ العَسْكَرِ إِذَا خَرَجَ مِنَ القِتَالِ مَكْسُورًا، وَإِنَّ غَالِبَ الجِمَاعَةِ يَهْرَصُونَ كِبَارَ المَجْلِسِ عَلَى أَنْ أَحَدَهُمْ لاَ يَقُومُ مِنَ المَجْلِسِ قَبْلَ تَفَقُّدِهِ لِلنَّاسِ، فَإِنْ لَبِسَ بِهَا بِنَفَاقَةِ هَذِهِ المَجَالِسِ أَبْدًا.
Souvenez-vous et tenez-y, car plus la détermination des pauvres (fuqarâ) augmente et plus ils prennent cela à la légère en étant présents, plus leur détermination décroît, surtout la plupart des membres du groupe de protection [?]. Si l’un d’eux quitte l’assemblée avant la lecture complète, c’est comme un soldat quittant la bataille brisé.
- Note : comparaison constante avec « la petite guerre sainte »
La plupart du groupe s’assurent que les grands de l’assemblée veillent à ce que personne ne quitte la séance avant de s’être enquis des gens, car le diable ne s’immisce pas dans la sincérité de ces assemblées.
فَإِنْ لَمْ يَرْتَدَّ عَنْهُ خَاطِرُ إِبْلِيسَ فَلْيَعْرِضْنَ ذَلِكَ عَلَى الشَّيْخِ وَيَسْتَأْذِنْهُ فِي ذَلِكَ فَإِذَا أَذِنَ لَهُ فِي الخُرُوجِ فَلَا ضَرَرَ وَإِلَّا فَمُخَالَفَةُ إِبْلِيسَ، فَإِنَّ اللهَ تَعَالَى جَعَلَ الإِبْتِلَاءَ لِيُبَيِّنَ صِدْقَ الدُّعَاةِ إِلَيْهِ، فَيَثْبُتُ أَسْمَاؤُهُمْ عَلَى الإِلْتِزَامِ عَلَى الوِقَايَةِ مِنْ كُلِّ مَا يَرْقَى دَرَجَتِهِم، كَمَا أَشَارَ لِذَكْرِهِ إِنَّمَا المَقْصُودُ المُؤْمِنُونَ فِي الجَمَاعَةِ، وَإِذَا كَانُوا مَعَهُم لَمْ يَذْهَبُوا حَتَّى يَسْتَأْذِنُوهُمْ.
Si l’inspiration malveillante d’Iblis ne le quitte pas (le murid), il doit présenter cela au shaykh et demander sa permission pour partir.
Si celui-ci l’autorise, il n’y a pas de mal ; sinon, il s’agit d’une opposition à Iblis.
- Note : nous connaissons bien la recommandation expresse de Cheikh Mohammed Zaki ed-Dîn à ce sujet qui rappelle le verset « vous le comptiez comme insignifiant alors qu’auprès d’Allah c’est immense ! »
En effet, Dieu a instauré l’épreuve pour distinguer la sincérité des prêcheurs en fixant leurs noms dans l’engagement et la garde contre tout ce qui dépasse leur niveau, comme l’a souligné le fait que les croyants en groupe visent exclusivement Dieu, et qu’ils ne quittent pas l’assemblée avant d’en demander la permission.
فَلَا يَنْبَغِي لِأَحَدٍ أَنْ يُفَارِقَهُمْ حَتَّى يَسْتَأْذِنْهُمْ، وَإِذَا أَشَارَ أُسْتَاذُ الشَّيْخِ بِالمُفَارَقَةِ احْتَاجُوا إِلَى دَفْعَةٍ وَاحِدَةٍ فَيَقُومُوا دَفْعَةً وَاحِدَةً كَأَنَّهُمْ مُتَرَاصُّونَ مُتَمَاسِكُونَ، وَاحِدًا بَعْدَ وَاحِدٍ.
Personne ne doit quitter l’assemblée sans avoir demandé la permission, et si le guide du shaykh recommande la séparation, ils doivent tous partir ensemble comme un seul homme, comme s’ils étaient rangés en un groupe uni, un par un
- Note : respect de la jamâ’ah, dans sa formation et dans sa rupture. On voit, dans toutes ces considérations, la préoccupation constante de l’imam Charani de souligner ce qui protège prioritairement l’intégrité de la jamâ’ah.
فَإِذَا قَامَ أَهْلُ المَجْلِسِ مَنْ بَعْدِ الذِّكْرِ فَلاَ يَنْبَغِي أنْ يَجْلِسَ بَيْنَ مَجْلِسَيْنِ وَاحِدٍ يَنْفَرِدُ بِمَا لاَ يَنْبَغِي لكِمِي لاَ يَفْتُرُوا عَنِ الذِّكْرِ، فَإِنْ جَلَسُوا فِي حَلْقَةٍ أُخْرَى دَخَلَ الشَّيْطَانُ مِنْ ذَلِكَ كَمَا وَرَدَ ذَلِكَ فِي صُفُوفِ الصَّلاةِ، فَإِنِ الشَّارِعُ أَمَرَهُمْ أَنْ يَتَرَاصُّوا لأَلاَّ يَدْخُلَ الشَّيْطَانُ بَيْنَهُمْ فَيُوسِّوِسُ لِأَحَدِهِم فِي صَلاتِهِ بِمَا لَيْسَ لَهُ بِهِ حَاجَةٌ.
Ainsi, lorsque les membres de l’assemblée de rappel se lèvent après le rappel, il n’est pas juste que l’un d’eux reste assis entre deux séances, afin qu’ils ne se relâchent pas dans le rappel. S’ils s’installent dans un autre cercle, le diable peut s’immiscer parmi eux, comme cela a été rapporté pour les rangs de la prière, où il a été prescrit de serrer les rangs pour empêcher Satan de s’immiscer et de souffler l’insouciance dans la prière d’un des fidèles.
- Note : une fois encore Cheikh Charani souligne l’importance de « serrer les rangs ».
- Il fonde ce adab de Tarîqah sur un règle bien connue de la prière, souvent rappelée par l’imam avant celle-ci, qui concerne l’immission du Diable dans les rangs qui présentent une discontinuité.
- On voit bien la correspondance qui existe entre les dispositions intérieures et extérieures : la protection de l’ennemi intérieur s’accomplit extérieurement par la fermeture des rangs.
وَمَعْلُومٌ أَنْ مَجَالِسَ الذِّكْرِ إِنَّمَا فِي مُحَارَبَةِ الشَّيْطَانِ، وَكُلَّمَا بَعُدَ العَدُوُّ كَانَ أَقْوَى لَنَا مِنَ الاِحْتِمَاءِ.
Il est bien connu que les assemblées de rappel servent à combattre Satan, et plus l’ennemi est éloigné, plus nous sommes forts pour nous préserver
- Note : l’ennemi extérieur et l’ennemi intérieur
وَكَانَ سَيِّدِي مَدِينٍ لاَ يَدَعُ المُنْشِد يُنْشِدُ إِلاَّ بَعْدَ سِكَّةٍ تَسْكُتُ نُفُوسُ الجَمَاعَةِ حَتَّى يَرَى مِنْهُمْ الملل
“Et notre Maître Madian ne laissait pas le chanteur commencer à chanter avant qu’un temps de pause ne calme les âmes du groupe, jusqu’à ce qu’il observe chez eux des signes d’ennui
- Note : c’est toujours ce qui concerne la collectivité qui importe et qui guide les comportements à avoir
فَإِذَا اجْتَمَعَتْ حَوَاسُّهُمْ ذُكِرَ بِهِمْ، فَلَا يَزَالُ كَذَلِكَ حَتَّى يَضَعَ الْمُنْشِدُ، وَرُبَّمَا رَأَى فِيهِ الْفُقَرَاءُ الْمُتَمَشِّدُ مِنَ الْإِنْشَادِ جَمَالًا، وَهُنَا قَالُوا: إِذَا جَلَسْتَ عِنْدَ شَيْخٍ مِمَّنْ يُشِيرُ بِمَجْلِسِهِ قُلُوبُهُمْ وَيُشَبِّعُهَا، فَإِنْ لَمْ يَشْتَرِطْ رَجُلٌ مِنْهُمْ أَوِ الْمَجْلِسُ أَنْ يَتَكَلَّمَ فِي الذِّكْرِ عِنْدَ سَمَاعِ السِّمَاعِ، فَاسْتَأْذِنُوا مِنْهُ إنْ شَاءَ اللَّهُ، فَإِنْ أَذِنَ لَكُمْ عِندَ مُصْطَلَحِ الْفُقَرَاءِ اسْتَبْحْتُمُ السَّمَاعَ الْخَاتِمَةَ، وَإِلَّا فَانْصَرِفُوا عَنْ ذَلِكَ الْمَجْلِسِ لِأَنَّ الذِّكْرَ لَا يَنْبَغِي لِأَحَدٍ أَنْ يَتَحَدَّثَ فِيهِ بِغَيْرِ مَا أَخْبَرَ، فَيَكُونُ مُطْلَقًا، إِلَّا لِضَرُورَةٍ بَيِّنَةٍ، لِأَنَّ الْكَلَامَ اللَّغْوَ يُطْفِئُ النُّورَ الْحَاصِلَ بِالذِّكْرِ. فَلْنَخْرُجْ مِنَ الْفُقَرَاءِ إِلَى مَسَاكِينِ طَرِيقٍ أُخْرَى، أَوِ اسْتَكْثِرُوا الَّتِي يَحْسُدُونَ فِيهَا، فَإِذَا تَخَلَّصْتُمْ فَإِنَّ اللَّهَ يَأْذَنُ تَعَالَى إِمَّا بِقِرَاءَةِ أَوْ ذِكْرٍ أَوِ انْتِقَالٍ بِعِلْمٍ وَقَضَاءِ حَاجَةٍ وَنَحْوِ ذَلِكَ.
Si leurs sens se rassemblent, ils sont rappelés par eux, et cela ne cesse que lorsque l’animateur s’arrête. Parfois les « pauvres » trouvent dans le chant une beauté particulière. D’où la parole : « Lorsque tu assistes à la séance d’un maître qui, par sa présence, dirige les cœurs et les nourrit, si personne n’a imposé de prendre la parole durant la séance de dhikr au moment de l’écoute, alors demandez-lui la permission, si Dieu le veut.
S’il vous donne la permission selon la coutume des pauvres, vous pouvez participer à l’écoute finale. Sinon, quittez cette assemblée, car il ne convient à personne de parler pendant le dhikr sans raison évidente, autrement, cela ne serait permis que par nécessité manifeste.
Le bavardage éteint la lumière produite par le dhikr. Quittons donc les pauvres et allons plutôt vers les nécessiteux d’une autre voie, ou bien augmentez ce que vous possédez et dont ils sont jaloux, si vous y tenez.
Si vous vous en purifiez, alors Dieu vous autorisera soit une lecture, soit un dhikr, soit un déplacement vers la science ou le règlement d’un besoin, et ainsi de suite
قَالَ الْأَشْيَاخُ: وَإِنَّمَا أَمَرُوا عَلَى الْمُرِيدِ مُوَاصَلَةَ الْأَذْكَارِ بَعْضِهَا بَعْضًا لِتَتَرَاكَمَ أَنْوَارُهَا عَلَى الْقَلْبِ وَتَرُحْ عَنْهُ الظُّلُمَاتُ الْحَاصِلَةُ بِارْتِكَابِ الْحَرَامِ وَالشَّهَوَاتِ فِي الْقُلُوبِ وَالْفِعْلِ. وَقَالُوا: مَنْ لَمْ يَذْكُرْ فِي الْمَجْلِسِ كَأَنَّهُ لَمْ يَذْكُرْ شَيْئًا، فَلَوْ أَنَّ نُورَ سَاعَاتِهِ يُرْجِحُ عَلَى الظُّلْمَةِ مَا نُورُ ذَلِكَ الْمَجْلِسِ كُلِّهِ. فَيَنْبَغِي لِلشَّيْخِ أَوِ الْمُرِيدِ أَنْ يُبَيِّنَ لِلْفُقَرَاءِ عَلَى مِثْلِ ذَلِكَ وَيَقُولُ لَهُمْ: يَا فُقَرَاءُ قُومُوا مَأْمُورِينَ إِلَى أَوْرَادِكُمْ وَلَا تَخْلِطُوا نُورَ الذِّكْرِ بِظُلُمَاتِ اللَّغْوِ. حَتَّى إِنَّ ذَلِكَ يَصِيرُ عَادَةً الْفُقَرَاءِ وَلَا يَحْتَاجُونَ إِلَى تَنْبِيهٍ وَاللَّهُ أَعْلَمُ.
Les Maîtres ont dit : Ils ont ordonné aux disciples de persévérer dans les évocations successives, afin que leurs lumières s’accumulent sur le cœur et dissipent les ténèbres qui résultent des interdits et des désirs dans les cœurs et dans les actes.
Ils ont dit aussi : « Celui qui n’effectue pas le dhikr dans l’assemblée, c’est comme s’il ne l’avait pas fait du tout, même si la lumière de ses heures l’emporte sur l’obscurité. » La lumière de toute cette assemblée ne lui profite en rien.
Le Maître ou le disciple doit donc expliquer cela aux pauvres et leur dire : « Pauvres (fuqarâ), allez vers vos oraisons prescrites et ne mélangez pas la lumière du dhikr avec l’obscurité du bavardage, afin que cela devienne une habitude pour les fuqarâ et qu’ils n’aient plus besoin d’être rappelés à l’ordre.
