Le « double rattachement » : position de la branche française de la Tarîqah Mohammediyah Châdhiliyah- M.A.S.

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بسم الله الرحمن الرحيم

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والصلاة والسلام على سيدنا محمد رسول الله وآله وصحبه ومن والاه

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En considération du développement d’une tendance aux effets trop souvent désastreux et si rarement bénéfiques, il est apparu nécessaire et utile d’exprimer aussi clairement que possible la position de la branche française de la Tarîqah Mohammediyah Châdhiliyah sur ce qu’il est convenu d’appeler le « double rattachement » ou la « double appartenance », à savoir la situation du musulman qui est simultanément rattaché au sein du Taçawwuf islamique et au sein de la Franc-Maçonnerie.

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Nous commencerons par rappeler ce qui figure déjà à ce propos dans les Conditions générales de rattachement et de participation à la branche francaise de la Tarîqah concernant les « rattachements multiples ».

 » Il est exigé du postulant au rattachement à la Tarîqah qui aurait préalablement contracté un rattachement à la Franc-Maçonnerie, ou à une organisation initiatique non-islamique, de couper toute relation avec l’organisation en question et de cesser de mettre en œuvre tout moyen initiatique reçu dans ce cadre.

Le musulman ayant déjà un rattachement dans au moins une autre Tarîqah est tenu de le signaler lors de sa demande de rattachement.

Malgré ce qui a pu être dit à ce sujet de plus favorable (publiquement ou même dans le cadre privé d’une correspondance écrite, par exemple), ces mesures sont pleinement justifiées par le souci de préserver des illusions liées aux rattachements multiples, des hétérogénéités et des disharmonies qu’ils sont susceptibles d’engendrer et qu’ils amènent effectivement de nos jours de manière croissante, dans des domaines aussi différents que le domaine méthodique, parfois rituel et disciplinaire, tant dans l’attitude psychologique que dans l’équilibre mental.

Elles ont pour but de favoriser ce qui unit, renforce et concentre, dans une Tarîqah qui présente un équilibre exceptionnel, régulier et harmonieux d’apports riches et diversifiés de barakah et de moyens initiatiques qui sont, à la fois, pleinement cohérents entre eux et avec l’exotérisme islamique (charî’ah). »

Suivant l’adage qui indique que « deux sûretés valent mieux qu’une » et afin de ne pas laisser subsister la moindre imprécision ni la moindre possibilité d’incompréhension, nous ajoutons ici à ces remarques que la disposition concernant le rattachement vaut également pour toute simple participation, même exceptionnelle, à une activité initiatique quelconque de la tarîqah.

Toute personne qui se trouverait ainsi dans une situation de « double rattachement » ne pourrait prétendre assister, en particulier et par exemple, à l’une quelconque de nos séances de dhikr. Cet accès ne serait éventuellement possible qu’à celui qui considérerait alors que le rattachement qu’il a contracté auprès de cette organisation ne serait plus d’actualité (ou plus « actualisé »), ayant décidé de ne plus mettre en œuvre aucun des moyens initiatiques auxquels il aurait eu accès de cette manière et de rompre toute relation initiatique avec la Franc-Maçonnerie.

Il suffirait alors à cette personne de faire savoir expressément, et comme préalable nécessaire, qu’elle rompt ses liens actifs avec cette organisation de la manière précisée ci-dessus pour que puisse être envisagée de la meilleure manière quelque activité au sein de notre tarîqah, même dans le cadre d’une simple visite occasionnelle de « courtoisie » ou de voisinage.  A l’inverse, toute personne qui, tout en se trouvant dans une situation de « double rattachement » et informée des présentes conditions 1, agirait à l’encontre de celles-ci le ferait alors dans un état dont chacun peut apprécier d’ores et déjà la nature et dont elle aurait à supporter seule les conséquences.

