La prière essentielle (al-dhâtiyyah) du Cheikh al-Akbar Muhyi al-Dîn Ibn al-Arabî

الصلاة الذاتية للشيخ الأكبر سيدي محيي الدين بن العربي

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64ème prière du recueil Sa’adat ed-darayn1

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اللَّهُمَّ صَلِّ وَسَلِّمْ وَبَارِكْ عَلَى الطَّلْعَةِ الذَّاتِ الْمُطَلْسَمِ

« Allâhumma accomplis Ta prière, étends Ta salutation et répands Ta bénédiction sur la Face de l’Essence inviolable,

 وَالْغَيْثِ الْمُطَمْطَمِ , وَالْكَمَالِ الْمُكَتَّمِ

la Pluie surabondante2, la Perfection impénétrable3,

 لاهُوتِ الْجَمَالِ , وَنَاسُوتِ الْوِصَالِ وَطَلْعَةِ الْحَقِّ

la « Nature divine » de la Beauté, la « Nature humaine » de l’Union, la Face du Dieu-Vrai4,

 هُوِيَّةِ إِنْسَانِ الأَزَلِ , فِي نَشْرِ مَنْ لَمْ يَزَلُ

 l’Ipséité de l’Homme de l’ « Eternité-sans-commencement » dans le déploiement de Celui qui « ne-cesse-pas-d’être »,

 مَنْ أَقَمْتَ بِهِ نَوَاسِيتَ الْفَرْقِ, إِلَى طُرُقِ الْحَقِّ

Celui par lequel Tu as dressé les « natures humaines » de la séparation vers les Voies menant au Dieu-Vrai

 . صَلِّ اللَّهُمَّ بِهِ مِنْهُ فِيهِ عَلَيْهِ وَسَلِّمْ تَسْلِيمًا كَثِيرًا

Allâhumma accomplis Ta prière pour lui, de lui, en lui et sur lui et  transmets lui Ta salutation pacifiante de manière abondante

 وَالْحَمْدُ للهِ رَبِّ الْعَالَمِين

et la Louange revient à Allah, le Seigneur des Mondes »

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Commentaire

Le commentateur Cheikh Ahmad ibn Sulayman – qu’Allah lui fasse miséricorde – a dit […], d’après certains savants enseignants (ahl el-‘ilm wa-t-ta’lîm), d’après le guide parfait (al-murshid al-kâmil) Seyyidî Moçtafâ al-Hussaynî al-Çiddîqî, d’après le Cheikh Abd al-Ghanî al-Nâbulsî : «  En vérité la lecture de cette formule équivaut à la récompense [de celle] des Dalâ’il al-Khayrât ; par elle, son auteur, le Pôle insurpassable (al-Qutb al-Afkhar), Seyyidî Cheikh al-Akbar, a atteint (waçala) les stations (maqâmât) de Gens de la Connaissance (ahl el-‘irfân) et est parvenu au degré de Pôle suprême de l’époque (çâr ghawth az-zamân5 ). Par elle, la Roue cosmique a tourné en sa faveur (wa bi-hâ la-hu dârat rahâ-l-kawn)6 et la Gloire et l’Aide [divines] (al-majd wa-l-’awn) lui sont parvenues7.

Cheikh Yusûf al-Nabbahani

Notes du traducteur

V3 – 5 juillet 2012 – Note finale


  1. Une autre version de cette prière a fait l’objet d’un intéressant commentaire par le Cheikh Ibn Ajîbah. Une traduction de ce texte a été publiée par Sidi Raouf Ghrairi dans le numéro 126 de la revue Vers la tradition. []
  2. Le terme ghayth qui désigne une pluie abondante est renforcé par celui de tamtam qui provient de la racine tamma et évoque l’idée d’ « inondation », d’ « engloutissement » ou de « submersion ». Il s’agit donc proprement d’une pluie diluvienne. La pluie est, en islam comme dans toutes les traditions, un symbole de la Miséricorde divine et plus particulièrement de la descente des influences spirituelles ou célestes (Cf. René Guénon, « La lumière et la pluie » repris dans les Symboles [fondamentaux] de la Science sacrée). On sait d’autre part l’importance de l’élément « Eau » dans les rites de purification islamiques ainsi que le rôle cosmogonique primordial qu’on lui reconnait:  » Nous avons produit à partir de l’eau toute chose vivante » (Coran, s.21, v.30). Sur tout ceci et aussi sur les rapports entre la pluie et la Révélation, on se reportera avec profit au « Symbole coranique de l’eau » de Martin Lings in Études traditionnelles n°421-22 (1970).  []
  3. Litt. « imperméable », « étanche » ;  il y a probablement là un « jeu de mot » avec le qualificatif précédent. Si l’on ne craignait quelque amalgame, on pourrait parler de Perfection « hermétique », au sens actuel du terme. []
  4. Le Prophète – ‘alayhi-s-salat wa-s-sallam – a dit « Celui qui me voit, voit le Vrai lui-même » (man raânî faqad raâ-l-Haqq).  Il s’agit là proprement, selon René Guénon, du « mystère de la manifestation « prophétique ». Tout ceci est en rapport direct avec la question d’al-Rûh ou de Metatron (Seyyidnâ Mîtatrûn – alayhi-s-Salâm) qui est aussi désigné dans la tradition hébraïque comme l’ « Ange de la Face » (Cf. René Guénon, « Er-rûh » repris dans Aperçus sur l’ésotérisme islamique et le taoisme et Michel Vâlsan « Le Triangle de l’Androgyne et le Monosyllabe « OM » repris dans l’Islam et la fonction de René Guénon (Eds de l’Oeuvre).  []
  5. Le Cheikh Jalûl al-Jazîrî indique dans son « Livre de l’implication de l’allégresse et de l’espoir » (Idkhâl es-surûr wa-l-âmal), d’après certains recueils (kanânîsh), que celui qui la récite est réuni avec le Pôle (ijtima’ bi-l-qutb). []
  6. Litt. : « le moulin du cosmos a tourné pour lui ». Le  symbolisme de la Roue cosmique est en étroit rapport avec celui du Pôle, celui-ci est en effet « le moteur immobile » de celle-là, son axe de rotation et son centre. []
  7. Dans le recueil des oraisons et des prières prières sur le Prophète du cheikh al-Akbar publié en 2009 par un des professeurs de l’Académie de taçawwuf de l’Imâm al-Ra’îd, le Cheikh Gûdah Al-Mahdî – rahimahu-Llah, il est mentionné à propos de la récitation de cette prière, les bénéfices suivants: « l’augmentation de l’amour du Prophète – sur lui la Paix et le Salut, l’élévation spirituelle (at-taraqqî), les ouvertures initiatiques (futûh) et l’augmentation du désir ardent (shawq) ». []

par le 18 février 2012, mis à jour le 10 avril 2017

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