Dieu sait mieux. »
215
وَمِنْ شَأْنِهِ أَنْ يُحِبَّ لِإِخْوَانِهِ مَا يُحِبُّ لِنَفْسِهِ وَيَقْرُبُ عَلَيْهِمْ طَرِيقُ الْوُصُولِ إِلَى مَرَاتِبِ الْكَمَالِ كَمَا يُحِبُّ ذَلِكَ لِنَفْسِهِ وَذَلِكَ بِالِاشْتِغَالِ بِالذِّكْرِ عَلَى الدَّوَامِ، فَإِنَّ اللَّهَ جَعَلَ ذَلِكَ لِكُلِّ مُرِيدٍ مَنهَلًا وَعَقْلَتْ نَفْسُهُ لَا يَصِلُ إِلَى مَقَامِ الْكَمَالِ إِلَّا بِقَطْعِهَا كُلَّهَا، فَإِنْ شَاءَ قَطَعَهَا فِي جُمُعَةٍ، وَإِنْ شَاءَ فِي شَهْرٍ، وَإِنْ شَاءَ فِي سَنَةٍ، وَإِنْ شَاءَ فِي عِدَّةِ سِنِينَ عَلَى قَدْرِ عَزْمِهِ وَهِمَّتِهِ، ثُمَّ إِنَّهُ بَعْدَ الْوُصُولِ يَتِمُّ بِقَدَرِ الْحَقِّ تَعَالَى الْجَارِيَةِ عَلَيْهِ بَقِيَّةَ عُمْرِهِ، فَطَالُوا النَّاسَ يُنِيمُ مَنْ قَطَعَهَا فِي جُمُعَةٍ وَيَبْعَثُهُ مِنْ قَطَعَهَا فِي شَهْرِ، وَبَعْدَهُ مَنْ قَطَعَهَا فِي سَنَةٍ وَهَكَذَا.
Et il convient qu’il aime pour ses frères ce qu’il aime pour lui-même, et qu’il facilite pour eux le chemin de l’atteinte aux degrés de la perfection, tout comme il le souhaite pour lui-même. Cela s’obtient par l’occupation permanente par le dhikr.
Dieu a fait de cela pour chaque aspirant une source où s’abreuver, et l’âme ne peut atteindre à la station de la perfection qu’en rompant totalement avec elle-même.
Celui qui veut, la rompra en une semaine, ou en un mois, ou en une année, ou en plusieurs années, selon la détermination et l’aspiration qu’il a.
Puis, après l’atteinte, le reste de sa vie se déroule en fonction de la Volonté du Très-Haut. C’est ainsi que les gens dorment pour celui qui a rompu (avec l’âme) en une semaine, puis se relèvent pour celui qui l’a rompue en un mois, puis ensuite pour celui qui l’a rompue en une année, et ainsi de suite.
216
ومن شأنه أن يراعي مواطن غفلة إخوانه عن الذكر في الزاوية فيذكر اللّٰه تعالى وحده في غ وقت غفلتهم لتنزل الرحمة على إخوانه/فيحسن إليهم بذلك ويُكتب له أجر عظيم ويشهد له يوم/)
القيامة بذكر اللّٰه كل من سمع صوته من ناطق وصامت ولا يشهدون له إلا ويقبل اللّٰه شهادتهم.
وربما قام ذكر الواحد في وقت غفلة إخوانه في الأجر والثواب بعدد من غفل منهم، والله تعالى يحب من عباده من يحب ذكره ويراه قوتاً وشفاء له من كل داء .
وأخبرني سيدي محمد السروي رحمه اللّٰه أن جماعة تراهنوا على أنهم يجدون زاوية سيدي محمد الغمري في المحلة الكبرى ساكتة عن الذكر في ليل أو نهار فلم يجدوها فكانت كالكعبة بالنسبة للطائفين، فهكذا كانت جماعته.
* Et il doit tenir compte des moments d’inattention de ses frères dans la zawiyah lorsqu’ils négligent l’invocation, afin de se souvenir d’Allah, exalté soit-Il, seul pendant leur négligence.
Ainsi, la miséricorde descend sur ses frères grâce à lui ; il agit bien envers eux et reçoit pour cela une grande récompense. Le Jour du Jugement, tout être – parlant ou muet – ayant entendu sa voix lors de l’évocation d’Allah témoignera en sa faveur, et Allah acceptera leur témoignage.
Il se peut même que l’évocation d’un seul homme, faite pendant que ses compagnons sont négligents, lui vaille une récompense équivalente au nombre de ceux qui se sont distraits. Allah, Exalté soit-Il, aime parmi Ses serviteurs celui qui aime Son souvenir et qui le considère comme une nourriture et un remède à tout mal.
Mon Maître, Sidi Mohammed As-Sarawi – qu’Allah lui fasse miséricorde – m’a raconté qu’un groupe avait parié qu’ils trouveraient la zawiyah de Sidi Mohammed Al-Ghamri à Al-Mahalla Al-Kubra silencieuse, sans invocation, de jour comme de nuit. Mais ils ne la trouvèrent jamais ainsi : elle était, pour ceux qui y venaient, comme la Kaaba pour les pèlerins. Telle était la nature de sa communauté.
وأخبرني الشيخ شمس الدين الطنيخي أحد أصحاب سيدي الشيخ أبي العباس الغمري أن ولد المجاور أو عمه كان يأتي إلى الزاوية فلا يتجرأ أحد منهم أن يسلم عليه حتى يشاور النقيب، وكان أحدهم إذا كلمه أخوه كلمة سب أو تنقيص لا يرد عليه بل يحفظها . إن لم يصفح عنه . إلى يوم يجلسون فيه ويأخذ مفتاحه تحت ركبته حتى لا يدخل عليهم غريب ثم يتحاكمون بين يدي الشيخ فيأخذ للمظلوم حقه من الظالم. وكان الذي يسامح أخاه أكرم عند الشيخ من الذي يأخذ حقه، وكان يقول لهم لا ينبغي لفقير أن يمسك على أخيه كلمة جفاء في حال غضبه لأن بعض العلماء لا يقول بصحة طلاق الغضبان لتزلزل عقله، وكان يقول كل من مسك على الناس كل كلام قالوه فيه كثر أعداؤه وانحطت همته إلى سافلين.
Le Cheikh Shams al-Dîn al-Tunîkhî, l’un des compagnons de notre Maître le cheikh Abû al-‘Abbâs al-Ghamrî, m’a raconté que le fils du résident (le mujâwir) ou son oncle venait parfois à la zâwiyah, mais qu’aucun d’entre eux n’osait lui adresser le salut sans consulter d’abord le naqîb (responsable). Si l’un d’entre eux recevait de son frère une parole de blâme ou d’insulte, il ne répondait pas, mais la gardait en mémoire, sauf s’il lui pardonnait. Puis, le jour venu, ils se réunissaient : le Cheikh prenait alors la clé et la plaçait sous son genou pour qu’aucun étranger n’entre, puis ils portaient leur différend devant lui. Le Cheikh rendait justice au lésé contre celui qui lui avait fait tort.
Celui qui pardonnait à son frère était plus honoré aux yeux du Cheikh que celui qui réclamait son droit. Il leur disait : « Il ne convient pas à un pauvre de garder rancune à son frère pour une parole prononcée sous la colère, car certains savants estiment même que le divorce d’un homme en colère n’est pas valide, son esprit n’étant plus stable. »
Il disait encore : « Quiconque retient en son cœur toutes les paroles que les gens prononcent contre lui verra se multiplier ses ennemis et s’abaisser sa détermination jusqu’aux degrés les plus bas. »
وفي كلام سيدي أحمد بن الرفاعي رحمه الله: من انتصر لنفسه وأجاب عنها تلف وتعب، ومن سامح الناس وفوض أمره لمولاه نصره من غير أهل ولا عشيرة والله أعلم .
Dans les paroles de Sidi Ahmad al-Rifa‘i, que Dieu lui fasse miséricorde :
« Celui qui cherche à se défendre lui-même et répond pour sa propre personne périra et se fatiguera ; mais celui qui pardonne aux gens et remet son affaire à son Seigneur, Dieu lui accordera la victoire sans l’aide d’aucun clan ni d’aucune tribu. Dieu est plus savant. »
217
* S’il se trouve voisin dans la zaouïah du Cheikh, il doit supporter les réprimandes et les paroles dures de la part des grands de la zaouïa — tels que le khatib, l’imam, le naqib et le percepteur — tant qu’ils suivent la voie spirituelle. En effet, celui qui est imparfait se considère supérieur à ses frères en raison de leur éducation, de leur apprentissage de la politesse et de leur service. Ainsi, il ne réprimande personne sans se croire au-dessus de lui. Mais lorsque son cheminement spirituel est achevé, il en vient à reconnaître le mérite qu’ils ont acquis, car ils ont obtenu la récompense. C’est pourquoi il obéit à leurs ordres lorsqu’ils le sollicitent leurs besoins doivent être satisfaits, mais avec l’autorisation du Cheikh si ces besoins sont personnels. S’ils concernent la zâwiyah, il n’est pas nécessaire d’obtenir une autorisation particulière du Cheikh, car cela fait déjà partie de son autorisation générale.
Le naqib peut employer, pour les besoins de la zaouïa, qui il veut parmi les résidents.
Il a déjà été mentionné qu’il est interdit aux résidents de se montrer sectaires de façon injuste par pur intérêt personnel contre quiconque a été nommé par le Cheikh comme naqib, percepteur ou serviteur, et de le critiquer en disant par exemple : ‘Celui-ci n’est pas digne de cette fonction’. Ils doivent au contraire se soumettre à lui. Car critiquer celui que le Cheikh a nommé entraîne un grand préjudice, trouble les relations entre les cœurs et coupe les moyens de subsistance. Il arrive même que, par excès de plaintes aux autorités et de contrariétés, certains quittent la zâwiyah pour devenir artisans ou ouvriers, ou pour convoiter la fonction de juristes faibles ou pauvres. Ils ne laissent alors dans le quartier aucun mosquée ou point d’eau public en la possession de quelqu’un sans chercher à s’y ingérer. Les cœurs des croyants finissent par les détester après avoir recherché la bénédiction auprès d’eux, car ils ont chassé le bien de leurs cœurs et les ont remplis d’amour du monde et de recherche égoïste, avant même de ruiner leur propre zâwiyah. Il se peut même qu’Iblis s’installe chez eux dans la zâwiyah et devienne leur ‘cheikh’ s’ils persistent dans le mal et la discorde. Il ne cesse alors de leur insuffler la médisance, les soupçons, les transferts de paroles et les troubles, de sorte qu’ils n’ont plus de temps ni pour les affaires de ce monde ni pour celles de l’au-delà. Ils lui obéissent alors plus qu’ils n’ont obéi à leur Cheikh humain, car ce dernier les appelait à tout ce qui contredisait leurs passions, tandis qu’Iblis les appelle à tout ce que leurs âmes désirent et les empêche de voir la laideur de leurs actes, si bien qu’aucun d’eux ne se repent d’une faute ni ne demande pardon.
Il a déjà été dit qu’Iblis n’a pas de piège plus efficace pour attraper les pauvres de la zâwiyah que de provoquer la discorde entre eux et de les occuper les uns des autres, afin de les détourner de l’occupation par Dieu, Exalté soit-Il.
Ils deviennent alors comme des démons, ne parlant que des défauts et ne révélant que les fautes, tandis que leurs propres mauvaises leur apparaissent comme celles des autres.
Dieu, Exalté soit-Il, sait mieux.”
218
* S’il est juriste (faqih), il ne devra pas s’opposer au naqîb (responsable de la zâwiyah) lorsqu’il charge quelqu’un parmi ses élèves de répondre aux besoins des pauvres, comme pour le pain ou la pâte.
En effet, il est du devoir du résident (mujâwir) de servir lui-même et de servir ses frères, soit directement, soit par l’intermédiaire de ses enfants qui étudient auprès de lui. Quiconque s’oppose à cela et empêche ses enfants de rendre service à autrui, tout en mangeant de la nourriture de la zawiyah, est considéré comme animé d’une intention corrompue ; on l’accuse alors et on porte atteinte à son honneur, surtout si ses enfants ont le visage propre et soigné.
Tout cela s’applique lorsque le naqîb les emploie avec une autorisation générale. Mais si le Chaykh de la zawiyah lui accorde expressément l’autorisation de les employer, le juriste n’a alors aucune raison de s’y opposer.
Le juriste qui enseigne aux enfants de la zawiyah doit donc être avisé et attentif, ne laissant aucun de ses frères avoir une mauvaise opinion de lui. Il doit encourager ses enfants à accomplir les tâches nécessaires, selon la coutume, en alternance ou selon ce que le Chaykh estime approprié.
Il existe en effet des élèves dont l’esprit est distrait et qui ne tirent aucun bénéfice de l’étude, mais qui sont utiles pour le service — comme on le constate dans les zawiyas — et il en est qui passent vingt ans sans mémoriser le Coran. Un tel individu, comme il est évident, ne convient pas pour être juriste : il doit donc être employé au service ou à l’adoration (dhikr, invocations). Autrement, l’oisiveté le mènerait à des turpitudes.
Il convient donc à tous les juristes de la zawiyah d’encourager leurs enfants à accomplir les tâches de service, sans accorder de préférence à leurs propres enfants par rapport à ceux des autres.
Dieu est plus Savant.
219
* [Le murid] devrait encourager ses frères hésitants à fréquenter la zawiyah à se souvenir d’Allah Très-Haut avec les pauvres matin et soir, et à ne pas faire de leur séjour à la zawiya un moment de bavardages gratuits, d’insouciance ou de récits des histoires des gens. Car Iblis est à l’affût de tels individus : ils viennent avec l’intention de s’asseoir avec le Cheikh ou quelqu’un d’autre, et désobéissent à Allah dans sa maison. Le faqîr doit être une miséricorde pour ses frères et aimer la présence nombreuse des frères dans le dhikr par amour pour Allah Tout-Puissant, et non par amour du statut de Cheikh, comme il arrive à certains.
- Note sur l’incitation active entre frères à participer aux séances de dhikr, d’autant plus que les nuits sont importantes et le dhikr est long.
Il faut multiplier les exhortations à participer surtout lorsque le wird est long, par exemple lors des veillées de la nuit du vendredi, de l’Aïd, ou des nuits du destin (Laylat al-Qadr). Car il se peut que certains se lassent et s’endorment, tandis que les autres veillent. Et si la communauté est réduite, il arrive que tous succombent au sommeil et que l’assemblée soit annulée. Et si l’un d’eux dort un instant entre midi et l’après-midi, cela le prive de la veillée suivante.
Ainsi [le Prophete] ﷺ avait-il l’habitude de dire : « Cherchez aide pour vous lever la nuit par la sieste, et par le repas de l’aube pour le jeûne. »
Notre Maître ‘Abd al-‘Azîz al-Dîrînî, qu’Allah lui fasse miséricorde, disait : « Le sommeil avant midi est un remède pour la veille passée, et celui après-midi est un remède pour la veille à venir. » Fin de citation.
Le murîd sincère ne tolère pas que l’ordre de la zawiyah de son Cheikh soit perturbé dans un wird ou une fonction. Tout ce qu’il voit abandonné, il le fait pour Allah Très-Haut, comme cela a déjà été expliqué en détail dans cette lettre. Et Allah sait mieux.
