Que fait-on quand on prie sur le Prophète ﷺ ?

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Allah au centre de Mohammed par quatre

On rapporte que le Prophète ﷺ a dit : « Dieu le Très-Haut m’a dit : « Ô Mohammed ! J’ai fait de toi une mention (ja’altu-ka dhikran) qui est de Ma mention (min dhikr-Î). Qui se souvient de toi (man dhakara-ka), se souvient de Moi et qui t’aime, M’aime.» –

Ibn Attâ Allah es-Sakandarî, deuxième khalifah du Cheikh Abu-l-Hassan Châdhilî -qu’Allah soit Satisfait d’eux deux.

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Les descriptions en quelque sorte techniques qui concernent, parfois de manière très détaillée, la pratique du dhikr d’Allah subhâna-Hu wa ta’âlâ sont nombreuses et suffisamment accessibles pour que l’on puisse, au moins théoriquement, se faire une idée assez précise de ce dont il s’agit et que l’on comprendre l’importance d’une telle pratique et sa cohérence avec l’objet du sulûk. Il est vrai que l’on peut aussi, par contre, valablement s’interroger sur la nature de l’activité que constitue la prière sur le Prophète ﷺ et sa multiplication, surtout dans un cadre initiatique dans lequel elle peut être envisagée comme un moyen principal de Travail et comme susceptible d’induire un irchâd. Cette question mérite donc amplement un certain examen.

Nous débuterons cette étude par la présentation d’un extrait d’Afdal eç-çalawât du Cheikh Yûssuf en-Nabbahânî1.

… Ibn Hajr a dit dans son livre el-Jawhar el-Munadhdham que Ghazâlî a été interrogé sur le sens qu’à notre prière et celle d’Allah, c’est-à-dire qu’elle vaut dix et cents fois sur celui qui prie sur lui, ainsi que la signification de cet appel à sa communauté pour prier sur lui. L’objet était de savoir si le Prophète pouvait trouver en cela un apaisement. Ghazâlî donna globalement cette réponse : « le sens de la prière d’Allah sur son Prophète et sur ceux qui prient sur lui est un déversement (ifadha) de diverses formes de karamates, de bienveillances, de grandes faveurs et de générosités selon ce qui lui convient, ainsi qu’à eux. Quant à notre prière et à celle des anges sur lui, son sens a celui d’une demande et d’une supplique appelant toutes ces perfections et du désir intense de les voir s’épandre sur lui. Quant à l’incitation des membres de sa communauté par l’Envoyé d’Allah, elle porte sur trois choses :

1) C’est que les invocations attirent le flux des bienfaits d’Allah et de Ses grâces, en particulier lorsque les invocateurs sont nombreux et unis, car les aspirations spirituelles, lorsqu’elles sont unies et débarrassés de l’influence de l’âme et des passions, s’unissent avec les forces spirituelles des anges du monde inférieur en raison de leurs affinités dues à l’abandon des troubles et des passions, et il est rare que cet ensemble d’invocations puisse rater son but. C’est pourquoi il est toujours demandé au grand nombre de faire la prière de demande de pluie en d’autres circonstances.

2) Quant à l’apaisement que cela lui procure, il a dit : « je suis fier de vous devant les autres communautés », c’est comme un savant qui, au cours de sa vie, éprouve de la satisfaction à voir que ses élèves, grâce à lui, ont réussi et obtenu la guidance, et ceux-ci l’aiment sincèrement et lui sont reconnaissants de ce qu’il a fait pour eux.

