Mawlidiyah attribuée au Cheikh el-Akbar Muhi ed-Dîn Ibn Arabi (extrait) – Traduction et annotation de Jâbir Clément-François

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Le présent travail correspond à la partie de la Mawlidiyah attribuée au Cheikh el-Akbar qui concerne le Nûr el-Mohammadî, la Lumière Mohammédienne, à partir de laquelle, dans son ordre, fut créée la création. Sa parution sur Le Porteur de Savoir a été rendue possible grâce à la générosité de Jâbir Clément-François 1, qui en a assuré la traduction et l’annotation, et que nous remercions ici très chaleureusement.

Mawled nabawî cherîf – 12 rabi’ el-awwal 1433

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“ Lorsqu’Allâh (Glorifié & Exalté) désira actualiser la création par Son pouvoir déterminateur (taqdîrih), il fit sortir (abraza) la réalité Muhammadienne des lumières principielles (ou primordiales çamadâniyah) par Son ordre directeur (tadbîrih), ceci en vertu de ce qui était dores et déjà contenu dans Sa Science et fixé dans Sa Volonté-absolue (mashî’ah). Il fit donc briller le soleil de la Perfection Muhammadienne (sous la forme) d’un Flambeau éclairant et existencia l’Esprit Ahmadien à partir de l’Effluve de la Perfection de Son Etre (sous la forme) d’un Grand Homme, puis Il créa tous les mondes de sa lumière, dans un mode différencié et proportionné (ou prédéterminé).

(Le Prophète) a dit  (qu’Allâh lui accorde Ses grâces unitives et pacifiques : “ Ce qu’Allâh a créé en premier est ma lumière ” ; Il l’a conçue comme une réalité totale (comme un tout) et en a fait un principe originel (nash’atan açliyatan) sans “ où ” ni “ entre ” (c’est-à-dire sans localisation ni relation ou condition d’aucune sorte).

Il est donc (sall-Allah akayhi wa sallam) le genre (jins) qui transcende les genres, le grand Ancêtre (el âb el-akbar) de tous les êtres et des hommes, même si sa constitution (t’în) et sa manifestation corporelles ne sont intervenus que plus tard (dans le cours de l’histoire : ta’akhkharat).
Car il est (en réalité) le point au centre (nuqt’ah) du cercle (ou de la sphère : dâ’irah) de l’Univers ; il est — S.A.S — le secret de Dieu (sirr el-Haqq) et la réalisation vraie de Son ordre (nufûdh amrih fî-l-haqq).

Il est la racine de tous les êtres (el kâ’inât) (qu’Allâh lui accorde Ses grâces unitives et pacifiques) comme il t’est parvenu du hadîth de Jâbir ibn Abd-Allâh (radiy-Allah ‘anhu) qui a dit :

“J’ai interrogé l’envoyé d’Allâh — qu’Allâh lui accorde Ses grâces unitives et pacifiques —  au sujet de la première chose qu’Allâh Très Haut avait créée ; il me répondit : c’est la lumière de ton prophète ô Jâbir qu’Allâh a créée ( ), puis Il a créé dans cette lumière tout bien, puis Il a créé après elle toute chose.

Il maintint (cette lumière) ainsi, devant Lui, dans l’état de proximité (maqâm el qurb) durant 12 000 années, puis Il en fit 4 parties (aqsâm) : Il créa le Trône (`arsh) d’une des parties l’Escabeau, d’une autre les Porteurs du Trône et les Gardiens de l’Escabeau, d’une autre Il maintint la 4e dans l’état d’Amour (maqâm el-h’ubb) durant 12 000 années, puis Il en fit 4 parties :

Il créa la Plume d’une partie
la Table d’une autre
le Paradis d’une autre

et Il maintint la 4e en état de Crainte durant 12 000 ans. Puis Il en fit 4 parties (ajzâ’) :
Il créa les anges d’une des parties
le soleil d’une autre
la lune et les astres d’une autre

et Il maintint la 4e partie en état d’Espérance (rajâ’) durant 12 000 ans, puis Il en fit 4 parties :
Il créa la raison (`aql) d’une des parties
la connaissance d’une autre
la mansuétude (h’ilm) d’une autre

et Il maintint la 4e partie en état de Pudeur durant 12 000 ans, puis Il la regarda de sorte que la lumière transpira (par l’effet de la pudeur) 124 000 gouttes de lumière et Allâh créa de chacune de ces gouttes un prophète ou envoyé.

