Règle de la Tarîqa Hâmidiya (Qanûn tarîqa l-sâda l-Hâmidiyya bi-l-diyar al-Misriya) – Cheikh Salâma Râdi

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Présentation

Le texte que nous présentons consiste en des extraits de la règle de la Hâmidiyah de Seyyid Salâma Hasan er-Râdi, Qanûn tariqa l-sâda l-Hâmidiyya bi-l-diyar al-Misriya (Le  Caire, rééditée en 1965), présentés par Ernst Bannerth dans son article « Aspects humains de la Shadhiliyya en Egypte », publié dans le n° 11 de la revue Mélanges de l’Institut dominicain d’études orientales du Caire (Dar al-Maaref, Le Caire – 1972).

Il a retenu notre attention à la fois parce que le sujet traité est tout à fait cohérent avec les motivations du Porteur de Savoir et aussi à cause de ces remarques de l’auteur :

«  On perçoit dans ce petit livre l’influence de la pensée du philosophe al-Fârâbî, dont le traité Al-Madina l-fadila avait été édité au Caire en 1906 (cf. P. 77 du Kitâb ârâ ahl-madina l-fadila : ihtiyaj al-insân ilâ l-ijtimâ’ wal-ta’âwon (le besoin, pour l’homme de l’activité sociale et de la corporation). Ce livre commence lui aussi par un exposé anthropologique et traite ensuite de l’âme et des créatures spirituelles et de la coexistence des hommes (cf. Dieterci, Der Musterstaat von Al-Fârâbî, chap. 26 ss, Leide, 1906). Râdî ne cite pas celte œuvre, mais il en a les mêmes idées, adaptées à son système soufi.

Il n’est pas étonnant que René Guénon, converti à l’Islâm en 1912 (Abd al-Halîm Mahmûd, p. 11) soit devenu membre de cette confrérie (l. c., p. 254). »

Même en laissant à l’auteur de ces lignes la responsabilité de ses remarques et de sa conclusion, il nous a semblé que ce travail pouvait donc trouver sa place ici.

Sur un plan formel, signalons que nous avons réduit nos propres citations au simple texte des règles de la tarîqah, laissant de côté, au moins pour l’instant, les remarques de l’auteur de l’article.

Ayant trouvé récemment le texte arabe du Qânûn, nous avons décidé d’essayer d’améliorer la traduction quand elle pouvait l’être 1.

Mohammed Abd as-Salâm

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Règle de la Tarîqa Hâmidiya

(Qanûn tariqa l-sâda l-Hâmidiyya bi-l-diyar al-Misriya)

de

Seyyid Salâma Hasan er-Râdi

« Première partie. Les principes du tarîq (méthode) de la confrérie.

 

§ 1. Les Gens de la Voie ont pour But d’atteindre la connaissance d’Allah (ma’rifah) et d’obtenir Sa Satisfaction, accomplir les droits de l’adoration (‘ubûdiyah) et réaliser les droits de la seigneurie (rubûbiyah).

§ 2. Notre tarîqah est basée sur le Livre et la Sunnah, exempte de toute innovation réprouvée par la loi divine.

§ 3. Le travail appliqué des âmes fait partie des principes de notre tarîq.

§ 4. Pratiquer l’humilité, qui est le capital du faqîr, fait partie de notre tarîq.

§ 5. La soumission à Dieu (taslîm) est la marque distinctive de notre tarîq.

§ 6. Le support de l’injure (adhâ) purifie l’essence du faqîr et éclaire sa substance.

§ 7. La mention d’Allah (dhikr), le plus souvent possible, est la nourriture des cœurs.

§ 8. La récitation du Coran constitue un rapprochement vers Allah, une lumière et une miséricorde.

§ 9. Acquérir la science nécessaire extérieure est une obligation pour chaque faqîr.

§ 10. Respecter les musulmans et rechercher leur bénédiction sont des pratiques qui montrent la satisfaction d’Allah ta’âlâ  ((Honorer les musulmans et implorer sur eux la bénédiction sont des choses qui plaisent à Dieu – Il est grand !))

§ 11. La compagnie des riches endurcit les cœurs.

§ 12. Le rejet des excès est un principe de notre Voie. 2

§ 13. L’amour mutuel, la visite aux confrères et la charité sont des principes de notre tarîq.

