Définition du Taçawwuf – Cheikh Ahmed Zarrûq

Cet article reprend des données qui figurent dans la traduction en cours des Qawâ’id et-Taçawwuf du Cheikh Zarrûq.

Les commentaires de Shaykh Muhammad Mehenna sont en rouge dans le texte.

Avant propos

Traduction

« Louange à Dieu, comme il convient à l’excellence de Sa Gloire et de Sa Majesté. Que la Prière et le Salut divins soient sur notre seigneur Muhammad ainsi que sur sa Famille.

Le but de cet abrégé et de ses sections est d’introduire les règles du Taawwuf et ses fondements, d’une façon qui concilie la Loi exotérique et la Vérité Essentielle (yajma’u bayna al-Sharī’ah wa al-Haqīqah), en reliant les fondements [de la religion] et la jurisprudence avec la Voie initiatique (wa yailu al-uūl wa al-fiqh bi-t-Tarīqah).

Je compte sur Allah pour faciliter ce que j’ai voulu et je prends appui en Lui pour réaliser le but que je me suis fixé. Il nous suffit et Il est le meilleur Garant. Puis je dis : 

Commentaire

Le Shaykh Zarrūq précise que les règles (qawā’id) contenues dans le livre ne concernent pas exclusivement le Taṣawwuf, contrairement à ce que l’on pourrait imaginer de prime abord en lisant le titre de l’ouvrage. Cela est particulièrement vrai des premières règles qui doivent être conçues comme des principes généraux établissant et précisant les rapports entre différents niveaux de réalités ; d’une part entre la « jurisprudence (al-fiqh) », les « fondements de la religion (uūl al-dīn) » et la « Voie initiatique (at-Tarīqah) »; d’autre part entre la « Loi exotérique (al-Sharī’ah) » et la « Vérité Essentielle (al-Haqīqah) ».

Dans cette perspective, le degré de connaissance le plus élevé consiste à contempler les choses telles qu’elles sont en elles-mêmes, selon ce qui est rapporté dans le célèbre hadith dit « de Jibrīl ». Le Prophète y affirme en effet que la plus haute station de la religion est celle de l’Excellence (al-Ihsān) définie dans le texte comme le fait « que tu adores Allah comme si tu Le voyais » (ka annaka tarā-Hu). Le Taṣawwuf, qui est la science relative au domaine de l’Excellence comme cela sera expliqué plus loin1 , est donc le seul à pouvoir pleinement réaliser la totalité des règles présentées par le Shaykh Zarrūq, au plus haut degré de la hiérarchie des domaines et des disciplines de la science traditionnelle.

Pour ce qui est des autres termes mentionnés par le Shaykh, la science relative au dogme islamique, aujourd’hui communément désignée par les termes de ‘Aqīdah (Credo) ou ‘Ilm al-Tawhid (Science de l’Unité divine), est ici appelée « Uṣūl al-Dīn » (les Fondements de la religion). Anciennement, cette science regroupait à la fois des questions de théologie à proprement parler mais également les « fondements » (uṣūl) d’autres sciences qui en découlaient à titre d’application, telle la « branche » (far’ pl. furū’) de la « jurisprudence (al-fiqh) » mentionnée par le Shaykh Zarrūq. L’usage de cette terminologie introduit ainsi déjà un premier rapport hiérarchique, entre les sciences que le Shaykh désigne par les termes de « uṣūl » et de « fiqh », mais qui appartiennent encore toutes deux au domaine des prescriptions extérieures, c’est à dire de la « Sharī’ah ».

Pour situer ce domaine de la « Sharī’ah » au regard des domaines respectifs de la « Haqīqah » et de la « Tarīqah », voyons comment René Guénon présente ces notions dans son article intitulé L’écorce et le noyau :

