La relation entre savants et dirigeants – par Oussama Al Azhari et Al Habib Ali (Cheikh Anass Tigra)

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Lors de ces dernières années nous avons été régulièrement questionnés sur les rapports existant entre savants traditionnels et dirigeants politiques à notre époque.

Il nous faut préciser ici que cette question s’inscrit plus largement dans celle de rapports entre l’Autorité spirituelle et le pouvoir temporel. A ce propos, nous ne pouvons que recommander la lecture de l’ouvrage éponyme de René Guénon dans lequel il dégage de manière magistrale les principes universels qui régissent ces rapports.

Cette étude est importante car elle offre à l’initié les clés pour mieux comprendre le rôle central et prédominant du domaine spirituel sur le domaine temporel, sur le plan initiatique tout d’abord mais également – comme par reflet – dans l’ordre cosmologique ainsi que religieux et social.

Nous redirons cependant, dans le prolongement de la récente note « Politique et fitna« , qu’une fois assimilées ces données doctrinales somme toute assez élémentaires par le simple initié 1 , il nous semble indispensable qu’il se tienne à distance des préoccupations d’ordre politique au sens strict ainsi que de tout engagement partisan quel qu’il soit.

Comme le souligne Guénon 2 :

Les conceptions de cet ordre ne pouvaient avoir, aux yeux de ceux qui possédaient certaines connaissances, qu’une importance somme toute très secondaire, celle d’une application possible parmi beaucoup d’autres ; nous ajouterons même que, partout où elles en sont arrivées à prendre une trop grande place et à devenir prédominantes, elles ont été invariablement une cause de dégénérescence et de déviation.

Il ajoute de plus, en note, une remarque que nous faisons entièrement nôtre :

L’exemple de certaines organisations musulmanes, dans lesquelles des préoccupations politiques ont en quelque sorte étouffé la spiritualité originelle, est très net à cet égard.

V2 – 17 novembre 2016

On soulignera à ce propos, une fois encore, la cohérence profonde entre l’enseignement de Guénon et celui du Cheikh Mohammed Zakî Ibrâhîm qui déclarait dans ses Pactes mineurs :

Allah vous prescrit de croire que la politique constituée en partis, telle quelle est actuellement, est une maladie mortelle et détestable pour la nation, la religion, la société, l’homme, la moralité ; “Et ne vous penchez pas vers les injustes : sinon le feu vous atteindrait” 3.

 

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Bien qu’il existe une importante littérature islamique sur ces sujets, dont quelques références classiques sont accessibles en français (al-Mawardî notamment ou encore Al-Ghazâlî), il nous a paru utile de présenter la vidéo suivante, traduite par Anass Tigra et son équipe, qui a l’avantage de proposer une explication synthétique des principes qui régissent les rapports entre savants et dirigeants, présentée par des autorités exotériques et ésotériques contemporaines renommées autant pour leur connaissance profonde de l’époque actuelle et de ce qu’elle implique que pour leurs propres rapports avec le pouvoir temporel dans divers pays du monde islamique actuel.

Mostafâ Mansûr (M.L.B.)

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Une petite erreur s’est glissée dans la traduction, à la 14ème minute : le Seyyid Oussâmah ne parle pas du Qadî Iyyâd mais bien de Fudhayl Ibn Iyyâd le célèbre saint et ascète.

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  1. C’est à dire par celui qui n’a pas de fonction spéciale qui puisse l’amener à entretenir des rapports quelconques avec certains dirigeants politiques. []
  2. « À  propos des constructeurs du Moyen-Âge » repris dans Études sur la Franc-Maçonnerie et le Compagnonnage, tome 1. []
  3. 11ème Pacte – Dans les lignes qui précèdent immédiatement ce passage le Cheikh déclare : « Notre Da‘wa est, comme vous le voyez, un appel de restauration (da’wah içlâhyyah), couvrant tous les aspects de la vie, visant à faire revenir les musulmans à leur mission première et à leur héritage en ce qui concerne l’orientation de la vie vers les rangs les plus hauts, ce qui, selon nous, se réalise par voie de sagesse (hikmah), de souplesse (yusr), de tolérance (samâhah), de persuasion (iqna’), de progressivité (tadarruj), de sérénité (hudû), en donnant la priorité à ce qui est important et en exploitant les possibilités existantes, selon la volonté d’Allah, en commençant par soi-même puis par les plus proches. En agissant de cette manière la Da‘wa doit couvrir le monde arabe en particulier, puis le monde religieux en général ; le Prophète dit à ce propos : “Qui ne s’intéresse pas aux affaires des musulmans ne fait pas partie d’eux”. A ce propos, on se reportera à la 9ème sagesse du Cheikh Zakî Al-Dîn (et à la référence de Confucius citée en note, d’après Guénon) qui détaille le processus de propagation de la da’wah, processus d’ordre purement intérieur au départ qui se propage graduellement à l’extérieur de l’être à la mesure de sa propre réalisation personnelle. []

par le 19 novembre 2015, mis à jour le 17 novembre 2016

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