§ 14. La simplicité de coeur et la bonne opinion en Allah et en Ses adorateurs font partie de notre tarîq.3

§ 15. Ordonner le bien et interdire le mal, avec bonté et tendresse (cf. Coran, 3, 113).

§ 16. Aider les pauvres et se montrer bienveillant à leur égard, tant matériellement que spirituellement, dans la mesure du possible.  4

§ 17. Que l’homme voie en lui-même l’insuffisance.

§ 18. Il n’est pas d’obéissance à une créature dans la révolte contre le Créateur. 5

§ 19. L’homme doit être miséricordieux envers son frère, sans discuter avec lui, ni devenir son adversaire. Il ne l’insultera pas, ne le calomniera pas, ne l’enviera pas, ne lui mentira pas, ne lui nuira pas. Il sera humble avec lui, lui parlera avec douceur, le conseillera avec bienveillance, sans être péjoratif.  Qu’il l’aide dans sa lutte contre son âme et son chaytân sans jamais se faire leur allié contre lui.   ((L’homme doit être miséricordieux envers son frère, sans le contredire, ni devenir son adversaire. Qu’il ne l’insulte pas, ne le calomnie pas, ne l’envie pas, ne lui mente pas, ne l’offense pas. Qu’il lui parle avec douceur, le conseille amicalement, sans mépris, qu’il l’aide dans sa lutte contre l’âme animale nafs, passion et le démon et ne devienne jamais l’allié de ceux-ci contre lui.))

§ 20. Il faut se tenir à être frugal ne pas désirer les biens d’autrui ; si on donne quelque chose, il ne faut pas exiger une récompense, sauf si celle-ci est donnée librement et sans qu’on l’ait demandée.

§ 21. Chaque personne rattachée au tarîq doit être fidèle à sa religion. On ne parlera pas sans savoir. On ne rapportera pas une parole déformée ou des choses de ce genre. Bien au contraire on établira ce dont on parle afin de ne pas tomber dans ce qui est illicite (harâm) et dans l’ignorance auprès des gens.

§ 22. L’humilité et la dignité doivent être l’ornement spirituel du faqîr : qu’il évite de multiplier rire et plaisanterie afin d’attirer les cœurs et gagner les gens, ou qu’au moins il soit honoré par eux. 6

15 août – V7

§ 23. Se méfier de l’âme animale (nafs). Méfie-toi de ce qu’elle te présente, jusqu’à ce que tu connaisse la vérité.

§ 24. Que toute personne, appartenant à notre tarîqah, qui s’exprime sur les vérités essentielles (haqâ’iq) le fasse en s’appuyant sur le Livre et la Sunnah 7

§ 25. Il n’est permis à personne de notre tarîqah de parler d’ « « habitation » (hulûl), ni d’ « union hypostatique » (ittihad), ni la définition locale de Dieu (jihah), ni que Dieu-Le Vrai est la créature même (‘ayn el-khalq), ni la parole (maqâlah) d’al-Hallâj.8

§ 26. . Il n’est permis à personne d’être un « libre penseur » ahl al-ibâha qui prétende abolir les obligations et déclare permis les actes défendus, car cela est de l’incroyance (zandaqah) ; beaucoup de gens y sont tombés après avoir visé la plus haute sainteté (wilâyah)9

§ 27. Il est défendu de s’adonner à la magie (sihr) et à tout ce qui lui ressemble, car cela éloigne de Dieu.

§ 28. Il n’est pas permis au Shaykh de disposer de la fortune d’une disciple (tilmîdh) en lui ordonnant de vendre ses propriétés pour s’en approprier le prix ou l’amenant à lui céder ses biens, comme font pas mal de gens sans morale.

§ 29. Il n’est pas permis au shaykh d’ordonner à son disciple des choses qui pourraient lui porter dommage, comme de passer la nuit sur un toit en hiver, habillé d’une simple robe, ou de rester debout dans l’eau pendant la nuit, ou encore de faire le dhikr sur un mur.

§ 30. Il est défendu aux hommes d’imiter les femmes et aux femmes d’imiter les hommes.

§ 31. Il est défendu de participer aux réunions des « fous de Dieu » (majâdhib), d’être en relation avec eux ou de les imiter.