220
* ومن شأنه أن يحذر إخوانه من سلوك مواطن التهم بحيث يصير أحدهم إذا نسب إليه فسق من حرام أو فاحشة يصدق الناس فيه ذلك، فللشيخ أن يؤنبه على سلوكه مسالك التهم لِيَسدّ الباب الذي أتاه من تصديق الناس في كشفه الفواحش، ولو أنه كان حفظ ظاهره من الوقوع في أسباب قلة الدين ما قبل أحد فيه الزور والبهتان، بل كان الناس يكذبون من أضاف إليه شيئاً من النقائص ويقولون حاشا لله أن يقع فلان في مثل ذلك، فاعلم أن محل تأديب الشيخ له إنما هو على تساهله في عدم حفظ ظاهره لا على التهمة والله أعلم .
ومن شأنه أن يَحُث إخوانه على مجلس الذكر صباحاً ومساءً برحمة ورفق إذا تعوق الشيخ عن الحضور، ولا يعلق ذلك بحضور الشيخ فإن له أوراد أخر غير أوراد المريدين، وإن حضر معهم فإنما ذلك لما يراه من ضعف قلوبهم وهمتهم عن الخير لا غير. وتقدم أنه ليس للمريد أن يتشبه بالشيخ في أحواله إلا إن أمره الشيخ بذلك، فليلزم المريد ورده الذي أقامه الشيخ فيه ولا يتخلف عن الذكر مع الجماعة إلا لضرورة يعذره بها الإخوان. وقد كان شخص من مريدي سيدي الشيخ مدين يذكر مع الجماعة، ثم ترك الذكر وصار يذكر وحده، فقال له الشيخ في ذلك فقال يا سيدي إن الاجتماع إنما جعل لمن همته ضعيفة وقلبه ميت، وأنا بحمد اللّٰه قلبي صار حياً لا أحتاج أن أتقوى بغيري، فأمر الشيخ بإخراجه من الزاوية، وقال: إن مثل هذا يتلف الجماعة فيصير كل فقير يقول أنا لا أحتاج إلى الاجتماع بغيري في الذكر فيذهب شعار الزاوية، فإن من شأن النفس الخيانة والدعاوى الكاذبة ففي الاجتماع امتثال أمر الشيخ وقيام الشعار والله أعلم.
220
* Il convient qu’il mette en garde ses frères contre le fait de suivre des comportements qui suscitent les soupçons, de sorte que si l’un d’eux est accusé de débauche ou d’un acte immoral, les gens le croiraient.
Le Maître spirituel a donc le droit de le réprimander pour avoir adopté des voies suspectes, afin de fermer la porte aux accusations des gens qui pourraient croire à sa corruption.
Car, s’il avait pris soin de préserver son apparence extérieure de tout ce qui diminue la piété, personne n’aurait accepté à son égard mensonge ou calomnie. Les gens auraient plutôt rejeté les accusations en disant : « Dieu nous en préserve ! Il est impossible que cet homme commette une telle chose. »
Sache donc que le reproche du maître ne porte pas sur la simple accusation, mais sur sa négligence à préserver son apparence extérieure.
Dieu en est plus Savant.
221
- ENCOURAGER ACTIVEMENT SES FRÈRES À PARTICIPER AUX RÉUNIONS DE DHIKR
- (Adab présenté et largement commenté, depuis des années, sur le site)
* Il est également dans ses devoirs d’encourager ses frères à assister aux assemblées de rappel d’Allah, matin et soir, avec miséricorde et douceur, lorsque le Maître est empêché d’y assister.
Il ne faut pas conditionner ces assemblées à la présence du Maître, car celui-ci a d’autres invocations que celles des disciples ; s’il assiste avec eux, c’est uniquement parce qu’il constate la faiblesse de leurs cœurs et de leur ardeur à faire le bien.
Il a déjà été mentionné que le disciple n’a pas à imiter le Maître dans son comportement, sauf si celui-ci le lui ordonne expressément. Le disciple doit s’en tenir au wird que le Maître lui a assigné, et ne pas manquer le dhikr collectif, sauf en cas de nécessité reconnue par ses frères.
Un jour, un des disciples de notre Maître Sidi Cheikh Madian participait au dhikr collectif, puis il cessa d’y assister et se mit à se rappeler Dieu seul. Le Maître l’interrogea à ce sujet, et il répondit : « Ô mon Maître, l’assemblée n’a été instituée que pour ceux dont la résolution est faible et le cœur mort ; quant à moi, par la grâce de Dieu, mon cœur est vivant, je n’ai pas besoin de me fortifier au contact des autres. »
Le Maître ordonna alors qu’il soit expulsé de la zawiyah (confrérie spirituelle), en disant : « Un tel homme corrompt la communauté. Chacun viendrait alors dire : “Je n’ai pas besoin de l’assemblée pour faire le rappel de Dieu”, et le symbole même de la zawiyah disparaîtrait. Car il est dans la nature de l’âme de trahir et de prétendre faussement.
L’assemblée est donc un acte d’obéissance à l’ordre du Maître et un moyen de préserver le signe distinctif de la confrérie.
Dieu en est plus Savant. »
- On peut noter les thèmes exposés ailleurs :
- importance d’inciter activement ses frères au dhikr en commun
- même en absence du Cheikh
- sortie de la jamâ’ah
- production d’une excuse mensongère ou erronée
- motif d’exclusion
- préservation de la jamâ’ah
222
* Il doit guider ses frères et leur enseigner les bonnes manières religieuses et spirituelles sans se considérer supérieur à eux pour cela. Car il se peut que l’un d’entre eux soit plus sincère envers Dieu, le Très-Haut, que lui et qu’il Le serve mieux.
- Exercer un conseil fraternel pour des aspects connus de la Voie
Ainsi, le fait d’être plus savant qu’un disciple ne signifie pas nécessairement qu’on soit meilleur que lui auprès de Dieu.
Or, beaucoup de Maîtres de notre époque se trompent à ce sujet, pensant qu’ils sont meilleurs que leurs disciples auprès de Dieu du fait de leur science supérieure.
Le Cheikh privilégié doit donc être attentif à ce que nous avons mentionné. Dieu, le Très-Haut, sait mieux.
223
* [Le murid] doit montrer à ses frères comment entrer dans la Présence de leur Seigneur par les voies les plus directes qu’il connaît, et les avertir de toute manière qui puisse blâmer leurs âmes lorsqu’ils manquent les assemblées de bien.
Car ce blâme peut compenser le manquement à ces actes de bien.
- Note : l’imam Charani insiste ici une fois encore sur le bienfait que constitue le fait d’assister à une « assemblée de bien » et l’intérêt qu’il y a à le blâmer de d’être absenté, surtout pour une excuse inacceptable.
Le pauvre (le disciple) ne doit pas se permettre d’abandonner le blâme et la vigilance, afin que les paresseux ne l’imitent pas dans ce relâchement
- Note : le relâchement en question est le fait de manquer le majlis
De même, celui qui est absent ne doit pas s’excuser par des excuses que le maître et les frères n’acceptent pas, car ce serait se tromper lui-même
- Note : la question de l’importance de l’acceptation de l’excuse présentée est ici clairement exposée : la simple présentation de l’excuse n’est pas suffisante en elle-même ; on doit se soucier sincèrement de la valeur de l’excuse présentée puis de son éventuelle acceptation ou de son refus, par « le maître et les frères »
- Mais comment apprécier la valeur de l’excuse ?
Qu’il imagine qu’une personne lui donne mille dinars s’il assiste, par exemple, à une assemblée de rappel. S’il voit qu’il perd cette somme et s’excuse invoquant une nécessité qui a pris tout son temps, alors il est sincère dans son absence ce jour-là. Mais s’il voit qu’il est prêt à tout pour obtenir les mille dinars et qu’il coupe tous les obstacles qui l’empêchent d’y assister, et pourtant ne le fait pas pour l’assemblée de rappel, il est alors menteur dans son excuse.
- Note : reprise d’un argument utilisé plusieurs fois pour apprécier la sincérité du murid
Car le fait de dire “Gloire à Dieu, il n’y a de dieu que Dieu” pèse plus pour un croyant que de remplir la terre d’or.
Dieu, Exalté soit-Il, a dit : « Les biens et les enfants sont l’ornement de la vie d’ici-bas, mais les bonnes œuvres durables sont meilleures auprès de ton Seigneur en récompense et meilleures comme espoir. » (Sourate La Caverne, 46)
Ibn Abbâs a dit : les “bonnes œuvres durables” sont les paroles : “ Gloire à Dieu, louange à Dieu, il n’y a de dieu que Dieu, Dieu est le Plus Grand.”
Une chose que Dieu atteste être meilleure pour le serviteur ne doit pas être délaissée pour son contraire ; cela pourrait même mener à la mécréance.
J’ai vu parmi nos frères certains qui se plaignent que le sommeil les accable à l’heure de la première prière de l’aube, et ainsi n’y assistent presque jamais. Mais, lorsqu’ils ont un besoin urgent au château ou chez une personne qu’ils craignent de manquer, ils se réveillent cette nuit-là, faisant du rappel (dhikr). C’est là une preuve de leur mensonge lorsqu’ils prétendent que le sommeil les surpasse à l’heure de l’aube.
J’ai également vu certains, dès qu’ils s’assoient avec moi dans une assemblée où l’on prie sur le Prophète ﷺ, somnoler et se balancer à droite et à gauche. Je leur mets alors un morceau de douceur dans la bouche ou je prépare quelques pièces d’argent dans leur main, et ils pensent qu’elles sont à eux. Aussitôt, ils se réveillent et le sommeil les quitte.
C’est une des preuves les plus fortes qu’ils privilégient la vie d’ici-bas sur le rappel de Dieu et la prière sur Son Messager et sa famille.
De tels cas nécessitent un Maître qui polisse leurs aspérités, afin de convertir cette impulsion tournée vers le monde en une impulsion vers l’Au-delà, jusqu’à ce qu’ils se réveillent pour le rappel de Dieu et s’endorment lorsqu’on leur donne argent ou douceurs, goûtant ainsi à la saveur complète de la foi. Dieu, le Très-Haut, sait mieux.
224
- AIDER ACTIVEMENT SES FRÈRES
* Il doit être un meneur pour ses frères dans tout travail ardu, qu’il s’agisse d’œuvres mondaines ou religieuses, comme transporter le bois et le blé jusqu’aux toits de la zawiyah, ou veiller des nuits entières.
Cela concerne les actes des « grands » de la zāwiyah. C’est pourquoi il a été dit : le pauvre (le disciple) doit être la personne la plus éloignée du soupçon, des lieux d’accusation et des mauvaises actions, afin que ses frères l’écoutent quand il leur donne des conseils.
- Le conseil fraternel n’est pas un simple concept théorique mais une réalité vivante au sein d’une Tarîqah vivante
Il ne doit pas, par exemple, leur recommander de prier la nuit puis dormir lui-même, ni les détourner des biens de ce monde tout en y aspirant et en les accumulant, ni traiter avec eux dans le commerce ou les affaires financières alors qu’il prêche le détachement.
En agissant ainsi, ses frères comprendront son comportement comme une hypocrisie et diront par leur attitude : « Toi, conseille-toi avant de nous conseiller ! » et ils parleront mal de lui.
Les supérieurs de la zāwiyah doivent donc se garder d’un tel comportement.
Leur Cheikh est le plus concerné par ces avertissements : il lui appartient d’aider ses disciples dans leurs travaux, même une seule fois ou un seul jour — qu’il s’agisse de transporter du blé, du bois, de la moisson ou du labour — car cela motive les disciples.
Et Dieu vient en aide à son serviteur tant que le serviteur aide son frère.
Il est rapporté que le Prophète, que la bénédiction de Dieu soit sur lui, lorsque ses Compagnons sortaient pour ramasser du bois, sortait avec eux, portait une botte et la rapportait à la maison.
De même, l’imam ‘Alî, que Dieu l’agrée, agissait ainsi et disait : « Il ne diminue en rien la perfection de l’homme accompli ce qu’il fait pour le bien de sa famille. »
Dieu sait mieux.
225
* Il doit aussi manifester son inimitié envers quiconque s’oppose injustement à l’un de ses frères, par fidélité aux liens fraternels.
Cependant, il ne lui est pas permis de nourrir intérieurement cette haine, sauf s’il fait partie des « Gens de la révélation intérieure » (Ahl al-kashf) et qu’il lui a été révélé la damnation de cette personne dans l’au-delà — à Dieu ne plaise.
De même, parmi les devoirs envers ses frères, il y a de ne pas nouer d’amitié avec celui qui a commis une faute grave et a été exclu de la zāwiyah, ni de l’inviter à manger ou de s’asseoir avec lui lorsqu’il vient à la zāwiyah pour la prière ou autre, afin d’éviter de troubler les cœurs des frères. Préserver leurs sentiments est plus important que de ménager celui dont la corruption a été prouvée. Beaucoup tombent dans l’erreur sur ce point, sans réfléchir aux conséquences.
- Note sur le souci constant de l’auteur de souligner l’importance de préserver activement la comunauté.
Le disciple naïf doit y prendre garde. Il doit certes montrer de l’hostilité envers le fautif, en accord avec les frères sincères de la zâwiyah, mais aussi le guider vers le repentir et l’amener à s’excuser auprès des frères afin qu’ils lui pardonnent, par devoir de fidélité ancienne.
Car l’homme sera interrogé au Jour du Jugement sur l’amitié d’une seule heure. Ainsi, nul ne doit apaiser le cœur du fauteur avant que tous les frères ne soient réconciliés avec lui.
Un grave défaut parmi les disciples de la zâwiyah est leur habitude de médire des exclus, de raconter à chaque visiteur ou à quiconque demande les causes de leur expulsion. Cela n’est pas permis. Parfois même, ils s’en réjouissent, se vengeant par la parole, et deviennent alors plus pécheurs que celui qu’ils blâment. Peut-être seront-ils bientôt éprouvés par le même mal et finiront par subir le même sort.
Il faut donc s’abstenir de parler du mal de quiconque a quitté la zâwiyah et le laisser tranquille.
Il n’est pas permis d’évoquer son cas des nuits et des semaines durant. Il se peut que Dieu lui accorde le repentir après sa faute ; sa médisance devient alors une calomnie et une injustice. Les frères doivent s’en méfier.
