MAITRE SPIRITUEL ET ENSEIGNEMENT

(ARTICLE THÉMATIQUE) 1

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Nous regroupons ici les différents articles et études, publiés sur Le Porteur de Savoir 2, qui ont pour objet la définition de ce qu’est le Maître spirituel et, plus généralement, l’enseignement initiatique. Ce sujet constitue une part importante de la partie de l’œuvre de René Guénon qui concerne l’initiation et nous tenons également à témoigner de ce qui peut apparaître comme une certaine originalité dans l’exposition qu’en faisait l’auteur aux occidentaux : comment ces termes, habituellement utilisés de concert (car on conçoit rarement qu’un enseignement initiatique ne provienne pas directement d’un Maître spirituel), peuvent-ils être conçus lorsqu’ils sont dissociés ? Comment l’enseignement initiatique peut-il persister au sein d’une tarîqah en cas d’absence d’un Maître spirituel corporellement vivant ?

Nous présentons ici une somme 3 qui, même si elle ne peut prétendre à l’exhaustivité, nous semble susceptible de fournir un ensemble important et suffisant de critères à toute personne sincère qui cherche à progresser effectivement dans la Voie.

Elle présente également l’intérêt d’introduire aux différents travaux de portée générale proposés à ce sujet sur notre site, qui concernent spécifiquement l’initiation islamique et de permettre de montrer à quel point l’exposition « actuelle » de ce premier auteur est en totale conformité avec l’avis de certains Maîtres du Taçawwuf, parmi lesquels nous citerons notamment le Cheikh Mohammed Zakî Ibrâhîm, le Cheikh ‘Abd el-Halîm Mahmûd, et le Cheikh Mostafâ ‘Abd el-‘Azîz (Michel Vâlsan), pour les plus contemporains d’entre eux4 et le Cheikh al-Akbar Ibn Arabi, l’Imâm Charani ou le Cheikh Aboû-l-Mawâhib, parmi les plus « classiques », qu’Allah soit Satisfait d’eux tous.

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En guise d’introduction …

Le triptyque suivant rappelle l’importance de la transmission de l’influence spirituelle ainsi que les modes d’action de cette influence sur le support offert par le travail collectif, notamment dans le cadre d’une tarîqah régulière qui serait privée de la présence corporelle d’un véritable Cheikh. Il est à la base des réflexions menées à ce sujet sur Le Porteur de Savoir et d’une part importante de son orientation éditoriale.

  1. Transmission et régularité – (Olivier Courmes)  » lors même qu’il s’agit d’une organisation authentiquement initiatique, ses membres n’ont pas le pouvoir d’en changer les formes à leur gré ou de les altérer dans ce qu’elles ont d’essentiel ; cela n’exclut pas certaines possibilités d’adaptation aux circonstances, qui d’ailleurs s’imposent aux individus bien plutôt qu’elles ne dérivent de leur volonté, mais qui, en tout cas, sont limitées par la condition de ne pas porter atteinte aux moyens par lesquels sont assurés la conservation et la transmission de l’influence spirituelle dont l’organisation considérée est dépositaire ; si cette condition n’était pas observée, il en résulterait une véritable rupture avec la tradition, qui ferait perdre à cette organisation sa “ régularité ” – (René Guénon)
  2. Remarques sur les qualifications du « transmetteur » et la réalité de l’initiation virtuelle (O.C.) Les qualifications de celui qui accomplit la fonction de transmission sont plus particulièrement étudiées en vue de comprendre les conditions dans lesquelles celle-ci peut et doit être accomplie valablement au sein d’une tarîqah régulière. L’ensemble des considérations précédentes introduit les considérations que fait René Guénon sur l’effet que peut produire l’initiation réelle, c’est-à-dire la transmission de l’influence spirituelle, sur le travail collectif développé par les membres d’une organisation initiatique régulière.
  3. Influence spirituelle du Sheikh fondateur et Travail initiatique collectif (O.C.) Le travail précédent se complète par une suite de remarques et de notes autour de l’étude du mode d’action de l’influence spirituelle (barakah) sur le support offert par le travail collectif au sein d’une tarîqah. Les conditions et les modalités selon lesquelles le « principe spirituel », dont dépend l’organisation, peut ainsi agir pour assurer et maintenir la fonction d’enseignement, sont rappelées pour montrer que des solutions substitutives peuvent certainement être envisagées en cas d’absence de « véritable Sheikh ».

