Les nobles sandales de l’Envoyé d’Allah ﷺ – Ibrâhîm Gabriele Iungo

En collaboration avec le site italien abdannur.com dont nous remercions le responsable pour avoir permis cette publication1

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La civilisation islamique – dans son ensemble comme dans ses éléments spécifiques – est entièrement axée sur la figure, la fonction et l’enseignement du Prophète (ﷺ) : en sous-évaluer ou modifier les dimensions constitue l’une des principales causes de la décadence et de la crise de la culture traditionnelle des pays arabo-musulmans.

À ce propos, toute chose qui a trait au Prophète Muhammad (ﷺ) constitue pour le croyant une source de bénédiction, et suscite respect et vénération dans la société traditionnelle tout entière.

sandales zaghwan

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Tel est, par exemple, le cas de ses nobles sandales (na‘layn), à propos desquelles le Shaykh Sayyid Muhammad Abû l-Hudâ al-Yaqoubî (qu’Allah le protège et le soutienne) a dit :

Même les sandales du Prophète (ﷺ) sont une source de bénédiction et un motif de triomphe. Nous désignons en effet la sandale par le terme na‘l (نعل), et nous utilisons en langue arabe l’expression na‘lun na‘lû bi-hi (نعل نعلو به): « une sandale au moyen de laquelle nous sommes élevés », du verbe a‘lâ/ya‘lû – qui indique précisément l’idée d’élévation.

 Le Prophète lui-même (ﷺ) est fréquemment mentionné en tant que « Détenteur des deux Sandales » (Sâhibu n-na‘layn), dans les odes et les invocations traditionnelles composées en son honneur ; le Shaykh Muhyî d-Dîn Ibn al-‘Arabî a en outre indiqué que, précisément, les sandales constituent un élément caractéristique de l’habillement des Prophètes 2 .

Le profond respect et les scrupuleux égards dont les chaussures du Prophète (ﷺ) sont entourées ne constituent pas un phénomène récent ou tardif, mais sont une partie intégrante de la dévotion rendue à l’Envoyé d’Allah dès les premières générations de musulmans (as-salaf as-sâlih). Par exemple, Ibn Sa‘d raconte que Anas ibn Mâlik (qu’Allah soit satisfait de lui) était connu précisément comme porteur (kânat) des sandales du Prophète (ﷺ) – ce qui représentait donc une marque distinctive et un motif honorifique ; de même, on raconte qu’ ‘Abdullâh ibn Mas‘ûd (qu’Allah soit satisfait de lui) avait l’habitude de se lever dès que le Prophète (ﷺ) allait s’asseoir, afin de prendre ses sandales et de les tenir sous son bras, pour l’en chausser de nouveau dès qu’il désirait se mettre debout 3 .

On rapporte par transmission que les Sandales du Prophète (ﷺ) comportaient deux attaches, comme celles de Sayyidunâ Abu Bakr et de Sayyidunâ ‘Umar, alors que Sayyidunâ ‘Uthmân fut le premier à chausser des sandales n’en possédant qu’une seule (qu’Allah soit satisfait d’eux tous4 .

L’Imâm al-Qastallânî a fait savoir par Sayyidunâ Abû Ishâq az-Zuhrî – l’un des successeurs (tâbi‘ûn) des Compagnons du Prophète (ﷺ) – que Sayyidunâ Qâsim ibn Muhammad disait :

[Voici un exemple] de la bénédiction attestée qui est liée à l’exemplaire de la Sandale du Prophète (ﷺ) : quiconque l’a en sa possession afin de bénéficier de son influence spirituelle (tabarruk) sera préservé de la sédition des rebelles et de la domination des ennemis ; elle sera une barrière entre lui et n’importe quel démon, ainsi qu’entre lui et l’envie de l’envieux. Si une femme enceinte la tient dans sa main droite pendant l’accouchement, celui-ci sera facilité, avec la permission d’’Allâh 5 .