« Ce titre, qui est celui d’un des nombreux traités de Sayidi Muhyiddîn ibn ‘Arabi, exprime sous une forme symbolique les rapports de l’exotérisme et de l’ésotérisme, comparés respectivement à l’enveloppe d’un fruit et à sa partie intérieure, pulpe ou amande. L’enveloppe ou l’écorce (al-qishr) c’est la sharī’ah , c’est-à-dire la loi religieuse extérieure, qui s’adresse à tous et qui est faite pour être suivie par tous, comme l’indique d’ailleurs le sens de « grande route » qui s’attache à la dérivation de son nom. Le noyau (al-lubb), c’est la haqīqah, c’est-à-dire la vérité ou la réalité essentielle, qui au contraire de la sharī’ah , n’est pas à la portée de tous, mais est réservée à ceux qui savent la découvrir sous les apparences et l’atteindre à travers les formes extérieures qui la recouvrent, la protégeant et la dissimulant tout à la fois […]

Ce dont il s’agit, sous quelque désignation que ce soit, c’est toujours l’« extérieur » (al-dhāhir) et l’« intérieur » (al-bātin), c’est-à-dire l’apparent et le caché, qui d’ailleurs sont tels par leur nature même, et non pas par l’effet de conventions quelconques ou de précautions prises artificiellement, sinon arbitrairement, par les détenteurs de la doctrine traditionnelle. Cet « extérieur » et cet « intérieur » sont figurés par la circonférence et son centre, ce qui peut être considéré comme la coupe même du fruit évoqué par le symbolisme précédent […] Pour passer de l’une à l’autre, donc de la circonférence au centre, il faut suivre un des rayons : c’est la tarīqah, c’est-à-dire le « sentier », la voie étroite qui n’est suivie que par un petit nombre […] » .

Ces précisions faites, on comprend sans peine que c’est dans la « Haqīqah » que réside le fondement de toutes les sciences traditionnelles qui garantit la régularité de toutes les conceptions et de toutes les pratiques religieuses.

Règle 1 :

DE LA MÉTHODE

Traduction

L’explication (al-kalām) d’une chose est une branche de la conception (al-taawwur) de son identité (māhiyyati-hi), de son intérêt et de sa substance, grâce à une perception acquise ou immédiate. C’est un prérequis auquel on se réfère pour traiter ce qu’elle englobe, soit par la réfutation, par l’acceptation, ou par l’établissement de son fondement et de ses ramifications. Il est donc nécessaire de la prendre en considération au préalable, avant de traiter le sujet en profondeur pour le faire connaitre, susciter son étude ou indiquer sa nature. Comprends donc !

Commentaire

L’imām Zarrûq débute son ouvrage avec une règle que l’on pourrait qualifier de « principe méthodologique », sous la forme d’un énoncé de pure logique (al-mantiq) qui fonde les considérations qui vont suivre.

Le Shaykh établit ainsi que « l’explication d’une chose », c’est à dire le propos exprimé à son sujet dans un langage explicite, « est une branche de », ou une partie qui reflète « la conception » qu’on se fait, en tant qu’image mentale ou forme conceptuelle, « de son identité »2 véritable, c’est à dire de ce que la chose est en elle-même, au degré de la vérité, indépendamment de toute forme, ainsi que « de son intérêt et de sa substance ».

Cette conception est formée « par le bais d’une perception », c’est à dire grâce à une faculté mentale de saisie qui peut être indirecte, lorsque cette perception est « acquise » par le biais d’un raisonnement, ou directe et « immédiate » comme dans le cas d’une intuition intellectuelle ou d’une « inspiration » 3 .

Cette conception « est un prérequis auquel on se réfère pour traiter » distinctivement des éléments « qu’elle englobe », traitement qui s’effectue à travers différentes formes de jugement, c’est-à-dire « soit par la réfutation, soit par l’acceptation, ou par l’établissement de son fondement et de ses ramifications ».

« Il est donc nécessaire de prendre en considération » cette conception « préalablement » à tout développement discursif, c’est-à-dire « avant de traiter le sujet en profondeur, de le faire connaitre, de susciter son étude ou d’indiquer sa nature »

Ce propos inaugural contient une référence implicite à la doctrine des domaines de l’existence (marātib al-wujūd) ou des états multiples de l’être. Le texte précise en effet que chaque chose possède trois degrés d’existence qui correspondent chacun à trois degrés de perception (idrāk) :

  • Le premier degré est la chose par essence (al-wujūd fî dhāti-hi), en elle-mêmeet sans conception surajoutée. Il est également considéré comme le niveau de l’existence véritable (al-wujūd al-haqīqī) ou le degré de la réalité essentielle (martabah al-haqīqah).
  • Le second degré est l’existence à travers la perception mentale (al-wujūd fī al-dhihn). La chose est alors revêtue par une image mentale interne, une « conception » qui n’est plus la chose elle-même mais la forme que lui donne le mental pour la percevoir.
  • Le troisième degré est l’existence à travers le langage (al-wujūd fī al-lughah). Il concerne l’expression ou l’« explication » de la chose et constitue la formulation extérieure de la conception mentale, ou l’expression sensible de la pensée par le langage.