§ 32. Il est défendu au disciple de faire de longs voyages sans l’autorisation de son shaykh.

§ 33. Il est défendu à celui qui a un métier de l’abandonner sans la permission de son shaykh.

§ 34. Il est absolument défendu aux membres de notre tarîq d’écrire, sans notre permission, une prière (da’wa), ou une liturgie (wird), ou un ensemble de prières (wazifa) à être récitées, soit aux disciples, soit à d’autres personnes, durant les réunions (hadra).

§ 35. Il est défendu, sauf permission du shaykh, de réciter dans les rues, à haute voix, des formules en usage à la Shâdhiliyya.

§ 36. Il est défendu de se livrer à des pratiques extravagantes, comme la mendicité ou le port d’habits déchirés, ou autres choses de ce genre, sans la permission du shaykh.

§ 37. Défense à tout khalîfa (chef de communauté) et – à plus forte raison –à celui qui enseigne (yolaqqin) la doctrine de la tarîqa d’apprendre à son disciple des noms divins non-arabes, de lui ordonner une retraite dans la khawa (cellule isolée), de lui prescrire des prières comme la Jaljludiyya ou la Barhatiyya, de le faire réciter, au cours de la nuit, par exemple dix mille noms (divins), ou n’importe quoi de semblable. Il en serait responsable, ainsi que des conséquences qui en découleraient.

§ 38. Il est absolument défendu d’employer le tambourin, les cymbales, les instruments à cordes et ce qui leur ressemble, ainsi que le tambour, la darabokka, la flûte nay, pendant les réunions ou dans les processions.

§ 39. Il est défendu de faire passer sur les hommes des chevaux ou autres choses qui rappellent la dawsa.

§ 40. Il ne faut pas favoriser l’âme animale (nafs) : la grâce de Dieu demeure loin de ceux qui le font.

§ 41. Il ne faut pas tenir compte des griefs des hommes, ni de leurs louanges.

§ 42. Il est défendu de manger des insectes, des cactus (sobbâr) et du verre, de se blesser avec une épée ou une épingle et d’avaler du feu : tout cela est de la prestidigitation et les membres du tarîq s’en abstiennent.

§ 43. Il est permis de visiter les tombeaux des Saints, mais il faut éviter de visiter les shaykhs vivants, sauf si ce n’est pour les consulter au sujet d’un doute de son propre shaykh ou de son tarîq.

§ 96. Le chanteur (qawwâl) est l’échanson des soufis (faqîr).

§ 97. Pendant qu’il chante, le chanteur doit avoir un cœur pur et tourné vers Dieu, pour que son chant sorte de son cœur et que brille sur lui la lumière de la complaisance. »

Seyyid Salâma Hasan Râdi

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  1. Dans ce cas, nous avons fait figurer en note la traduction d’origine en note []
  2. Le rejet de l’hypocrisie est un principe de notre tarîq. []
  3. Simplicité de coeur et confiance en Dieu et ses adorateurs. []
  4. Aider les pauvres et se montrer bienveillant à leur égard, tant matériellement que spirituellement, et cela le plus qu’on peut. []
  5. Ne jamais obéir à une créature en cas de révolte contre le Créateur. []
  6. L’humilité et la dignité doivent être l’ornement spirituel du faqîr : qu’il évite le rire fréquent et la plaisanterie, afin, d’attirer les cœurs et gagner les gens, ou qu’au moins il soit honoré par eux. []
  7. Que celui de notre tarîq qui parle des « vérités » haqâiq se conforme au « Livre » et à la Sonna. []
  8. Il n’est permis à personne de notre tarîq l’ « inhabitation » holûl, ni l’ « union hypostatique » ittihâd, panthéisme, ni la définition locale de Dieu jiha, ni que Dieu Haqq est le même que la créature, ni la parole maqâla d’al-Hallâj. []
  9. Il n’est permis à personne de notre tarîq d’être un « libre penseur » ahl al-ibâha qui prétende abolir les obligations et déclare permis les actes défendus, car cela est de l’incroyance zandaqa et beaucoup de gens y sont tombés après avoir visé la plus haute sainteté wilâya. []

par le 14 novembre 2010, mis à jour le 28 juillet 2015

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