Hadith sur le fait de fuir les perturbations et les séditions (commenté par L. Zamboni)

En collaboration avec la maison d’édition italienne Orientamento-Al Qibla dont nous remercions le responsable,  L. Zamboni, pour avoir permis cette publication 1

Chapitre onze

du Sahih d’Al-Bukhârî 2

باب من الدين الفرار من الفتن

« Le fait de fuir les perturbations et les séditions (al-fitan) fait partie de la Religion »

   حدثنا عبد الله بن مسلمة عن مالك عن عبد الرحمن بن عبد الله بن عبد الرحمن بن أبي صعصعة عن أبيه عن أبي سعيد الخدري رضي الله عنه أنه قال  قال رسول الله صلى الله عليه وسلم يوشك أن يكون خير مال المسلم غنم يتبع بها شعف الجبال ومواقع القطر يفر بدينه من الفتن 

19 Abû Saîd al-Khudrîyy raconte que l’Envoyé de Dieu (que la prière et la paix divines soient sur lui) dît : “viendra le temps où le meilleur patrimoine du musulman sera un troupeau avec lequel il ira chercher les cimes des montagnes et les lieux irrigués par la pluie, fuyant, pour sa religion, les perturbations et les séditions”.

Commentaire

12 (19) Le terme fitna (pluriel : fitan) désigne de manière tout à fait générale le ‘désordre’ qui est causé par les hommes en divers milieux à cause de l’oubli des principes traditionnels, et les ‘perturbations’ relatives qui se déchaînent inévitablement, de manière souvent incontrôlable. Au niveau des rapports entre sexes, la fitna est l’action de ‘séduction’ qu’une personne exerce sur les autres du fait de sa beauté et de son charme (ou de sa malice), et qui provoque le ‘trouble’ dans la mesure où cela s’actualise hors de ce qui est licite et opportun ; dans le domaine politique et social, la fitna est la ‘sédition’, désignant ce qui est instauré pour subvertir l’ordre et révolutionner les rapports sociaux, quand cela n’est pas justifié par les dispositions traditionnelles, qui, dans des cas extrêmes, permettent aux croyants de se rebeller à qui détient la souveraineté ; dans la Religion, la fitna s’identifie à l’action d’altération des principes, et même de profanation, exercée par les sectes et des groupes qui refusent l’Orthodoxie traditionnelle. On remarque ainsi qu’il est impossible de traduire ce mot par un seul terme en français, du fait de la richesse de sens contenu dans l’original ; d’où notre traduction du mot fitan par les deux mots “troubles et séditions. Quant à la raison de l’insertion de ce hadith dans le ‘Livre de la foi’, Al-Qastalânî fait justement remarquer de quelle manière Al-Bukhârî considère implicitement la ‘fuite des troubles et de la sédition’ comme une ramification de la foi […]. “le meilleur patrimoine du musulman sera un troupeau: le pastoralisme est traditionnellement considéré en Islam comme une activité bénie, laquelle permet en l’exerçant d’obtenir la quiétude parfaite (sakîna) ; selon un dire prophétique cité par Ibn Battâl, “Dieu n’a jamais envoyé un prophète qui n’eut porté des brebis à pâturer. “Fuyant pour sa religion: on peut également entendre par l’expression arabe bi dîni-hi le sens de ‘par sa religion’. Le hadîth pose une question plutôt importante : celle de la licéité (et dans certains cas de l’opportunité) de la uzla, c’est-à-dire de s’isoler des gens pour protéger la pureté de sa vie religieuse et spirituelle, et cela dans une forme traditionnelle, l’islam, qui n’admet pas le monachisme, du moins dans les formes qu’il a revêtues dans le Christianisme, et qui met bien en évidence les responsabilités sociales du croyant. Dans ‘l’histoire sacrée’ des premiers temps de l’Islam nous avons l’exemple d’un compagnon du Prophète (la Prière et la Paix divine soient sur lui), Salam Ibn al-Akwa’ qui à partir de la période où le troisième ‘calife bien guidé’ ‘Uthman fut assassiné, cessa de vivre en société. Selon ce que rapporte Ibn Battâl, al-ajjâj demanda à Salama : “Que fais-tu ? es-tu revenu sur tes pas ou bien as-tu adopté les coutumes des Arabes nomades ? “Non lui répondit Salama, “mais c’est l’Envoyé de Dieu qui m’a permis de vivre dans les endroits déserts (al-badw). Dans un hadîth que al-Ghazâlî reprend de Abu Dâwûd, le Prophète que la prière et la paix divines soient sur lui parle de l’avènement futur de la fitna en ces termes : “ce sera quand tu verras les accords trahis et les dépôts de confiance pris à la légère, et quand tu verras