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Maître spirituel et enseignement initiatique

(1° partie)

A partir de l’œuvre de René Guénon – Cheikh ‘Abd el-Wâhid Yahyâ

La série d’aperçus proposée ici revient sur le rôle du Maître spirituel corporellement vivant, selon l’œuvre de René Guénon. Elle constitue un prolongement des réflexions engagées par Olivier Courmes autour de la transmission de l’influence spirituelle, de la régularité et de l’enseignement initiatiques. On trouvera en note de nombreuses remarques en rapport avec la tradition islamique.

  • Maître « vivant » et Maître « fondateur » (M.L.B.) De manière générale, l’action du Maître vivant apparaît davantage comme le fait de la transmission de l’influence spirituelle, héritée du Maître fondateur, que celui de sa réalisation personnelle et de ses capacités individuelles.
  • Un rôle de « transmetteur » (M.L.B.) Les rôles essentiels du Maître vivant sont ceux  de (1) : transmetteur de l’influence spirituelle (fonction d’initiateur) et (2) : transmetteur de l’enseignement initiatique (fonction d’instructeur).
  • Moyens « adjuvants » et méthodes « préparatoires » (M.L.B.)  Cet article montre que l’instructeur, même réalisé, dans l’exercice régulier de sa fonction, apparaît uniquement comme un vecteur et un support extérieur de transmission de moyens adjuvants ou de méthodes préparatoires à la réalisation de la Connaissance initiatique véritable.
  • De la nécessité de l’instructeur spirituel (M.L.B.) La présence d’un instructeur n’est pas rigoureusement indispensable au début de la réalisation. Son rôle est cependant loin d’être négligeable, même s’il apparaît d’un ordre relativement secondaire par rapport à celui de la transmission de l’influence spirituelle. Par ailleurs, cet article montre qu’il n’est pas toujours nécessaire qu’un tel instructeur soit lui-même parvenu à une réalisation spirituelle complète pour être capable de guider valablement un disciple aux premiers stades de sa carrière initiatique.
  • 22 conclusions (M.L.B.)  Ces 22 conclusions synthétisent l’ensemble des notions abordées dans cette série d’articles sur le Maître spirituel vivant.

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Quelques prolongements

Rattachement et bay’ah

Rattachement

Bay’ah (pacte initiatique)

Sur le « secret initiatique » – « Sirr »

Cette notion fait partie de celles qui servent le plus de nos jours à « qualifier » une tarîqah en la distinguant de la perspective ou de la réalité du simple tabarruk. Elle semble être à un tel point galvaudée dans certains milieux racoleurs que l’on se demande si l’on parle bien partout de la même chose et si l’on n’utilise pas le même terme pour désigner des choses qui sont en réalité très différentes. Dans ce contexte, il semble donc intéressant de rappeler, au moins à ceux qui sont devenus musulmans et qui se sont rattachés au Taçawwuf grâce à la lecture de l’œuvre de René Guénon, ce qu’il désigne sous sa plume et comment lui-même emploie ce terme.

Questions méthodiques diverses

Une perspective cyclique

Après avoir rappelé certaines données doctrinales fondamentales, l’article suivant replace la question du Maître spirituel dans une perspective cyclique globale et plus particulièrement celle de la « fin des temps ».

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Maître spirituel et enseignement initiatique

(2° partie)

Correspondances arabo-islamiques

 

Conception classique et marques de dégénérescence de la Voie

• Nous présentons cet article et le suivant pour rappeler que tout responsable régulier de tarîqah, qui peut donc, sous le seul rapport fonctionnel, parfaitement être appelé Cheikh, n’est pas nécessairement un être de réalisation parfaite (Cheikh kâmil), ni Maître éducateur (Cheikh tarbiyah), chaque dénomination correspondant à autant de sciences effectives afférentes. Il est en effet important, dans toutes les considérations qui vont suivre, d’avoir à l’esprit, d’une part, que ce qui est de l’ordre proprement fonctionnel peut ne pas toujours correspondre à ce qui est de l’ordre de la réalisation personnelle et donc, d’autre part, qu’il existe une indéfinité de situations variées dans lesquelles le Cheikh n’est pas un être de réalisation parfaite, tout portant à penser que celles dans lesquelles c’est effectivement le cas sont amenées à se raréfier chaque jour davantage.

