Le Taçawwuf dans la vie de l’Imâm Mohammed Zakî al-Dîn Ibrâhîm – Muhyi al-Dîn Yusûf al-Isnawî

بسم الله الرحمن الرحيم الحمد لله

والصلاة والسلام على سيدنا محمد رسول الله وآله وصحبه ومن والاه

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A l’occasion des commémorations du 15ème anniversaire de sa disparition, nous publions ce texte relatif à la place du Taçawwuf dans la vie du Cheikh Mohammed Zakî al-Dîn qui vient compléter les précédentes publications à caractère biographique proposées sur Le Porteur de Savoir. Le passage traduit ici est extrait de la présentation augmentée faite par son élève Sidî Muhyi al-Dîn Yusûf al-Isnawî que l’on retrouve dans plusieurs ouvrages posthumes du Cheikh et sur le site d’Al-Muslim 1 .

Jumadâ’ ath-Thanî – 1434

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التصوف في حياة الإمام محمد زكي الدين إبراهيم

Le Taçawwuf dans la vie de l’Imâm Mohammed Zakî al-Dîn Ibrâhîm

qu’Allah soit satisfait de lui et lui fasse miséricorde

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سماه بعض العارفين بالله: (الشاذلي الثاني)، كما سُمي أبو الحسن: (الجنيد الثاني)، فقد جدَّد الله تعالى بالإمام محمد زكي الدين إبراهيم التصوف عمومًا، والشاذلية خصوصًا، وأحيا الله تعالى به معارف قد طويت، وعلومًا هي ميراث أهل الصلاح والعرفان، فكان نسيج وحده، ومدرسة عظيمة.

« Certains Connaissants par Allah l’ont nommé le « second Châdhilî », à l’instar du Cheikh Abû-l-Hassan qui fût nommé le « second Junayd », car Allah a rénové (jaddada) le Taçawwuf en général, et la Châdhiliyyah en particulier, par l’ intermédiaire du Cheikh Mohammed Zakî Ibrâhîm. De même, Il a fait revivre (ahyâ) par lui des connaissances (ma’ârif) disparues et des sciences qui sont l’héritage des Pieux et des Connaissants (ahlu-ç-çulâh wa-l-‘arîfîn). Il était d’une profonde humilité (nasîja wahdi2 et délivrait un enseignement d’une ampleur exceptionnelle3 .

تخرج في التصوف على يد والده، الذي كان شيخ فتحه وتمكينه، وما زال يمده ويعرفه بالصالحين ويأمره بالأخذ عنهم، حتى أصبح الإمام الشيخ محمد زكي إبراهيم مجمع أسانيد عصره في التصوف .

Il reçu l’initiation (taçawwuf) de la main de son père [Cheikh Ibrâhîm al-Khalîl] qui fût le Cheikh qui le mena à l’ouverture spirituelle (fath) et à la stabilisation (tamkîn) ; celui-ci n’a cessé ensuite de lui faire connaître les gens pieux et l’a enjoint à recevoir l’initiation de leur part jusqu’à ce que le Cheikh Mohammed Zakî Ibrâhîm soit rattaché à l’ensemble des chaînes initiatiques de son temps.

 ا زال شيخه يرعاه في سلوكه، فقطع شيخنا مدارج السلوك الصوفى، وأتم مسيرة (الأسماء السبعة) ثم (الثلاث عشرة) ثم (التسعة والتسعين) حتى انتهى إلي الاسم المفرد والأعظم)، ودخل الخلوة الصغرى والكبرى مرات .

Sous le regard de son Cheikh, il a progressé à travers les différents degrés du cheminement initiatique, complétant la récitation successive des sept Noms puis des treize 4 , puis des quatre-vingts dix-neuf 5 pour parvenir enfin à la récitation du Nom Isolé (Ism al-Mufrad wa-l-A’dhâm) et Suprême 6 , pratiquant la petite et la grande retraite (khalwah) à plusieurs reprises 7 .

 أمره شيخه الوالد بالإرشاد في حياته، فانطلق في الطريق مجاهدا وداعياً إلى الله على بصيرة، يربي المريدين ويرشدهم

Son Cheikh l’a ensuite enjoint, de son vivant, à exercer une guidance spirituelle (irchâd) ; il a ainsi engagé toutes ses forces dans la Voie, appelant à Allah avec sagesse, éduquant et guidant les murîdin.

وورث الشيخ رحمه الله مقامات شيوخه، فهو الشاذلي في روحانيته ومدده ووارده وورده، وهو أبو العباس في نورانيته واتصاله بالنبي صلى الله عليه وآله وسلم، وهو ابن عطاء الله في حكمته وحكمه في المذهبين، وهو الشيخ زروق محتسب العلماء والأولياء في تجديده الطريق وقمعه للمبتدعة، وهو شيخ الأولياء سيدي محمد بن ناصر الدرعي في معارفه وعلومه وتشرعه، وهو ابن عجيبة في فيوضه وشروحه، بل هو صاحب جبل العلم ابن مشيش في خفائه وظهوره، بل هو أبو مدين الغوث في معارفه وشعره ونثره.