Puis les esprits de ces prophètes se mirent à respirer et Allâh créa de leurs souffles les saints, les bienheureux, les martyrs et les croyants obéissants jusqu’au Jour de la Résurrection. Le Trône et l’Escabeau (divin) sont donc (faits) de ma lumière ; le Paradis et les délices qui s’y trouvent sont (faits) de ma lumière ; les anges des sept cieux sont (faits) de ma lumière ; les purs esprits parmi les anges sont (faits) de ma lumière ; le soleil, la lune et les astres sont (faits) de ma lumière ; la connaissance et la longanimité (h’ilm) sont (faits) de ma lumière ; la réussite (tawfîq) est faite de ma lumière ; les esprits des envoyés et des prophètes sont (faits) de ma lumière ; les martyrs (témoins de la Vérité) et les vertueux sont dérivés de ma lumière.

Ensuite Allâh créa 12 000 voiles puis Il établit ma lumière — qui se trouve dans la 4e partie de chaque voile — durant mille ans. Ce sont les voiles de l’Abondance (karâmah), de la Félicité, la Crainte-révérentielle, la Miséricorde, la douceur (ra’fah), la Connaissance, la Longanimité (h’ilm), la Gravité, la Tranquilité (sakînah), la Patience, la Certitude, la Sincérité ( ).

Cette lumière adora Allâh dans chaque voile durant mille ans et lorsqu’elle sortit des voiles, Allâh l’infiltra (zakkâh) dans la terre de sorte que tout ce qui s’y trouve entre l’orient et l’occident tire sa clarté d’elle, comme d’un flambeau dans la nuit obscure.

Ensuite Allâh (Glorifié & Exalté) créa Adam de la terre et introduisit en lui de cette lumière, au front. Ensuite (cette lumière) se transmit à Shîth (Seth) puis fut transmise ainsi de pur en pur, de vertueux (t’ayyib) en vertueux, jusqu’à ce qu’Allâh (Glorifié & Exalté) la fit passer dans le rein de Abd-Allâh ibn Abd el-Mutt’alib, et de Abd Allâh à la matrice de ma mère Aminah.
Ensuite Il me fit apparaître en ce bas-monde et fit de moi le seigneur des envoyés, le sceau des prophètes et une miséricorde pour les mondes. Voici la genèse de ton prophète, ô Jâbir”.

Il dit aussi (sall-Allah alayhi wa sallam) : “J’étais prophète alors qu’Adam était encore entre l’eau et l’argile” ou, selon une autre version, “alors qu’Adam était encore entre l’esprit et le corps”. Adam était alors une chose connue (c’est-à-dire à l’état d’archétype) mais son esprit et son corps n’étaient pas déterminés (litt. sans détermination : lâ ta`ayyun ; individuelle). Lorsqu’Allâh (Glorifié & Exalté) voulut manifester le corps d’Adam, Il le constitua en matière amorphe (sans forme : shabh’an) dépourvue d’esprit ; Il dirigea vers la terre ange après ange pour qu’ils Lui apportent une poignée (de la terre) afin qu’Il y insuffle la forme du corps d’Adam. Mais il n’était pas d’ange que la terre n’adjure, par Celui qui l’avait envoyé (à elle), de ne rien prendre d’elle qui pût (par la suite) devenir un hôte de l’enfer ; alors l’ange revenait (sans rien). Ceci jusqu’à ce qu’Allâh lui envoie `Azrâ’îl ; (la terre) adjura Azrâ’îl comme elle avait fait avec les autres. Il répondit : “ Celui qui m’a dirigé vers toi et qui me commande a plus d’autorité que toi (litt. prioritaire à être obéi) ” ; il prit une poignée de terre meuble, de terre dure, de blanche, de rouge et de noire, et tout ceci ressortit dans les traits (la constitution akhlâq) et les couleurs des hommes. Puis, lorsqu’il se trouva en présence du Dieu-Vrai — Majestueux, Exalté — Dieu l’honora en le chargeant de saisir (les âmes) des descendants d’Adam (au moment de leur mort ; litt. de celui dont il avait saisi cette poignée – ).
Ensuite Allâh rougit l’argile d’Adam entre Ses deux Mains jusqu’à ce qu’il puisse recevoir le souffle divin et, lorsque l’esprit animal (vital h’ayawânî) se propagea dans les parties de cette forme, (Adam) éternua. L’ange lui dit alors “fais la louange d’Allâh” ; alors il louangea Allâh et son Seigneur lui répondit : “Allâh te fait miséricorde, Adam, c’est pour cela que Je t’ai créé” ; c’est-à-dire pour que tu Me louanges et que Je te fasse miséricorde. Ceci devint la pratique prophétique (sunnah) à l’égard de celui qui éternue (tashmît el `âtiç) et qui louange Allâh.