Il doit être bien entendu par ailleurs, que ces mesures n’empêchent en rien que des relations tout à fait normales puissent exister et se développer, selon les affinités éventuelles de chacun, en dehors de tout contexte directement rituel de tarîqah et dans le respect des convenances et des règles islamiques exotériques générales ; et cette remarque inclut évidemment tout membre d’une organisation initiatique régulière, même non-islamique.

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Après avoir exposé ces conditions, que la Tarîqah Mohammediyah Châdhiliyah semble être à ce jour l’une des seules (si ce n’est la seule) à appliquer et à faire connaître de cette manière, nous tenons aussi à dire le plus clairement possible et avec l’insistance nécessaire que rien de ce qui concerne ces dispositions, strictement internes, ne saurait être interprété comme un dénigrement ou une attaque envers quelque organisation initiatique régulière que ce soit. La Franc-Maçonnerie n’a été ici prise en exemple qu’en considération de la réalité que constitue le développement croissant des doubles rattachements qui ont lieu en relation avec elle, ainsi que des troubles que génère dans les temps actuels la dualité de telles situations ; mais l’ensemble des présentes remarques est exactement applicable à tout cas similaire.

Le Taçawwuf en général et notre branche en particulier étant tout entiers placés sous l’égide du Tawhîd, en tant que doctrine et en tant que méthode, il s’agit uniquement de chercher à mettre en oeuvre et à préserver les conditions d’un processus initiatique nécessaire d’unification et, comme cela est nettement exprimé plus haut, d’éviter les désagréments ou les obstacles liés à la dispersion de situations entachées de dualité, voire de duplicité, en préservant  » des illusions liées aux rattachements multiples, des hétérogénéités et des disharmonies qu’ils sont susceptibles d’engendrer et qu’ils amènent effectivement de nos jours de manière croissante, dans des domaines aussi différents que le domaine méthodique, parfois rituel et disciplinaire, tant dans l’attitude psychologique que dans l’équilibre mental. »

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Nous profitons de la présente occasion pour dire que notre tarîqah n’a aucune velléité particulière vis-à-vis d’aucune organisation régulière, quelle qu’elle soit.

17 sept. 2015 – V11

En particulier, nous n’avons pas pour projet ni pour prétention, ni présents ni à venir, de chercher à intégrer ou à investir la Franc-Maçonnerie « dans le but de la revivifier à partir d’éléments initiatiques orientaux« . Nous précisons de plus que nous nous désolidarisons totalement et aussi clairement que possible de toute tentative de transmission de quelque Nom divin que ce soit qui aurait pu ou pourrait être présentée, à destination de la Franc-Maçonnerie, au nom de la Tarîqah Mohammediyyah Châdhiliyyah, tout document (ijâzah) éventuellement produit à cette occasion étant détenu irrégulièrement, suite à rétractation du idhn afférent, et devant être considéré comme « nul et non-avenu » pour l’ensemble de son contenu.

Nous n’avons pas comme but affiché ou réel de chercher à intégrer la Franc-Maçonnerie pour « l’islamiser de l’intérieur« , ni davantage celui de chercher ainsi à revêtir une apparence qui permettrait une meilleure intégration dans le tissu social d’un pays 2.

Dans leur ensemble et sans distinction, les membres de la Tarîqah Mohammediyah Châdhiliyah ont en effet pour But unique, premier et ultime de chercher à connaître la Face de leur Seigneur et ils considèrent que cette évidente très noble tâche se suffit amplement à elle-même, au sein d’une organisation complète et intégrale telle que la leur.

Quant à ceux qui tendent vers un autre but, qui prétendent être en mesure de réaliser (ou de faire réaliser à d’autres) au sein de la Franc-Maçonnerie ce qu’ils n’ont pas encore effectivement réalisé dans leur propre voie initiatique islamique tout en demeurant dans celle-ci, ils sont libres de penser et d’agir comme ils le veulent.

Nous ne sommes en rien solidaires de leurs conceptions et de leurs agissements.