Parfois encore, un de ces fautifs revient à la zāwiyah pour une raison quelconque ; certains lui rapportent alors ce qui a été dit sur lui, et cela attise sa haine envers ceux qui ont mal parlé. Ainsi, ils ne se pardonnent plus, ni dans ce monde ni dans l’autre. Méditez cela, ô frères.
وَاعْلَمُوا بِمَا أَوْضَحْتُهُ لَكُمْ وَاللَّهُ أَعْلَمُ
« Et sachez ce que je vous ai expliqué, et Dieu est le plus savant. »
226
* Il convient qu’il guide ses frères à renoncer à se venger de celui qui leur a causé du tort, et ne leur ordonne jamais de répondre à l’agresseur.
On dit que s’opposer au corrupteur est discutable du point de vue de la sagesse, car c’est ce que font la plupart de ceux qui manquent de retenue dans leur religion.
Dans un hadith authentique, il est dit : « Rends fidèlement le dépôt à celui qui t’a confié quelque chose et ne trahis pas celui qui t’a trahi. »
Dans le Livre de David (paix sur lui) il est écrit : « Ô David, ne te venge pas de celui qui s’est vengé de toi, si tu veux que Je te secoure. Car celui qui se venge de celui qui lui a causé du tort se voit privé de Mon secours. »
Et encore : « Ne t’impatiente pas de Ma réponse à tes invocations contre un ennemi, car si Je tarde à répondre, c’est pour te traiter de la même façon lorsque tu opprimes quelqu’un qui invoque contre toi. Si tu veux une réponse rapide à ta prière, ne t’étonne pas d’une réponse rapide à la prière de ton ennemi contre toi. »
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* Il convient qu’il ne néglige pas le service de ses frères malades dans la zawiyah, surtout la nuit lorsque les gens dorment et l’abandonnent, car il n’a ni famille ni amis pour s’occuper de lui. Il doit donc le servir ou le conduire à l’hôpital (maristan).
Il est rapporté que le serviteur sera interrogé au Jour du Jugement sur les droits de tous ses frères et amis.
Si le pauvre malade n’a rien pour subvenir à ses besoins, ses frères doivent dépenser pour lui de leur argent ou emprunter pour lui en se portant garants auprès de Dieu.
S’ils le conduisent au maristan, il est nécessaire de lui rendre visite régulièrement, de recommander au directeur et à ceux qui s’occupent de lui d’en prendre soin, et de continuer à lui rendre visite jusqu’à ce qu’il guérisse ou meure.
Allah aide le serviteur tant que celui-ci aide son frère.
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* Il convient qu’il serve les aveugles de la zawiyah, les vieilles femmes et les orphelins ; il conduit l’aveugle là où il a besoin d’aller, enlève les poux de ses vêtements et de sa barbe si celui-ci le lui demande, et relève son vêtement pour lui lorsque nécessaire.
Ce service rapproche de Dieu, car ces personnes sont sous Sa protection et Il est leur gardien. Plus les membres valides de la zawiyah procurent de la joie aux aveugles, aux veuves et aux orphelins, plus Dieu leur facilite la subsistance et l’élargit ; et inversement, le contraire entraîne le contraire.
Mon Maître Ali al-Khawwās (que Dieu lui fasse miséricorde) disait : « Celui qui veut que la miséricorde descende sur lui doit servir les aveugles et les orphelins. Plus le serviteur augmente sa miséricorde envers les créatures, plus Dieu l’élève en degrés au Paradis. »
Mon Maître le Cheikh ‘Uthmān al-Hattāb (que Dieu l’agrée) servait les aveugles et les orphelins : il lavait leurs vêtements et leurs barbes, les conduisait là où ils avaient besoin d’aller, cuisinait pour eux, nettoyait le blé, portait pour eux le panier du moulin, et disait : « C’est mon honneur. »
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* Il convient qu’il serve les nobles qui résident dans la zawiyah en plus des autres.
Il doit se garder de toute dispute avec eux, car c’est comme se disputer avec leur ancêtre, le Saint protecteur.
Si un noble l’opprime, il doit voir cela comme un décret de Dieu et l’accueillir avec patience et satisfaction.
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* L’homme chargé de guider les pauvres (fuqarâ ? de la Tarîqah) doit empêcher l’oppresseur de commettre l’injustice, par la parole et par l’action ; sinon, les disciples de la zāwiyah seraient corrompus. Il ne lui est pas permis de rester muet s’il voit des pauvres se battre à coups de bâtons ou s’injurier ; il doit les réconcilier autant qu’il le peut, avec sagesse et douceur.
Il arrive souvent que certains d’entre eux refusent d’intervenir en prétendant qu’ils sont dans un état pire que celui des autres ; mais cela n’est pas une excuse valable, car il faut toujours retenir la main de l’injuste, même s’il est moralement inférieur.
Il est arrivé à un Maître naïf d’une confrérie que deux pauvres se battirent en sa présence jusqu’à se blesser ; on lui dit : « Ô Maître, ne vas-tu pas les séparer ? » Il répondit : « Une souillure ne peut en purifier une autre. » Cette parole témoigne d’ignorance, car c’est la loi religieuse qu’il faut suivre. Dieu est plus savant.
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* Il fait également partie de ses devoirs de ne pas affliger ses frères si le Maître l’envoie en mission auprès d’un gouverneur ou d’une personne importante qui n’a pas foi en le Maître et qui le critique ou refuse sa demande. Par bonne conduite, il doit alors présenter le résultat de manière gracieuse, sans rapporter les paroles blessantes ; il doit être un ambassadeur bienveillant et ne transmettre au Maître que des paroles de bien. Il se peut aussi que celui pour qui le Maître demande l’intercession auprès d’un prince ne la mérite pas à cause de la gravité de ses fautes ; le Maître doit alors patienter jusqu’à ce que sa punition atteigne sa limite. Chaque fois qu’il rencontre quelqu’un dont on rapporte qu’il a manqué de respect envers le Maître, il doit le saluer aimablement de la part du Maître, le traiter avec douceur et ne pas le blâmer, surtout s’il s’agit d’un notable du quartier, car la dissimulation avec eux est nécessaire ; autrement, ils deviendraient ennemis du Maître et nuiraient à lui et à ses disciples.
Si le Maître envoie le naqīb chez un commerçant du quartier pour emprunter le prix du blé, du bois ou autre chose, et que ce dernier refuse, l’émissaire doit raconter l’affaire avec bienveillance, sans rapporter le refus directement.
Le bienfaiteur est libre de donner ou non ; nul ne peut être contraint en ses biens, sauf par le jugement de la loi.
Le bien ne se limite pas au Maître ni à sa communauté ; c’est pourquoi le Maître et ses disciples doivent éviter de reprocher quoi que ce soit aux commerçants, car ceux-ci peuvent être plus éprouvés encore qu’eux dans leur subsistance, à cause de la rareté des ressources et de leur fierté qui les empêche de mendier, contrairement à beaucoup de pauvres dont la trame et la chaîne sont la demande, qu’elle soit exprimée par la parole ou par l’état, sauf ceux que Dieu a préservés.
En somme, tout pauvre qui s’irrite parce qu’on ne lui a pas prêté, donné ou fait l’aumône, n’a pas respiré le parfum du vrai chemin des pauvres ; il se fâche contre un innocent, comme le fait l’envieux.
J’ai entendu mon Maître, Sîdî ʿAlî al-Khawwâṣ, que Dieu lui fasse miséricorde, dire : « Lorsque tu envoies ton messager pour une affaire et qu’elle n’aboutit pas sur le moment, ne sois pas contrarié ni par le messager ni par celui à qui tu t’adresses ; car si la chose a tardé, c’est qu’elle n’arrivera qu’à l’heure que le Très-Haut lui a fixée, et il n’est pas possible qu’elle ait lieu avant. Dieu est plus savant. »
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- ACCOMPLIR LE DEVOIR DE FRATERNITÉ
* Il convient qu’il surveille son cœur à l’égard de ses frères.
Chaque fois qu’il remarque en lui quelque changement ou trouble à cause de l’un des musulmans, qu’il se reproche à lui-même ce sentiment, qu’il s’efforce de l’effacer de son cœur, et qu’il trouve une excuse à son frère pour ce qui s’est produit entre eux, accomplissant ainsi le devoir de la fraternité. Qu’il considère qu’il a eu tort de se troubler au sujet de son frère, même s’il a atteint un haut degré de sincérité.
L’imam al-Châfi‘î, que Dieu l’agrée, a dit : « Ne mets pas ta confiance dans l’amitié de celui qui ne t’aime pas, sauf s’il est préservé de tout péché. »
Et l’imam Ahmad ibn Hanbal, que Dieu l’agrée, disait : « Tenez compagnie aux soufis, car ils trouvent toujours des excuses pour les actes répréhensibles. »
On comprend par là que celui qui méprise son frère à cause d’une faute qu’il a commise ne respecte pas les droits de la fraternité. Ton frère a le plus besoin de toi lorsque sa monture trébuche.
Ils (les Maîtres spirituels) s’accordent à dire qu’un serviteur ne s’affermit pas sur la voie des pauvres (les soufis) tant qu’il ne s’est pas paré de miséricorde envers toutes les créatures, qu’elles soient obéissantes ou désobéissantes, chacun selon ce qui lui convient. Dieu est plus savant.
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CONSEILLER DE FAIRE UN TESTAMENT
* Il convient aussi qu’il conseille à ses frères qui approchent de la mort de faire leur testament et de s’acquitter de leurs dettes, sans éprouver de gêne à le leur rappeler.
Qu’il veille auprès d’eux jusqu’au matin, comme cela a été expliqué précédemment, car peut-être l’échéance (de la mort) viendra-t-elle alors, et qu’il les quitte après qu’ils se soient acquittés de leurs droits.
Certains ont eu honte de dire à un malade : « Fais ton testament », et celui-ci est mort alors qu’il devait encore des droits aux gens. Il en est résulté des discordes entre ses héritiers, et la plus grande partie de sa succession est revenue aux juges.
S’il lui fait prononcer la profession de foi (chahâdah) et l’entend dire : « Non », il ne faut pas avoir de mauvaises pensées à son sujet. Il ne dit « non » que parce que les démons sont présents auprès des grands croyants pour les détourner de l’islam, comme cela arriva à l’imam Ahmad ibn Hanbal, que Dieu l’agrée, qui, au moment de rendre l’âme, disait : « Non, pas encore ! »
On l’interrogea sur ce propos, et il répondit : « Le diable est apparu à moi, mordant son doigt, et me disant : “Je t’ai vaincu, ô Ahmad !” Je lui disais : “Non, pas encore”, c’est-à-dire : je ne désespérerai pas de ta ruse et de ta tentation tant que mon âme ne sera pas sortie sur le témoignage de l’unicité divine. »
Le disciple doit se garder de parler en mal d’un malade, car il se peut que ce soit la maladie qui l’emmène à la mort, et il mourrait alors avec une œuvre mauvaise scellée, partant vers l’au-delà sans s’être acquitté envers son adversaire. Rare est celui qui échappe à cela ; que le disciple y prenne donc garde. Dieu est plus savant.
Il faut que la trame et la chaîne de sa conduite soient faites de pardon et d’indulgence envers les fautes de ses frères, et qu’il ne se venge pas de celui qui l’a offensé, même si, en principe, Dieu a permis la riposte dans la mesure égale du tort subi.
Mais puisque cette égalité parfaite est difficile à atteindre, il se peut qu’on agisse en excès ou en défaut, ou que la mauvaise action de son adversaire ait eu sur lui un effet moindre que celui qu’aurait sa riposte sur l’autre.
Ainsi, la vengeance est une permission pour les faibles, tandis que le pardon et la réforme sont une vertu, conformément à la parole de Dieu : « Celui qui pardonne et réforme, sa récompense appartient à Dieu. »
Mon Maître, Sîdî ‘Alî al-Khawwâṣ, que Dieu lui fasse miséricorde, disait :
« Pardonne à celui qui t’a lésé, conformément à ce que la Loi sacrée t’ordonne, et ne dis pas : “La Loi m’a permis de le traiter comme il m’a traité”, car il y a bien des choses permises dont l’abstention est meilleure. »
Il disait aussi : ? ? ?
Il disait : « Lorsque tu romps les liens avec ton frère musulman pour une raison valable, ne prolonge pas cette rupture au-delà de trois jours avec leurs nuits. Commence par lui adresser le salut (as-salâm) après les trois jours, afin d’être le meilleur des deux. Supporte les offenses et endure leur amertume de la part de toutes les créatures. »
Il est rapporté dans le hadith authentique : « Personne n’est plus patient face aux offenses que Dieu ». En effet, Sa subsistance et Sa bonté continuent de se répandre sur ceux qui Lui attribuent une épouse et un enfant, tout en reniant Ses prophètes et Ses Écritures.
Que le pauvre donc supporte le tort qu’on lui fait en se parant des attributs de Dieu, exalté soit-Il.
Parmi les choses qui me sont arrivées alors que je faisais le tawâf en l’an 947 (de l’hégire), je regardai dans mon cœur et ne trouvai pas une seule invocation parmi celles qu’il est rapporté de dire pendant le tawâf. Alors j’entendis une voix venant de l’intérieur du Hijr (l’espace semi-circulaire à côté de la Ka‘ba) me dire :
« Dis : Ô mon Dieu, répands sur moi des vertus mohammadiennes par lesquelles je puisse supporter le mal venant de tous les serviteurs.
Ô mon Dieu, répands sur moi des vertus mohammadiennes grâce auxquelles je puisse accueillir avec satisfaction et soumission tous les décrets qui me concernent.
Ô mon Dieu, répands sur moi des vertus mohammadiennes par lesquelles je sois guide et bien guidé.
Ô mon Dieu, répands sur moi des vertus mohammadiennes de manière que tous mes mouvements et mes repos soient agréés de Toi.
Ô mon Dieu, répands sur moi des vertus mohammadiennes grâce auxquelles je sois orné devant Toi dans ce monde et dans l’au-delà. »
Depuis ce jour, cette invocation est devenue la plus fréquente dans mes prières, après les invocations rapportées par la Tradition. Dieu sait mieux.
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ACCOMPLIR LES « DROITS DES FRERES »
*Il devra compter parmi ses habitudes de ne jamais oublier de prier pour ses frères, en demandant pour eux pardon, miséricorde et indulgence, chaque fois qu’il trouvait un moment de pureté avec son Seigneur – de jour, de nuit, en prosternation ou en d’autres moments.