  • « La vénération des Maîtres spirituels » – Chapître 181 des Futûhât el-Mekkiyah – Ibn Arabi – Traduit et présenté par Michel Vâlsan  « Nous présentons (…) du même auteur [Ibn Arabî] un chapitre de ses Futuhât, le 181°, qui donne proprement une définition technique et même, en quelque sorte, un « portrait » du maître spirituel, le Cheikh en Islam. Le document est d’une certaine importance (…). Dans ce document, la maîtrise est présentée telle qu’elle est en elle-même et dans toute sa plénitude, et non pas telle qu’elle fonctionne le plus souvent en fait, surtout dans le cadre d’une organisation initiatique, où le Cheikh est, en outre, représenté ordinairement et à différents degrés par des délégués. De plus le Cheikh visible peut être seulement le support extérieur du Cheikh réel dont l’action peut s’exercer par des moyens et dans des conditions qui échappent à tout contrôle extérieur. » – (Michel Vâlsan/Cheikh Mustafâ ‘Abd el-‘Azîz).
  • Classification des Maîtres spirituels et des modes d’enseignement – Commentaire du précis (matn) d’Ibn ‘Achîr (M.A.S.) Malgré le caractère relativement tardif du présent exemple, il est bon d’avoir à l’esprit ce qu’a pu désigner l’appellation de Cheikh tarbiyah à travers les âges en rapport avec d’autres fonctions initiatiques : ce degré n’est certainement pas des moindres, bien des responsables réguliers méritant ainsi totalement l’appellation de  « Cheikh » ne sont pas pour autant des Maîtres éducateurs, même lorsqu’ils sont capables de faire plus que de transmettre uniquement l’influence spirituelle lors du rattachement. Il y a donc lieu de considérer que l’affirmation de la disparition ou de la raréfaction des Maîtres éducateurs concerne, en général et suivant les classifications, une partie élevée de la hiérarchie des responsables de turûq, ce qui est tout à fait conforme au processus même de dégénérescence cyclique, celui-ci s’effectuant, rappelons-le, du haut vers le bas, c’est-à-dire par une disparition des possibilités les meilleures au profit de l’apparition et du développement de celles-ci qui sont de moins en moins bonnes.

• Concernant la richesse et la diversité possibles des « chemins de la guidée spirituelle » (subul el-hidâyah), les quatre articles suivants montrent que les Maîtres en question ne se sont pas contentés d’expliciter publiquement cette notion méthodique importante mais qu’ils ont donné des indications précises sur les modalités de cheminement et d’enseignement qu’il était possible d’envisager, lorsque cela s’avère nécessaire, en dehors de la méthode « classique ».

• A quatre siècles d’intervalle (en l’occurrence au 17° et au 21° siècle) et bien que l’on n’ait jamais autant affirmé, de nos jours, la pléthore de Maîtres réalisés ou de Pôles Suprêmes dans tant de turûq, les mêmes questions se posent …

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Affirmation de la cessation de l’éducation spirituelle dite « classique » par le Cheikh el-Hadramî

Les deux articles suivants apportent des considérations synthétiques sur l’évolution cyclique des conditions du rattachement et de l’exercice de l’enseignement spirituel. Ils rappellent notamment la notion bien connue qui, après une première phase dans laquelle il existait de manière à la fois plus parfaite et indéterminée, fait commencer le Taçawwuf, dans sa formulation extérieure, à partir du milieu du 3° siècle (250 H. environ) et pour presque 6 siècles, et permet d’établir une notion moins diffusée et acceptée, mais pourtant bien réelle également et reconnue par de nombreux Maîtres réguliers à travers le temps, concernant la raréfaction progressive ou la disparition extérieure des Maîtres d’éducation (chuyûkh et-tarbiyah) à partir d’une date que l’on peut placer, approximativement, au tout début du 9° siècle de l’Hégire (avant 824 H.), c’est-à-dire il y a également 6 siècles jusqu’à nos jours.

