Des moyens qui mènent à la Délivrance – Cheikh Abû-l-Mawâhib al-Châdhilî

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بسم الله الرحمن الرحيم الحمد لله والصلاة والسلام على سيدنا محمد رسول الله وآله وصحبه ومن والاه

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Nous rappelions récemment que « le Cheikh Muhammad al-Dâmirdâsh (m. 929/1522), qui était « le disciple du disciple d’Abû l-Mawâhib, Ibrâhîm al-Mawâhibî (m. vers 914/1508) » soutenait la précellence de la lecture des livres soufis sur le compagnonnage (suhba) d’un cheikh vivant » à la suite notamment de « ‘Abd al-Karîm al-Jîlî et ‘Abd al-Ghanî al-Nâbulusî » ; « les oeuvres de maîtres tels qu’Ibn ‘Arabî, dit en substance al-Dâmirdâsh, sont le fruit de longues années de discipline spirituelle. Celui qui a l’aptitude de les comprendre n’a plus qu’à cueillir ce fruit; il économise ainsi le temps et l’énergie que passent les « cheminants » (sâlikûn) à parcourir la Voie. Il affirme avoir côtoyé des mystiques tant arabes que persans qui ont obtenu par la mutâla‘at al-kutub tout ce que peut espérer un homme spirituel ».

Nous ajoutions alors que « si nous ne connaissons pas la position du Cheikh Abu-l-Mawâhîb sur ce sujet, il est cependant évident que les avis formulés par ses « héritiers » ne sauraient s’opposer in fine à l’avis de leur Maître ». Si des doutes persistaient encore à ce propos, gageons que le texte qui suit achèvera de les dissiper, in châ Allah !

 

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Un extrait de

Masâlik el-Hunafâ ilâ machâri’ eç-çalâti ‘alâ-l-Mustafâ1

de l’Imam Hâfidh Abu-l-‘Abbâs ibn Muhammed ibn Abu Bakr el-Qastalânî (851- 923 H)

Présentation et notes du traducteur

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Notre Cheikh, le Connaissant, Abû-l-Mawâhib [al-Châdhilî] al-Wafâ’î a dit dans son livre L’édification des Esprits par les sentences des Saints (Ikhbâr al-Adhkiyâ’ bi-akhbâr al-Awliyâ’) :

Parmi les moyens qui mènent à la Délivrance (al-Khalâç2 et font acquérir les Stations des élus (Manâzil al-Khawwâç) se trouvent :

– la lecture des livres (mutâla‘at al-kutub) du Peuple des initiés (al-Qawm) :

  • l’Ihyâ [Ulûm ad-Dîn de l’Imam Al-Ghazâlî 3 ],
  • le Qût [al-Qulûb d’Abû Tâlib Makkî] 4 ,
  • la Ri’âyah [lî Huqûqi-Llah d’Al-Hârith Al-Muhâsibî 5 ],
  • la Hilyah [al-Awliyâ’ d’Abû Nu’aym 6 ],
  • les ‘Awârif [al-Ma’ârif de Chihâb al-Dîn Suhrawardî 7 ],
  • le Tanwîr [fî isqât et-tadbîr de Ibn ‘Atâ’ Allah] 8 ]

– La persistance dans la récitation des oraisons régulières (awrâd)

– La multiplication de la prière sur notre seigneur l’Envoyé d’Allah ﷺ !

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ARTICLES THEMATIQUES correspondant

MAITRE SPIRITUEL ET ENSEIGNEMENT

LA PRIERE SUR LE PROPHETE ﷺ COMME MOYEN DE SULÛK en cas de raréfaction de Maître éducateur (Cheikh tarbiyah) – M.A.S.