Nous attirons particulièrement l’attention sur le fait que la prétention éventuelle de certains d’entre eux d’agir au nom de la Tarîqah Mohammediyah Chadhiliyah dans une voie qui diffèrerait, sous le moindre rapport, de celle qui est exposée ici ne pourrait donc être qu’une marque de tromperie et d’usurpation manifestes 3.

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Nous formons l’espoir que ces quelques précisions contribueront à assainir la situation de ceux qui, déjà engagés dans une perspective dont nous connaissons parfaitement bien les origines (épistolaire et livresque) et dont ils pensaient qu’elle était d’actualité pour le plus grand nombre, constatent non seulement qu’elle est loin de produire finalement les effets favorables qu’elle était sensée amener mais surtout qu’elle en produit bien plus de néfastes.

Nous espérons également que l’on prendra conscience que la difficulté des temps que nous vivons, pourtant bien connue dans des milieux réputés informés, impose comme règle générale de réduire résolument ses ambitions initiatiques à l’aune de sa propre personne et de délaisser les chants chimériques des sirènes qui appellent à la réalisation de « projets eschatologiques » dont on devrait pourtant comprendre, si l’on est un tant soit peu sincère avec soi-même et avec autrui, ce qu’ils impliquent comme tout préalable nécessaire en termes de réalisation initiatique effective.

Mohammed Abd es-Salâm

Khadîm et-Tarîqah

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  1. La nécessité de s’informer activement des conditions de participation à une activité initiatique quelconque s’impose d’elle-même puisqu’il s’agit d’une pratique qui n’a rien de nécessaire. []
  2. Sans vouloir allonger maintenant la liste de ce genre de conceptions, ajoutons pour l’instant et dans cet ordre aussi que nous ne considérons pas plus que le rattachement à la Franc-Maçonnerie devrait constituer un préalable quelconque à un rattachement au Taçawwuf, ni que le musulman aurait préalablement à réaliser là ce qu’il ne pourrait pas réaliser ici, ou plus difficilement. []
  3. Dans ce contexte très particulier (nous voulons désigner ici ce qui peut être irrégulièrement présenté au nom de la Tarîqah Mohammediyyah Châdhiliyyah), précisons incidemment et à toutes fins utiles que le retrait d’une ijâzah régulièrement reçue est tout aussi possible et lui-même parfaitement régulier. A la différence de ce qui peut se passer lorsque le détenteur de l’ijâzah ainsi reçue prend appui sur elle pour prendre son indépendance d’avec le cheikh qui la lui a remise, le retrait d’ijâzah effectué par le cheikh transmetteur est opérant ipso facto, par la cessation immédiate du idhn qui la vivifiait et qui rend inefficace la transmission régulière de quoi que ce soit qui pourrait être tenté dans le cadre de l’ijâzah retirée ; et dire ainsi que le cas du Moqaddem qui, se rendant indépendant de son Cheikh pour des raisons valables, garde l’usage effectif de l’ijâzah qu’il a reçue de lui, est le même que celui du Moqaddem à qui son Cheikh retire tout aussi effectivement son ijâzah relève donc à l’évidence de la plus pure malhonnêteté et du mensonge manifeste. L’éventuelle présentation du document écrit formalisant le idhn antérieur (dont la restitution a été demandée suite au retrait par le cheikh donateur et qui reste pourtant entre les mains de celui qui ne devrait plus en être raisonnablement détenteur) ne ferait donc, dans ces conditions, que renforcer non plus seulement la tromperie et l’usurpation mais le caractère de  véritable « mascarade » dont parle René Guénon à ce sujet. Pour ce qui concerne plus directement la Tarîqah Mohammediyyah Châdhiliyyah, on ne saurait donc que conseiller aux personnes qui auraient été ou seraient concernées par de tels agissements de considérer l’ensemble de ceux-ci avec la plus grande méfiance, pour ne pas dire de remettre totalement en cause leur régularité et leur sérieux, d’autant plus qu’ils se manifesteraient accompagnés de tout ou partie de la cohorte des autres anomalies et « curiosités » déjà répertoriées. []

par le 25 novembre 2011, mis à jour le 18 août 2016

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