Selon le Shaykh Zarrūq, les savants divergent à propos d’une même chose parce que l’idée qu’ils s’en font n’est pas la chose en elle-même (fî dhāti-hi) mais uniquement ce qu’ils en perçoivent (fī al-dhihn). L’opinion ou le jugement qu’ils émettent se base donc d’abord sur cette conception qu’ils se font de la chose en question, c’est-à-dire sur une représentation ou une image mentale (taṣawwūr). Or cette conception peut non seulement varier d’un individu à l’autre, mais également être plus ou moins fidèle à l’identité véritable (māhiyyah) de la chose considérée. Shaykh Mehanna rappelle que c’est précisément en ce sens que les logiciens énoncent : «le jugement porté sur la chose est une déclinaison de la conception de son identité » (al-hukmu ‘alā al-chay’i far’un ‘an taṣawwūr māhiyyati-hi)

Sous un autre rapport, on peut rapprocher ces trois niveaux des degrés de certitude suivants 4 :

  • le premier degré de certitude est celui de la « Réalité même de la Certitude » (Haqq al-Yaqīn) qui est la certitude de la réalisation par soi et en soi de la Vérité du connu (tahaqquq).
  • le second degré de certitude est « l’Œil de la Certitude » (‘Ayn al-Yaqīn), qui est la certitude intuitive, mais procédant d’une connaissance encore distinctive d’un sujet et d’un objet.
  • Le troisième degré de certitude est « Science de la Certitude » (Ilm al-Yaqīn) qui est la certitude théorique.

Ces trois degrés peuvent eux-mêmes être mis en relation avec trois niveaux d’existence ou trois « mondes » :

  • le premier niveau est le « monde de la Toute Puissance » (‘ālam al-Jabarūt) qui est le domaine supra-formel,
  • le second niveau est le « monde de la Royauté » (‘ālam al-Malakūt) qui est le domaine de la manifestation subtile,
  • le troisième niveau est le « monde du Royaume » (‘ālam al-Mulk) qui est le domaine de la manifestation sensible ou corporelle.

Ces quelques correspondances ne sont pas exclusives et d’autres pourraient encore être mentionnées. Nous espérons néanmoins qu’elles permettront au lecteur de mieux situer les domaines dont il est question dans cette première règle :

1er degréIdentité (māhiyyah) chose par essenceRéalité même de la Certitude (Haqq al-Yaqīn)Monde de la Toute Puissance (‘ālam al-Jabarūt)
2nd degréConception (taawwur) chose revêtue par une image mentale interneŒil de la Certitude (‘Ayn al-Yaqīn)Monde de la Royauté (‘ālam al-Malakūt)  
3ème degréExplication (kalām) expression explicite de la choseScience de la Certitude (Ilm al-Yaqīn)Monde du Royaume (‘ālam al-Mulk)

Règle 2 :

DÉFINITION DU TAṢAWWUF : LA SINCÉRITÉ DE L’ORIENTATION VERS ALLAH

Traduction

L’identité d’une chose (māhiyah al-chay’) est sa réalité essentielle (haqīqatu-hu), et sa réalité est ce qu’indique sa formulation [linguistique].

On peut la désigner par une définition, qui est [le moyen le] plus synthétique, ou par le biais d’une illustration, qui est [la façon la] plus claire, ou par une explication, qui la met en évidence de manière plus complète et plus rapide à comprendre.

[C’est ainsi que] le Taawwuf a été défini, illustré et expliqué de plus de deux mille façons, [alors que] leur référence unique est la sincérité de l’orientation vers Allah (idq al-tawajjuh ilā-Llah) – Exalté soit-Il. En réalité, ce sont différents aspects [que le Taawwuf inclut] en lui-même. Et Allah est plus savant.