les gens ainsi et il unît les doigts les entrelaçant. L’un des présents, Abd Allâh Ibnu ‘Amr se leva et lui demanda : “que devrai-je faire dans ce cas ? “reste attaché à ta maison répondît le Prophète que la prière et la paix divines soient sur lui, “freine ta langue, prends ce que tu connais et laisse ce que tu ne connais pas. Et tiens t’en à l’exemple de l’élite spirituelle (al-khâssa) et reste loin de l’exemple de la gens commune (al-âmma)3 . Dans le passage suivant, Al-Qastalânî rappelle les diverses opinions qui se réfèrent à l’opportunité de ne pas se mélanger aux gens et conclut par une évaluation qui implique les différents degrés spirituels des hommes : “l’isolement des autres (al-‘uzla), lorsque apparaissent les fitna est chose louable, à l’exception de celui qui est capable de mettre fin à l’état de désordre : celui-là en effet, est tenu de se mélanger aux hommes ; l’obligation d’intervenir, selon les situations et les possibilités sera considérée comme strictement personnelle (fard ‘ayn), ou parce que le fait que certains s’en vont l’accomplir en soulage d’autres (fard kifâya). Il y a toutefois divergence d’opinion quant au fait de s’isoler des autres lorsqu’il n’existe pas d’état de désordre. Ash-Shâfii considère, qu’en ce cas, il est préférable de rester parmi les gens, car cela permet ainsi d’apprendre des autres, de leur enseigner, de se dédier plus activement à l’adoration, le bon comportement spirituel (adâb) ainsi que le caractère se perfectionnent, étant donné que douceur, patience, humilité et connaissance des normes obligatoires se révèlent ; en outres, rester parmi les gens permet de grossir les files des musulmans, on va rendre visite aux malades, participer aux funérailles, on est présent à la prière du vendredi et aux rassemblements où l’on se rappelle à Dieu. D’autres en revanche préfèrent dans tous les cas s’isoler de la population car de cette manière ils sont assurément en sécurité, ils mettent en œuvre ce qu’ils ont appris [sur le plan spirituel] et ils s’habituent à se rappeler à Allah continuellement. [On peut dire en général que] la perfection de l’homme peut se réaliser aussi bien en compagnie des autres que dans l’isolement. Certes, l’érudit qui ne se sent pas en sécurité en la compagnie des autres, devra rester en retraite. D’autre part, celui qui connaît véritablement le Vrai et Le suit, comme il reconnaît ce qui est vain et en reste distant, devra rester avec les autres ; et de la même manière, celui qui n’a pas la connaissance est tenu de rester en compagnie [des croyants] de façon à pouvoir l’acquérir. Il vaut la peine de remarquer l’importance, dans la constitution même de l’Islam, de l’indication prophétique ‘de fuir pour sa propre religion’ de la survenue de la fitna : il devient ainsi possible pour les croyants de se détacher des groupes et communautés organisées, dans le cas ou ceux-ci seraient gravement influencés par les troubles et les déviations que nous avons décrits. Tout bien considéré, cela est en relation avec l’orientation ‘verticale’ plus que ‘horizontale’ typique de l’Islam, et qui rend cette tradition très difficilement perméable, dans son profond, par l’action subversive que nous voyons s’opérer actuellement dans tous les milieux.

 Traduction originale et commentaire de Lodovico Zamboni 4

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Articles connexes :

Position de la ‘Achirah Mohammediyah concernant la fitna – D. Mohammed Mehanna

Politique et fitna

La relation entre savants et dirigeants – par Oussama Al Azhari et Al Habib Ali (Cheikh Anass Tigra)

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  1. Nous tenons ici à insister particulièrement sur l’importance que revêt, selon nous, une telle initiative en tant qu’elle constitue un travail réel d’unification et de renforcement réciproque au sein de turûq différentes. []
  2. Extrait traduit de Al-Bukhârî: Il Sahîh, ovvero ‘La giustissima sintesi’. I Libri introduttivi. []
  3. Iyâ’ ‘ulûm ad-dîn, Livre sur les normes sacrées concernant la retraite (vol. II, p. 291). []
  4. Traduit de l’italien par Sarah B. que nous remercions chaleureusement. []

par le 1 janvier 2016, mis à jour le 25 août 2016

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