L’un des avantages de cette habitude est qu’elle accomplit les droits des frères, et l’ange chargé de transmettre la prière dit alors : « Et pour toi la même chose », et la prière de l’ange n’est jamais rejetée.
J’ai entendu mon Maître, Sîdî ‘Alî al-Khawwâṣ (que Dieu lui fasse miséricorde), dire : « Lorsque l’un de vous trouve un moment de pureté sans trouble, qu’il demande à Dieu le pardon pour tous les musulmans de son époque ; c’est là un des plus grands droits des musulmans, mais seuls les privilégiés parmi nous y font réellement attention. »
Dans le hadith, on lit : « Nul d’entre vous n’aura la foi (complète) tant qu’il n’aimera pas pour son frère ce qu’il aime pour lui-même. » Et dans le Noble Coran : “Seigneur, pardonne-nous ainsi qu’à nos frères qui nous ont précédés dans la foi” (Sourate al-Hachr, v. 10).
Par analogie, cela inclut aussi ceux qui sont venus après nous dans la foi, ou qui nous sont contemporains.
Demander le pardon pour eux comporte deux aspects : soit en priant que Dieu les empêche de tomber dans ce qu’il ne convient pas, soit qu’Il ne les punisse pas s’ils désobéissent. Le pardon n’a pas de troisième sens. Quant au groupe des monothéistes qui doivent entrer en enfer, ils sont exclus de cette règle par la Loi, afin qu’aucune objection ne s’élève contre la généralité de la prière pour le pardon. Dieu est plus savant.
235
*Il aura aussi pour habitude de reconnaître les mérites de quiconque lui faisait du bien parmi ses frères, surtout celui qui commençait par lui offrir un présent. Car il est incapable d’égaler cette initiative.
C’est pourquoi Abû Bakr as‑Siddîq (que Dieu soit satisfait de lui) a été préféré aux autres compagnons, pour avoir devancé les autres dans l’islam sans hésitation ni réflexion préalable.
???
Que le pauvre (le disciple) soit donc avisé et équitable : s’il est devancé dans la Voie de la guidance, qu’il ne voie pas de supériorité pour lui-même ; de même, celui qui rend la pareille ne doit pas croire qu’il a été le premier. Que le pauvre prenne garde également de recevoir sans…
???
235 fin
Que le pauvre prenne garde de prendre sans récompenser, car c’est lui qui doit récompenser quiconque lui a fait du bien, sans négliger cela.
Il en est de même pour ceux qui ont l’habitude de prendre des gens par leurs aumônes et leurs cadeaux. Le pauvre sincère fuit autant que possible le fait de supporter les faveurs des gens.
Et le cheikh Muhyi al-Din Ibn Arabi disait : Ne rends jamais la pareille à celui qui t’a donné un cadeau en premier, ni à celui qui t’a dit “Je t’aime”. Même si tu l’aimes ensuite, tu ne peux atteindre le degré d’amour qu’il a eu pour toi, car ton amour n’est en réalité qu’un résultat de son amour pour toi. Et Dieu sait mieux.
236
*Il lui appartient d’honorer tout frère qui vient à lui et de ne jamais manger seul ce qu’il peut partager.
Il doit ne pas se laisser troubler par celui qui lui dit “Je te hais”, mais plutôt examiner les raisons de cette haine, les éliminer, puis voir si elle disparaît, sinon répéter l’examen plusieurs fois.
Sache qu’il ne doit pas se laisser blesser d’une parole qui exprime la haine.
Il est rapporté qu’une femme a dit au Messager de Dieu : “Je cherche refuge auprès de Dieu contre toi”, il répondit : “Tu as cherché refuge auprès d’une grande chose.” Il lui ordonna de retourner auprès des siens, la répudia sans l’approcher, par respect à son serment de chercher protection auprès de Dieu.
Sache que tout pauvre dont le frère dit : “Je cherche refuge auprès de Dieu contre toi” à cause de ton mal, et que tu ne peux le protéger, est très impoli envers Dieu et on n’espère aucun succès pour lui. Car quiconque nuit à quelqu’un qui cherche protection auprès de Dieu, Dieu sera son ennemi, ainsi que l’ont dit certains, et Dieu sait mieux.
237
*Il doit ne pas mentir à son frère, car c’est un mépris de son droit. Dans les négociations, il vaut mieux éviter le mensonge, sauf en cas d’obligation à parler.
Et il est du droit du frère que son frère se lève pour lui quand il arrive, même s’il ne l’aime pas, surtout si celui qui vient est un porteur du Coran ou du savoir.
J’ai entendu Sidi Ali Al-Marsafi, que Dieu lui fasse miséricorde, dire : Le pauvre ne doit pas aider son frère dans ce qui nuit à sa religion, comme s’il sait de lui qu’il aime qu’on se lève pour lui dans les assemblées, car se lever dans ce cas nuit à sa propre religion et à celle de son frère.
Sidi Ali Al-Khawas, que Dieu lui fasse miséricorde, disait : Ne refuse pas de te lever pour ton frère dans les assemblées, car cela peut engendrer haine et rancunes difficiles à dissiper par la suite.
Les gens lorsque quelqu’un se levait pour eux dans les assemblées chuchotaient entre eux ; et lorsqu’on ne se levait pas pour eux ils s’affligeaient, puis ils en venaient à critiquer celui qui ne s’était pas levé pour eux.
Le pauvre doit donc vivre avec son temps selon les voies légales, sinon il subira beaucoup de pénibles désagréments et peut même quitter sa ville ou son quartier.
Tout cela est dû à son manque de sagesse et à sa méconnaissance des mœurs de son époque.
Lève-toi, mon frère, pour ton frère par loyauté et non parce que tu penses qu’il aime qu’on se lève pour lui, car cela serait un mauvais soupçon à son égard.
L’Imam Al-Shafi’i, que Dieu soit satisfait de lui, disait : « Ne sois pas avare dans le droit de ton frère en te fiant à sa probité. Tu recevras une récompense pour avoir accompli son droit en tant qu’être humain et une autre pour avoir obéi à l’ordre d’Allah, Exalté soit-Il, dans la bienséance. »
Et le cheikh Muhyî ad-Dîn ibn al-´Arabî disait :
Si ton frère s’associe par filiation à l’un des grands parmi les saints ou les émirs, prends garde de critiquer son ascendance, même dans ton cœur, car tu te placerais alors entre cette personne et Dieu Très-Haut, ainsi qu’entre lui et son conjoint, tombant ainsi dans un grand péché.
Il a même été rapporté que médire sur les ascendances est une forme de mécréance — Dieu sait mieux.
238
PARTICIPER AUX FRAIS DE MARIAGE
*Il est également de son caractère de ne pas être avare envers son frère lorsque celui-ci lui demande son aide pour se marier, fût-ce en lui donnant une chemise, des sandales supplémentaires, ou un peu de blé, car aider dans cela est parmi les meilleures œuvres de proximité envers Dieu.
Certains savants ont même affirmé que l’aide au mariage est meilleure que l’aide apportée aux combattants ou aux esclaves en voie d’affranchissement, car c’est la meilleure des œuvres volontaires.
De cette union découleront ceux qui combattent et ceux qui accomplissent les autres bonnes œuvres. La récompense grandit avec la cause : sans mariage, il n’y aurait ni combattants, ni adorateurs de Dieu.
C’est pourtant une affaire que la plupart des pauvres négligent. Certains disent : « Qu’est-ce que le mariage apportera au pauvre en ce temps ? » et ils en dissuadent autrui, pour se libérer de l’obligation de l’aider.
Les Pieux prédécesseurs n’ont jamais agi ainsi — Dieu sait mieux.
239
*Il est aussi de son caractère de ne pas déclarer mécréant l’un des gens de la qiblah à cause d’un péché, même si les gens ont répandu cela sur lui, car aujourd’hui la piété des langues est rare et il est difficile de discerner les paroles qui entraînent la mécréance.
Le fait de déclarer quelqu’un mécréant est l’une des choses les plus graves. Le minimum que cela implique est de déclarer qu’une personne restera éternellement en enfer et qu’aucune des règles de l’islam ne s’appliquera à elle, ni de son vivant ni après sa mort.
Ce jugement relève des croyances, et chacun a du mal à formuler clairement sa propre croyance, à plus forte raison celle de quelqu’un d’autre.
Il est rapporté dans le hadith : « Celui qui dit à son frère : “Ô mécréant” en porte la responsabilité ; si c’est vrai, alors il avait raison, sinon cela se retourne contre lui et le touche. » Ce qui signifie que celui qui traite injustement un musulman de mécréant devient lui-même mécréant pour avoir rejeté son islam — comprends cela.
Le pauvre doit aussi veiller à ne pas habituer sa langue à des paroles dures envers ses frères, afin de ne pas compter parmi les « pires des gens ». Dans le hadith : « Les pires des gens sont ceux que l’on délaisse par crainte de leur grossièreté. » Ce témoignage du Prophète ﷺ montre que celui qui est grossier et obscène est parmi les pires.
J’ai entendu mon maître, `Alî al-Mirṣafî — que Dieu lui fasse miséricorde — dire : « Prenez garde d’insulter un musulman, car peut-être que l’un de vous insultant le père d’un homme, celui-ci répondra en insultant votre père. »
Et mon maître `Alî al-Khawāṣ — que Dieu lui fasse miséricorde — disait : « La prudence dans les paroles est plus importante que la prudence dans ce que l’on mange ou dans ses vêtements. » — Dieu sait mieux.
240
* Il lui incombe de ne pas mépriser une créature de Dieu Tout-Puissant, sauf si Dieu l’ordonne, car Dieu ne l’a pas méprisée lorsqu’Il l’a créée et façonnée.
Comment donc se fait-il que le Très-Haut prenne soin d’un serviteur et le fasse passer du néant à l’existence, et que toi… (…) le mépriser !! Voilà une pure ignorance.
Dieu le Très-Haut ne t’a pas ordonné de mépriser l’un de Ses serviteurs ; Il t’a seulement ordonné de condamner ses actes contraires à ce qu’Il a légiféré, rien de plus.
Tu dois conseiller le pécheur et le détourner (du mal) sans le mépriser, car il se peut que, dans la science de Dieu, il ait auprès de Lui un rang plus élevé que le tien, tandis que toi tu fais partie des dépravés, et qu’il intercédera pour toi au Jour du Jugement.
Réfléchis à Sa parole au sujet de l’arbre d’ail : c’est un arbre dont l’odeur m’est désagréable, mais ce n’est pas l’arbre Lui-même qu’Il a blâmé, seulement son odeur.
Sache donc que notre inimitié envers les mécréants et les pécheurs est une inimitié des attributs ; en effet, lorsque ceux-ci embrassent l’islam et que leur état s’améliore, il nous est alors interdit de les détester.
Dieu le Très-Haut est plus Savant.
241
- ACCOMPLIR LE SERVICE DE SES FRERES
* Il doit faire passer les besoins essentiels de ses frères avant ses propres actes d’adoration surérogatoires, car le bien qui profite aux autres est meilleur que celui qui ne profite qu’à soi-même, surtout lorsque le Maître l’a ordonné, comme il a été mentionné dans le chapitre précédent.
Cependant, si son Maître lui interdit de servir ses frères, il ne doit pas le faire, car peut‑être ont‑ils besoin d’être soumis à l’épreuve du combat spirituel contre eux‑mêmes.
Le service n’est une habitude que pour les Maîtres qui ont achevé la purification de leurs caractères, ceux qui ne sont plus ébranlés le moins du monde, car ils voient ce que les gens disent d’eux sans s’y attacher, sachant intérieurement ce qu’ils sont vraiment.
Nous avons mentionné dans le premier chapitre que celui qui sert ses frères ne doit pas se considérer supérieur à eux : s’il le fait, il sera malheureux dans ce monde et dans l’autre ; dans ce monde, à cause de la fatigue et du labeur, et dans l’autre, parce qu’il sera privé de la récompense.
Le bon comportement consiste à considérer ce service comme un devoir envers eux, en reconnaissance d’une partie de leurs droits. Tous les Maîtres ont éprouvé leurs âmes et ont constaté que nul ne mérite la dignité véritable sinon celui qui s’humilie pour Dieu le Très-Haut.
J’ai entendu mon Maître ‘Ali al‑Khawwâṣ (que Dieu lui fasse miséricorde) dire : « le disciple ne doit pas contester son Maître lorsqu’il lui interdit de servir un frère malade, car peut‑être cette maladie est‑elle une punition divine ; il doit plutôt croire que le Maître est plus miséricordieux envers ce malade que lui-même. Toutefois, lorsque le châtiment est arrivé à son terme, alors le Maître lui ordonnera de le servir. »
Abû Sulaymân al‑Dârânî et d’autres disaient : “ Cette voie ne convient qu’à ceux qui ont balayé les ordures avec leurs âmes.” Fin de citation, et Dieu est plus savant.
242
- LE NETTOYAGE DES LATRINES
* Il convient également de se hâter de nettoyer les latrines en recherchant le Visage de Dieu, même si elles ont déjà un serviteur rémunéré, d’enlever les impuretés autour des lieux d’ablution, et de le faire aux heures où les gens ne voient pas : au matin ou avant l’aube, car l’âme éprouve une délectation et une douceur dans l’humilité plus grandes que celles qu’éprouve l’orgueilleux dans son orgueil.
Telle était la pratique de l’imam al‑Ghazâlî, de mon maître ‘Ali al‑Khawwâṣ et du shaykh Amîn al‑Dîn, imam de la mosquée al‑Ghamrî (que Dieu leur fasse miséricorde).
S’il voit le récipient d’eau pour les ablutions presque vide, il doit le remplir pour aider le responsable, car telle était la Sunna des pieux prédécesseurs : ils n’aimaient pas se purifier avec de l’eau sur laquelle quelqu’un aurait une faveur. Celui qui remplit un bassin d’eau, c’est comme s’il remplissait l’eau de sa propre purification. Et il doit effacer toute idée de faveur envers ceux qui utilisent cette eau.
En somme, nul n’a jamais servi ses frères sans que son visage soit illuminé de lumière et de douceur, et nul ne s’est enorgueilli au point de refuser ce service sans qu’une obscurité apparut sur son visage.