Commentaire

L’imām Zarrûq a établi dans la première règle qu’il est nécessaire de connaitre l’identité (māhiyah) d’une chose avant de l’étudier en détail. Dans cette seconde qā’idah, le Shaykh ajoute que « l’identité d’une chose est sa réalité essentielle (haqīqah) » et que la réalité essentielle du Taṣawwuf est « la sincérité de l’orientation vers Allah (ṣidq al-tawajjuh ilā-Llah) ».  

Cette façon de présenter l’essence du Taṣawwuf montre sa parfaite orthodoxie tout en écartant les polémiques ou les contestations à son sujet. Elle montre également que les manifestations extérieures et formelles du Taṣawwuf ne suffisent pas à le définir. Sans cette sincérité d’adoration, ces apparences ne sont en effet qu’une coquille vide, lorsqu’elles ne sont pas tout simplement des innovations blâmables attachées à tort au Taṣawwuf 5.

Pour illustrer l’importance que le ṣidq occupe dans la hiérarchie des degrés spirituels, l’imām al-Qushayrī 6 rapporte de son maitre Abū ‘Alī al-Daqqāq que le degré de la sincérité vient immédiatement après celui de la prophétie, comme en témoigne l’ordre d’énumération du verset : « ceux qu’Allah a comblé de Sa Grâce : les Prophète (al-Nabiyyīn), les Sincères (al-Ṣiddiqīn) […] » 7 .

La description de ce degré spirituel (maqām) sera développée par plusieurs auteurs shādhilī dont le Shaykh Ahmad Ibn ‘Ajībah 8 qui définit le ṣidq au travers de trois aspects fondamentaux :

« 1) faire abstraction des exigences de l’âme lorsqu’on s’oriente vers Allah (isqāt hudhūdh al-nafs fī-l-wijhati ilā Allah), et ne compter que sur la sérénité de la certitude (thalj al-yaqīn) ;

2) faire coïncider l’extérieur et l’intérieur (istiwā’ al-dhahir wa al-bātin) dans les paroles, les actes et le comportement ;

3) tenir jalousement gardés les trésors du Tout-Miséricordieux (asrār ar-Rahmān) ».

Le Shaykh synthétise ensuite ces trois facettes de la façon suivante :

« c’est la purification de l’intérieur de toute préoccupation étrangère [à Allah] (taṣfiyah al-bātin min al-iltifāt ilā al-ghayr bi-l-kulliyah). »9

En présentant l’essence du Taṣawwuf comme la « sincérité de l’orientation vers Allah», l’imām Zarrūq le définit par sa méthode ou son moyen d’accès (ta’rīf al-wasīlah), tandis qu’il existe d’autres définitions qui insistent sur l’objectif (ta’rīf al-ghāyah). Le Shaykh Muhammad Zakī al-Dīn Ibrāhīm définit quant à lui le Taṣawwuf comme la « science de la méthode de la Connaissance d’Allah » (‘ilm fiqh al-ma’rifati bi-Llah) 10 , en faisant implicitement référence au verset : « Je n’ai créé les djinns et les hommes que pour qu’ils M’adorent » (wa mā khalaqtu al-jinna wa al-insa illā li ya’budūn) 11 et selon le commentaire d’Ibn ‘Abbas « que pour qu’ils Me connaissent » (illā li ya’rifūn). On peut aussi remarquer que cette dernière définition inclut la première, au moins en principe, dans la mesure où le terme fiqh peut également désigner la méthode.

Règle 3 :

RAISON DE LA MULTITUDE DES DÉFINITIONS DU TAṢAWWUF

Traduction

Cette diversité [présentée dans la règle précédente] concernant une réalité unique indique la difficulté de la saisir dans son ensemble. Et si elle [cette diversité de conceptions] se réfère à un même fondement, comprenant l’ensemble des dires à son sujet, ces formulations expriment [alors] le sens que l’on a compris de leur fondement. Toutes ces formulations correspondent [dans ce cas] à ses aspects détaillés [exprimés par les différentes définitions]. La considération de chacune d’elles sera appréciée selon son mode d’acquisition, soit par la science [par elle-même], soit par [la traduction de la science en] acte, soit par l’état [spirituel], soit par « gustation » [spirituelle] ou d’autres [modes de connaissance].