Durant son califat et quand une peine corporelle était administrée, Sayyidunâ ‘Umar (qu’Allah soit satisfait de lui) faisait toujours placer un fragment des Sandales du Prophète (ﷺ) sur le fouet : dans l’espoir que la punition puisse concourir à un repentir sincère et à un réhabilitation complète du condamné ; par ailleurs le contact du fragment de sandale aurait contribué à protéger le corps et l’âme de ce dernier, tant de la douleur physique que du châtiment dans l’autre monde.

À l’époque de l’Imâm an-Nawawî, l’institut Dâr al-Hadîth de Damas possédait une noble sandale de l’Envoyé d’Allah (ﷺ) : elle était conservée dans un reliquaire de bois placé au-dessus de l’abside (mihrâb) de la mosquée du lieu. L’Imâm Abû Hafs al-Fakihânî – jurisconsulte Malékite, savant en science des Hadîths, historien et philologue, (qu’Allah l’ait en miséricorde) – visita Damas tout exprès, afin de pouvoir bénéficier de l’influence spirituelle (baraka) liée à cette précieuse relique. À ce propos, le muhaddith Jamâl ad-Dîn Ibn Hadîda al-Ansârî a raconté ceci :

Je me trouvais avec lui. Quand il vit cette très noble sandale, il se couvrit la tête et commença à l’embrasser et à y frotter son visage. Il se mit à fondre en larmes, et donc récita :

ولو قيل للمجنون: ليلى ووصلها
تريد أم الدنيا وما في طواياها
لقال: غبار من تراب نعالها
ألذ إلى نفسي وأشهى لبلواها

« Et si l’on demandait au Fou d’amour :

“désires-tu Laylâ et être avec elle

ou le monde terrestre et ce qu’il contient ?”, il dirait assurément : “Les grains de poussière de ses sandales

sont plus délicieux pour mon âme, et plus

bénéfiques par leurs tribulations” » 6 .

À propos de l’honneur rendu à l’image même des Sandales bénies, même reproduites de façon stylisée, l’Imâm az-Zarqânî a dit :

« Si c’est possible, embrasse la terre qui a été touchée par les sandales, sinon, embrasse une image des sandales » 7 .

Le Shaykh Sayyid Muhammad Abû l-Hudâ al-Yaqoubî (qu’Allah le protège et le soutienne) a raconté qu’il avait l’habitude – encore enfant – d’accompagner son père Ibrâhîm (qu’Allah l’ait en miséricorde) lorsque celui-ci allait donner des cours à la Mosquée Darwîshiyyah de Damas, où il enseigna pendant toute sa vie. À l’entrée de cette mosquée, sur le côté droit, afin d’honorer l’édifice, le fondateur Darwîsh Pâshâ – à l’époque, gouverneur Ottoman de la cité – fit apposer une reproduction stylisée des sandales du Prophète (ﷺ), surmontée de deux lignes de poésie :

 

يا ناظراً لمثالِ نَعلِ نَبيهِ قبِّل مِثالَ النَعلِ لا مُتكبّراً
وَامسِح بِوَجهِكَ نَعلَهُ إذ مسّهُ قدَمُ النبيّ مُرَوّحاً ومُبكّرا

« Ô toi qui regardes l’image de la Sandale du Prophète, embrasse-la sans arrogance,

et frotte ta joue sur Sa Sandale,car les pieds du Prophète l’ont touchée quand il sortait le soir et le matin ».

Shaykh Ibrâhîm al-Yaqoubî (qu’Allah l’ait en miséricorde) recommandait donc à son fils d’embrasser cette image chaque fois qu’il entrait ou sortait de la mosquée – en signe d’amour pour le Prophète (ﷺ) et de respect pour tout ce qui lui est lié.

