Sur l’obtention de la science – Cheikh Mâdî Abû-l-‘Azâ’im

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Sur l’obtention de la science

Celui qui pense (dhanna) que la science ne peut être obtenue (yunâl) qu’au sein des écoles traditionnelles (madârisah) et par l’obtention (tahçîl) [de diplômes] , son opinion (dhannu-hu) est faite d’ignorance car il suppose l’impuissance d’Allah à enseigner à qui Il veut, comme Il veut.

L’imam Abû-l-‘Azâ’im1

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Commentaire :

La Science d’Allah est proprement infinie comme sont indéfinies les modalités par lesquelles Il la communique à Ses serviteurs.

Traditionnellement, on différencie deux types principaux de sciences, selon leur mode d’obtention : la science acquise par apprentissage méthodique (al-’ilm al-kasbî) et celle octroyée par pur don divin (al-’ilm al-wahbî). Cette dernière, en référence au passage coranique relatif à Seyyidnâ Al-Khidr – ‘alayhi es-Salâm, est également connue comme la science « émanant de Lui » (laduniyyah).

La première de ces sciences relève des méthodes traditionnelles de transmission établies selon les normes prophétiques et adaptées par les autorités compétentes à travers le temps. Toutes les sciences islamiques, y compris le taçawwuf, sont tributaires de ses méthodes, avec leurs chaînes de transmission ininterrompues remontant de proche en proche jusqu’au Prophète ﷺ et, in fine, à Allah lui-même 2 . Dans le cas du taçawwuf, comme nous le verrons ensuite, ceci ne concerne cependant que son aspect le plus extérieur.

Mais cet enseignement ne peut être limité à celui diffusé dans les institutions scolaires traditionnelles (madârissah, sing. madrassah) car elle ne constituent elles-même que la forme la plus organisée de la transmission du savoir en islam. Celle-ci peut en effet également, comme cela a été de tout temps, avoir lieu d’homme à homme, de maître à élève, par voie d’autorisation orale ou écrite, perpétuant ainsi les chaînes de transmissions évoquées précédemment, hors de tout système scolaire proprement dit.

Quant à la science « octroyée par pur don divin » (al-’ilm al-wahbî), elle se rapporte plus spécialement à la dimension intérieure du taçawwuf. Elle n’est limitée par aucun mode ou méthode particuliers de transmission. Son contenu lui même est indéfini et peut se rapporter tant aux sciences exotériques qu’à celles ésotériques. Cette science de source toute intérieure peut ensuite faire l’objet de certaines transmissions formelles et méthodique, quant elle ne relève pas uniquement de la science indicible qui ne peut être assentie que par la gustation spirituelle (dhawq) et la contemplation (muchâhadah).

Sous ce rapport, on peut considérer que la science acquise (kasbî) ainsi que les méthodes opératives véhiculées par le taçawwuf ont pour objectif de préparer le disciple à la réception de la science « donnée » (wahbî). L’importance méthodique de la science acquise (kasbî) varie d’ailleurs selon les maîtres, qui insistent cependant de manière récurrente sur le fait que celle-ci ne doit pas constituer un obstacle à la progression spirituelle.

Par définition le mutaçawwif est donc appelé à dépasser cette « mentalité scolaire » décrite par René Guénon dans ses Aperçus sur l’initiation, même si la méthode scolaire elle-même, avec son système d’examens et de diplômes, peut malgré tout revêtir certains intérêts d’un point de vue traditionnel et parfois même initiatique :

Ces examens, comme on peut d’ailleurs le constater par leur pratique constante dans les civilisations les plus différentes, sont à leur place et ont leur raison d’être dans l’enseignement extérieur, même traditionnel, où par définition en quelque sorte, on ne dispose d’aucun critère d’un autre ordre ; mais, quand il s’agit au contraire d’un domaine purement intérieur comme celui de l’initiation, ils deviennent complètement vains et inefficaces, et ils ne pourraient normalement jouer tout au plus qu’un rôle exclusivement symbolique, à peu près comme le secret concernant certaines formes rituelles n’est qu’un symbole du véritable secret initiatique ; ils sont d’ailleurs parfaitement inutiles dans une organisation initiatique tant que celle-ci est véritablement tout ce qu’elle doit être. Seulement, en fait, il faut tenir compte de certains cas de dégénérescence, ou personne n’étant plus capable d’appliquer les critères réels (surtout en raison de l’oubli complet des sciences traditionnelles qui seules peuvent les fournir, ainsi que nous l’avons dit à propos des qualifications initiatiques), on y supplée autant qu’on le peut en instituant, pour le passage d’un degré à un autre, des examens plus ou moins similaires dans leur forme, sinon dans leur programme, aux examens universitaires, et qui, comme ceux-ci ne peuvent en somme porter que sur des choses « apprises », de même que, en l’absence d’une autorité intérieure effective, on institue des formes administratives comparables à celles des gouvernements profanes. Ces deux choses, n’étant au fond que deux effets d’une même cause, apparaissent d’ailleurs comme assez étroitement liées entre elles 3 .

W’Allahu a’lam

M.L.B.

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Sur le même sujet :

Note additionnelle sur la « préparation doctrinale »

Une définition de la « science (ilm) du taçawwuf » d’après les commentaires d’Ibn Ajîbah – M.L.B.

« Celui qui met en oeuvre ce qu’il sait … » – Hadîth

Académie de l’Imâm er-Râid pour l’enseignement du Taçawwuf et les sciences traditionnelles

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ARTICLES THÉMATIQUES correspondants

GENERALITES SUR LE TASAWWUF

GENERALITES SUR LA RÉALISATION SPIRITUELLE (TAHQÎQ, SULÛK) 

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1. Source. [↩]
2. On notera que certaines chaînes sont directes, comme dans le Hadîth qudsî, ou indirectes via Seyyidnâ Jibrîl principalement, par exemple pour la transmission du Coran . [↩]
3. René Guénon  – Aperçus sur l’Initiation, chap. XXXIV – « Mentalité scolaire et pseudo-initiation ». [↩]

par Maurice Le Baot le 2 octobre 2015, mis à jour le 27 octobre 2015

Mots clés : Mohammed Mâdî Abû-l-‘Azâ’im al-Châdhilî, Science-'Ilm