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V2 – 15 décembre 2014

  1. Ed. Dâr el-kutub el-‘ilmiyah []
  2. Il s’agit de la traduction habituelle de ce terme, on trouve aussi proposée celle de « salut » que nous n’avons pas retenue. Nous nous basons ici sur les précisions fournies dans son oeuvre par René Guénon qui indique notamment, en se basant ici sur la terminologie hindoue, que : « le but suprême, qui est appelé moksha ou mukti, c’est-à-dire la « délivrance », parce que l’être qui y parvient est libéré des liens de l’existence conditionnée, dans quelque état et sous quelque mode que ce soit, par l’identification parfaite à l’Universel : c’est la réalisation de ce que l’ésotérisme musulman appelle l’« Identité suprême » (Introduction Générale à l’Étude des Doctrines hindoues, Chap. XIV). « Dans les conditions présentes de l’humanité terrestre, il est évident que la très grande majorité des hommes ne sont en aucune façon capables de dépasser les limites de la condition individuelle, soit pendant le cours de leur vie, soit en sortant de ce monde par la mort corporelle, qui en elle-même ne saurait rien changer au niveau spirituel où ils se trouvent au moment où elle survient. Dès lors qu’il en est ainsi, l’exotérisme entendu dans son acception la plus large, c’est-à-dire la partie de toute tradition qui s’adresse indistinctement à tous, ne peut leur proposer qu’une finalité d’ordre purement individuel, puisque toute autre serait entièrement inaccessible pour la plupart des adhérents de cette tradition, et c’est précisément cette finalité qui constitue le salut. Il va de soi qu’il y a bien loin de là à la réalisation effective d’un état supra-individuel, bien qu’encore conditionné, sans même parler de la Délivrance, qui, étant l’obtention de l’état suprême et inconditionné, n’a véritablement plus aucune commune mesure avec un état conditionné quel qu’il soit ». (« Salut et Délivrance » repris in Initiation et réalisation spirituelle). On notera à ce propos  que, selon certains témoignages, les derniers mots du Cheikh Abd el-Wâhid Yahyâ -René Guénon furent : « al-nafs khalâs » : « l’âme s’en va », mais ne faudrait-il pas plutôt traduire : « l’âme est délivrée » ? []
  3. Signalons notamment, en français, le projet déjà bien avancé de publication d’une traduction complète et de qualité de cette œuvre monumentale, chapitre par chapitre, par les éditions Albouraq. []
  4. Il est rapporté dans le Lata’îf el-Minân de Ibn ‘Atâ’ Allah ce qui suit : [Le cheikh al-Châdhilî – qu’Allah l’agréé] a dit, à propos de l’imam Abû Hâmid al-Ghazâlî -qu’Allah soit Satisfait de lui : « Je vous prends à témoin (linashhada) qu’il [avait atteint le degré] de la « Véridicité suprême » (al-Çiddîqiyyah el-‘udhmâ) ». Et le cheikh Abu-l-Hassan disait : « Si vous avez un besoin en Allah demandez Lui (tawassalû ilay-Hi) par l’intermédiaire de l’imam Abû Hâmid ». [Le cheikh al-Mursî] rapportait cette parole de son cheikh (Abu-l-Hassan): «L’Ihyâ’ te fera hériter (yuwarithu-Ka) de la Science et le Qût de la Lumière», et encore celle-ci: «Puisez donc dans le Qût, car il est vraiment une nourriture (qût).» En rapport avec la Prière sur le Prophète mentionnée plus loin dans le texte du Cheikh Abû-l-Mawâhib, on se rappellera la parole suivante du Cheikh al-Harûshî : « la lecture des Dalâil el-Khayrât apporte la lumière, la lecture du Tanbîh el-Anâm apporte la science ». []
  5. Traduite aux éditions Iqra sous le titre Volonté du retour à Dieu. A propos de ce livre, Ibn ‘Atâ’ Allah raconte : « Alors que je lisais au Cheikh [Al-Mursî] des passages de Ri’âyah d’Al-Muhâsibî, il me dit : « Deux aphorismes te dispenseront de poursuivre la lecture de ce livre : « Adore Allah en possédant la science religieuse », ainsi que « n’abonde jamais dans le sens de ton égo » puis il ne m’autorisa plus à reprendre ce livre ». (Lata’îf el-Minân, trad. E. Geoffroy) []
  6. Il s’agit d’un célèbre recueil de notices hagioraphiques. De l’avis des plus grands Maîtres, Ghazâlî dans l’Ihyâ et Cha’ranî dans ses Tabâqât al-Kubrâ notamment, la lecture des ouvrages hagiographiques se substitue à la compagnie des Saints lorsque ceux-ci viennent à se raréfier ou à disparaître. A ce propos, il n’est pas sans intérêt de noter que quelques semaines avant sa mort le Cheikh Mohammed Zakî al-Dîn dédicaça à un de ses disciples un exemplaire … de la Hilyah  d’Abû Nu’aym. []
  7. Extraits traduits par D. Gril dans l’ouvrage collectif Les Voies d’Allah. []
  8. De l’abandon de la volonté propre, trad. Sidî Abdallah Penot aux éditions Alif. Selon le Cheikh Ibn Abbad, ce livre contient la quintessence de tout ce qui a été écrit sur la vie spirituelle (Cf. Rasâ’îl aç-çughrâ). On signalera, en arabe, le commentaire de ce livre donné par Sidî Mohammed Mehanna dans la Zawiyah Mohammediyyah de Qaytbay au Caire (diffusé sur Youtube). []

par le 29 juillet 2013, mis à jour le 16 décembre 2014

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