1 – La réalisation effective des akhlâq mohammédiens, et a fortiori divins, n’étant pas généralement envisagée ni envisageable au tout début du sulûk, quels sont donc les aspects qui y sont davantage développés ? …

… Plus précisément : ne peut-on pas penser que la conformité aux âdâb de la Voie, au début de celle-ci, est déjà une étape vers l’intégration des akhlâq ?

Réponse de Mohammed Abd es-Salâm

V1 – 2009

Lorsque l’on se pose, avec un certain réalisme, la question de savoir sur quels usages et dispositions générales insistent les Maîtres en ce qui concerne le début de la Voie, on constate systématiquement qu’il s’agit du respect d’un certain nombre de règles, de conditions et d’attitudes, regroupées sous le terme générique de âdâb (pluriel de adab) qui englobe l’ensemble des mesures adéquates convenant à développer harmonieusement la conduite de la progression initiatique, et dont certaines sont ainsi valables jusqu’à son Terme. Or, si l’on parle d’adab, pourquoi ne pas parler aussi de morale, de politesse, voire de littérature, toutes acceptions qui sont valables en arabe, tant sous le rapport de l’étymologie que celui de l’usage courant ?

La lecture de l’œuvre de René Guénon, permet, quant à elle, de comprendre que son auteur s’est appliqué à définir ce qui est de l’ordre du domaine initiatique et ce qui ne l’est pas. L’initiation ouvrant, en effet, au domaine supra-individuel, les désignations de ce qui est inférieur à ce domaine ne peuvent être utilisées que d’une manière allusive et doivent nécessairement faire l’objet d’une transposition pour être valablement comprises dans le domaine initiatique.

Le adab ne désigne donc pas, dans la terminologie du Taçawwuf, la littérature. Il ne désigne pas davantage, ni « les règles de conduite en usage dans une société » (ce qui peut définir ce qu’est la morale), ni « la manière de se comporter conformément aux règles du savoir-vivre dans une société » (ce qui peut définir la politesse), bien que l’on voie dans quelle mesure ces deux dernières définitions peuvent effectivement être l’objet d’une transposition, certes partielle mais assez directe, aux comportements à observer dans la Voie, pour ce qui concerne les rapports avec les frères avec le Maître, et les rapports entre le murîd et les autres êtres, dans une optique strictement initiatique.

On voit également que cette transposition ne peut être que partielle, lorsque l’on sait que les Maîtres décrivent également, en plus de ces dernières, des règles qui sont valables pour le murîd lui-même et pour les relations entre le murîd et son Seigneur.

Il s’agit donc bien davantage d’attitudes à observer, d’une manière méthodique ou disciplinaire, suivant ce à quoi elles s’appliquent en quelque sorte. Le tout concernant l’ensemble des relations entre l’être et son milieu (pour reprendre les termes d’un chapitre du dernier ouvrage de René Guénon, La Grande Triade), on comprend l’importance universelle que peuvent revêtir cette notions tout au long de la Voie, c’est-à-dire tant qu’il persiste à l’être une perception d’une existence propre et distinctive.

Leur intérêt au début de la Voie, en tant que ce sont des dispositions générales et préparatoires au processus même de réalisation initiatique, c’est-à-dire de sulûk, semble accru lorsque les conditions d’un irshâd direct, exercé par un Maître réalisé corporellement vivant, font défaut, car les règles de âdâb peuvent alors être considérées comme un apport méthodique substitutif majeur, concernant à la fois les pratiques initiatiques en elles-mêmes et les différents modes de relations que le murîd peut être amené à développer dans chacun des états qui le concernent dans son cheminement.

C’est donc bien sous cet aspect préparatoire et méthodique que nous en envisageons personnellement la présentation et l’étude, dans le cadre des études présentées sur le Porteur de Savoir.

par le 10 septembre 2010, mis à jour le 26 juillet 2015

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