De là provient la diversité des conceptions concernant le Taṣawwuf. Ainsi, le hāfidh Abū Nu’aym -qu’Allah lui fasse Miséricorde- cite, dans sa description des caractéristiques de la plupart des gens mentionnés dans sa Hilyah 12 , une parole exprimant leur état spirituel [et auquel correspond une définition du Taṣawwuf], en disant : « On dit que le Taṣawwuf est comme ceci ou comme cela ». Il a fait comprendre ainsi que celui qui a une part de sincérité envers Lui a une « part » de Taṣawwuf, et que le Taṣawwuf de chacun c’est la sincérité de son orientation envers Lui (Taṣawwuf kulli ahad ṣidq tawajjuhi-Hi). Comprends donc !

Commentaire

A propos des définitions du Taawwuf, René Guénon indique dans un compte-rendu : 

« Le Sufi véritable est donc celui qui possède cette Sagesse, ou, en d’autres termes, il est al-ārif bi’Llah, c’est-à-dire « celui qui connaît par Dieu », car Il ne peut être connu que par Lui-même ; et quiconque n’a pas atteint ce degré suprême ne peut pas être dit réellement Sufi, mais seulement mutaṣawwuf. Ces dernières considérations donnent la meilleure définition possible d’at-Taṣawwuf pour autant qu’il soit permis de parler ici de définition (car il ne peut y en avoir proprement que pour ce qui est limité par sa nature même, ce qui n’est pas le cas) ; pour la compléter, il faudrait répéter tout ce que nous avons dit précédemment sur l’initiation et ses conditions, et nous ne pouvons mieux faire que d’y renvoyer nos lecteurs. Les formules que l’on trouve dans les traités les plus connus […] ne peuvent être vraiment regardées comme des définitions […] car elles n’atteignent pas directement l’essentiel ; elles sont seulement des « approximations », si l’on peut dire, destinées avant tout à fournir un point de départ à la réflexion et à la méditation, soit en indiquant les moyens et en ne laissant entrevoir le but que d’une façon plus ou moins voilée, soit en décrivant les signes extérieurs des états intérieurs atteints à tel ou tel degré de la réalisation initiatique » 13 .

Concernant la gustation spirituelle (al-dhawq) considéré comme un des modes d’acquisition dans cette règle, Michel Vâlsan, fait la note suivante :

« Le dhawq = « goût », « acte de goûter », « savourement », est dans la terminologie technique du Taṣawwuf « le début d’un dévoilement initiatique ». On emploie cependant ce terme dans un sens plus large pour désigner d’une façon générale la connaissance initiatique, surtout en opposition avec la connaissance théorique. Ahlu-dh-Dhawq sont régulièrement les Initiés effectifs à un ordre de connaissance dont on traite » 14 . Selon le contexte, Michel Vâlsan traduit parfois dhawq par « expérience directe » ou « connaissance propre ».


ARTICLES THÉMATIQUES correspondants :