Cheikh Zakî al-Dîn – qu’Allah lui fasse miséricorde, a hérité des stations (Maqâmât) de ses Maîtres. Il est ainsi al-Châdhilî dans sa spiritualité (rûhâniyyah), son soutien spirituel (madad) son inspiration (wârid) et son oraison (wird), Abû-l-‘Abbas [al-Mursî] dans sa « luminosité » (nûrâniyyah) et sa réunion (ittiçal) avec le Prophète – qu’Allah prie sur lui et le salue, Ibn ‘Ata’i-Llah dans sa sagesse et son autorité dans les deux domaines [exotériques et ésotériques] (madhhâbayn), le Cheikh Zarrûq, le censeur (muhtassib) des savants et des saints, dans sa rénovation de la Voie (tarîq) et la destruction des innovations blâmables (bid’ah), le Maître des Saints Seyyidî Mohammed Ibn Nâssir al-Dur’î dans ses connaissances (ma’ârîf), dans ses sciences (‘ulûm) et son application de la Loi (tachr’i’), Ibn ‘Ajibah dans ses effusions spirituelles (fuyûdh) et ses commentaires ; mais il est aussi le Maître du Jebel Al-‘Alam, Ibn Machîch, dans son occultation et sa manifestation (khafâ’i-hi wa dhuhûri-hi) ainsi que Abû Madyan al-Ghawth dans ses connaissances (ma’ârîf), ses poèmes et ses écrits 8 .

 ولقد كان لسيدنا من جده صلى الله عليه وآله وسلم الحظ الوافر، والنصيب الأتم، وما زال يتقلب في مقامات الطريق، في زيادة من فضل الله، حتى لقي الله تعالى .

Enfin, il prospéra sur les traces de son Ancêtre [le Prophète] – qu’Allah prie sur lui et le salue – et reçu de lui la part la plus complète, ne cessant de progresser à travers les étapes de la Voie (tarîq), recevant les Grâces d’Allah de manière croissante jusqu’à ce qu’il Le rencontre – Élevé soit-Il ».

Muhyi al-Dîn Yusûf al-Isnawî

Présentation et notes du traducteur

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sh2

Le Cheikh Mohammed Zakî al-Dîn Ibrâhîm – qu’Allah soit satisfait de lui et lui fasse miséricorde – invoquant Allah dans son appartement situé à l’étage de la Zawiya de Qaytbay au Caire.

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  1. Nous avons parfois dû adapter la traduction du fait de certaines formules inhérentes au style biographique arabo-islamique dont la traduction littérale ne rend pas toujours le sens voulu []
  2. Cette expression, que nous traduisons librement, est empruntée, selon l’auteur de la biographie, à une description de Seyyidnâ ‘Omar donnée par Seyyidatinâ Aïcha. []
  3. Litt. : « il était une école immense ». []
  4. Ces noms synthétisent, selon les Maîtres de la Voie, l’ensemble des Noms et Qualités d’Allah. Il s’agit respectivement des Noms : « Lâ ilâha ill’Allah (1), Allah (2), Huwa (3), Hayy (4), Qayyûm (5), Haqq (6), Qahhâr (7) » complétés par six Noms supplémentaires : « Wâhid (1), ‘Azîz (2), Wadûd (3), Wahhâb (4), Muhaymin (5), Bâsit (6) ». Leur usage est plus particulièrement répandu dans la Qâdiriyyah et la Khalwatiyyah. A propos de l’usage des sept Noms dans la Khalwatiyyah, cf. par exemple « Les degrés de l’âme, Les stations spirituelles sur la voie soufie » du Shaykh’ Abd Al-Khaliq Al Shabrawi publié chez Dervy et, sur les treize Noms dans la Qâdiriyyah, la traduction de l’ouvrage attribué au Cheikh Abd el-Qâdir el-Jilânî intitulé le Secret des secrets chez Albouraq. []
  5. Il s’agit de leur invocation méthodique(dhikr) dans une modalité qui constitue, selon le Cheikh Zakî al-Dîn lui-même, une particularité de la Tarîqah Mohammediyyah. Sur la pratique de ces noms et ceux évoqués précédemment voir notre article La récitation des Noms d’Allah dans la Tarîqah Mohammediyyah Châdhiliyyah. []
  6. Il s’agit de la récitation inconditionnée du Nom de Majesté Allah, considéré par le Cheikh comme le Nom suprême, à l’instar de beaucoup de Maîtres Châdhilî-s. []
  7. La khalwah, dans la tarîqah Mohammediyyah, connaît plusieurs formes ; celles mentionnées ici correspondent probablement à la khalwah parfaite (kâmilah) – dont la durée varie entre 3 et 70 jours – et la khalwah intermédiaire (juziyyah) – le temps d’un jour. La troisième forme étant la khalwah extérieure (fî-l-jalwah) qui consiste à maintenir une activité intérieure permanente sans s’isoler du monde, le Cheikh Zakî al-Dîn évoque à ce propos la formule « L’esprit (rûh) avec le Créateur (khâliq) et le corps (badan) avec les créatures (makhlûq) » (Cf. Uçûl al Wuçul, p.111). []
  8. Litt. : sa prose []

par le 29 avril 2013, mis à jour le 18 mai 2015