Le Sûfî, le Malâmatî et le Muqarrab – Cheikh Ahmed Zarrûq (Qawâ’id)

Cet article reprend des données qui figurent dans la traduction en cours des Qawâ’id et-Taçawwuf du Cheikh Zarrûq.

Les commentaires de Shaykh Muhammad Mehenna sont en rouge dans le texte.

Règle 9 :

LES DIFFÉRENTES DÉSIGNATIONS

Traduction

La différence des désignations (al-nisab) [des stations spirituelles] 1 peut être due à des vérités qui diffèrent entre elles, ou elle peut être due à différents aspects (al-marātib) d’une vérité unique.

Ainsi, il a été dit que le Taawwuf, la pauvreté spirituelle (faqr), le blâme (malāmah) et le rapprochement [d’Allah] (taqrīb) appartiennent à la première catégorie ; et il a également été dit que [ces aspects] appartiennent à la seconde catégorie, ce qui est exact.

Tout simplement, le ṣūfī est celui qui s’efforce de purifier son temps de tout ce qui n’est pas la Vérité (al-Haqq). S’il élimine tout en lui-même hormis la Vérité (idhā saqata mā siwā-l-Haqqi min yadi-hi), alors il est un homme de pauvreté spirituelle (al-faqīr).

La « personne du blâme » (al-malāmatī), par rapport aux deux désignations [précédentes], est celui qui ne manifeste pas le bien et ne cache pas le mal (lā yadhhiru khayran wa lā yadhmiru charran), tels ceux qui s’occupent de ce bas-monde et d’autres qui sont pourtant des Gens de la Voie.

Celui qui s’est approché [d’Allah] (al-muqarrab) est celui dont les états spirituels sont devenus parfaits (kamulat ahwālu-hu). Il existe par son Seigneur et pour son Seigneur. Il n’exprime rien en dehors de la Vérité, ni ne demeure avec qui que ce soit d’autre qu’Allah.

Comprends-donc !

Commentaire

A propos du passage : « Ainsi, il a été dit que le Taawwuf, la pauvreté spirituelle (faqr), le blâme (malāmah) et le rapprochement [d’Allah] (taqrīb) appartiennent à la première catégorie »

Ibn ‘Ajībah dit dans son Mi’rāj al-tachawwuf

« Un [maitre] a dit : « La pauvreté (faqr), la station du blâme (malāmata) et le rapprochement (taqrīb) sont des catégories et des classes du taṣawwuf ». Le soufi (al-ṣufī), donc, est celui dont l’action, à chacun de ses instants, est pure de tout ce qui n’est pas Dieu (mā siwā al-Ḥaqq) tombe de sa main, il est faqīr. S’il ne se préoccupe pas des hommes, ne manifeste rien de bon et ne recèle rien de mal, il est malamātī. Quant au muqarrab, c’est celui dont les états ont atteint la perfection : il est par son Seigneur, pour son Seigneur, ne reçoit d’annonces (akhbār) que de Dieu, ne possède de séjour permanent (qarār) qu’avec Dieu » 2 .

A propos du passage : « S’il élimine tout en lui-même hormis la Vérité, alors il est un homme de pauvreté spirituelle (al-faqīr). »

Ibn ‘Ajībah dit dans le Mi’rāj

« Le « pauvre en Dieu » (faqīr) est celui qui s’est rendu indépendant (iftaqara) de tout hormis Dieu et qui refuse tout ce qui le détourne de Dieu. Aussi dit-on que « le pauvre en Dieu ne possède ni n’est possédé », c’est-à-dire ne possède rien et n’est possédé par rien. Il est plus actif (anhaḍ) que l’aspirant et occupe un rang plus élevé, car ce dernier continue parfois à se préoccuper de sa vie matérielle. On a dit aussi : « Le faqīr est celui que la terre ne porte pas et que le ciel ne couvre pas » ; autrement dit, l’univers ne l’enferme pas dans ses limites tant son aspiration (himma) est élevée et sa clairvoyance (baṣīra) aiguë. Un [soufi] a dit : Il y a quatre conditions pour être faqīr : avoir une aspiration élevée, être un serviteur accompli, faire preuve d’une vénération intense, garder une ferme résolution » 3 .

A propos du passage : « La « personne du blâme » (al-malāmatī), par rapport aux deux désignations [précédentes], est celui qui ne manifeste pas le bien et ne cache pas le mal (lā yadhhiru khayran wa lā yadhmiru charran), tels ceux qui s’occupent de ce bas-monde et d’autres qui sont pourtant des Gens de la Voie ».

Ibn ‘Ajībah dit dans le Mi’rāj :

« On a défini l’ « homme du blâme » (malamātī) comme « celui qui ne manifeste rien de bon et ne recèle rien de mal ». En d’autres termes, il cache son état de sainteté (walāya) et extériorise des états qui font que les gens le fuient. » 4 .

A propos du passage : « Celui qui s’est approché [d’Allah] (al-muqarrab) est celui dont les états spirituels sont devenus parfaits (kamulat ahwālu-hu). Il existe par son Seigneur et pour son Seigneur. Il n’exprime rien en dehors de la Vérité, ni ne demeure avec qui que ce soit d’autre qu’Allah ».

Ibn ‘Ajībah dit dans le Mi’rāj :

« Le « rapproché » (muqarrab) est celui qui a réalisé l’extinction (fanā’) et la subsistance (baqā’). » 5 .


ARTICLES THÉMATIQUES correspondants :

GENERALITES SUR LE TASAWWUF

GÉNÉRALITÉS SUR LES RÈGLES DE L’INITIATION


  1. En arabe, la nisbah est la relation d’une chose par rapport à une autre, et peut prendre différents sens en fonction du rapport qui est exprimé. Elle peut ainsi servir à désigner quelqu’un en fonction d’une chose avec laquelle il est en lien d’une façon ou d’une autre (ahliyah al-chay’). C’est la raison pour laquelle nous avons traduit nisab par désignation. []
  2. J-L Michon, Le Soufi marocain Ahmad Ibn ‘Ajiba et son Mi’rāj, ed. Librairie philosophique J. Vrin, Paris, 1989. []
  3. Ibid. []
  4. Ibid. []
  5. Ibid. []

par le 23 octobre 2012, mis à jour le 11 novembre 2021

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