GENERALITES SUR LE TASAWWUF

GÉNÉRALITÉS SUR LES RÈGLES DE L’INITIATION


  1. Cf. la règle n°5. []
  2. Le terme māhiyyah exprime proprement « ce que la chose est en elle-même », sa « réalité essentielle » (haqīqatu-hu) comme cela sera précisé dans la règle suivante. Nous avons opté dans notre traduction pour le terme « identité » mais nous aurions également pu rendre māhiyyah par « essence », « ipséité » ou « quiddité ». []
  3. Nous avons plus particulièrement en vue ici le terme ilhām. A propos de ces « inspirations », Shaykh Muhammad Mehanna précise que selon certains savants : lorsqu’elles surviennent par mode d’audition (samā’an) on les appelle « discours » (mukhātabāt) ; lorsqu’elle surviennent par mode de vision (ru’yatan) on les appelle « contemplations » (mushāhadāt) ; et lorsqu’elles surviennent par mode de science (‘ilman) on les appelle « dévoilements » (mukāshafāt). []
  4. Annotation de Michel Vâlsan dans Muhy ed-Dīn Ibn Arabī, Textes sur la Connaissance suprême(Le Livre des Instructions), Revue Études Traditionnelles, 1952, n°299. []
  5. Au sujet de ces manifestations extérieures telles qu’elles peuvent exister en terre d’islam, cf. la traduction du poème Laysa al-Taṣawwuf consultable sur le site internet du Porteur de Savoir. []
  6. Abū al-Qāsim al-Qushayrī (m. 465H/1073) est un savant originaire de la région de Nishapur, connu pour son commentaire du Coran intitulé Laṭā’if al-Ishārāt et sa célèbre Risâlah al-Qushayriyyah, œuvre fondatrice en matière de Taṣawwuf dont est extrait le passage cité ici. []
  7. Coran : 4, 69. Le verset complet est : « Ceux qui obéissent à Allah et à l’Envoyé sont avec ceux qu’Allah a comblé de Sa Grâce : les Prophète (al-Nabiyyīn), les Sincères (al-Ṣiddiqīn), les Martyrs (al-Shuhadā’), les Vertueux (al-Ṣālihīn). Que voilà d’excellents compagnons ! » []
  8. Autorité shādhilī du XVIIIe siècle, Ahmad ibn Muhammad ibn al-Mahdī ibn ‘Ajībah (m. 1224H/1809) est un saint marocain originaire de Tétouan. Il est déjà savant accompli dans les sciences exotériques lorsqu’il entre dans la voie initiatique sous la tutelle du Shaykh Muhammad al-‘Arabī al-Darqāwī (m. 1238H/1823). Ibn Ajībah est célèbre pour plusieurs ouvrages et notamment son commentaire du Coran intitulé al-Bahr al-Madīd fī Tafsīr al-Qur’ān al-Majīd , son commentaire des Hikam du Shaykh Ibn ‘Atā’ Allah intitulé Iqādh al-Himam fī Sharh al-Hikam, son commentaire d’al-Mabāhith al-Aṣliyyah intitulé Futûhāt al-Ilāhiyyah, ainsi qu’un livre surles différents modes de récitation du Coran intitulé Durar al-Nāthirah fī Tawjīh al-Qirā’āt al-Mutawātirah. L’ouvrage que nous citerons ici à plusieurs reprises est un lexique terminologique du Taṣawwuf qui s’intitule Mi’rāj at-Tachawwūf ilā Haqāïq at-Taṣawwūf. []
  9. Mi’rāj at-Tachawwūf ilā Haqāïq at-Taṣawwūf, Traduction de J-L Michon, publiée sous le titre Le Soufi marocain Ahmad Ibn ‘Ajiba et son Mi’rāj, ed. Librairie philosophique J. Vrin, Paris, 1989. []
  10. Muhammad Zakī Ibrāhīm, al-Khitāb. Traduction intégrale intitulée Propos Général Sur le Soufisme disponible sur le site internet Le Porteur de Savoir. []
  11. وَمَا خَلَقۡتُ ٱلۡجِنَّ وَٱلۡإِنسَ إِلَّا لِيَعۡبُدُونِ , Coran : 51, 57 []
  12. Abū Nu`’aym al-Iṣfahānī est un savant du hadith du XIe siècle., historien, exégète, juriste et maitre de Taṣawwuf. La Parure des saints et les degrés des plus purs (Hilyah al-’Awliyā’ wa Tabaqāt al-’Aṣfiyā’) contient 688 notices biographiques des plus grandes figures de sainteté de l’Islam, depuis la période des Compagnons de Prophète ﷺ jusqu’à l’époque d’Abū Nuʿaym. []
  13. René Guénon, Articles et Comptes Rendus, Tome 1, Le Soufisme, publié dans le numéro d’août-septembre 1934 du Voile d’Isis. []
  14. Michel Vâlsan, Le Livre de l’Extinction dans la Contemplation (Kitābu-l-Fanā’i fī-l-Mushāhada), Traduit de l’arabe, présenté et annoté par Michel Vâlsan, Editions de l’Œuvre, 1984 []

par le 26 septembre 2012, mis à jour le 11 novembre 2021

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