Mon Maître, Sidi ʿAlī al-Khawwāṣ, lorsqu’il revêtait son vêtement rapiécé (muraqq’ah) avec lequel il balayait les mosquées et nettoyait les latrines, on eût dit des joyaux qui rayonnaient de lumière.
Attache-toi donc, mon frère, au service des frères, et le Tout-Miséricordieux sera satisfait de toi, et tu entreras dans les plus hauts degrés du paradis. Dieu — Exalté soit-Il — est le plus Savant.
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*Il incombe (au murid) de garder auprès de lui un rasoir, un couteau, une aiguille, des ciseaux, un poinçon, du fil et toute chose dont il pourrait avoir besoin habituellement, afin de ne pas imposer sa charge à ses frères et de leur être utile en les leur prêtant.
De même, parmi ses bonnes manières, il gardera avec lui un peigne, un cure-dents, un bâton de siwâk, une étoffe pour essuyer ses membres, et un tapis de prière qu’il étendra là où l’heure de la prière le surprendra, hors de la mosquée.
Il a été mentionné dans le premier chapitre que les pieux anciens n’avaient pas adopté les tapis de prière par ostentation — à Dieu ne plaise — mais uniquement par souci de faciliter la prière. Ils étaient unanimes à dire que nul ne peut entrer dans la Présence divine si son cœur contient ne fût-ce qu’un atome d’orgueil — comme cela est rapporté au sujet de l’entrée au Paradis.
En effet, les deux présences, celle de la prière et celle de la contemplation, se tiennent toutes deux devant Dieu le Très-Haut, même lorsqu’on prie. L’une est la fierté de l’âme, l’autre la conscience de sa suffisance vis-à-vis de la grâce de son Seigneur par négligence et non par présence.
Sache donc que celui qui est revêtu d’humilité et de pauvreté n’est jamais empêché d’entrer dans la Présence de Dieu, à aucun moment.
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- DEMANDER HOSTENSIBLEMENT PARDON A SES FRERES
* Lorsqu’il arrive qu’il manque à la convenance envers l’un de ses frères, il devra se hâter de demander pardon, tête découverte, debout près des sandales, posant sa main gauche sur la droite pour se distinguer de la posture de la prière, baissant la tête vers le sol, plein de regret pour ce qu’il avait commis envers son frère.
- Une fois encore l’imam Charani montre, de manière très détaillée, l’application dont doit faire preuve le murid à s’excuser, ouvertement, devant un mal que adab envers son frère.
Si celui-ci refuse son excuse, il ne s’assiéra pas, mais restera debout jusqu’à ce que son frère ait pitié de lui. Il devait ensuite se blâmer lui-même, sans chercher la moindre justification, reconnaissant qu’il avait été injuste envers son frère.
Et si l’attente se prolonge jusqu’à ce qu’il soit excusé — qu’il ait tort ou raison — il devra accepter cette issue avec satisfaction. S’il ne le fait pas, il ne boira pas au bassin (du Prophète le Jour du Jugement), selon un hadith rapporté par al-Tirmidhî et d’autres.
- Note sur l’instance de la demande d’excuse et l’acceptation.
J’ai entendu mon maître, Sidi ʿAlī al-Khawwāṣ — que Dieu lui fasse miséricorde — dire : “Si votre frère vient à vous en s’excusant, acceptez son excuse, surtout s’il se tient longtemps à demander pardon. Si l’un de vous ne trouve pas dans son cœur de la douceur pour lui, qu’il se blâme lui-même et qu’il lui dise : Ton frère vient à toi plein de repentir pour une faute envers toi et tu refuses de l’accepter ! Et pourtant, combien de fois as-tu toi-même commis une faute envers lui sans t’en soucier ? Tu es donc dans un état pire que le sien. »
- Note sur la demande et l’acceptation de l’excuse
Le but des Gens de Dieu dans tout cela n’est rien d’autre que la disparition de toute amertume. Celui qui se satisfait de la turbidité de son cœur n’a pas de place sur le chemin spirituel, car le capital de l’être humain, c’est son cœur — et Dieu sait mieux.
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* Et il fait partie de ses qualités de n’avoir aucune jalousie envers ses frères lorsque leurs œuvres pieuses se multiplient et que les gens développent une vénération à leur égard. Bien au contraire, il se réjouira chaque fois que leurs actes redoubleront, et il s’efforcera de rester toujours poli et bienveillant envers eux.
Lorsqu’il suivra une règle d’étiquette, il souhaitera que tous ses frères la suivent également, afin qu’il ne se distingue en rien d’eux. »
(…) Le Peuple [initiatique] n’a surpassé les autres que par leur attention à la politesse dans toute chose avec toute chose, au point qu’ils orientent toutes leurs outres vers la qiblah, considérant cela comme une marque d’égard.
Et lorsqu’un récipient n’a pas de forme spécifique, comme la cruche ou la bassine, ils lui attribuent une direction avec l’intention, et le placent vers la qiblah, qui est le lieu de l’invocation du Vrai, le Glorieux et le Très-Haut.
Un groupe de visiteurs est entré chez des pauvres qui étaient réputés pour leur bienfaisance, et ils ont trouvé leurs outres orientées ailleurs que vers la qiblah, ils sont donc repartis sans leur adresser le salut, disant : « Si ceux-ci étaient des gens de politesse, ils auraient orienté leurs outres vers la qiblah. »
Il sera dit dans la conclusion, en ce qui concerne leurs bonnes manières en voyage, qu’il est recommandé à l’un d’eux, lorsqu’il voyage, de serrer sa taille et de rapprocher ses pas, car cela dissipe la difficulté de la fatigue.
Et dans le hadith : « Quand l’un de vous voyage, qu’il serre sa taille et qu’il rapproche ses pas. »
Il est également recommandé à chacun d’eux, lorsqu’il part en voyage, de prendre congé de ses frères en les embrassant s’ils sont des hommes, sinon de les saluer d’un signe s’ils sont des enfants, puis de leur adresser le salut et de marcher à reculons sans tourner le dos vers eux jusqu’à ce qu’il disparaisse derrière un mur ou qu’il s’éloigne beaucoup d’eux.
Puis, lorsqu’il revient et atteint sa destination, qu’il ne se précipite pas à faire ses ablutions pour se débarrasser de la fatigue du voyage, mais qu’il patiente jusqu’au troisième ou quatrième jour, car en cela réside un secret qu’ils goûtent.
Quant à ce qui apparaît, c’est que le voyageur essuie la fatigue, et il se peut que les ablutions corporelles lui nuisent et causent à ses articulations deux douleurs, contrairement aux parties du corps qui sont lavées pour les ablutions rituelles, parce qu’elles sont généralement découvertes, donc l’eau des ablutions ne leur nuit pas. Dieu est le plus Savant.
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- LES RELATIONS AVEC LES AUTRES TURÛQ
* Il fait partie de ses qualités de ne pas se considérer au-dessus d’un membre d’un groupe d’un autre Cheikh, car ce sont ses frères sur le chemin, car le chemin des Gens de Dieu est unique : même s’il est multiple, il revient à un seul.
Les gens n’ont pris un Cheikh que pour qu’il affûte leurs caractères et enlève leurs négligences, jusqu’à ce que l’un d’eux en vienne à penser que tous les gens sont sauvés et que lui seul est perdu.
Éprouve-toi ainsi, mon frère, car si tu vois que tu en es là, alors tu es sincère dans ta prétention à avoir bénéficié de la compagnie de ton Cheikh, sinon tu n’as rien obtenu.
Cette situation est devenue fréquente chez les pauvres de ce temps, où l’un d’eux accompagne le Cheikh jusqu’à sa mort, puis devient une scie dans les cercles des pauvres, ne plaisant à aucun d’eux, alors qu’il ne les a pas vus commettre de grands péchés ni persister dans de petits, et c’est là une des plus grandes formes de haine. Nous demandons à Dieu la protection (santé).
Si tu vois l’un d’eux dire : « Nos yeux n’ont plus vu personne comme notre Cheikh. » Il leur est répondu : « Que vous a-t-il apporté comme bénéfice ? » Et il ne trouve rien à répondre.
Et chaque groupe dit : « Notre Cheikh a fermé derrière lui la porte de Dieu, et il est difficile de profiter de quiconque parmi les Saints de son époque. » Nous demandons à Dieu la préservation [qu’Allah nous en préserve !]
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* Il appartient aussi à ses qualités de voir les bons côtés de ses frères et de fermer les yeux sur leurs défauts en bloc, ne cherchant jamais à examiner leurs fautes pour les confirmer.
Le Cheikh Abû Madyan al-Kamsânî, qu’Allah lui fasse miséricorde, disait : « La noblesse est de voir les qualités des frères et d’ignorer leurs défauts. »
وَكانَ يَقولُ: أَنْصِفْ إخوانَكَ وَاقْبَلِ النَّصيحَةَ مِمَّنْ هُوَ دونَكَ تُدْرِكْ شَرَفَ المَنازِلِ. وَكانَ يَقولُ: مَن أَحْوَجَ أَخاهُ إِلى سُؤالهِ عَنْ حاجَةٍ مِنَ الحَوائِجِ الَّتي يَقْدِرُ عَلَيْها، فَما وَفّى بِحَقِّ صُحْبَتِهِ وَلا إِخْوَتِهِ.
“Il disait : rends justice à tes frères et accepte le conseil même de quelqu’un qui t’est inférieur, tu atteindras la noblesse des degrés.
وَكانَ يَقولُ: مَنْ لَمْ يَتَفَقَّدْ عِيالَ أَخيهِ في غَيْبَتِهِ بِما يَحْتاجونَ إِلَيْهِ، فَقَدْ خانَ
الصُّحْبَةَ.
Il disait : celui qui ne prend pas soin des familles de ses frères en leur absence, selon leurs besoins, a trahi la compagnie.
Il disait : celui qui oblige son frère à lui demander quelque chose qu’il est capable de lui donner n’a pas rempli le droit de sa compagnie ni de sa fraternité.
وَكانَ يَقولُ: مَن مَيَّزَ بَيْنَ ثِيابِهِ وَثِيابِ أَخيهِ في المِلْكِ، فَما شَمَّ لِلصُّحْبَةِ رائِحَةً، وَإِنَّما صُحْبَتُهُ نِفاقٌ.
Il disait : celui qui distingue ses vêtements de ceux de son frère en propriété n’a pas senti le parfum de la vraie compagnie, sa fraternité n’est que pure hypocrisie.
وَكانَ يَقولُ: لَيْسَ بِأَخيكَ مَنِ احْتَجْتَ إِلى اسْتِئْذانِهِ في أَخْذِ شَيْءٍ مِنْ كيسِهِ.
Il disait : celui dont tu dois demander la permission pour prendre quelque chose dans sa bourse n’est pas ton frère.
وَكانَ يَقولُ: لا تَكْمُلُ صُحْبَتُكَ إِلّا بِانْشِراحِ صَدْرِكَ بِكُلِّ ما أَخَذَهُ الإخْوانُ مِنْ مالِكَ وَثِيابِكَ وَطَعامِكَ، وَمَتَى وَجَدْتَ انْقِباضًا لِذٰلِكَ فَأَنْتَ مُنافِقٌ في صُحْبَتِكَ.
Il disait : ta compagnie n’est complète que si ton cœur s’ouvre à tout ce que tes frères prennent de ton argent, de tes habits et de ta nourriture, et si tu ressens de la gêne pour cela, tu es hypocrite dans ta compagnie.
وَكانَ يَقولُ: مِنْ حَقِّ أَخيكَ عَلَيْكَ أَنْ تَتَحَبَّبَ إِلَيْهِ بِكُلِّ ما يُحِبُّ حَتّى لا يَجِدَ في نَفْسِهِ حَرَجًا مِنْ جِهَتِكَ في شَيْءٍ يَتَصَرَّفُ فيهِ مِنْ مالِكَ، وَمَنْ وَجَدَ ضِيقًا في صَدْرِهِ وَحَزازَةً إِذا أَخَذَ شَيْئًا مِنْ مالِكَ فَما قُمْتَ لَهُ بِواجِبِ حَقِّهِ عَلَيْكَ، فَإِنَّ الحَزازَةَ الَّتي يَجِدُها أَخوكَ حِينَ يَأْخُذُ مالَكَ مَثَلًا، إِنَّما هِيَ لِبَقِيَّةٍ بَقِيَتْ عَلَيْكَ مِنَ البُخْلِ، فَاعْمَلْ يا أَخِي عَلَى الإِحْسانِ إِلى إِخْوانِكَ حَسْبَ طاقَتِكَ لِيَكُونَ مَوْتُكَ عِنْدَهُمْ أَشَدَّ عَلَيْهِمْ مِنْ مَوْتِ أَبيهِمُ الشَّفيقِ، وَالحَمْدُ لِلّٰهِ رَبِّ العالَمينَ.
Il disait : parmi les droits de ton frère sur toi il y a que tu te rapproches de lui par tout ce qu’il aime, pour qu’il ne ressente aucune gêne envers toi dans ce qu’il utilise de tes biens. Si ton cœur se serre ou se remplit d’amertume lorsqu’il prend quelque chose de toi, c’est que tu n’as pas accompli ton devoir envers lui ; car cette amertume n’est que le reste de ton avarice. Alors, efforce-toi de faire du bien à tes frères autant que tu peux, afin que ta mort leur soit plus douloureuse que celle de leur père aimant. Louange à Dieu Seigneur des mondes.”
- Note on reconnaît bien dans cette suite de recommandations celles de l’« Ihyâ » dans le livre sur la fraternité : la différence ne touche que le domaine d’application
وَقَدْ كانَ رَجُلٌ يَعُولُ أَلْفَ نَفْسٍ، فَلَمّا ماتَ سَمِعوا صَريرَ نَعْشِهِ على أَعْناقِ الرِّجالِ، فَأَنْشَدَ شَخْصٌ:
وَلَيْسَ صَريرُ النَّعْشِ ما يَسْمَعُونَهُ
وَلٰكِنَّها أَصْلابُ قَوْمٍ تَقَصَّفُ
وَلَيْسَ عَبيرُ المِسْكِ ما تَشُمُّونَهُ
وَلٰكِنَّهُ ذاكَ الثَّناءُ المُخَلَّفُ
“Il y avait un homme qui subvint aux besoins de mille personnes. Lorsqu’il mourut, on entendit le grincement de son cercueil sur les épaules des hommes, et quelqu’un récita :
Ce n’est pas le grincement du cercueil que vous entendez,
mais ce sont les dos des hommes qui se brisent.
