Le murîd gagnant

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Historiette initiatique (Hikâyah)

Un murîd se rendant chez son Cheikh pour obtenir de lui un conseil dans la Voie trouva celui-ci en grande discussion avec un de ses frères qui pressait le Cheikh avec insistance.

Le Cheikh lui demanda quel était l’objet de sa visite mais, occupé par les échanges, ne put répondre à sa demande comme il l’aurait voulu. Le voyant se résigner à patienter, il lui tendit finalement … un oignon (baçal) qui se trouvait à portée de main.

Le murîd s’en empara et rentra chez lui puis, quelques temps plus part, demanda à nouveau audience à son Cheikh. Celui-ci l’accueillit avec joie : « Yâ sidi, lui dit le murîd, depuis ma visite j’ai été gratifié par Allah –subhâna-Hu wa ta’âlâ– du Fath ! ». « Comment cela ? » interrogea le Cheikh. « En me concentrant sur ce que tu m’as donné et en répétant « El-baçal, el-baçal, el-baçal … »

L’histoire ne dit pas si l’autre murîd avait obtenu gain de cause, s’il avait même raison ou pas et quelle était la nature des échanges. On ne sait pas, non plus, quel fut son sort dans la Voie.

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Commentaire

Ce récit insiste sur la différence entre les attitudes des deux disciples : ce n’est pas la banale discussion, surtout quand elle est passionnée, avec son Cheikh ou avec quiconque, justifiée ou pas, qui est déterminante pour le murîd dans son sulûk mais la pureté de son intention, sa sincérité et la confiance qu’il accorde à son Cheikh, même au regard du caractère apparemment insignifiant et dérisoire du moyen que celui-ci peut être amené à mettre entre ses mains pour son Travail.

A ce propos, notons enfin, d’une part que le résultat obtenu apparaît être sans commune mesure avec le « support de concentration » offert et, d’autre part, que les choses sont présentées de telle manière qu’il n’est pas certain que le Cheikh ait nécessairement eu la maîtrise de ce qu’il faisait.

w-Allah a’lam

Mohammed Abd es-Salâm

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13 sept. – V2

Extrait du adab 132 des Lawâqîh de l’Imâm Charânî

« On a vu, plus haut dans le chapitre, que le disciple ne doit pas presser le Cheikh à répondre lorsqu’il lui a fait part d’un événement qui lui est arrivé ou d’une question concernant les états spirituels de la Voie.

Au contraire, il se réjouira du Cheikh quand celui-ci ne lui répondra pas à ce propos. Les Maîtres disent qu’il doit, quand il ne répond pas à ses questions, lui prescrire des actes qui lèveront le voile concernant ce qu’il a demandé pour la progression vers ce qui est plus élevé et plus noble que ce qu’il recherchait, s’il est apte à cela. Car si sa science précède sa demeure spirituelle il pourrait se suffire par cette science et prétendre au maqâm de son Cheikh sans détenir la réalisation effective correspondante. Et Allah est plus Savant. »

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par le 12 août 2014, mis à jour le 5 novembre 2014

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