Question sur la construction des tombeaux, les fêtes commémoratives (mawâlid) et la recherche de la bénédiction (barakah) des morts – Cheikh Zaki ed-Dîn Ibrâhîm

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8° question au Journal At-Ta’awwoun

Extrait des « Rudiments du Taçawwuf Islamique (Abjadiyah et-Taçawwuf el-Islâmî) »

Pourquoi les soufis ont-ils un tel engouement pour :

  • La construction de tombeaux
  • La célébration des fêtes commémoratives (mawâlid)
  • La recherche de la bénédiction (barakah) des morts … et qu’en est-il de sa justification dans le Coran et la tradition prophétique?

 Réponse

Les soufis ne désespèrent pas que les morts [aient un sort favorable], contrairement « aux mécréants qui perdent espoir pour les gens des tombes » (sourate El-Moumtanah)1 , car ils savent bien que la mort n’est qu’une étape parmi d’autres du pénible voyage humain vers Allah. Selon eux, le mort est vivant d’une vie intermédiaire (barzakhiyyah) et a une véritable relation avec le vivant, comme cela est authentifié dans les ahadiths de l’Envoyé d’Allah (qu’Allah prie sur lui et le salue) : le mort rend le salut à celui qui le visite, il le reconnait, la salutation au mort près de sa tombe est légale, la conversation qu’il a eue avec les morts « de Qulayb le jour de Badr » (qu’Allah prie sur lui et le salue). Tout cela figure dans nombre de traditions confirmées (thâbitah).

 

Quant au Coran, Sa Parole te suffit – exalté soit-Il – : « Ils se réjouissent pour ceux qui, restés en arrière, ne les ont pas encore rejoints » (s. 3 v. 170). Cela [montre] qu’il existe une relation fondamentale entre les vivants et les morts, sinon l’invocation et le salut qui leur sont adressés seraient adressés aux pierres !

 

En ce sens nous avons la visite de l’Envoyé (qu’Allah prie sur lui et le salue) aux gens du Baqî’, la salutation qu’il leur adresse, son entretien avec eux et la demande qu’il fait pour eux.

 

Dans son livre « l’Esprit » auquel il n’y a rien à ajouter, l’Imam Ibn Qayyim El-Jawziyyah, (élève, apôtre, et héritier de la prédication de Ibn Taymiyyah) a établi l’ensemble de la doctrine soufie au sujet de la vie après la mort et de la relation des esprits avec les vivants. Ibn Abî-d-Dunya a écrit à ce propos une œuvre utile.

 

Les Soufis croient à raison que le Saint dans cette vie est un Saint par ses caractéristiques spirituelles et ses dons seigneuriaux. Ces caractéristiques et dons sont liés aux esprits et n’ont absolument aucune relation avec les corps. Ainsi, lorsque le Saint meurt, ses caractéristiques et ses dispositions se retirent avec son esprit dans son monde intermédiaire, mais son esprit reste totalement relié à sa tombe, selon l’argument précédant concernant le salut qu’on lui adresse et sa réponse, etc. De là découle la vénération accordée à ces grands hommes pieux d’entre les gens des tombes.

 

 

Il est attesté que l’Envoyé d’Allah (qu’Allah prie sur lui et le salue) a déposé une pierre sur la tombe d’un compagnon, ‘Othmân Ben Madh’ûn (qu’Allah soit satisfait de lui)  , et a dit : « je reconnaitrai la tombe de mon frère grâce à elle » . Ce hadith est survenu après celui rapporté par Seyidina ‘Alî (qu’Allah soit satisfait de lui) à propos du nivellement des tombes honorées (mucharrafah). [Les savants] s’y réfèrent pour autoriser l’utilisation de quelque chose pour marquer l’emplacement de la tombe et la valeur de celui qui l’occupe, sans toutefois tomber dans l’excès ou l’exagération, mais dans l’espoir de permettre qu’il soit toujours visité, de faire des invocations en sa faveur, de [prendre] exemple sur lui, de faire des aumônes pour lui et de conserver sa trace (âtharahu).

 

Par conséquent, il est permis de transférer un mort d’un endroit à un endroit meilleur, comme il est authentifié dans le hadith de Jâbir et d’autres.

 

Ensuite, certaines personnes ont exagéré – avec une bonne intention d’un côté, et la crainte de la disparition des tombes de l’autre – et l’affaire a pris la tournure que l’on connait aujourd’hui. Comme il est dit : « la chose dépend de sa motivation (‘illah) » : la motivation (‘illah) du nivellement (taswiyyah) des tombes, et l’interdiction originelle de leur visite était la crainte de la dégradation [de la foi] et du retour à l’associationnisme. Or quand la foi et le monothéisme se sont ancrés dans les cœurs des gens (même si parfois leur langue s’est trompée), il n’y a plus rien eu de blâmable à célébrer la mémoire des pieux par [le souvenir] de leur exemple, à montrer de la considération (i’tibâr) [à leur égard], et à devoir rendre visite au défunt, etc. (Nous avons rapporté les points de vue des savants des différentes écoles, reporte toi à ce qui suit !).

 

Le point de vue qu’ils ont généralement adopté, en regard des motivations [à l’origine de ces comportements], n’est jamais allé jusqu’à menacer les gens d’associationnisme, d’idolâtrie, de mécréance, d’apostasie ou de rendre licite le sang des musulmans. Ainsi, des centaines années ont passé sur ces tombes sans qu’aucune d’elles n’ait été adoré en dehors d’Allah, ni qu’aucun musulman n’ait prié une seule raka’a pour un Saint, et l’exemple le plus éloquent est dans la tombe du Prophète (qu’Allah prie sur lui et le salue) et celle des grands imams.

 

Normalement, ce qui concerne les innovations lors des visites et qui est blâmable peut être soigné en s’entraidant de la meilleure manière.

 

Je sais pertinemment par avance que ces paroles seront contredites par les langues et les plumes des querelleurs professionnels, ceux qui en ont fait le fondement de leur courant de pensée, la totalité de leur mode de prédication et leur fonds de commerce. J’expose un avis sans prétendre à l’infaillibilité ni être le seul détenteur de la vérité, et je pense qu’on peut prendre ou laisser de chacun, sauf pour ce qui vient d’Allah et de Son Messager. De ce que j’en sais déjà concernant les textes allant dans ce sens et ceux qui sont contradictoires, le propos en question est ancien et récurent, il ne contient aucune nouveauté, et il est possible de rapprocher les différents points de vue. Mais il n’est de pouvoir et de force qu’en Allah. Vous pouvez vous référer à ce que nous avons écrit en détail sur l’intercession et la tombe dans l’épître « la question de l’intercession et des tombes ».

Cheikh Zaki ed-Dîn Ibrâhîm

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  1. Cor. s.60 v.13. []

par le 29 avril 2016, mis à jour le 10 mai 2017

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