Ce n’est pas le parfum du musc que vous sentez,
mais c’est l’éloge qu’il a laissé derrière lui.”
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وَمِنْ شَأْنِهِ أَنْ لا يُحِبَّ العُلُوَّ على أَحَدٍ مِنْ إِخْوانِهِ في أَمْرٍ مِنْ أُمُورِ الدُّنْيا، فَقَدْ أَجْمَعَ الأَشْياخُ على أَنَّ حُبَّ العُلُوِّ على النّاسِ مِنْ أَقْوى أَسْبابِ الانْتِكاسِ.
هَبْ أَنَّ العاصِيَ مِنْ إِخْوانِكَ ناقِصُ المَقامِ، فَأَنْتَ أَنْقَصُ مِنْهُ، لأَنَّكَ تَرى نَفْسَكَ عَلَيْهِ، لا سِيَّما إِنْ كانَتْ بِسَبَبِ تَنْقِيصِكَ لَهُ أَصابَكَ فيهِ الكِبْرُ عَلَيْهِ، فَإِنَّكَ إِذا تَأَمَّلْتَ وَجَدْتَ نَفْسَكَ في التَّكَبُّرِ أَعْظَمَ مِنْهُ، فَلُمْ نَفْسَكَ أَوَّلًا قَبْلَ غَيْرِكَ.
*Il faisait partie de ses principes de ne pas aimer dominer un de ses frères dans une affaire mondaine. Les maîtres ont unanimement reconnu que l’amour de la supériorité sur les gens est l’une des causes les plus fortes de la ruine. Suppose qu’un de tes frères pécheurs ait une position diminuée : tu es encore plus diminué que lui si tu te places au-dessus de lui, surtout si, en le critiquant, tu ressens de l’orgueil envers lui ; en y réfléchissant, tu constateras que ton orgueil est plus grave que son péché. Reproche-toi donc à toi-même avant de blâmer les autres.”
وَقَدْ كانَ الشَّيْخُ أَبو مَدْيَنٍ رَضِيَ اللهُ عَنْهُ يَقولُ: انْكِسارُ العاصي خَيْرٌ مِنْ صَوْلَةِ المُطيعِ
“Le Cheikh Abû Madyan, que Dieu l’agrée, disait : l’humilité du pécheur vaut mieux que l’arrogance de l’obéissant.”
وَكانَ يَقولُ: مَنْ أَحَبَّ العُلُوَّ على إِخْوانِهِ، فَقَدْ فَتَحَ بابَ الظُّلْمِ مِنْ وُلاةِ زَمانِهِ، وَمَنْ رَأى نَفْسَهُ على مَشايِخِ عَصْرِهِ، فَقَدْ فَتَحَ بابَ ظُهُورِ الدَّجاجِلَةِ الفَتّانينَ في الدِّينِ.
“Il disait : celui qui aime la supériorité sur ses frères ouvre la porte à l’injustice qui viendra des gouvernants de son époque. Et celui qui se voit au-dessus des maîtres de son temps ouvre la porte à l’apparition des imposteurs corrupteurs en religion.”
اَلتَّمْوِيهُ بِالْبَاطِلِ فِي صُورَةِ حَقٍّ، كَمَا يَدَّعِي الدَّجَّالُ الْأَكْبَرُ أَنَّهُ يُحْيِي وَيُمِيتُ، وَيَفْعَلُ الْأُمُورَ الَّتِي لَا تَلِيقُ إِلَّا بِالْحَقِّ جَلَّ وَعَلَا، مِنْ بَابِ الِاسْتِدْرَاجِ وَالْمَكْرِ بِهِ وَاللّٰهُ تَعَالَى أَعْلَمُ هُوَ الْفَاعِلُ فِي كُلِّ ذٰلِكَ. فَاعْلَمْ أَنَّ مَنْ يَنْصَحُ إِخْوَانَهُ لَا يَخْرُجُ مِنَ الْإِثْمِ إِلَّا إِنْ رَأَى نَفْسَهُ دُونَ الْمَنْصُوحِ، فَيَنْصَحَ أَخَاهُ فِي حَالِ رُؤْيَةِ أَنَّ أَخَاهُ أَحْسَنُ حَالًا مِنْهُ، فَإِيَّاكَ يَا أَخِي وَالدَّعَاوَى الْكَاذِبَةَ ثُمَّ إِيَّاكَ، وَالْحَمْدُ لِلّٰهِ رَبِّ الْعَالَمِينَ.
La tromperie du faux sous l’apparence du vrai, comme le prétend le grand imposteur qu’il donne la vie et la mort et accomplit des choses qui ne conviennent qu’au Vrai, exalté soit-Il. Tout cela n’est qu’un leurre, une ruse divine — car Dieu est le véritable acteur de toute chose. Sache que celui qui conseille ses frères ne se libère du péché qu’en se considérant inférieur à celui qu’il conseille. Qu’il voie en son frère un meilleur état que le sien. Prends garde, mon frère, aux prétentions mensongères, prends-en garde, et louange à Dieu, Seigneur des mondes.
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وَمِنْ شَأْنِهِ أَنْ لَا يَغْفَلَ عَنْ نُصْحِ نَفْسِهِ وَإِخْوَانِهِ، فَلَا يَطْمَعَ فِي مَا فِي يَدِ الْخَلْقِ، وَلَا يُصَاحِبَ مُبْتَدِعًا، وَلَا امْرَأَةً، وَلَا يَرَى فِي شَيْخِهِ نَقْصًا، وَلَا يَغْفَلَ عَنْ ذِكْرِ رَبِّهِ، وَلَا عَنْ شُكْرِهِ، وَلَا يَتَخَلَّفَ عَنْ مَجَالِسِ الذِّكْرِ وَلَا عَنْ خِدْمَةِ الصَّالِحِينَ وَاحْتِرَامِهِمْ، فَإِنْ فَعَلَ ابْتَلَاهُ اللّٰهُ بِالْمَقْتِ بَيْنَ الْعِبَادِ.
* Qu’il ne néglige pas de se conseiller lui-même ni ses frères ; qu’il ne convoite pas ce qui est dans les mains des créatures ; qu’il n’accompagne ni l’innovateur ni la femme ; qu’il ne voie aucun défaut chez son maître ; qu’il ne néglige ni la mention de son Seigneur ni sa gratitude ; qu’il ne délaisse ni les assemblées du rappel ni le service et le respect des vertueux. S’il faillit à cela, Dieu l’éprouvera par le rejet parmi les serviteurs.
وَقَدْ قَالُوا: الطَّمَعُ فِي الْخَلْقِ شَكٌّ فِي إِيهَامٍ لِلْخَالِقِ.
وَقَالُوا: احْذَرْ مِنْ صُحْبَةِ الْمُبْتَدِعِ إِبْقَاءً عَلَى دِينِكَ، وَمِنْ صُحْبَةِ النِّسَاءِ إِبْقَاءً عَلَى قَلْبِكَ.
وَقَالُوا: مَنْ ظَهَرَ لَهُ فِي شَيْخِهِ نَقْصٌ عُدِمَ النَّفْعُ بِهِ.
وَقَالُوا: مَنْ غَفَلَ عَنْ ذِكْرِ رَبِّهِ فَقَدْ حَكَمَ الشَّيْطَانُ عَلَى نَفْسِهِ.
وَقَالُوا: مَنْ جَالَسَ الذَّاكِرِينَ انْتَبَهَ مِنْ غَفْلَتِهِ، وَمَنْ خَدَمَ الصَّالِحِينَ ارْتَفَعَ بِخِدْمَتِهِ.
On a dit : La convoitise envers les créatures est un doute déguisé envers le Créateur.
On a dit : Méfie-toi de la fréquentation des innovateurs pour protéger ta foi, et de celle des femmes pour préserver ton cœur.
On a dit : Celui qui voit un défaut chez son maître ne tirera aucun bénéfice de lui.
On a dit : Celui qui néglige le rappel de son Seigneur se met sous le jugement du démon.
On a dit : Celui qui s’assoit avec les gens du rappel s’éveille de sa négligence, et celui qui sert les vertueux s’élève par son service.
وَهَذِهِ الْأُمُورُ لَا يَسْتَهِينُ بِهَا إِلَّا جَاهِلٌ تَسْرِقُهُ الطِّبَاعُ، فَعَلَيْكَ يَا أَخِي بِالْعَمَلِ بِهَا وَاللّٰهُ يَتَوَلَّى هِدَاكَ.
Ces choses, seul un ignorant soumis à ses penchants les méprise. Attache-toi, mon frère, à les mettre en pratique, et Dieu guidera ta voie.
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وَمِنْ شَأْنِهِ أَنْ يَحُثَّ إِخْوَانَهُ عَلَى مُرَاعَاةِ اللّٰهِ تَعَالَى بِقُلُوبِهِمْ، وَلَا يَكْتَفِي أَحَدُهُمْ بِشُكْرِ النَّاسِ لَهُ عَلَى مَا يُظْهِرُهُ مِنْ أَعْمَالِهِ، مَعَ أَنَّهُ يُجَاهِرُ رَبَّهُ بِالْمَعَاصِي فِيمَا بَيْنَهُ وَبَيْنَ رَبِّهِ، فَإِنَّ ذٰلِكَ مِنْ عَلَامَاتِ الْمَقْتِ. وَمَا قَنِعَ أَحَدٌ بِشُكْرِ النَّاسِ إِلَّا كَشَفَ اللّٰهُ تَعَالَى عَوْرَتَهُ وَفَضَحَهُ وَلَوْ عَلَى طُولِ عُقُوبَةٍ لَهُ.
* Qu’il encourage ses frères à veiller sur Dieu dans leurs cœurs, et qu’aucun ne se satisfasse des remerciements des gens pour ses œuvres apparentes, alors qu’il commet ouvertement des fautes envers son Seigneur dans le secret. Cela est le signe du rejet divin.
Quiconque se contente de l’éloge des hommes verra Dieu dévoiler sa honte et le confondre — fût-ce après un long délai.
وَقَدْ كَانَ الشَّيْخُ أَبُو مَدْيَنٍ رَضِيَ اللّٰهُ عَنْهُ يَقُولُ: الْحَقُّ تَعَالَى مُطَّلِعٌ عَلَى السَّرَائِرِ وَالظَّوَاهِرِ وَالضَّمَائِرِ فِي كُلِّ نَفَسٍ وَحَالٍ، فَأَيُّمَا قَلْبٍ رَآهُ مُؤْثِرًا لَهُ، مُرَاقِبًا لَهُ، حَيِيًّا مِنْ رُؤْيَتِهِ إِلَيْهِ حَفِظَهُ مِنَ الطَّوَارِقِ وَالْعَوَائِقِ وَالْمِحَنِ وَمُضِلَّاتِ الْفِتَنِ.
Le Maître Abû Madyan — que Dieu l’agrée — disait : Le Vrai, exalté soit-Il, connaît les secrets, les apparences et les consciences dans chaque souffle et chaque état. Quiconque Il voit préférer Son regard, Le craindre et rougir de Sa présence, Il le protège des épreuves, des obstacles et des tentations trompeuses.
وَكَانَ يَقُولُ: مَنْ لَمْ يُرَاقِبْ نَظَرَ اللّٰهِ تَعَالَى إِلَيْهِ، نَظَرَ أَحْوَالَ نَفْسِهِ بِعَيْنِ الدَّعْوَى، وَأَفْعَالَهُ بِعَيْنِ الرِّيَاءِ، وَأَقْوَالَهُ بِعَيْنِ الِافْتِرَاءِ.
Il disait encore : Celui qui ne veille pas sur le regard que Dieu porte sur lui, voit ses états avec l’œil de la prétention, ses actes avec celui de l’ostentation, et ses paroles avec celui du mensonge.
وَكَانَ يَقُولُ: عُمْرُكَ كُلُّهُ نَفَسٌ وَاحِدٌ، فَاحْرِصْ أَنْ يَكُونَ لَكَ لَا عَلَيْكَ، وَلَيْسَ لِلْقَلْبِ إِلَّا وِجْهَةٌ وَاحِدَةٌ، فَمَتَى تَوَجَّهَ إِلَيْهَا حُجِبَ عَنْ غَيْرِهَا.
Il disait : Toute ta vie n’est qu’un seul souffle ; efforce-toi qu’il soit pour toi et non contre toi. Le cœur n’a qu’une seule direction ; dès qu’il s’y tourne, il est voilé de tout autre.
- Note : Expression de tawhid
وَكَانَ يَقُولُ: إِيَّاكَ أَنْ تُرَاقِبَ غَيْرَ اللّٰهِ وَتَمِيلَ إِلَيْهِ إِلَّا بِإِذْنِهِ، فَمَنْ فَعَلَ ذٰلِكَ سَلَبَهُ اللّٰهُ مُنَاجَاتَهُ.
Il disait : « Garde-toi d’observer un autre que Dieu ou de pencher vers lui sans Sa permission ; car celui qui agit ainsi, Dieu lui retire la conversation intime qu’il avait avec Lui. »
وَكَانَ يَقُولُ: أَضَرُّ الْأَشْيَاءِ عَلَى الْعَبْدِ مُخَالَطَةُ مَنْ لَا يَرَى حُبَّ رَبِّهِ فِي أَفْعَالِهِ وَأَقْوَالِهِ وَعَقَائِدِهِ. وَفِي رِوَايَةٍ أُخْرَى: مِنْ أَضَرِّ الْأَشْيَاءِ عَلَى الْمُرِيدِ صُحْبَةُ عَالِمٍ غَافِلٍ عَنْ مُرَاعَاةِ رَبِّهِ بِقَلْبِهِ، وَمُتَصَرِّفٍ جَاهِلٍ بِأَحْكَامِ الشَّرِيعَةِ، وَوَاعِظٍ يُدَاهِنُ النَّاسَ وَيُرَخِّصُ لَهُمْ طَلَبًا لِمَيْلِهِمْ إِلَيْهِ وَاللّٰهُ أَعْلَمُ.