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Quelques exemples d’adaptations méthodiques 

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Articles connexes

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Cheikh Zaki ed-Dîn et la Tarîqah Mohammediyah Châdhiliyah

  • Position de Cheikh Mohammed Zakî ed-Dîn Ibrâhîm sur les modes d’enseignement du Maître spirituel dans la Tarîqah Mohammediyah Chadhiliyah – M.A.S. (art. total)  Il est apparu nécessaire, ne serait-ce que pour compenser certaines informations tronquées ou incomplètes qui ont été récemment diffusées à ce propos mais aussi pour répondre à des demandes sincères qui nous ont été formulées directement, de présenter ici un certain nombre des informations données par Cheikh Mohammed Zakî ed-Dîn lui-même sur les modalités de l’enseignement initiatique au sein de la Tarîqah Mohammediyah Châhiliyah, de son temps et après lui.
  • Trois niveaux d’enseignement – Imâm Charani Nous présentons ici ces notions à cause de leur évidente parenté avec celles qui sont énoncées dans l’article suivant
  • Trois modalités principales d’enseignement – M.A.S. Conformément à l’adage qui précise que « les soutiens spirituels sont à la mesure de la prédisposition » (al-amdâd ‘alâ qadr el-isti’dâd), il est possible de distinguer au moins trois modalités principales qui définissent l’enseignement spirituel comme tel et qui correspondent à autant de niveaux de compréhension, du plus élevé au plus inférieur : une modalité qui s’appuie principalement sur l’état intérieur (hâl) du Maître, une modalité relativement plus extérieure utilisant le discours allusif (ichârah) et symbolique (ramzî), une modalité qui marque en quelque sorte la limite de l’enseignement initiatique comme tel puisque, répondant à une demande d’explication, il fait appel à une formulation (‘ibârah) propre à l’exotérisme.
  • Le silence du Cheikh – M.A.SDans le prolongement de l’article précédent, nous présentons différentes situations dans lesquelles le Cheikh peut utiliser le silence comme un mode d’enseignement.
  • Ijâzah de la Tarîqah Mohammediyyah Châdhiliyyah – Cheikh Zaki ed-Dîn Ibrâhîm  Rédigé par le Cheikh Zakî ed-Dîn Ibrahîm à l’attention des personnes recevant l’ensemble des fonctions de la Tarîqah Châdhiliyah Mohammediyah, cet opuscule accompagne et formalise la transmission du idhn en exprimant l’extrême richesse de son contenu selon trois aspects essentiels : la définition de certaines notions fondamentales (soufisme, initiation, voie mohammedienne…), la présentation des chaînes de transmission initiatique (silsilah) principale et secondaires, et l’exposition du contenu des autorisations conférées (bay’ah, tarbiyyah, awrad, khalwah, jafr…).

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En guise de conclusion …

  • Chemins de la guidée (subul el-hidâyah) et éducation spirituelle (tarbiyah) – (M.A.S.) Les modalités multiples de la guidée spirituelle ne peuvent être limitées à la forme unique de l’enseignement d’un Maître corporel, surtout lorsque l’on sait que la raréfaction de cette forme « classique » est annoncée et constatée publiquement depuis plus de six siècles par des Maîtres de la Voie eux-mêmes dans des contextes différents. On doit donc penser que, dans ce cas, il est possible et normal de ne pas considérer comme Maître éducateur quelqu’un qui n’a pas atteint le degré de réalisation personnelle correspondant à cette fonction et que les conditions à respecter dans le cadre d’un pacte initiatique soient ainsi différentes et considérablement « allégées ».
  • Entre sulûk et tabarruk (M.A.S.)
  • Entre wudû et tayammum (M.A.S.)

14 mai 2015 – V7





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  1. Nous appelons « ARTICLE THÉMATIQUE » un article qui regroupe et présente, sous la forme d’une grille de lecture, différents articles traitant un thème identique. []
  2. Depuis 2008, pour la plupart []
  3. Plus de 60 articles ou références à ce jour []
  4. On remarquera, incidemment, que ces personnalités se connaissaient, s’appréciaient mutuellement et qu’ils ont tous été en relation directe avec René Guénon. []

par le 9 septembre 2013, mis à jour le 4 septembre 2015