« La « grammaire des cœurs » de ʿAbd al-Karīm al-Qušayrī » – Francesco Chiabotti

Dans L’Ésotérisme de Dante 1 , René Guénon indique qu’ « une œuvre initiatique peut revêtir les apparences d’un simple traité de grammaire ».

La langue arabe et la grammaire sont en effet susceptibles d’interprétations spirituelles comme le montrent à loisir les exégèses coraniques soufies mais aussi plus particulièrement les commentaires de traités grammaticaux basiques tel l’Ajurumiyyah, sous la plume de maîtres comme Ibn Ajîbah par exemple 2 ,  révélant le sens profond de cette science qui fut une des premières à être codifiée en Islam 3 .

L’apport d’Al-Quchayrî en ce domaine est tout à fait remarquable et peut-être même pionnier, comme semble le suggérer la présentation du traité dont nous rendons compte ici. Al-Quchayrî est en effet l’auteur de deux œuvres originales intitulés La grammaire des coeurs : l’une qualifié de majeure (kabîr) et l’autre de mineure (saghîr) qui présentent une interprétation spirituelle et  initiatique globale, plus approfondie dans l’œuvre majeure, de la grammaire arabe . Nous insistons tout particulièrement ici sur la dimension initiatique – c’est-à-dire qui se rapporte à la progression spirituelle de l’être – qui ne s’arrête pas uniquement à la signification spirituelle de cette science mais approfondit aussi ses correspondances méthodiques ; on peut voir ici un exemple particulièrement frappant des liens entre les règles de l’initiation et la « science des lettres » , dans une perspective qui nous semble bien plus profitable que certaines spéculations à propos desquelles nous nous sommes déjà prononcés.

La lecture de ce second opus, dans la traduction soignée proposée par Francesco Chiabotti, donnera donc au lecteur ayant quelques bases de grammaire arabe de précieuses indications quant aux implications initiatiques de cette science et lui offrira certainement une aide et une « nourriture » pour son cheminement spirituel et son approfondissement de la langue sacrée 4 . Quant à ceux qui n’ont pas encore franchit le stade de l’apprentissage de la lecture ou des bases de la grammaire, nul doute que ces nouvelles perspectives soient de nature à les encourager dans cette acquisition de la « clé du savoir en islam » que constitue la langue arabe, wa bi-Llah et-Tawfîq !

Mostafâ Mansûr (M.L.B.)

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Naḥw al-qulūb al-ṣaġīr : La « grammaire des cœurs » de ʿAbd al-Karīm al-Qušayrī – Présentation et traduction annotée par Francesco Chiabotti  (pdf en ligne)

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Sur le même sujet :

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  1. Chap. II,  La « Fede Santa » []
  2. Quelques extraits ont d’ailleurs été traduit par J.-L. Michon dans sa thèse sur cet auteur, parue chez VRIN. []
  3. Cette codification est liée bien évidemment à la nécessité de comprendre les subtilités linguistiques de l’arabe pour la lecture et l’interprétation du Coran. Sur ce point cf. par ex. cet intéressant article sur « La naissance de la grammaire arabe« . []
  4. Le lecteur pourra aussi prolonger sa réflexion en lisant les « Nouvelles notes sur le Nahw Ichârî »  du même auteur (pdf : à partir de la page 28) qui approfondissent le symbolisme du langage en rapport notamment avec l’Existence cosmique, microcosmique en particulier ; on y trouvera également de nouvelles références historique relatives à la tradition du commentaire spirituel des traités grammaticaux dans l' »après-Quchayrî ». []

par le 29 avril 2016, mis à jour le 29 avril 2016