« Le diable est le maître de celui qui n’a pas de Maître »

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من ليس له شيخ شيخه الشيطان

« Le diable est le maître de celui qui n’a pas de Maître»

Parole généralement attribuée au Cheikh Abû Yazîd Al-Bistamî (m. 874)

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Commentaires

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Extrait de « Rapports entre Fiqh et Taçawwuf – Cheikh Sa’îd Hawwâ » (décédé en 1984)

«Dans le passé, les juristes disaient : « Quiconque s’initie au fiqh sans s’initier au tasawwuf tombe dans la perversion. Et quiconque s’initie au tasawwuf sans s’initier au fiqh tombe dans l’hérésie. Quiconque allie les deux atteint la vérité. » Le tasawwuf est donc indispensable pour compléter le fiqh, et le fiqh est indispensable pour gouverner le tasawwuf et pour orienter et diriger les œuvres. Quiconque passe à côté de l’un de ces aspects aura manqué la moitié de l’affaire…

Le tasawwuf et le fiqh sont deux sciences complémentaires, lorsqu’on les oppose telle est véritablement l’erreur, l’égarement, ou encore la déviance. Ce que l’on entend par opposition ici, c’est le fait que le soufi parte loin du fiqh, alors que le fiqh est son gouvernail, ou que le juriste s’écarte de l’application car telle est la corruption du coeur. Le juriste se doit de s’initier au tasawwuf de même que le soufi se doit de s’initier au fiqh, l’objectif étant que le savoir du juriste comprenne ce qui touche aux lois et également ce qui touche à la voie de la mise en oeuvre et de l’accomplissement, et que le savoir du soufi comprenne les lois qui lui sont nécessaires, et que tout ceci soit accompagné par une œuvre correcte à la lumière d’une science authentique.

C’est pourquoi les grands Imâms du cheminement spirituel, comme le Sheikh Ar-Rifâ`î, disent : « La finalité des savants et des soufis est la même. » Nous tenons ce propos ici parce que certains ignorants se réclamant du tasawwuf lancent à la figure de tout un chacun la phrase : « Quiconque n’a pas un maître, le diable est son maître. » Ce propos est tenu par un soufi ignorant appelant à son maître ignorant, comme il est tenu par un soufi ignorant appelant à son savantissime maître, et à tort lorsque le propos n’est pas placé à bon escient. Celui qui n’a pas de maître est l’individu ignorant qui ne s’instruit pas et refuse toute instruction. Un tel personnage a pour maître le diable. Quant à celui qui avance à la lumière de la science, ses guides sont la science et la loi.

Parmi les règles citées par Sheikh Zarrûq dans son livre Qawâ`id At-Tasawwuf (Les règles du tasawwuf) figure le besoin d’un maître pour l’aspirant. Il dit à ce sujet : « La piété ne nécessite pas un maître car elle est claire. » Il dit également : « Le livre suffit à la promotion du doué mais ce dernier n’est pas à l’abri de sa propre bêtise. » L’essentiel est donc la capacité de l’individu à apprendre, suivie du cheminement à la lumière de la science… Tel est le minimum qu’Allâh exige de Ses serviteurs. Ceci peut se vérifier chez un individu capable d’apprendre et de comprendre par des lectures personnelles dans les ouvrages reconnus et authentifiés, tout comme il peut puiser auprès d’un savant pratiquant, fût-il communément qualifié de soufi ou non, et nous y reviendrons. Nous souhaitions simplement le rappeler et le répéter plus d’une fois.

Revenons maintenant à notre propos. Le tasawwuf et le fiqh sont deux sciences complémentaires. Elles sont toutes les deux nécessaires à chacun, en notant bien que les besoins des uns et des autres varient. L’approfondissement de ces sciences ou l’une d’elle est une obligation de suffisance communautaire (fard kifâyah) et est souhaitable pour tout musulman».

Tarbiyatunâ Rûyyiha – Sheikh Sa’id Hawwâ

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« Je suis le cheikh de celui qui n’a pas de cheikh » – Cheikh Ahmad Al-Rifâ’î

Le Cheikh Ahmad Al-Rifâ’î a déclaré – qu’Allah soit Satisfait de lui 1  :

« Je suis le refuge (ma’wâ) de ceux qui sont isolés (munqati’în), je suis le refuge de toute brebis boiteuse égarée (inqita’at fi-t-tarîq), je suis le cheikh des faibles (‘awâjiz), je suis le cheikh de celui qui n’a pas de cheikh (anâ cheikhu man lâ cheikhun la-hu2 ; ainsi le diable ne peut être le cheikh d’un des hommes de la communauté de Mohammed ﷺ3.

[Ceci constitue] un engagement (‘ahd) de ma part, par délégation (bi-niyâbah) du Prophète ﷺ , un engagement général (‘amm) [valable] jusqu’au jour de la Résurrection ; le Trône est la qiblah des aspirations (himam) , la Ka’bah est la qiblah des corps 4 et Ahmad la qiblah des cœurs » .

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Les deux références précédentes montrent à l’évidence que la compréhension du Tasawwuf islamique et sa mise en oeuvre intelligente et efficace, comme dans bien d’autres domaines d’ailleurs, ne consiste pas à répéter indéfiniment des paroles, même des plus grands Saints, sans en comprendre toujours le sens profond et en postulant qu’elles ont une portée aussi absolue et définitive qu’intemporelle. On risque fort, si l’on maintient en effet une telle attitude, à la fois d’essayer de mettre en oeuvre des conceptions et des pratiques plus ou moins dépassées tout en manquant de prendre en considération avec le réalisme nécessaire la survenue d’un certain nombre des modifications méthodiques établies au cours du temps par les autorités traditionnelles régulièrement habilitées à les exprimer comme autant de réponses aux différentes manifestations de la dégénérescence des conditions cycliques.

w-Allah a’lam

Mohammed Abd es-Salâm

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Article connexe

Position de Cheikh Mohammed Zakî ed-Dîn Ibrâhîm sur les modes d’enseignement du Maître spirituel dans la Tarîqa Mohammediya Chadhiliya – M.A.S. (art. total)

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par le 8 août 2014, mis à jour le 9 août 2014

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