Il disait aussi : « Ce qu’il y a de plus nuisible pour le serviteur, c’est de fréquenter quelqu’un qui ne voit pas l’amour de son Seigneur dans ses actes, paroles ou croyances. »
Dans une autre version : « Ce qu’il y a de plus nuisible pour le disciple, c’est la compagnie d’un savant distrait de la présence de son Seigneur dans son cœur, d’un homme ignorant des règles de la Loi, ou d’un prédicateur qui se montre complaisant avec les gens et leur accorde des facilités pour s’attirer leur faveur. Dieu est plus Savant. »
252
وَمِنْ شَأْنِهِ أَنْيَحُثَّ إِخْوَانَهُ عَلَى دَوَامِ الْحِمْيَةِ فِي الْأَبْدَانِ وَالْقُلُوبِ وَالنُّفُوسِ وَذٰلِكَ بِتَرْكِ الْمُخَالَفَاتِ وَعَدَمِ الرُّكُونِ إِلَى الْأَغْيَارِ وَتَرْكِ الدَّعْوَى، فَإِنَّ مَنْ وَقَعَ فِي وَاحِدَةٍ مِنْ هٰذِهِ الْخِصَالِ وَلَمْ يَحْتَمِ مِنْهَا فَهُوَ مَعْدُودٌ مِنْ رُعَاعِ النَّاسِ وَأَرَاذِلِهِمْ، فَكَمَا أَنَّ قُلُوبَ مَنْ يَحْتَمِي تَكُونُ مَعْمُورَةً بِذِكْرِ اللّٰهِ، كَذٰلِكَ يَكُونُ قَلْبُ مَنْ لَا يَحْتَمِي مَحَلًّا لِلْغَفْلَةِ وَالْوَسْوَاسِ.
* Il fait partie des convenances optimales du murid qu’il encourage ses frères à garder toujours une discipline dans le corps, le cœur et l’âme — par l’abandon des fautes, la méfiance envers toute créature et le rejet des prétentions spirituelles.
Celui qui tombe dans l’une de ces choses sans s’en préserver est compté parmi les gens vulgaires et négligents. Comme le cœur de celui qui se protège est habité par le rappel de Dieu, celui de celui qui se néglige devient le siège de l’insouciance et des suggestions mauvaises.
وَقَدْ كَانَ الشَّيْخُ أَبُو مَدِينٍ يَقُولُ: لَا يَنْفَعُ مَعَ الْوُقُوعِ فِي الْمُخَالَفَاتِ عَمَلٌ، كَمَا أَنَّهُ لَا يَنْفَعُ الْمَرِيضَ مَا يَصِفُهُ لَهُ الْحَكِيمُ مِنْ غَيْرِ حِمْيَةٍ، وَكَمَا أَنَّهُ لَا يَضُرُّ مَعَ التَّوَاضُعِ بَطَالَةٌ، كَذٰلِكَ لَا يَنْفَعُ مَعَ الْكِبْرِ عَمَلٌ، انْتَهَى وَاللّٰه
أَعْلَم.
Le Maître Abû Madyan disait : « Nulle œuvre ne sert lorsqu’on persiste dans les fautes, tout comme le remède du médecin ne profite pas au malade sans régime.
De même que l’inactivité ne nuit pas quand il y a humilité, de même aucune œuvre n’est utile quand il y a orgueil. » Fin de citation. Dieu sait mieux
253
وَمِنْ شَأْنِهِ أَنْ يُحَذِّرَ إِخْوَانَهُ مِنْ أَنْ يَطْلُبُوا بِعِبَادَاتِهِمْ مَقَامًا أَوْ حَالًا، فَإِنَّ مَنْ طَلَبَ لِنَفْسِهِ…
* Il aura pour habitude de mettre en garde ses frères contre le fait de chercher par leurs actes d’adoration un rang ou un état spirituel particulier, car celui qui cherche pour lui-même…
حالاً أو مقاماً، فهو بعيدٌ عن طُرُقَاتِ المَعَارِفِ . وكذلك ينبغي له أن يَحُثَّهُم على عِمَارَةِ أوقاتهم بالموافَقاتِ، ويسألهم أن يَحُثُّوهُ كذلك. وقد أجمعَ أهلُ الطريقِ على أنَّ كلَّ من طلبَ بأعمالِهِ مقاماً سَقَطَ من عينِ رِعَايَةِ اللهِ عزَّ وجلَّ. وقالوا: من لم يَسْتَغْنِ باللهِ تعالى على نفسه صَرَعَتْهُ .
(…) un état ou un degré spirituel est éloigné des voies de la connaissance.
Il doit aussi encourager les autres à remplir leur temps de ce qui leur est accordé spirituellement, et leur demander de l’encourager de même.
Tous les Gens de la Voie (chemin spirituel) s’accordent à dire que celui qui recherche un degré spirituel (maqâm) par ses œuvres tombe du regard de la bienveillance divine.
Ils ont dit : celui qui ne trouve pas son indépendance en Dieu est renversé par son propre moi.
وقالوا: من طلبَ الظهورَ بنفسه خَرَبَ قلبَهُ وتعسَّرَ عليه الوصولُ إلى شيءٍ من أحوالِ الصادقينَ، فهو يدَّعي الصلاحَ والحقُّ تعالى يُكذِّبُهُ وملائكتهُ وأولياؤهُ، ثمَّ يُحشَرُ يومَ القيامةِ في جُملةِ المنافقينَ .
Ils ont dit : Celui qui cherche à se mettre en avant par lui-même détruit son cœur et ne parvient pas à entrer dans les états des sincères. Il prétend à la droiture, mais la Vérité divine le dément, ainsi que Ses Anges et Ses Saints ; et il sera ressuscité au Jour du Jugement parmi les hypocrites.
254
ومن شأنهِ أن يَحُثَّ إخوانَهُ على العملِ على تَحصيلِ مشاهدةِ الحقِّ تعالى في حالِ عملِهم، فإنَّ الأخَ الصادقَ ربما يقومُ في بعضِ الأوقاتِ مقامَ الشيخِ. وقد طَالَتِ الطريقُ على غالبِ الناسِ من غفلتِهم عمَّا قُلْنَاهُ، فحُجِبُوا بالأعمالِ عن المعمولِ له، ولو أنَّهم كانوا لاحظوا المعمولَ له لاشتغلوا به عن رؤيةِ الأعمالِ، شَتَّانَ بينَ من همَّتُهُ الحورُ والقصورُ، وبينَ من همَّتُهُ رفعُ السُّتورِ ودوامُ الحضورِ .
* Il lui revient d’inciter ses frères à œuvrer pour atteindre la contemplation du Divin pendant leurs actes.
Le frère sincère peut parfois prendre, à certains moments, la place du Maître spirituel.
La Voie est devenue longue pour beaucoup à cause de leur distraction : ils se sont cachés derrière leurs œuvres au lieu de voir Celui pour qui elles sont faites ; s’ils L’avaient remarqué, ils se seraient occupés de Lui plutôt que de leurs œuvres — grande est la différence entre celui qui aspire aux houris et aux palais, et celui qui aspire à lever les voiles et rester en Présence.
وقد كان الشيخُ أبو العبّاسِ المَرسيّ يقولُ: من لم يقمْ بآدابِ أهلِ البداياتِ، فكيفَ يَستقيمُ لهُ مقاماتُ أهلِ النهاياتِ .
Le Maître Abû al-ʿAbbâs al-Mursî disait : « Celui qui ne respecte pas les convenances des débuts, comment les stations des fins pourraient-elles lui être justes ? »
وسمعتُ سيدي علِيّاً الخواصَ رحمهُ اللهُ يقولُ: كلُّ عملٍ لا يَحضُرُ فيهِ العبدُ مع ربِّهِ فهو كالميتةِ، وهو بالنفاقِ أشبهُ، وذلكَ لأنَّهُ يُوهِمُ الناسَ أنَّهُ حاضرٌ مع اللهِ تعالى حالَ مُناجاتِهِ، والحالُ أنَّهُ مع الخلقِ، وهو نفاقٌ1 وإنَّما كانوا كذلكَ لِلعِبِهم بالأديانِ. ومن هنا أباحَ الشرعُ نكاحَ الكتابيّاتِ للمسلمِ وحرَّمَ نكاحَ من لا كتابَ لها، فافهمْ انتهى .
J’ai entendu mon Maître ʿAlî al-Khawwâṣ (que Dieu lui fasse miséricorde) dire : « Toute œuvre où le serviteur n’est pas présent avec son Seigneur est comme un cadavre, et ressemble à l’hypocrisie. Il fait croire aux gens qu’il est en intimité avec Dieu alors qu’il est avec les créatures ; voilà le vrai mensonge.
Dieu dit : “Les hypocrites seront au fond le plus bas du feu.” Ils le sont parce qu’ils jouent avec la religion. C’est pour cela que la Loi permet au croyant d’épouser une femme des gens du Livre, mais interdit d’épouser celle qui n’a pas de livre révélé. Comprends bien cela ! »
وسمعتُهُ أيضاً يقولُ: إنما أشغلهم برؤية أعمالِهم لأنهم لم يُصلِحوا لمعرفتِهِ
واللهُ أعلمُ
Je l’ai aussi entendu dire : « Il les occupe à voir leurs œuvres parce qu’ils ne sont pas encore aptes à Le connaître ; et Allah est plus Savant»
255
ومن شأنهِ أن يُحذِّرَ إخوانَهُ من كلِّ شيءٍ يُؤذيهم ويُوقفُهم عن السيرِ، وقد قالوا: من ضيَّعَ حقوقَ إخوانهِ ابتلاهُ اللهُ تعالى بتضييعِ حقوقِهِ .
* Il lui revient aussi de mettre en garde ses frères contre tout ce qui les blesse ou les arrête dans leur marche. Ils ont dit : « Celui qui néglige les droits de ses frères, Dieu le met à l’épreuve en le faisant perdre ses propres droits. »
وكان الشيخُ أفضلَ الدينِ لا يَكادُ يتركُ نصحَ إخوانِهِ في شيءٍ ويقولُ: من غشَّ إخوانَهُ فهو دليلٌ على غشِّهِ لنفسِهِ . ورأى مرةً شخصاً يردُّ ما يُعطيهِ له الناسُ فقالَ : يا أخي تركُ الدنيا للدنيا شرٌّ من أخذِها، ففتِّشْ نفسك، فربما أتاكَ أخوكَ فرددتَهُ خوفاً أنْ يَسقُطَ مقامُكَ وجاهُكَ من قلبِهِ لا للهِ تعالى .
Le Maître Afḍal al-Dîn ne cessait jamais de conseiller ses frères et disait : « Celui qui trompe ses frères, c’est signe qu’il se trompe lui-même. »
Un jour, voyant quelqu’un repousser les dons des gens, il lui dit : « Ô mon frère, abandonner le monde pour le monde est pire que de le prendre. Examine-toi : peut-être as-tu refusé ton frère par peur de voir ton rang ou ton prestige diminuer dans son cœur, non par amour de Dieu. »
وسمعتُهُ مرةً أخرى يقولُ: إياكم أن تفتحوا على أنفسِكم بابَ تقديرِ مقاماتِ الطريقِ إخوانِكم، فتُقطعوا بذلكَ عن السيرِ، فإنَّ ذلكَ إنَّما هو من وظيفةِ الأشياخِ انتهى
واللهُ أعلمُ
وكذلكَ أن يُحذرَ إخوانَهُ من مجالسةِ أهلِ البدعِ فإنَّها مُجرَّبةٌ لإماتةِ القلبِ . وقد كانَ …
Je l’ai de nouveau entendu dire : « Gardez-vous d’ouvrir en vous le jugement des degrés spirituels de vos frères, car cela vous coupe de la marche sur la Voie. Ce n’est là que le rôle des Maîtres. » — Il en savait bien ; et il mettait aussi en garde ses frères contre la compagnie des gens de l’innovation, car elle est reconnue pour tuer le cœur.
و قد كان السَّلَفُ الصَّالِحُ كُلُّهُمْ يَقُولُونَ: مَنْ كَانَ فِيهِ أَدْنَى بِدْعَةٍ فَاحْذَرُوا مِنْ مُجَالَسَتِهِ، فَمَنْ تَسَاهَلَ فِي ذَلِكَ عَادَ عَلَيْهِ شُؤْمُهَا وَلَوْ بَعْدَ حِينٍ.
Les Pieux prédécesseurs disaient tous : « Celui en qui se trouve la moindre innovation (religieuse), prenez garde de le fréquenter. Car quiconque fait preuve de négligence à ce sujet verra son malheur revenir sur lui, fût-ce après un certain temps. »
وَقَدْ كَانَ الشَّيْخُ أَبُو مَدْيَنٍ رَضِيَ اللّٰهُ عَنْهُ يَقُولُ: بَلَغَنَا عَنْ مَالِكٍ رَضِيَ اللّٰهُ عَنْهُ أَنَّهُ كَانَ يَقُولُ: مَنْ اكْتَفَى بِالتَّعَبُّدِ دُونَ الْفِقْهِ خَرَجَ وَابْتَدَعَ، وَمَنْ اكْتَفَى بِالْكَلَامِ فِي الْعِلْمِ دُونَ الِاتِّصَافِ بِحَقِيقَتِهِ تَزَنْدَقَ وَانْقَطَعَ، وَمَنْ اكْتَفَى بِالْفِقْهِ دُونَ الْعَمَلِ بِهِ اغْتَرَّ وَانْخَدَعَ، وَمَنْ عَمِلَ بِمَا عَلِمَ تَخَلَّصَ وَارْتَفَعَ، وَمَنْ لَمْ يَأْخُذِ الْأَدَبَ مِنَ الْمُتَأَدِّبِينَ أَفْسَدَ مَنْ تَبِعَ، وَاللّٰهُ أَعْلَمُ.
Et le Cheikh Abū Madyan — que Dieu soit satisfait de lui — disait :
« Il nous est parvenu de Mālik — que Dieu soit satisfait de lui — qu’il disait :
Celui qui se contente de l’adoration sans la compréhension juridique s’égare et invente (une innovation).
Celui qui se contente de parler de science sans en revêtir la réalité tombe dans l’hérésie et se coupe (de la vérité).
Celui qui se contente du fiqh sans en appliquer les préceptes devient illusionné et trompé.
Celui qui agit selon ce qu’il sait est délivré et s’élève.
Et celui qui ne prend pas la bonne éducation auprès des gens de biens corrompt ceux qui le suivent.
Dieu est plus Savant. »
الحمد لله رب العالمين
و صلى الله على سيدنا محمد و على اله و صحبه و سلم
- إنَّ المنافقينَ في الدَّركِ الأسفلِ من النارِ [↩]
par Mohammed Abd es-Salâm le 18 octobre 2025, mis à jour le 25 décembre 2025