3) Concernant sa compassion envers [les membres de] sa communauté : il les incite fortement à réaliser une bonne œuvre (qurbah) ou plutôt des bonnes œuvres car la prière sur le Prophète rassemble tous ces aspects-là, comme un renouvellement (tajdid) de la foi en Allah, puis en son Envoyé, puis de son immensité, puis une aide pour la demande des karamates que l’on fait pour lui, puis dans le jour dernier dans lequel se trouve la plupart de ces karamates. De plus, dans la prière sur le Prophète, on évoque sa famille et ses compagnons ; la Miséricorde descendant lorsque l’on évoque les hommes vertueux. C’est aussi une glorification d’Allah, et du Prophète, en vertu de son lien avec Lui. C’est également une manière d’exprimer notre attachement envers lui et eux. C’est aussi une supplication et une imploration d’Allah. C’est aussi la reconnaissance que l’ordre tout entier Lui revient et que le Prophète, malgré sa dignité élevée et le fait qu’aucun autre serviteur d’Allah ne peut atteindre son rang, a besoin des bienfaits d’Allah et de Sa miséricorde. »

Dans l’espoir de pouvoir développer dans l’avenir au moins quelques uns de ces points, in châ Allah, rappelons aussi, à l’instar des Maîtres de la Voie, que le dhikr du Prophète ﷺ implique en quelque sorte celui d’Allah subhâna-Hu ta’âlâ, ne serait-ce que formellement puisqu’il débute presque systématiquement par « Allahumma » 2.

La ilha illa Allah unitaire

On pourra également, in châ Allah, évoquer l’étude des réactions concordantes qui sont en rapport avec une activité initiatique que l’on peut, sous un certain rapport, qualifier d’essentielle puisqu’elle reflète en quelque sorte, dans son ordre, l’activité divine correspondante.

20 janv. 2013 – V2

Quant à ce qui est dit du dhikr du Prophète qu’est la prière que l’on fait sur lui ﷺ, nous rappelons la partie suivante du « Chapitre de la progression graduelle du cheminant dans la Voie par les formules d’incantation (adhkâr) et de la façon dont il est transféré de degré en degré » du Cheikh Ibn Atta’i-Llah es-Sakandarî ﷺ, déjà éditée sur Le Porteur de Savoir.

Celui qui persévère dans les formules d’incantation (adhkâr) verra déferler sur lui des lumières et se lever pour lui les voiles couvrant les réalités cachées. Celui qui est déterminé à rechercher l’enseignement initiatique ainsi que la progression dans la voie droite se doit de chercher un cheikh parmi les gens de réalisation, suivant une méthode initiatique, ayant délaissé ses passions et fermement établi au service de son Seigneur.

Il n’y a pas de meilleure parole à ce sujet que les vers du poète qui a dit :

La vérité du Dieu-Vrai est trop élevée et majestueuse
pour l’âme du voyageur qui suit ses passions

Lorsqu’il l’a trouvé, qu’il se conforme à ce qu’il lui prescrit et qu’il s’abstienne de ce qu’il lui défend et lui interdit, au risque de se perdre. Il énumèrera les Noms de Dieu, se parera des vertus fondamentales et abandonnera les vices découlant des comportements défendus, des actions et des passions. Il devra être sur ses gardes, recherchant la progression et la persévérance dans les pratiques d’adoration, ainsi que la sincérité dans sa recherche vers Allâh dans tout ce qu’il recherche.

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Il existe dans la progression initiatique de nombreuses méthodes : vous ne verrez dans aucune d’elles déviation ou malhonnêteté.

Je vais mentionner à présent intégralement la méthode de l’Imam Abou-Bakr el-çiddîq que j’ai reçue de quelqu’un de réalisé.
Elle consiste en ce que le cheminant dans la Voie débute par la pratique de la prière sur le Prophète ﷺ à l’exception de toutes les autres formes d’incantation (dûn ghayruha min el-adhkâr), car il est ﷺ l’intermédiaire (el-wâsitah) entre nous et Lui (bayna-nâ wa bayna-Hu), le critère qui nous dirige vers Lui, celui par lequel nous Le connaissons. Or l’attachement à l’intermédiaire précède l’attachement à celui dont il est l’intermédiaire.