Al-Qastallânî a rapporté en outre un vers attribué à l’Imâm al-Qurtubî, qui signifie :

Je me suis concentré sur les rais de lumière qui émanaient des sandales bénies, et [j’ai compris que] tant que nous nous inclinons devant elles [avec humilité], nous serons honorés : porte-la donc sur la tête car, en vérité, c’est une couronne, bien qu’apparemment ce soit une sandale 8 .

Porter sur soi l’image de la Sandale du Prophète (ﷺ), en tant que façon de se remémorer notre propre lien avec lui et en tant qu’invitation permanente à l’obéissance et à la tendre humilité à Son égard, peut donc être considéré comme source de bénéfice, en l’apposant dans les lieux où l’on habite ou travaille, en la portant sur soi et même sur ses propres vêtements – comme le font de nombreux Savants musulmans, dont les couvre-chefs en souvent ornés.

Parmi les nombreuses œuvres que les Savants musulmans ont dédiées pendant des siècles à la description et à l’éloge des Sandales de l’Envoyé d’Allah (ﷺ), il y a par exemple “Timthâlu Na‘li n-Nabiyy” de l’Imâm Ibn ‘Asâkir, “Qurrat al-‘aynayn fî tahqîq amr al-Na‘layn” de l’Imâm Shams al-Dîn al-Muqri’, “Fath al-muta‘âl fî madh al-Ni‘âl” de l’Imâm Abû al-‘Abbâs al-Maqqarî, et “Al-La’ali’ al-Majmû‘a min bâhir al-nizâm wa bâri‘ al-kalâm fî sifat Mithâl Na‘li Rasûl Allâh”, de même que l’œuvre de l’Imâm Abû Ishâq al-Sullamî, connu sous le nom d’Ibn al-Hâjj, et celle de l’Imam Sirâj al-Dîn al-Bulqînî.

En conclusion, l’Imâm Yûsuf Nâsir ad-Dîn an-Nabhânî a bien parlé quand il a dit :

على رأس هذا الكون نعل محمد
علت فجميع الخلق تحت ظلاله
إني خدمت مثال نعل المصطفى
لأعيش في الدارين تحت ظلالها

Au sommet de ce monde est placée la Sandale de Muhammad :

elle a été mise tout en haut, et ce qui est créé est sous son ombre […]

En vérité j’ai été le serviteur de l’exemplaire de la Sandale de Mustafâ

afin de vivre dans les deux Demeures sous Sa

protection 9 .

Et que la Paix et la bénédiction divine soient sur le Détenteur des deux Sandales (Sâhibu n-na‘layn), l’Élu (Al-Mustafâ), le très noble Prophète Muhammad, sur Sa Famille et sur Ses Compagnons, et sur tous ceux qui le suivent dans la foi, jusqu’au Jour du Jugement.

Ibrâhîm Gabriele Iungo

Traduction collective revue par l’auteur

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Sur le même thème :

Vivifier son lien avec le Prophète ﷺ – M.A.S.

Comment se concentrer sur le Prophète Muhammad ﷺ – Ibrâhîm Gabriele Iungo

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  1. Nous tenons ici à insister particulièrement sur l’importance que revêt, selon nous, une telle initiative en tant qu’elle constitue un travail réel d’unification et de renforcement réciproque au sein de turûq différentes. []
  2. Mullah ‘Alî Qârî, Sharh Shamâ’il at-Tirmidhî. []
  3. سبل الهدى والرشاد للإمام الصالحي 318/8 []
  4. 71/10 الشمائل المحمدية للإمام الترمذي []
  5. مواهب اللدنية للإمام القسطلاني []
  6. Haddâd, Tawassul through the Awliyâ. []
  7. 48/5 شرح الزرقاني على المواهب اللدنية بالمنح المحمدية []
  8. 470/2 مواهب اللدنية للإمام القسطلاني []
  9. 948/3 جواهر البحار في فضائل النبي المختار []

par le 24 décembre 2015, mis à jour le 4 février 2016

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