Allâh introduisit (rakkaba) dans le corps d’Adam des éléments naturels différents et contradictoires ; lorsque Allâh voulut les accorder et les unifier (ijtimâ`), Il insuffla dans (ce corps) de Son esprit divin qui répandit en lui la fonction de sustentation (el imdâd). C’est ainsi que se manifesta en lui le secret des paroles (primordiales), du sens caché (ma`ânî) des lettres et des nombres.

Le Prophète (sall-Allah alayhi wa sallam) est le secret Ahmadien établi avec son Seigneur (qâ’imu bi rabbih) dans l’éternité sans commencement et l’éternité sans fin ; il est le fondement (soutien mumidd) des pères, des fils et des ancêtres, l’intercesseur de toutes les créatures au Jour du Rassemblement et du Rendez-vous, celui qui dissipera (el munaffis `anhum) l’angoisse du Rassemblement (mah’shar), et l’oppression de el `araq le jour où les mères fuiront (tadh°halu) leurs enfants, et ceci après que les prophètes de toutes les communautés soient (intervenus ih’âlah) auprès de lui en vue d’un Jugement favorable (`alayhi fî fad’li l-qad’â’) et de la délivrance des terreurs, et qu’il ait accepté l’intervention et le discours (maqâlah) en vertu de ce qu’Allâh lui aura conféré (ayyadahu) en fait de générosité et de pouvoir d’intercession.

Il intercédera jusqu’à ce que son intercession (atteigne) celui qui n’aura pas plus que le poids d’un grain de moutarde (sénevé : khardal) de foi dans le coeur et il le sortira de l’enfer.

Il est la Miséricorde universelle (`âmmah) par laquelle Allâh applique Sa Miséricorde à l’élite autant qu’à la généralité. L’excellence, l’éminence la plus accomplie, la gloire la plus incomparable (a`azz) et la plus resplendissante lui reviennent ; il réunit la primauté et l’ultimité, il est le chambellan (celui qui ouvre la porte) du Paradis, celui qui ouvre la porte de l’existence aux êtres repliés dans l’état d’embryon.

Gloire à Celui qui l’a soutenu (de son Être), lui a conféré la grâce des attributs physiques (qu’on lui connaît) et qui l’a distingué parmi l’ensemble des créatures par (des qualités) que les plumes ne sauraient circonscrire. Tout cela provient de l’Effluve de Sa Prévenante Sollicitude (`inâyah), de l’effet spontané de Sa pure Volonté et de Son Désir créateur et de la prescience contenue dans Sa Toute-Puissance.

(Nous lui devons) la Faveur de nous avoir offert cette grâce (manna `alaynâ) et devons Le louanger de nous avoir distingués pour la recevoir.
C’est à Lui que revient la grâce (minnah) pour nous avoir inclus dans la communauté (de ce prophète, sall-Allah alayhi wa sallam).
Nous Lui devons une gratitude qui se perpétue autant que Son vouloir continuera de s’affirmer.

Qu’Allâh accorde Sa grâce unifique au Prophète généreux, l’Envoyé miséricordieux, et qu’Il le salue dans Sa Paix.

Cheikh Muhi ed-Dîn Ibn Arabi

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  1. Du même auteur : « Commentaire ésotérique de la formule inaugurale du Coran – Traduction ‘ « El-kahf er-raqîm d’Abd el-Karîm Jilî » – Editions Al-Bouraq et « Le symbole sans pareil de l’Identité Suprême » – Traduction d’un traité du Cheikh Ahmed el-Alawî sur le symbolisme de la basmalahLe Porteur de Savoir []

par le 4 février 2012, mis à jour le 18 juillet 2015

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