Par ailleurs, le lieu de la sincérité est le cœur, qui peut se dévouer à « autre qu’Allah » (Elevé soit-Il), l’âme étant orientée vers les créatures, incitant au mal, poursuivant ses passions et inclinant vers les vanités. Tout ceci constitue des impuretés qui voilent le cœur de la pureté (ikhlâç) et de l’orientation véritable vers Allâh (Elevé soit-Il). Elle [l’âme] est réceptive aux commandements du diable : si elle n’y était pas réceptive celui-ci ne pourrait, en effet, se frayer un chemin vers le cœur. Sa réceptivité envers lui est une indication de sa distraction et de son absence (al-ghaybah) envers Allâh, le très-Haut ; or l’absence est un voile épais (kathîf) qui sépare l’âme de son créateur ; et le voile est une obscurité. Le cheminant effectif (sâlik) doit donc chasser cette obscurité et ôter ces impuretés ; or l’obscurité disparaît par la lumière.

Il est rapporté qu’il ﷺ a dit : « En vérité, la prière sur moi est une lumière et les impuretés sont enlevées par ce qui purifie »[2] On rapporte dans un hadith qu’il a dit ﷺ : « Les cœurs des croyants sont purifiés et nettoyés de la rouille par la prière qu’ils font sur moi ». C’est pour cela qu’il est prescrit au commencement [de la Voie] à celui qui chemine de pratiquer la prière sur le Prophète ﷺ afin de purifier le lieu-support de la pureté-sincère (mahalu-l-ikhlaç), car il n’y pas de pureté tant qu’il subsiste des imperfections et que les grâces diminuent.
La mention (dhikr) du Bien-aimé d’Allah et l’abondance de la prière sur lui ﷺ amènent la capacité de l’aimer avec le cœur. La capacité de l’aimer avec le cœur produit une dévotion intense envers lui et de l’attention envers ses qualités, son caractère et la distinction spirituelle qui est la sienne. Lorsque le novice aura compris qu’il ne peut suivre ses actions et ses vertus que par une dévotion intense envers lui, qu’il ne peut parvenir à cela que par un amour suprême envers lui, qu’il ne peut atteindre l’amour suprême envers lui que par la multiplication de la prière sur lui, puisque « quiconque aime quelque chose la mentionne souvent », alors il commencera à s’adonner à la prière sur le Prophète ﷺ qui rassemble à la fois le souvenir de Dieu (dhikr Allah) et celui de Son Envoyé (dhikr Rasûli-Hi) ﷺ.

On rapporte que le Prophète ﷺ a dit : « Dieu le Très-Haut m’a dit : « Ô Mohammed ! J’ai fait de toi une mention (ja’altu-ka dhikran) qui est de Ma mention (min dhikr-Î). Qui se souvient de toi (man dhakara-ka), se souvient de Moi et qui t’aime, M’aime.»

Le Prophète a dit : « Qui me mentionne, mentionne [par le fait même] Allah (man dhakaranî faqad dhakar-Allah) et quiconque m’aime, aime Allah [par le fait même] (man ahabbanî faqad ahabb-Allah) ». [En effet], lorsque celui qui fait la prière [sur le Prophète, el-muçallî] dit « Allahoumma » [dans la prière sur le Prophète], il invoque Allah. »

w-Allah a’lam

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Allah au centre de Mohammed par quatre

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ARTICLE THEMATIQUE correspondant

LA PRIERE SUR LE PROPHETE ﷺ COMME MOYEN DE SULÛK en cas de raréfaction de Maître éducateur (Cheikh tarbiyah) – M.A.S.

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  1. Texte présenté pour la première fois sur le forum du Porteur de Savoir par Alî []
  2. Cet aspect est également en rapport avec la particularité qu’a le nom du Prophète ﷺ d’être immédiatement lié, ou « accolé » sans intermédiaire à celui d’Allah subhâna-Hu ta’âlâ dans la double châhâdah. []

par le 20 janvier 2013, mis à jour le 28 juin 2015

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